samedi 10 septembre 2016

transsubstantiation


wikipédia – à jour au 11 août 2016



Le « Ceci est mon corps » pendant la Cène, par Andreas Meinrad (1751)
La transsubstantiation est, littéralement, la conversion d'une substance en une autre. Le terme désigne, pour certains chrétiens (en particulier les catholiques), la conversion du pain et du vin en Corps et Sang du Christ lors de l'Eucharistie.
Le terme qui apparaît pour la première fois chez Hildebert de Tours (dit aussi de Lavardin) vers 1079 est défini comme concept du dogme par le quatrième concile du Latran (1215) et confirmé par celui de Trente (1545–1563).1
Sur le plan religieux, les chrétiens catholiques romains, arméniens (catholiques) et maronites emploient le terme de « transsubstantiation » pour expliquer que, dans l'Eucharistie, le pain et le vin, par la consécration de la Messe, sont « réellement, vraiment et substantiellement » transformés ou convertis en Corps et Sang du Christ, tout en conservant leurs caractéristiques physiques ou espèces (texture, goût, odeur : les apparences) initiales.

Sommaire

Théologie de la transsubstantiation

La substance est ce qui existe par soi-même (ipsum esse subsistens). Ainsi, la forme d'un chapeau n'est pas le chapeau lui-même, pas plus que sa couleur, sa taille, sa texture ni aucune autre propriété sensible. C'est le chapeau lui-même (sa « substance ») qui possède une forme, une couleur, une taille, une texture tout en étant distinct de ces propriétés. Contrairement à ces apparences ou accidents, la substance ne peut être perçue par les sens. La substance est une des dix catégories de l'être définies par Aristote (une substance et neuf accidents).
Lorsque Jésus dit pendant la Cène : « Ceci est mon corps », ce qu'il tient dans ses mains a l'apparence d'un pain mais, selon la doctrine romaine catholique, la substance de ce pain a été convertie en chair du Christ. C'est donc vraiment son corps, même si les apparences accessibles aux sens ou aux études scientifiques demeurent celles du pain. La même conversion survient lors de chaque célébration de l'Eucharistie.
« Par la consécration du pain et du vin s'opère le changement de toute la substance du pain en la substance du corps du Christ notre Seigneur et de toute la substance du vin en la substance de son sang ; ce changement, l'Église catholique l'a justement et exactement appelé transsubstantiation2. »
On parle de « présence réelle ». Dans ce cadre, la présence eucharistique du Christ commence au moment de la consécration et dure aussi longtemps que les saintes espèces (pain et vin) subsistent. D'où le culte du Saint-Sacrement, qui connaîtra un grand développement à l'époque baroque. On considère que le Christ est réellement présent dans le Saint-Sacrement.
Dans les écrits d'Hippolyte de Rome, il est demandé de faire preuve d'une vénération particulière pour le Sacrement. La croyance en la transsubtantiation était partagée par plusieurs apôtres des premiers siècles de la chrétienté. La consécration de moniales à Jésus-Eucharistie à l'époque de Cyprien de Carthage atteste l'antiquité de cette doctrine. Augustin dit : « Que personne ne mange cette chair sans d'abord l'adorer ; ... nous pécherions si nous ne l'adorions pas. »
La doctrine de la transsubstantiation a été « fixée par le théo­logien Thomas d’Aquin à partir de la métaphysique aristotélicienne : la matière est composée de qualités premières (la substance elle-même) et de qualités secondes (les sensations). La transsubstantiation, consistant en la modification des qualités premières seules (puisque le goût du pain et du vin – qualités secondes – ne sont eux pas modifiés), trouve selon cette théorie une explication rationnelle. Ce qui, dans ce contexte de la définition proprement dite est appelé substance et espèce doit donc en dé­finitive être compris d’après les catégories médiévales (aristotéliciennes) de substance et accident. La substance est ce qui existe par soi (ipsum esse subsistens) et l’accident est ce qui change, ce qui n’existe qu’en un autre. Ce ne sont donc pas les caractéristiques physiques (accidents, ap­parences) du pain et du vin qui changent. Contrairement à ces apparences ou accidents, la substance ne peut être perçue par les sens. La substance est une des dix catégories de l’être définies par Aristote. Cette doctrine de la transsubstantiation rend ainsi compte de la présence réelle du Christ dans les espèces eucharistiques après la consécration. Le luthéranisme rejettera cette doctrine au profit de celle de la consubstantiation. Voir eucharistie, consubstantiation, consécration, présence réelle »3.

