mercredi 30 juillet 2008

il s'éloigna de là - textes du jour

Jeudi 31 Juillet 2008


Prier… Jésus acheva ainsi de proposer des paraboles, puis il s’éloigna de là. La parabole du tri et du jugement dernier. Je ne peux m’empêcher de revenir aux dépêches d’hier soir sur l’évaluation du respect, chez nous, des droits de l’homme. Ce n’est plus un procès d’intention, ce n’est plus le mandement de l’évêque de Saint-Denis ou les mises en garde sur les tests ADN, c’est un constat. Depuis soixante ans, on tue chaque jour moralement les tenants du régime de Vichy, mais aujourd’hui on sait et on voit, on tolère pourtant au Parlement, sur la scène et au parterre, nous tous. Notre religion est celle d’un Dieu incarné et dans les conjonctures les plus aigües, l’occupation romaine naguère, les camps de concentration ou l’étreinte athée des régimes communistes, les usines qu’on délocalise du jour au lendemain. Doctrine sociale de l’Eglise, France, mère des arts, des armes et des lois, patrie des droits de l’homme. Nous, aussi nous parlons en paraboles, pour nous masquer ce que nous devenons. Avez-vous compris tout cela ? Oui, lui, répondirent-ils… Mais ils font ce qui est mal à mes yeux, et ils n’écoutent pas ma voix. Ma détresse, celle des miens, nos impuissances pour nous sauver nous-mêmes, et mon pays qui tourne mal malgré quelques cris, dont le mien. Et pourtant… heureux qui s’appuie sur le Dieu de Jacob, qui met son espoir dans le Seigneur, son Dieu, lui qui a fait le ciel et la terre, et la mer et tout ce qu’ils renferment. [1]

[1] - Jérémie XVIII 1 à 10 ; psaume CXLVI ; évangile selon saint Matthieu XIII 47 à 53

France, prends garde à ton âme - bis ?

PARIS (AFP) - 28/07/08 17:47
Immigration et prisons: le Comité des droits de l'Homme de l'Onu tance la France

Le Comité des droits de l'Homme de l'Onu a tancé la France pour une série de pratiques de privation de liberté et de traitement des étrangers en France, critiquant notamment la "rétention de sûreté" et la surpopulation carcérale, dans des "observations" obtenues lundi par l'AFP.
Dans ce texte daté du 22 juillet et adressé à l'Etat français à propos de l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le comité onusien basé à Genève considère également que la France "devrait réexaminer" la loi du 21 février 2008 sur la "rétention de sûreté" des détenus ayant déjà purgé leur peine au nom de leur "dangerosité".
Le comité est également "préoccupé par la surpopulation et les conditions par ailleurs mauvaises qui règnent dans les prisons". Il juge le plan visant à augmenter la capacité d'accueil des prisons pour atteindre 63.500 places d'ici 2012 "nettement insuffisant" et dénonce les "comportements non déontologiques de certains agents pénitentiaires, notamment le recours inapproprié à l'isolement cellulaire et les violences à l'intérieur de la prison".
Il note que la France "devrait limiter la durée de rétention avant jugement et renforcer le rôle des +juges des libertés et de la détention+", en soulignant que dans les affaires de terrorisme et de criminalité organisée, la détention provisoire peut atteindre quatre ans et huit mois.
Sur la manière dont les étrangers sont traités par l'Etat français, l'organisme "note avec préoccupation" que "de très nombreux" sans papiers et demandeurs d'asile "sont retenus dans des locaux inappropriés - zones d'attente dans les aéroports et centres et locaux de rétention administrative", dénonçant plus particulièrement la situation de l'Outre-Mer et celle des mineurs non accompagnés.
Il regrette également que l'Etat français n'ait "pas ouvert d'enquête" sur des allégations de mauvais traitements d'étrangers et de demandeurs d'asile dans des prisons et des centres de rétention, "ni sanctionné comme il convient leurs auteurs".
Le comité des droits de l'Homme s'inquiète aussi du fait que des étrangers aient été renvoyés par la France "dans des pays où leur intégrité était en danger", relevant par ailleurs que les étrangers ne sont "pas correctement informés de leurs droits", notamment de celui de demander l'asile ou d'être assisté par un conseil.
Il condamne la procédure dite "prioritaire", permettant que l'expulsion physique d'un étranger ait lieu "sans attendre la décision d'un tribunal si la personne est renvoyée vers un +pays d'origine sûr+" et épingle la France pour la durée des procédures de regroupement familial pour les réfugiés statutaires.
Le Comité regrette que le rapport de la France ait été soumis "avec un retard de six ans" et fixe le cinquième rapport périodique que devra fournir ce pays à juillet 2012.
"Face à ces critiques formulées par un collège d'experts internationaux, les autorités françaises se doivent de réagir", a souligné dans un communiqué l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (Acat-France).
PARIS (AFP) - 30/07/08 19:43
Le rapport de l'ONU sur les droits de l'homme "cinglant pour la France"


La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) et la Ligue des droits de l'homme (LDH) ont jugé "cinglant pour la France", mercredi, le rapport du Comité des droits de l'homme de l'ONU qui critique Paris sur le traitement des étrangers et les prisons.
"Le Comité des droits de l'homme de l'ONU chargé de contrôler l'application du pacte international relatif aux droits civils et politiques vient de rendre un avis cinglant concernant le respect par la France de ses obligations", affirment la FIDH et la LDH dans un communiqué conjoint.
La FIDH et la LDH demandent au gouvernement français "de respecter la prochaine échéance qui lui a été fixée (2012) et, dans l'intervalle, (qu'il) ne se contente pas, comme à l'habitude, d'ignorer les recommandations des instances internationales".
Les organisations soulignent que les 26 recommandations du comité des droits de l'homme "concernent le sort des étrangers et des demandeurs d'asile, le recours à l'ADN pour les étrangers, la situation carcérale, les violences illégitimes commises par les forces de l'ordre".
Ces mises en garde portent également sur "la législation antiterroriste et certaines règles de procédure pénale, l'égalité homme-femme, la lutte contre les discriminations, le racisme et l'antisémitisme, la prolifération des fichiers (notamment le STIC et Edvige) et la récente loi sur la rétention de sûreté", précisent-elles.
Le ministère des Affaires étrangères a assuré mardi examiner "avec la plus grande attention" ce rapport du Comité, basé à Genève, qui, selon lui "relève les efforts accomplis par la France" pour la mise en oeuvre du Pacte international relatifs aux droits civiques et politiques, mais "pose aussi des questions auxquelles il faut que nous répondions".
Interrogé sur les suites que Paris entend donner à ce texte, et les délais que cela pourrait prendre, le porte-parole a indiqué qu'il serait étudié "au niveau interministériel", un travail qui "va demander du temps".



le Dieu de mon amour vient à moi - textes du jour

Mercredi 30 Juillet 2008

Prier… dans l’écoute et le dénuement, et je n’y suis pas seul. Jésus, nos morts, mes proches, les miens… nous y sommes tous… ils te combattront, mais ils ne pourront pas te vaincre, car je suis avec toi pour te sauver et te délivrer. Je t’arracherai à la main des méchants, je te délivrerai de la poigne des violents. Ceux qui moquent et harcèlent plus faible ou vulnérable qu’eux, ceux qui s’y prennent mal avec leurs « inférieurs », des dialogues de ces jours-ci présents à mon esprit, mais aussi quel combat et pour qui ? si c’est pour soi, pourquoi Dieu s’en mêlerait-Il ? il me semble pourtant qu’Il ne fait pas notre détail du profane et du spirituel et que le tout de nous L’intéresse quand nous sommes simplement et selon le possible de nos forces d’âme, tournés vers lui : si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est méprisable, tu seras comme ma propre bouche. Dialogue avec Dieu d’un malheureux dont la situation de dépressif semble toute psychologique : Pourquoi m’avoir enfanté, moi qui suis un élément de contestation et de dispute pour tout le pays ? Je ne suis le créancier ni le débiteur de personne, et pourtant tout le monde me maudit. Rappel des paraboles du trésor et de la perle fine. Le choix dans nos vies est celui de préférer ou pas. Pour certains, c’est la constatation qu’hors Dieu, tout est néant. Pour d’autres, le chemin est moins déductif, Dieu, plénitude d’attrait. Ceux-ci et ceux-là ont leur voix et leur visage, nous en avons parlé, raison qui résume une personne. Pour moi, parmi d’autres encore, le désir dont je ne sais l’origine d’aimer Dieu, absolument, d’aimer, et de ne savoir m’y prendre, de ne savoir être pris. On est alors évidemment très loin de l’agnosticisme ou de l’athéisme. Personne inexistante ou construite pour tant, personne ou idée ou réalité sans influence sur quoi que ce soit. On rencontre, j’ai rencontré de tout. Il semble que le point commun reste que la question se pose dans toute vie et à tous. Certains l’appellent la question du sens de la vie. Pas moi, car Dieu m’habitant ne me protège pas, ne m’a jamais protégé du ressac du désespoir ou de la dépression, mais de ces états de quelques jours ou semaines, il y a une dizaine d’années maintenant, ou de l’instant comme souvent – quand l’aile noire de je ne sais quoi, ou je ne sais qui... fait passer sur moi, en moi, son ombre – ou d’une nuit comme j’en garde encore le souvenir à mes vingt-cinq ans. Mais le fait est que j’en suis toujours sorti, et pas par moi-même, car Dieu, même dans le trou ne me quitte pas. Alors, dans la mort, sûrement pas non plus Tu as été pour moi un rempart, un refuge au temps de ma détresse. Dieu s’éprouve, Dieu parle, Dieu vient, toute l’Ecriture le dit. Elle n’est pas un manuel de philosophie ou de prière unilatérale. Le Dieu de mon amour vient à moi. [1] Plus intensément, plus silencieusement, remercier pour prier. le plus grand dpossible pour un homme, recevoir de prier. Au-delà de toute demande ou action de grâces, n’être que là devant Dieu, en désir d’être là devant Dieu et cela s’accomplit, est donné.

[1] - Jérémie XV 10 à 21 passim ; psaume LIX ; évangile selon saint Matthieu XIII 44 à 46

lundi 28 juillet 2008

croyante - textes du jour

Mardi 29 Juillet 2008

Prier… la fête des actifs, sainte Marthe… mais si Marie a choisi la meilleure place… sa sœur n’en est pas moins aimante que femme d’initiative… elle partit à sa rencontre, tandis que Marie restait à la maison. Marthe dit à Jésus. Or, les évangiles ne nous donne pas une parole de Marie, sœur de Lazare. Marthe, surtout, fait profession de foi et c’est cette profession de foi qui va opérer le miracle : ‘tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ?’ Elle répondit : ‘Oui, Seigneur, tu es le Messie, je le crois ; tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. La suite coule de source, les contemplatifs… mon jeune frère qui rame et traverse le lac en tempête jusqu’à être rejoint par le Christ marchant sur les flots : Saints du Seigneur, adorez-le… aux jours d’espérance, soyez dans la joie ; aux jours d’épreuve, tenez bon ; priez avec persévérance. Et puisqu’il s’agit de vie monastique (mais pour la Cité de Dieu, il en va de même… expérience de ma fratrie, pratiquement si fermée…). Soyez unis les uns aux autres par l’affection fraternelle, rivalisez de respect les uns pour les autres. Prier dans les larmes de l’espérance et du dénuement. Car à qui ignore le respect mutuel, comment, quand on l’attend tellement, le lui apprendre ou lui en donner le soupçon, il a tous les prétextes pour s’en croire dispensé… et des sœurs et frères qui ne font pas attention et ne prodiguent rien, comment les atteindre par notre demande d’amour ? aucune prise, aucun point à viser quand l’autre, bardé de bonne conscience, passe son chemin, ou pourrait réciter la litanie des fautes que nous sommes censés avoir commises envers eux pour qu’ils nous dédaignent aujourd’hui comme hier et demain, à bon droit. Des riches ont tout perdu, ils ont faim. Peut-être ai-je été riche naguère, et mes péchés par omission sont peut-être innombrables ? Il n’est qu’un pardon .[1] Marthe, deux saints personnages me reviennent à l’esprit : notre chère Miss Cha. qui accoucha tant d’agrégées et d’enseignantes chrétiennes, elle-même une des premières agrégées de France en 1911, fiancé mort à la Grande Guerre, cinquante ans au lycée Racine, convaincue que l’enseignement d’Etat peut aussi, sinon surtout, donner des chrétiens et qu’à l’Education nationale stricto sensu, il y a des chrétiens. Les divers procès de ces deux décennies : feignantise des enseignants, diabolisation du laïc, l’auraient fait bondir. Et Marthe Malabre, une des secrétaires personnelles de Georges Pompidou, à Matignon et à l’Elysée, attachée ensuite à Michel Jobert, célibataire elle aussi, des remarques d’une voix douce et convaincante, sur les gens et sur ceux qu’elle avait servie. Comme dit l’Islam et le répétait Moktar Ould Daddah, dans l’écriture de ses Mémoires, pour tous les morts, dont beaucoup lui avaient affreusement nui : que Dieu l’enveloppe de sa miséricorde et de sa tendresse infinies.


[1] - Paul aux Romains XII 9 à 13 ; psaume XXXIV ; évangile selon saint Jean XI 19 à 27



dimanche 27 juillet 2008

du neuf et de l'ancien - textes du jour

Dimanche 27 Juillet 2008



Prier… dans l’ambiance que Dieu me donne. Ces ambiances qui nous déterminent tant, pluie qui transperce, ciel qui nous emporte dans sa propre lumière. Nous ne pouvons pas nous en abstraire, nous en sortir quand nous en faisons partie. Sécrétion de nous-mêmes exploités par les circonstance. La prière, quand l’Ecriture la soutient de son dépaysement et de l’acuité qu’elle nous donne en nou faisant poser notrre regard et nos attentions sur d’autres objets que ceux qui nous abîment, ou inconsidérément nous exaltent, est ce temps de souveraineté que veut pour nous notre Dieu. Alors, de cette souveraineté déléguée, de cette disposition de nous-mêmes, nous pouvons faire une offrande joyeuse de notre âme, de nore bonne volonté, de votre corps, de nos forces d’amour aveugles ou conscientes, une offrande à Lui seul, et partant au monde entier. Donne à ton serviteur un cœur attentif… la prière de Salomon peut s’appliquer surtout à nous qui n’avons à gouverner que si peu, mais décisivement : nous-mêmes, accompagnés de ceux que Dieu nous confie et à qui nous sommes confiés. Salomon ne demande pas un royaume ou un peuple plus conséquents. Ton peuple qui est si important. Un peuple qu’il gouverne par délégation ou procuration, qu’il ne tient ni de lui-même ni de ses concitoyens adhérant à sa royauté de naissance. Salomon ne demande pas non plus force ou énergie, il est conscient de lui-même et ne demande que le discernement : je suis un tout jeune homme, incapable de se diriger… donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu’il sache gouverner ton peuple et discerner le bien et le mal. J’ai voulu, pendant des décennies, être le conseiller du prince, et je vois – aujourd’hui – que je n’aurais eu qu’à placer sur son buvard ces quelques versets. Qu’il soit d’abord un homme de prière et de demande, tout le reste et l’art de gouverner lui viendrait. Que nous en somme loin, selon toute apprences. Je fais ce que tu as demandé : je te donne un cœur intelligent et sage, tel que personne n'en a eu avant toi et que personne n’en aura pas près toi. Aladin et son génie, celui de la lampe ? les films d’animation que notre fille suit quotidiennement et se répète ? Dieu apparaît spontanément et Salomon, non moins spontanément, reconnaît l’oeuvre de Dieu. La demande de l’immatériel, la demande en fait d’être capable de répondre à la mission reçue. Quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. L’Apôtre – en connaissance de cause, nous sommes dans le temps de la Rédemption désormais acquise – ne ratifie pas seulement l’Ancien Testament, il nous introduit à l’essentiel de notre destinée, en donnant un écho extraordinaire à la Genèse, notre création à l’image et à la ressemblance de Dieu : ceux qu’il connaissait par avance, il les a aussi destinés à être l’image de son Fils. Je suis ébloui par cette redondance de la Genèse à l’épître apostolique, et j’ai même le croissez et mutlipliez-vous, mais désormais spirituel, divin-même. … pour faire de ce Fils l’aîné d’une multitude de frères. Appel qui est aussi un don en même temps qu’un jugement, les paraboles de la perle fine et du trésor enfoui, du tri de la pêche. Les apôtres, comme un seul homme, affirment avoir compris, alors qu’il n’en est sûrement rien sur le moment… ainsi de nous, dans le premier abord d’une lecture, puis la maturation du silence et de la journée, et peut-être un retour à organiser (rien que la lecture publique, à la messe, tout à l’heure) donne un nouveau sens, plus profond et plus direct. Tirer du trésor du neuf et de l’ancien. Les deux Testaments[1]