Historique

Selon G. K. Chesterton4, le mot qui apparaît dès la fin du XIe siècle chez Hildebert de Tours vers 1079, est défini comme terme du dogme par le quatrième concile du Latran (1215) et confirmé par celui de Trente (1545-1563), mais l'idée est selon lui « visiblement présente dès les premiers temps de l'Église ». Quant à la doctrine de la transsubstantiation, elle est fixée par le théologien dominicain Thomas d'Aquin à partir de l'aristotélisme : la matière est composée de qualités premières (la substance elle-même) et de qualités secondes (les sensations). La transsubstantiation, consistant en la modification des qualités premières seules (puisque le goût du pain et du vin - qualités secondes - ne sont eux pas modifiés), trouve selon cette théorie une explication rationnelle5.
Le concept s'oppose à la simple consubstantiation défendue par certains théologiens comme Guillaume d’Occam ou Duns Scot et qui sera reprise par les protestants luthériens. Ainsi, le canon 1 de la 13e session du concile déclare :
« Si quelqu'un nie que le Corps et le Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ, avec son Âme, et la Divinité, et par conséquent Jésus-Christ tout entier, sont contenus véritablement, réellement, et substantiellement au Sacrement de la Très-Sainte Eucharistie ; mais dit qu'ils y sont seulement comme dans un signe, ou bien en figure, ou en vertu : qu'il soit anathème. »
L’Église catholique privilégie la transsubstantiation à la consubstantiation en s'appuyant sur les écrits des Évangiles (« ceci est mon corps, [...] ceci est mon sang »6) qui parlent à ce propos de transformation et non de présence simultanée.
Au XVIIe siècle, le dogme de la transsubstantiation, s'appuyant sur le schéma aristotélicien de la substance et des accidents, apparut incompatible avec l'atomisme, tel que le proposa Galilée dans L'Essayeur en 1623, à tel point que beaucoup d'historiens des sciences pensent que c'était la véritable raison de l'opposition des jésuites à Galilée7, comme le suggère l'historien Pietro Redondi8.

La transsubstantiation pour les autres Églises

Églises orientales

L'Église orthodoxe et les Églises des trois conciles, ainsi que l'Église apostolique assyrienne de l'Orient, admettent que le pain et le vin deviennent réellement le corps et le sang du Christ. Cependant elles ne vont généralement pas aussi loin dans la spéculation philosophique relative à la théorie de la transsubstantiation et parlent plutôt de « mystère ». Craignant de dévier de la vérité en voulant deviner trop de détails, elles préfèrent parler de « changement » (en grec μεταβολή) du pain et du vin. Les théologiens orthodoxes utilisent habituellement le terme de metousiosis qui désigne un changement mystique d'essence, non seulement du pain et du vin, mais aussi chez ceux qui partagent l'Eucharistie.

Luthéranisme

Les luthériens croient que, lors de la célébration eucharistique, le corps et le sang de Jésus Christ sont objectivement présents « dans, sous et avec la forme » du pain et du vin : in pane, sub pane, cum pane (Formule de Concorde de 1577). Luther a explicitement rejeté la transsubstantiation en affirmant que le pain et le vin restaient pleinement pain et vin tout en étant pleinement chair et sang de Jésus Christ. Il a insisté sur la présence réelle (et non symbolique ou figurative) du Christ dans l'eucharistie. Sa doctrine doit toutefois être distinguée de la consubstantiation au sens strict : le corps et le sang du Christ, selon Luther et ses successeurs, ne sont pas contenus de manière locale dans le pain et le vin. Les substances ne sont pas unies de manière permanente, mais seulement dans le cadre du sacrement, d'où le terme d'« union sacramentelle ».