[1] - 1er Rois III 5 à 12 ; psaume CXIX ; Paul aux Romains VIII 28 à 30 ; évangile selon saint Matthieu XIII 44 à 52

samedi 26 juillet 2008

le gouffre - textes du jour

Samedi 26 Juillet 2008


Eteint à minuit, moments délicieux à plusieurs reprises, plus que délicieux avec notre fille tandis que j’étais à boucler la retouche de mon texte-socle pour le blog. spirituel : elle aussi à la table en teck, ses entrainements pour me faire aller sur la terrasse, pour partager avec elle chaque moment, la nuit aussi et son silence, puis jusqu’à notre lit à propos d’ogre, et tant d’imaginations pour des invites à être ensemble. Ce fut intense. La grâce me donne de faire revenir cela maintenant, ce matin, alors que je me suis éveillé après une nuit de sommeil très conscient tant nous avons été interrompus et réveillés, et que m’a sauté à la gorge une sorte de non-sens affreux. Si je ne me donnais depuis des années – en dehors de toute la pression des circonstances à auto-gérer pour ne pas périr étranglé – des « choses » à faire, des buts et des ambitions, ainsi mes programmes d’écrire, énièmement, comme je les poste ce matin à ... après le lui avoir couriellé, si je ne me jouais cette comédie d’un futur sensé, qu’aurais-je : que le vide d’une chute qui aurait fini depuis longtemps à l’asile ou dans le suicide. J’ai compris notre Jean M., soudain le vide. Et puis, maintenant, à tenter d’écrire à François Fillon, revêtu des fonctions de Premier ministre comme il y avait la robe rouge des juges ou la tenue du bourreau : image et certitude de l’inexorabilité. Le malheur et l’épouvante du monde, c’est l’homme qui les y met… Prier… et Jésus se fait, pourtant, homme. Dieu fait homme, alors que c’est la pire condition du vivant., nous sommes nos agents de mort. La prière comme l’ultime structure face au néant et au bord du désespoir, fumée ténue d’un encens qui visiblement irait au ciel ? Car le Seigneur a fait choix de Sion, elle est le séjour qu’il désire. Dieu voulant habiter parmi nous, alors que nous sommes pour Lui et les uns vis-à-vis des autres ce que nous sommes, si persévéramment, si tenacement, agents d’horreur de tant d’hommes et de femmes pour leurs semblables. Et mes péchés explicites ou par omission. Beaucoup de prophètes et de justes ont désiré voir ce que vous voyez. Les textes du jour me prennent à rebours, avec la même obstination que la méchanceté et le néant dont je me sens environné ce matin… l’éloge de ces personnages glorieux que sont nos ancêtres … Leur postérité a persévéré dans les lois de l’Alliance. Ne parvenant pas à passer ce seuil, je crie, ma forme de silence, et nous remets tous en Dieu. Avec confiance.[1] Et je trouve l’exorde ou l’argument ultime de ma lettre à FF : il y a des gens dont le souvenir s’est perdu : il n’en est pas ainsi des hommes de miséricorde, leurs œuvres de justice n’ont pas été oubliées. Si j’ai été retenu de mourir et de tomber depuis ma mise en jachère – qui dans notre société signifie mise au tombeau puisque argent, grade et apparence sont tout – il n’y a pas eu que mon imagination pour me trouver des buts, il y a eu la grâce, la grâce de prier, la grâce d’imaginer, la grâce de notre mariage, la grâce que notre fille vienne en ce monde et y apporte une présence et une promesse tout autres. Il y a eu la grâce, puisse-t-elle aujourd’hui et demain nous abriter.

Ma femme, debout, a tout su et respiré de mon épouvante. Elle m’assure que notre fille ne manquera de rien, elle me présente DdeV et ces autres, nantis de prébendes. Je gagne sans doute son estime – et l’amour n’y est pas pour tout, tant elle est lucide – en me cassant le t… pour autrui. Qu’elle soit ma femme me signifie continûment la miséricorde divine, l’intelligence délicate et subtile de Dieu. Il n’est pas bon que l’homme soit seul. J’ajoute au memento des vivants, ce matin, ces religieux que je connais et aime, leur accompagnement ne peut être que direct, leur accompagnement par Dieu. Ayant choisi des e consacrer à Le chercher, ils ne peuvent – sans doute – survivre que par Lui. Ou alors, ils se donnent tant de choses que leur consécration n’est plus.

[1] - Ben Sirac le sage XLIV 1 à 15 ; psaume CXXXII ; évangile selon saint Matthieu XIII 11 à 17

jeudi 24 juillet 2008

nous tous - parcours simple (relecture)

dialogue : b.fdef@wanadoo.fr



Nous tous :

l’Eglise, l’humanité



http://bff-paroissevirtuelle.blogspot.com méditation quotidienne – figures, communion & pensées – notes & articles – vie d’Eglise
http://bff-voirentendre.blogspot.com évaluation politique quotidienne évaluation politique quotidienne - journal de 1968-1969 - écrits & lectures d'autrefois ou de maintenant - collaborations de presse
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+ soir du samedi 19 juillet 2008 & retouches et ajouts jusqu’au samedi 25

La première étape avait été la prière du soir en famille, mon aîné, nous n’étions que deux enfants, mon aîné de dix ans, mes parents, j’étais à genoux devant mon lit, le lit le long du mur, fenêtre sur cour, gros berceau en bois, près du lit pour des peluches, un ours confectionné sous l’Occupation par ma tante et marraine, les yeux avec des boutons de culotte. L’ours, bourré à la sciure de bois, fut un jour éventré, je tentai de tuer mon père en représaille. Prière récitée :
Petit Jésus, je vous donne mon cœur,
faites que je sois bien sage,
protégez tous ceux que j’aime,
au-revoir, Jésus !
Baiser sonore de la main, signes de croix appris et faits, au mur, image naîve de mon saint, l’évêque-guerrier de Comminges. Mêmes récitations et même âme, depuis… Devant la tombe de ma mère comme sur son lit d’agonie, il y a seize ans bientôt. Assis sur le lit de notre petite fille. Cette prière continue dans les mêmes mots.

Les messes à la paroisse, les gros billets à la quête, le latin, toutouoh ! çécoulorom ! le « suisse », la canne à pommeau, pour les frais du culte s’il vous plaît, seconde quête moins importante et de loin que la première. Nous occupons tout un rang, mes parents ne communient pas souvent. Nous sommes bien habillés, pas de domestique pour la table ni la cuisine, Maman la fait (croûtons au fromage, frites, somptueux rôti de bœuf, gâteaux - deux par enfant – choisi chez Coquelin (succession de magasin de fringues depuis une vingtaine d’années, place de Passy, dont il était l’ornement ; vérifier dans le premier tome des mémoires de Julien Green si la maison n’existait pas déjà en 1919).

Le célébrant, l’hostie au-dessus de la tête, l’autel très lointain, l’ensemble intense et peu discernable, la chapelle de Saint-Jean-de-Passy, rue Raynouard à Paris. J’en suis retirépar mes parents : première confession sans que j’y ai été préparé ni ne m’en sois rendu compte. C’est ainsi que j’entre en neuvième à « Franklin », chez les Jésuites (un père spirituel par division, un préfet par collège, soit trois ou quatre divisions, un jeune scolastique comme « père surveillant » à partir de la sixième. Je suis en neuvième, communion privée, je me confesse à Gilbert Lamande, petite taille cambrée à la Foch, un don de conteur, de dessinateur, de metteur en scène, un séducteur, un imitateur d’un trafic ferroviaire en grande gare ; il tient une classe sous le charme, il organise des « camps de formation » en forêt de Compiègne, à Vieux-Moulin. Il est exceptionnel en prêchant aux enfants, la beauté, la proximité de Dieu immédiat dans notre cœur d’enfant confiant et confident, il schématise les deux testaments de la Bible pour montrer que l’un est accompli par l’autre et que l’autre fait tout saisir du premier. Aucun émoi religieux, mais la sensibilité exacerbée par les récits d’actualité que nous restitue le religieux : le guide Payot, le capitaine du Flying enterprise, le Champollion drossé devant Beyrouth : l’héroisme n’est pas à la racine, le courage mais le sacrifice de soi. Récits aussi de guerre, de résistance – Gilbert Lamande, cheminot avant d’entrer dans la Compagnie, en a fait partie. Culte de la mère, donc la mienne, c’est aisé, et de la Vierge Marie, c’est évident et chaleureux. Enorme crucifixion, presque grandeur nature dans la chapelel. Le bâtiment principal – aujourd’hui disparu – est un hôtel particulier, l’atrium en rotonde, colonnades à chaque façade, les escaliers intérieurs peu commodes, un perron dont je suis tombé, poussé par un camarade, resté anonyme jusqu’à ce jour.

Au Moyen Collège, la magnifique « chapelle » 1930 – les dimensions d’une belle église paroissiale, originalité de trois niveaux et d’une montée magnifique d’escalier jusqu’à l’autel, la fresque de saint Louis de Gonzague, l’éclairage indirect par une croix suspendue du plafond aux longueur et largeur de l’édifice – les actions de grâce, le célébrant la fait longuement, en soutane, à genoux, la tête dans les mains, nous sommes quelques-uns à l’imiter, rivalisant de persévérance. L’évocation fréquente de Charles de Foucauld, elle me paraît un appel direct, il me semble rougir au point que toute la chapelle doit le voir. Débuts de la piété, « ma » piété, la messe « privée » de Jésuites d’autres divisions servie héroïquement et avec émotion (piété) en arrivant trois quarts d’heures plus tôt que la rentrée de tous : me expectaverunt, os justi, le tout en latin, les ornements d’époque dont rien n’est omis, la raideur du XIXème siècle, intimité de quelques minutes avec un religieux sévère et mystérieux, la plupart des Jésuites sont, pour les élèves de ce modèle. Présence réelle. Dix ans ainsi. Le scoutisme continue et confirme.

Quantité de visages, de rencontres, de personnalités, de dialogues, l’apparence de grands écarts d’âge avec nos éducateurs, mais ils n’avaient pas quarante ans, beaucoup sont morts à soixante, foi de ces Jésuites-instituteurs, talent qui ne s'imposait pas, était naturel, coulait de source précisément… éclat et attractivité de mes « camarades de classe » et déjà des groupes, des exclusions ou des affinités, qui – à cette époque : de nos vies, ou de la société contemporaine française ? – étaient déjà du racisme ou de l’amour. Dieu était un bain, une ambiance, où d’autres éléments comptaient pour ainsi écrire : autant, mais n’était pas encore une personne. J’appris deux choses : que la foi n’est pas acquise par nous, mais reçue de Dieu ; que Jésus est sauveur, et que Le ressentir, L’appeler ainsi, est signe d’une maturité spirituelle. La conscience de notre condition pécheresse… une grande cohérence : foi, succès dans les études, homogénéité et accessibilité sociales. Aucune question d’aucune sorte, pas de trouble, une portance.

Second personnage, il est multiple : les autres. La foi a pour « preuve » que d’un lieu à l’autre, d’une génération à l’autre, d’un temps à un autre, les réflexes et les expériences sont les mêmes, l’homme devant Dieu, ou l’homme pour dire, le prêtre, le prédicateur, le pape, notre conscience, tout fait redondance. Je doute moins que jamais, je resterai ma vie entière, à l’intérieur de la foi et de l’Eglise. La troupe scoute que j’anime deux ans multiplie ces rencontres d’autrui dans la foi. Dieu est le bien le plus commun des hommes. Du patronage à Bezons, quelques dialogues avec les curés de paroisses où nous campons. Mon ancêtre éponyme encore, des dialogues par lettres avec mon aîné accomplissant son service militaire au Sahara– malgré l’Algérie, mais il a maintenant huit sœurs et frères – je me pose « la question de la vocation » (religieuse ou sacerdotale). Pas de souci de perfection, pas d’évaluation d’un état de vie, mais un appel, une destinée. Ce devient progressivement le centre de mes questionnements intimes : unique entretien avec mes parents qui me dissuadent. Mon père : les parents sont des mendiants d’amour… Trois amis de cette enfance puis adolescence, vraiment intimes, deux entrent dans la Compagnie à quelques années de distance, le troisième chez les Franciscains. Tous trois ont quitté leur congrégation, deux sont morts. J’en accompagne un à deux moments, manquant l’essentiel, celui où il quitte – épuisé et écartelé – la Compagnie bien avant profession et sacerdoce, et celui où se remariant il est allé, à ce qui semble un suicide. Michel Thellier de Poncheville n’a plus cessé plus de m’accompagner. D’être avec moi.. Je ne réponds à la question de toute mon adolescence que maintenant – « mon » bonheur conjugal et la grâce qui le pérennise –, me le permettent. La soixantaine nous rend contemporain de nos idéaux et ambitions d’adolescence, mais elle les exauce, les réalise tout autrement que nos tentatives de vie et nos apparences de carrière. Ainsi ce blog. depuis Pâques environ, et la diffusion électronique de l’écriture de « ma » prière à mesure que chaque matin, je lis les textes de la liturgie du jour. Apostolat et témoignage, sans mandat certes, sans formation certes, mais en partage d’Eglise.

Ambassadeur de France au Kazakhstan – j’ouvre la relation diplomatique en 1992 – je convainc le ministre de la Justice, un des juristes soviétiques les plus éminents, disciple des fondateurs dans les années 30, que la représentation du Vatican en Asie centrale règlera la question du financement des paroisses locales, généralement tenues par des prêtres allemands ou tchèques à peine sortis de prison, l’évêque est lithuanien, 400.000 catholiques pour plus de 50 millions d’habitants, plus de mille kilomètres entre chaque église… et qu’elle placera un témoin irrécusable dans la capitale s’il devait y avoir un retour des anciens temps. L’établissement de cette relation me vaut d’être reçu par Jean Paul II, encore en grande forme, seul à seul, puis d’assister le lendemain, seul laïc, à sa messe privée. Puis nouveau moment seul à seul. France fille aînée de l’Eglise, je l’ai représentée.

Humanae vitae, propagandée et dialoguée avec ceux de mon âge, garçons et filles, comportement amoureux et sexualité de plus en plus consciente, chemin solitaire plus éclairé par les débuts multiples que par l’enseignement de l’Eglise. Je vis « sur accus. ». La Bible lue dans le désordre à mes quinze ans, le Cantique des cantiques comme initiation à la beauté féminine et à ce qui sera peut-être l’étreinte, mais dans ce genre Les fleurs du mal, aussi, et les Chansons de Bilittis. Des décennies alors de recherche d’une stabilité et d’une femme me la procurant, mélangée de relents d’ambition peu méthodique : entrer au conseil du prince. J’en rencontre beaucoup et ne retiens que ceux qui mourront avant moi. J’ai peine à reconstituer « ma » prière de ces si longues attentes, mais Dieu était quasiment à domicile, quand même et toujours. Pluralité amoureuse, recherche d’un état dans la sphère d’orientation et de décision de l’Etat.

Aucune des femmes qui se succèdent dans ma vie ou la partage ne sont – durant ces années – pieuses ni pratiquantes. Mon témoignage ne vaut pas, amants sans consécration, un avortement. Figures fugitives et non décisives de prêtres, à ces mêmes époques.