Anglicanisme

Pendant le règne de Henry VIII, l'enseignement officiel de l'Église anglicane était le même que celui de l'Église catholique romaine. Avec son fils Édouard VI, l'Église anglicane se rapprocha de la théologie protestante et s'opposa à la transsubstantiation. Élisabeth I approuva les Trente-Neuf Articles de la Religion qui marquaient la différence entre les doctrines anglicane et romaine : « La transsubstantiation (ou le changement de la substance du pain et du vin) lors du dernier repas du Christ, ne peut être prouvée par les Saintes Écritures ; mais elle est incompatible avec les termes même de l'Évangile, elle réduit à néant la nature du Sacrement et a donné lieu à de nombreuses superstitions. »
Les Anglicans ne se sentent en général pas liés par des doctrines qui, selon les Articles, « ne peuvent pas être trouvés dans les Saintes Écritures ou prouvées par elles ». Par conséquent, certains Anglicans (en particulier des Anglo-Catholiques) acceptent la transsubstantiation tandis que d'autres la rejettent. L'archevêque John Tillotson a dénoncé son caractère « barbare », considérant impie de croire que les fidèles qui participent à la communion « mangent et boivent vraiment la chair et le sang naturels du Christ ». Certains auteurs anglicans récents acceptent toutefois la doctrine de la transsubstantiation ou, évitant le terme lui-même, parlent d'une « présence objective » du Christ dans l'Eucharistie. D'autres soutiennent des idées proches de la consubstantiation, position tenue par les Églises protestantes luthériennes.
Thomas Cranmer assimile la transsubstantiation au cannibalisme, à une dévoration rituelle9.
On trouvera dans un rituel anglican10 les instructions suivantes :
« Et pour ôter toute occasion de débat et de superstition que l'on pourrait avoir touchant le Pain et le Vin, il suffira que le Pain soit comme celui qu'on mange ordinairement, pourvu qu'il soit du meilleur Pain de Froment qui puisse commodément se trouver.
S'il reste du Pain et du Vin qui n'ait point été consacré, le Ministre en disposera comme du sien : s'il en reste de ce qui a été consacré, on ne l'emportera point hors de l'église, mais le Prêtre et ceux des Communiants qu'il appellera alors, le mangeront et le boiront avec respect et gravité, immédiatement après la Bénédiction. »

Autres protestants

De nombreuses Églises protestantes estiment que la communion commémore de manière symbolique le dernier repas du Christ avec ses disciples (Ulrich Zwingli) ou que sa célébration prend son importance dans la signification qu'elle prend aux yeux de croyant (« transsignification »). Certains Protestants considèrent que toute doctrine de la présence réelle relève de l'idolâtrie car elle reviendrait à vénérer du pain et du vin comme si c'était Dieu. Les églises issues de la Réforme Calviniste ainsi que les évangéliques invoquent généralement une lecture historico-grammaticale du texte biblique mais également l'histoire de l'Église pour rejeter la transsubstantiation.
D'autres, comme des Églises presbytériennes, croient à la présence réelle mais l'expliquent sans avoir recours à la transsubstantiation. Le presbytérianisme classique retenait la doctrine calviniste de la présence « pneumatique » : le pain et le vin nourrissent le corps du communiant tandis que le corps du Christ nourrit spirituellement son âme. Toutefois, lorsque l'Église presbytérienne des États-Unis, a signé un accord avec l'Église Évangélique Luthérienne d'Amérique, toutes deux ont affirmé leur croyance en la présence réelle.

Mormonisme

Les saints des derniers jours célèbrent la Cène en prenant le pain et l'eau en souvenir du sacrifice expiatoire du Christ. Le pain rompu représente sa chair brisée ; l'eau représente le sang qu'il a versé pour expier les péchés de l'humanité (1 Co 11:23–25 ; D&A 27:2). Le vin a été remplacé par l'eau, mais la signification reste la même (D&A 27:2). La traduction de Joseph Smith de Matthieu 26:26,28 donne ceci : « ...Ceci est en souvenir de mon corps... Ceci est en souvenir de mon sang » (italiques ajoutés).

Ceprecisme

Articles connexes

Notes et références

  1. Ngalula Tumba, Petit Dictionnaire de Liturgie et de Théologie Sacramentaire, Francfort-Sur-Le Main, Peter Lang, 2016, 173 p. (ISBN 3631669151), p. 153
  2. Concile de Trente, cité dans l'encyclique Ecclesia de Eucharistia, 2003, chap.1 §15
  3. Ngalula Tumba, Petit Dictionnaire de Liturgie et de Théologie Sacramentaire, Frankfort-Sur-Le Main, Peter Lang, 2016, 173 p. (ISBN 3631669151), p. 153
  4. Twelve types, page 88
  5. Yves Gingras, L'atomisme contre la transsubstantiation [archive][PDF], La Recherche no 446, novembre 2010
  6. Ecclesia de Eucharistia, § 2, 5, 12, 56 [archive]
  7. Georges Minois, L'Église et la science, Histoire d'un malentendu, tome 2, p. 29
  8. Pietro Redondi, Galilée hérétique
  9. Marie Couton, Isabelle Fernandes, Christian Jérémie, Monique Vénuat, Pouvoirs de l'image aux 15e, 16e et 17e siècles, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2009, p. 32
  10. La liturgie, ou formulaire des prières publiques, selon l'usage de l'Église unie d'Angleterre et d'Irlande [archive], publiée à Guernesey par l’Imprimerie de T. de la Rue, au bas du Pollet, 1814
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