Et je m’aperçois d’un oubli essentiel – pourquoi cet oubli ? A mes vingt ans, en formation de chef scout, la marbrerie sur la Sarthe de l’abbaye bénédictine de Solesmes. Rencontre décisive, qui se continue aujourd’hui, avec des décennies en points de suspension et des retrouvailles fortes. Dom Jacques Meugniot, témoin et accompagnateur de mes vingt ans, de l’appel que j’entends à la sainteté, de deux fiançailles ratées et d’un mariage que je ne voulais pas mais ne sus refuser qu’en me réfugiant dans l’hôtellerie dont il avait la charge. La vie monastique est dès lors une structure de proximité, mais sans que je l’embrasse jamais. De cette rencontre, date cependant la lecture fréquente de l’office et à l’église, chant grégorien, corps plié en conclusion de chaque psaume, expérience irréversible et nourrissante en toute époque de la vie, en toute situation de ce que les psaumes sont le corpus de toute prière en même temps que l’abrégé délectable ou secourable de la psychologie humaine (et de celle de Dieu). Les psaumes ne me quitteront plus, la communion fréquente, la confession pas rarissime sont mes structures minimales. Structures « reçues », grâce déterminante qu’elles m’aient été données.

Celui que j’ai longtemps appelé « mon moine » sera ermite en Mauritanie, aux époques où moi-même en serai absent – c’est là que j’ai accompli à mes vingt-deux ans le service « militaire », il m’avait conseillé le désert pour trancher mes interrogations en état de vie mais j’y vêcus mon premier amour, malheureux comme beaucoup de ceux qui suivirent, j’y rencontrai un Jésuite qui défroquait peu avant l’époque du sacerdoce dans une vie religieuse, allait vers Feurbach et le marxisme, devenant universitaire par le compte-rendu d’une expérience tronquée de sociologie politique arabo-africaine. Rencontre d’abord ténue, encore très progressive aujourd’hui de l’Islam, qui ne me quitte plus car ce pays m’a aimé comme je l’aime. Dom Meugniot est aujourd’hui aumônier des moniales bénédictines d’Argentan. Nous nous aimons en nous décevant souvent car l’esthétique en commun ne produit pas forcément un vocabulaire commun, simplement une exigence qui use beaucoup. L’homme est le plus complexe que j’ai connu – quel que soit « l’état de vie » de ceux que j’ai rencontrés ou croisés avec Dieu et la vie comme thème d’échange et comme nerf du parcours –, le plus apte à souffrir d’une indélicatesse, d’un égotisme, d’une imperfection le blessant autant quand ce sont celles des autres que les siennes, alors visibles. C’est un classique au sens vrai du siècle qu’on a baptisé ainsi, c’est-à-dire un homme qui aime les structures, en trouve et en donne, et qui pourtant est fantaisiste, spontané, romantique, contemplatif vif. Il apprend l’exigence et fait surtout éprouver que nous ne sommes pas exigeants. La vie, Dieu, et souvent autrui, le sont, d’où la conscience de nos limites. Il se trouve que le confident-accompagnant de ma lente entrée dans « l’âge adulte » peut de nouveau être mon frère, mais tout autrement, sans que la relation soit tout à fait inversée. Le secret de chacun est plus intense parce que nous nous connaissons l’un l’autre de biographie et que chacune approche son achèvement. L’œuvre de Dieu et la règle de saint Benoît pour vivre en homme ou femme. Qu’est-ce que la consécration ? je l’envisage mieux maintenant que ce n’est plus une alternative entre le mode religieux et le mode conjugal. Associer « mon moine » au désert et à l’amitié, expériences primordiales de l’adolescence, prise de conscience très décalées de ce que je vivais, me paraît aujourd’hui appeler à beaucoup de conclusions et d’approfondissements que notre âge a rendus possibles : mes vingt ans et ses trente-six ans, maturité qui m’impressionnait, jeunesse absolue rendant rétrospectivement l’expérience et la science humaines étonnantes ; maintenant, nous sommes ensemble dans le « troisième âge ».

A cette époque, j’ai contracté aussi, en lien plus profond avec « le spirituel » que je ne le vêcus d’abord, l’accompagnement mental passionné et de plus en plus documenté de deux personnages politiques, de premier plan, et d’évidente valeur morale (hommes de convictions religieuses, aussi, quoique sans ostentation, naturelles) : Moktar Ould Daddah, président-fondateur de la République Islamique de Mauritanie, celle aussi de Pschari, Saint-Exupéry, Diego Brosset à l’environnement proche à tous points de vue de celui de l’ermite de Tamanrasset, qui importe tant à ma famille de sang et à ma généalogie d’élection. Et le général de Gaulle. Beauté, structures, explication du monde et la possible transformation des choses et des gens, le charisme de susciter l’événement et le consensus, puis la puissance des départs et d’une mort terrestre sans quitter plus jamais l’Histoire. Ainsi entra la politique dans ma vie, d’une manière proche de la mystique et de l’amour, excluant donc toute carrière dans ce qui est devenu un milieu quand les circonstances font défaut – c’est une évidence seulement rétrospective mais qui a fait la méfiance des professionnels. Le désintéressement matériel et le don, un consentement à la destinée qui produit grandeur et assurance. J’ai écrit sur le saint dont notre époque a besoin, il s’apparente à un politique qui serait vrai. Jean-Yves Calvez qui vêcut la tentation des années 1950 la dialectique historique selon lui, l’expérience interdite des prêtres-ouvriers pour d’autres, récusa ma proposition pour Etudes. Nos échanges me plaisaient, d’estime mutuelle. La revue des Jésuites m’accueillit longtemps, sans que je pense ou que l’on pense m’en rendre co-équipier.

Rencontre contemporaine, datant maintenant de plus de vingt ans mais entretenue jusqu’il y a peu : Jean Laplace, Jésuite, passé à Dieu, il y a bientôt deux ans. Les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola, l’exploitation de la Bible, la dialectique du « milieu divin », un enseignement lapidaire, aussi pratique que prenant, et une belle figure d’homme – que je continue de pratiquer par ses écrits et aussi par la correspondance ou le dialogue avec d’autres de ses disciples. Un prêtre ayant pratiqué, explicitement ce dont attestent ses papiers, son enseignement avant de le « donner ». Retraites de discernement qui ne m’orienteront pas mais qui m’imprégneront pour une nouvelle étape de vie spirituelle. Jean Laplace est, à l’âge adulte que j’ai atteint très tardivement, à peine aujourd’hui, ce que fut Gilbert Lamande pour mon enfance. Ils ont construit l’exigence de Dieu en moi et l’expérience de la grâce et surtout de l’action de grâce. Je voudrais prolonger son ministère en donnant ce dont il était fait, et comment il avait toujours cru, sa manière presque sereine de souffrir discrètement et de débattre sans insister, professionnellement aigu mais compatissant, spirituellement si simple et pratique, l’humilité a bien plus de formes diverses que la vanité et l’orgueil, je l’ai expérimentée contagieuse car elle nous fait sortir de nous-mêmes alors que la vanité nous y enferme. Jean Laplace nous mettait à l’aise, beaucoup – femmes « consacrées » ou pas, sur lesquelles il a beaucoup écrit et dont il a sauvé quelques-unes, enfermées dans l’absurdité, et des religieux – attestent qu’il les a libérés. La grâce m’est donnée d’en lire un peu plus et de constater que dans une vie religieuse – expressément voulue – le mariage de l’humain et du divin est toujours particulier. Ce qui est simple, n’est pas facile.

Deux fois de suite la lecture suivie, en cent semaines, de toute la Bible. Structure de vie cependant que chaque semaine, hors les vacances supposées scolaires, lire d’affilée une dizaine ou une vingtaine de chapitres de nos Ecritures. Un animateur, chanoine : Jean Le Dorze, esprit simple, clair, autoritaire ou délicat selon le sujet et le moment, très organisé mentalement, pédagogue quoique nivelant un peu son auditoire, m’apprenant aussi le mental de mon terroir d’adoption. Prêtre solide. Qui m’apprend – supplément imprévu – la Bretagne et les Bretons. Je note – en lisant – mais ne retiens que peu, même si le florilège du plus parlant se constitue ainsi. Trésor de chacun de ces livres, aux esprits si différents pour assurer et montrer la même chose, dont l’inventaire est disponible, univers d’accès désormais aisé et dont l’habitude que j’en avais, a changé. La même chose, ce mot de mon cher Jésuite : la chose de toute la Bible est Jésus-Christ, par extension je reconnais que la vie entière de chacun – pour soi – et de tous dans le regard que nous avons les uns pour les autres, n’a fnalement qu’une seule aimantation : la relation à Dieu.

Période dépressive, expérience de l’accompagnement médical, puis psychologique et rencontre d’un cistercien, la Trappe de Bricquebec. Une lumière comme tout ce qui arrive de saint Bernard et de l’affectivité quand elle a choisi de contempler. Dom Amédée Hallier, des heures de dialogue, son émerveillement pour la confidence et son enseignement au consentement. Il meurt lui aussi, figure décisive de pureté et d’une certaine humilité alors qu’on fait pèlerinage pour se reposer auprès de lui ou le consulter. Etonnant pédagogue, culture encyclopédique, piété des bergers à Bethléem, luminosité de son église, exemplarité brute de quelques figures antécédentes, dont celle de Victor Lehodey, abbé dans le premier tiers du XXème siècle : spiritualité de l’abandon. Obscurantisme du clerc de notaire à qui fut délégué le tri de ses cartons de documentation – cinquante ans de classement de l’actualité quand elle apporte à l’esprit et à l’âme, événements, auteurs, saints : tout fut jeté, quelques références aux journaux notées, alors que l’instrument si original et exhaustif avait été là, au palier d’un escalier de l’autre siècle dans des bâtiments où réserver désormais aux pieux et aux chercheurs l’antre du vieux prieur, ne privait personne, et certainement pas sa communauté. Mais j’eus la grâce de recueillir à temps quelques gemmes du trésor. Cadre d’une église, d’horaires vêcus plus consensuellement et une histoire de la communauté qui a ses parts de miracles. Surtout et essentiellement le fait que je reçoive cet accompagnement et cette rencontre par ma future femme et que ce sont là des séjours ensemble, et non un temps vêcu physiquement sans elle.

Au passage, le Val-de-Grâce, un hâvre où meurent nos excellences et nos gens d’Etat, mais où j’ai reçu de survivre, des médecins, l’incomparable général Jean-Pierre Daly, aussi savant, méthodique que saint… et une psychologue d’une justesse, d’un respect d’accoucheuse, le commandant Victoria Horne. Ce dont est fait un corps, comment peut se réorganiser une psyché, une âme fatiguée ou trop inquiète, se tranquilliser, s’éprouver solidement pour la meilleure reprise de nous-mêmes, et le retour à la vraie confiance dans le possible et parfois le souhaitable. Entretiens sur le livre de Job dont j’esquisse pour mes accompagnants, l’analogie avec une psychothérapie

Bibliothèque religieuse commencée par la spiritualité conjugale (abonnement à L’anneau d’or du chanoine Caffarel à mes premières fiançailles – mon beau-père putatif, mécène du « père au lard » et de l’Aide à l’Eglise en détresse, que je retrouve – l’association, pas le beau-père – quarante ans après), continuée par un héros de mon adolescence, introducteur à la contemplation, sinon à la mystique : Thomas Merton, et toujours tendue par l’œcuménisme, le témoignage. Les textes des papes, procurés et étudiés dès leur parution depuis les encycliques de Pie XII jusqu’aux deux premières – peu lues – de Benoît XVI (le début de Deus caritas est me meut autant que Pacem in terrris et Mater et magistra). Et il y a quelques années, la documentation et l’écriture d’articles sur la contemplation. Quand Le Monde me publiait, il y a trente ans, des articles bien plus courts et spontanés sur l’Eglise, son image, ses tentations. C’est La Croix qui me publie, au chaud des oppositions aux solutions d’Alain Savary pour trancher le conflit école publique/école privée : je demande si les écoles confessionnelles « font » de meilleurs chrétiens que les lycées de l’Etat ? Bibliothèque pour l’âme et l’esperit, en connaissances et en témoignages, peu en dogmes ou en apologétiques, plus en journaux ou livres d’auteurs qu’en biographie. Surtout et de plus en plus du comparatif : le judaïsme, l’Islam, l’hindouisme, le bouddhisme, la psychanalyse, les Pères de l’Eglise, les apocryphes et des compagnons (Lubac, Congar, Teilhard de Chardin décidément décisif et simple, Jung, Dolto, Simone Weil, Marie Noël, Raïssa Maritain, initialement Thomas Merton). Et l’intuition de Dieu chez François Mauriac, Jean-Paul Sartre – lui-même plus encore que ses écrits…, Jean-Paul Sartre – surtout son théâtre – bien plus attachante et remuante que chez les acquis que furent Claudel – la trilogie, anticipant mes moments au Vatican mais les représentations se prêtant trop aux paraboles amoureuses dont je souffrais : à ma fiancée, à travers les branches en fleurs, salut ! – et Péguy – sauf sa Passion dite par une étonnante voix d’âme et que nous entendions, enfants, dans la chapelle de Gilbert Lamande, entre les fresques d’un peintre mort autour de ses trente ans, ce qui n’était pas encore le sida –, voire Bernanos – sauf Sous le soleil de Satan et la figure du curé de Lumbres, rencontrant en chemin creux, son double... L’inoubliable a besoin d’image.

Aujourd’hui, pas d’engagement physique ni en Eglise ni dans la vie politique (je n’ai jamais pu obtenir un mandat électif significatif ni la position de conseil intime auprès d’un acteur d’importance pour notre vie nationale), mais ces écrits, et les rencontres.

Divers accompagnements. Mais qui accompagne ? qui est accompagné ? quand on est présent l'un à l'autre, les uns aux autres.

Le couple déjà âgé et souffrant (cancer de l’épouse, rebond de célébrité médiatique du journaliste retraité) : un des fils de l’un de nos plus grands écrivains au XXème. Complexité des couples quand l’origine d’amour fut ambivalente, que des chemins de traverse furent pratiqués, que l’âge accumule les prétextes aux regrets et la matière à culpabiliser. Histoire particulière d’une relation que ma femme et moi vivons en communion mais avec chacun notre rôle particulier. Champ d’échange pour nous.

Un autre couple en instance de divorce parce qu’il était déséquilibré dès son origine et pâtissait de surcroît d’enfances respectives malheureuses. Les sacrements que reçoivent un couple, encore, les enfances de chacun dramatiques et désaxantes, des handicaps aussi, mais la lumière de recevoir la confiance de ceux qui demandent une intermédiation sans que je sois, surtout, pesant. Accepterais-je cela ? en temps de naufrage ? La sensation, la vérité de la réciprocité, d’apporter l’un à l’autre font seules supporter d’être aidé, donc évalué, regardé.

Un moine-frère bénédictin probablement appelé à une fondation spéciale. Celui-ci est devenu pour ma femme m’accompagnant, à ma grande joie, dans cette amitié, un frère spirituel : son humilité et sa sincérité me font entendre des manières de croire, de durer, d’attendre et de choisir étonnantes, insolites. Au jour le jour, le climat d’enfance comme école spirituelle, et l’expérience d’un équilibre reconquis par cet abandon en amour. L’échange tient à ce que je l’écoûte et crois à ce qu’il me dit, alors que d’intelligence et de culture, je devrais au moins être dubitatif.

Peut-être un autre, son cadet de beaucoup, et selon une vocation, un probable parcours très différent. Pour le laïc que je suis, décidément, un religieux, un moine n’est jamais un débutant et c’est presque toujours un maître : il a risqué de s’engager totalement. Le définitif est un milieu que je ne sais décrire mais dont je vois l’effet chez celui qui y vit : une liberté certaine, une personnalité visible.

Les confidences reçues sont fugitivement celles du bonheur, très souvent celles de la complexité. Les ordres religieux quand ils sont contemplatifs et vouent leurs postulants à la férule d’un abbé et à la stabilité dans un lieu, n’ont pas l’exutoire des carrières et de l’activité apostolique, ils semblent de moins en moins propices à des vies intérieures continues. Le mérite et l’exemplarité d’une fidélite, malgré tout, ne m’en semblent que plus grands, mais me convainquent que je n’étais ni de cette taille ni de ce bois. Spirituellement. Que – sans doute et surtout : héls ? – je demeure à mi-chemin même si je marche beaucoup. Accompagner me donne des compagnons et l’essentiel est à l’ordre du jour, avec souvent de l’humour… sans précaution ni citations d’auteurs.

A écouter autrui, d’ailleurs, que d’existences humaines sont marquées par le couple parental. Fortune incommensurable que je reçus et chance que j’eus de tout sauvegarder de mes parents, père et mère, alors que pour mes frères et sœurs – je suppose – une fin compliquée à déchiffrer, la fin apparente emporta presque tout. Je vis donc quotidiennement cette responsabilité, partagée avec ma femme, de donner à notre fille la matrice la dotant le mieux pour son âge adulte. Le mieux alors que nous-mêmes sommes si contingents. La grâce est le liant et l’ingrédient nous suppléant. Car la responsabilité insigne et définitive qui m’est échue, tard dans la vie où j’ai souvent failli à l’attente d’autres, est évidemment ce que je reçois et ce que je dois protéger des miens : vie d’échange et de partage avec ma femme – quatre ans et un mois de mariage, la sensation si vive de la grâce sanctifiante à l’échange de nos consentements dans l‘église du Val-de-Grâce – et avec notre fille, moins de quatre ans. La prière du soir, celle que je récitais dans mon enfance. Le monde vu et vêcu grâce à elles deux, et par elles. Chaque jour, une découverte, un approfondissement, l’expérience de la précarité des plus solides sentiments et engagements autant que du renouvellement de ces consentements et choix mutuels. Pleinement, maintenant, l’enseignement du Christ et de son apôtre Paul sur la parabole du mariage, Dieu et l’humanité, l’homme et la femme. Il y a trente ans, j’avais commencé d’écrire sur L’âme du sexe. Car le mariage apprend le sacrement de la chair, et surtout combien la grâce transforme le fortuit en renouvellement.

Je dis ainsi mon témoignage de vie d’Eglise, paroissien et chrétien de base, banal.

Pour situer les figures que je vais successivement présenter, soit dans leur mouvement actuel : ce que je vois de la vie spirituelle d’un autre, ce que nous pouvons chacun en tirer, sans indiscrétion, soit in memoriam, portraits et leçons. Monsieur Pouget dans nos vies, parfois. Denis Maugan, le recteur de mon village breton, entrée mutuelle dans nos vies, me maintient dans la résonnance, la joie et la discussion de toute évangélisation contemporaine. Ses homélies, son expérience, ses agacements – mais il n’est jamais las que physiquement : solidité psychique et spirituelle de ces prêtres « ruraux » que leurs évêques ont sacrifié, sans études vraiment supérieures, sans réelle direction spirituelle, s’inventant donc eux-mêmes en ne s’appuyant qu’en aveugle aux colonnes reconnues pour être celles de l’Eglise. Bien plus que les « têtes mitrées » que Jean Laplace recevait au même rang que les banaux sans jamais y voir l’Eglise à eux seuls, ces prêtres-là sont le visage et l’artisan de la communion des saints et d’un certain chemin vers l’alternative au monde actuel, celui de notre condition humaine. Le mien est exemplaire, il est mon ami.

Et la chance d’un monastère, pas trop loin géographiquement, et de beaucoup des moines de cette communauté avec lesquels la communion est rigoureuse, respectueuse, parfois âpre, mais chaleureuse et au fond fraternelle. Comme en mon enfance, où tant de Jésuites – encore en soutane mais déjà en pantalons, aussi – m’entouraient aussi majestueux que proches, ces Bénédictins savent rester familiers tout en montrant le mystère. Et qu’à l’époque comme aujourd’hui, il y ait le nombre et pas seulement l’individualité, confirme que nous avons besoin d’être peuple. Le sacrement – dit aujourd’hui de réconciliation et que m’administra pendant dix ans, l’un d’eux – introduit autant à Dieu qu’au peuple. De longtemps à maintenant, j’y entends en le recevant la vérité non sur moi, mais sur Dieu. Bien sûr, lâchages, imperfections, crises diverses en microcosme et en chrétienté, aller-retour des personnes à elles-mêmes, histoire… mais « mon » Eglise est là, dans sa concrétude ; la bonté, les ancrages, les avancées et intuitions peu remarqués parce que tant de reculs sont apparents, tout cela qui est Benoît XVI m’est également proche. Je crois aux papes, tous ceux contemporains de ma vie au monde m’ont apporté, personnellement. Pas un que je n’ai étudié en compagnon qui accepte le dialogue, qui m’instruit mais à qui je peux et dois répliquer, avant que nous tous ayons les mains jointes pour le physique du cercueil.

Je crois à la communion des saints, déjà entre nous, et ma femme et notre fille y sont avec moi, et d’elles j’ai tout à apprendre de cette communion et de la vie. Structures de départ, la prière tous trois, le bébé dans son berceau, ma femme et moi autour, puis l’apprentissage du signe de la croix, la génuflexion à l’église, la procession de communion où je suis ainsi accompagné par celle que, peut-être, dans vingt ans, je mènerai à l’autel comme cela se faisait autrefois… la messe dominicale en trinité. Puis, vérité de ma femme, l’injustice qu’elle ressent de la disparition d’un de nos chiens et le réflexe de Moïse en voulant à Dieu et représentant tout à Celui-ci, pour elle Il n'existe plus puisqu'il y a eu innocence - et elle seule - retranchée du monde : la messe sans elle, physiquement. Réemmener ainsi mère et fille, définitivement, tranquillement, habituellement, naturellement, y aller ensemble est mon souhait, mais la manière et la pratique s’épuisent. Il faut le relais de la grâce pour la piété familiale.

Ma fratrie, cadre des messes dominicales, militances diverses de mes sœurs et de mes frères, des enfants aussi de mon aîné, mouvements de piété, services de paroisse ou d’associations caritatives sans que cela introduise à un dialogue ou à des partages spirituels, des indications d’itinéraire. J’ai sans doute passé successivement pour rigide, laxiste, illuminé, mes mœurs et instabilités affectives, mes raisons d’antan. Mon aîné m’a marqué de tout lui-même d’abord, par l’histoire de sa vie ensuite, que j’ai beaucoup vue mais dont il parle peu. Je l’aime, je l’avais modélisé, il était en avance de moi, il est devenu mon frère : vraiment. Mon grand-père maternel aussi que j’ai vu, presque centenaire, s’agenouiller au bord de son lit, les coudes sur la couverture et prier, visage concentré. Mon père s’est retiré par drame familial – dont le récit excède cette épure-ci et le registre de ce blog. – à Saint-Benoît-sur- Loire. Expérience que la vie spirituelle est à la fois une donnée universelle et donc communicable selon des dires reçus par la pratique religieuse, et un lieu où l’évocation et l’accompagnement mutuels suppose l’amour mutuel. Non pas des échanges sur le dogme, mais le récit de ce qu’il se passe du fait de ces habitations périodiques par Dieu et en Lui. Entretiens de mon adolescence, avec des amis intenses puis lointains aujourd’hui, et chemins avec ma femme, sans doute renouvelés avec une déconcertante constance et beaucoup d’imprévus comme se déploie le journal – aussi – de notre chair, ensemble.
Expérience des autres et de moi, que la vie spirituelle est la vie, dont découle la vie…

Ces premières lignes donc…

Pour situer aussi la méditation-prière-partage des textes de chaque jour.

Pour introduire des réflexions particulières : intelligence, sexualité, économie, politique selon ce qu’apporte la foi au raisonnement et au comportement.

L’apologétique apporte bien moins que l’auto-biographie. D’Augustin aux deux Thérèse, quel lecteur – empoigné par ces parcours d’âme – ne le sait ? Et vous : qui dites-vous, que je suis ? Nous répondons par notre vie, et quand nous partons… par l’histoire de notre vie.

L’expérience de ma vie a été – de mes premières prises de conscience, et surtout de mes premières souffrances sentimentales, à aujourd’hui, le bonheur accompli –, que tout est grâce : c’était l’enseignement de Gilbert Lamande, dans mon très jeune âge, et quand il a administré ma mère à quelques semaines de la mort de celle-ci. Ma mère si existante, si exigeante, axe de ma vie – biographique – et de mes dialogues intimes en sollicitude d’elle. Confidente. Amie totale, remarquable et sûre. Elle s’inquiétait du bonheur de mes frères et sœurs, mais de moi elle était inquiète, elle voyait : femme et épouse, elle ne souffrit que de la chute de mon père. Elle craignait le vertige, j’avais la hantise qu’elle soit piétinée. Figures que nous avions de la société, ensemble, et non de Dieu. Ce qui d’elle était le plus fort témoignage d’humilité. Elle et ce témoignage demeurent, au moins en moi, mais il me semble que c’est, à présent, communicable. Ma femme (guillemets à l’adjectif possessif) a ses défauts et sa force, ses éclats, le même paganisme, la même certitude que chacun a le devoir de rester digne ; elle y ajoute un crû, inconnu de toute mon existence, décisif : je ne la connais jamais complètement, j’ai toujours à apprendre d’elle et de notre mélange Ma mère était lisible, ma femme est visible, audible. La parabole divine a son prophète et les questions de Dieu leur épreuve humaine. Quotidiennement, j’en suis émerveillé, la grâce du mariage est sanctifiante, l’amour si précaire peut faire du rocher. Le couple de la Genèse est autant autonome que dépendant. Ceux que j’avais formés dans ma vie antérieure et disparate, discuteuse, me donnaient à penser, sans pousser l’expérience, qu’ils ne dépendaient pas de chacun, avaient leur dynamique propre : elle fut leur mort à tous. Je vis aujourd’hui que plus on aime plus on est soi-même. J’ai fini quelque chose, quelqu’un commence. Et notre fille, incarnant la liberté de la personne humaine dès la conception, nous ressemble autant qu’elle nous échappe. Elle nous introduit à tout, que du dehors on croit souvent le passé ou la théorie.

Structures ? identité ? qu’est-ce que cette conscience de vivre toujours et sans âge depuis un commencement qui continue sans cesse à commencer ? Notre âme ? et pourtant il y a la chair dont nous ne savons qu’ensuite qu’elle fût belle. Sa résurrection est un supplément que je n’ai pas même espéré mais qui réserve tout. Quand la contingence et l’absolu sont nous-mêmes.

Le malheur a bien plus d’explications que le bonheur et ne suppose aucune foi. Je suis entré dans une phase – ou un état – de la vie où je ne m’explique plus rien. Ni personne. Sauf – en Jésus-Christ – Dieu, notre Dieu.

L’âge nous révèle à nous-mêmes, même si progressivement il nous fait disparaître au regard des autres.

Jeunesse d’amour – inventive – du Père, maturité du Fils, féminité et masculinité si caractérisées et sensibles de l’Esprit, trinité à laquelle – tous – nous sommes conviés.

A . M . D . G .

il nous placera - textes du jour

Vendredi 25 Juillet 2008

Prier…[1] nous ressemblons à des gens qui portent un trésor dans des poteries sans valeur. Le jugement constant que nous subissons et que nous avons, nous aussi, sur autrui : l’apparence. De la force ou de la faiblesse, la beauté ou l’argent sont des apparences, nous ne sommes pas notre création. La méditation ne peut cependant continuer ainsi, car la puissance extraordinaire que nous avons ne vient pas de nous, mais de Dieu. Or, cette puissance fut celle de Paul, elle est celle des saints, elle est – sans référence première à une religion quelconque et a fortiori au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob – celle de ceux qui savent s’oublier eux-mêmes pour se dévouer à autrui ou à des tâches grandioses pour le bien commun. L’égotisme est non seulement philosophiquement risible et donne des portraits caricaturaux – la politique française en donne, à mon avis, de bons exemples en ce moment – mais il est inefficace. Nous ne sommes réalistes et féconds que dans le plan de Dieu, et sans doute en étant dépossédés. Remarque extraordinaire de l’Apôtre : la mort fait son œuvre en nous et la vie en vous… et tout ce qui nous arrive, c’est pour vous. Jésus, comme Paul, en sus de sa mission, ou au cœur de celle-ci, possédé par l’amour humain et spirituel des siens. Mais même cette mission ou cette fonction – ce n’est pas un « rôle » – ne se revendiquent pas. Tout est reçu. Foi cependant de la mère de deux des disciples du Christ, présomption apparente de ceux-ci auxquels donne raison Jésus, mais leur futur martyre ne détermine rien, aucune place. Décidément, apparences, labeur, foi sont accessoires. Ce qui compte est notre salut avec Jésus, et il nous placera près de lui avec vous.


[1] - 2ème lettre de Paul aux Corinthiens IV 7 à 15 ; psaume CXXV ; évangile selon saint Matthieu XX 20 à 28

s'enfermer - textes du jour

Jeudi 24 Juillet 2008


Prier… je n’ai pas oublié la tendresse de tes jeunes années, ton amour de jeune mariée. La trahison est à la fois d’abandonner l’amour initial et de prédilection, et de s’orienter au plus mal, préférer des citernes fissurées qui ne retiennent pas l’eau ! à la source d’eau vive… Le péché, la c… est toujours autant contre soi que contre Dieu. Ils sont devenus durs d’oreille, ils se sont bouché les yeux pour que leurs yeux ne voient pas, que leurs oreilles n’entendent pas, que leur cœur ne comprenne pas, et qu’ils ne se convertissent pas. Sinon, je les aurais guéris. Le péché, l’erreur d’orientation, c’est aussi l’autisme, l’enfermement en soi. Et la vie se charge de nous dépouiller, l’exactitude de cet axiome du Christ qui pourtant, à la lettre, ne s’applique nullement aux pauvres (ceux-ci sont exaltés par tout l’Evangile), mais aux sécurités ou aux manques autour desquels se bâtir sans Dieu et loin de Lui… celui qui n’a rien se fera enlever même ce qu’il a. … Qu’il est précieux, ton amour, ô mon Dieu ! [1]


[1] - Jérémie II 1 à 13 passim ; psaume XXXVI ; évangile selon saint Matthieu XIII 10 à 17

mardi 22 juillet 2008

intimité - textes du jour

Mercredi 23 Juillet 2008

Prier [1] dans le tohu-bohu intérieur, les multiples habitations par ceux/celles qu’hier et aujourd’hui nous font rencontrer, que votre vie a placés en nous pour toujours, souvenirs d’amour, de peine voire de déboires, communion humaine, revenir humblement au pied de l’autel intérieur. En parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : ‘Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère ma sœur, ma mère’. Définition vêcue par le Christ de la communion des saints et de notre destinée à nous tous, vivants et morts, microscopiques organismes ou étoiles extraordinaires, tout le vivant, tout l’inanimé, tout le créé porté en Dieu. Beaucoup de gens étaient assis autour de lui.Rien ne manque à ceux qui le craignent. Des riches ont tout perdu, ils ont faim : qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien. Or, justement… ta mère et tes frères sont là dehors qui te cherchent. Nous n’avons aucun droit acquis sur Dieu, même notre parenté avec Lui, notre création à Sa ressemblance, à Son image, ne nous donnent aucun droit. L’adoption est un couronnement. Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage. … Ma vie aujourd’hui, dans la condition humaine,je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi. Jean, sans doute, le mystique puisque le « préféré » humainement de Jésus, mais Paul, tout autant, cette formulation si complète, si « moderne ». Le leit-motiv de l’Apôtre des gentils’, l’émancipation de la règle, de la loi, du texte, de la prescription, de la peur et du scrupule, pour entrer en toute logique et confiance dans l’intimité du salut : je cherche le Seigneur, il me répond ; de toutes mes frayeurs, il me délivre.

[1] - Paul aux Galates II 19 à 20 ; psaume XXXIV ; évangile selon saint Marc III 31 à 35

lundi 21 juillet 2008

je lai trouvé - textes du jour

Mardi 22 Juillet 2008

Commencé hier, dès mon retour de Kergonan, Une vie avec Karol [1], les mémoires du secrétaire de Jean Paul II, parfaitement francophone, c’est avec lui que s’est organisée mon audience de Février 1995 : soit, avec notre mariage, la seule chance, le seul événement heureux que j’ai vêcu depuis mon départ du Kazakhstan. Prier au cœur du désastre. – Que ce livre m’accompagne, dès les premiers pages, le ton est donné et la promesse faite, c’est le portrait d’un homme par ce qui fait sa vie, la tient, la prière, le souci des autres, la proximité, l’élévation extrême autant que la présence et l’accessibilité, la normalité fondamentale d’une condition humaine et pourtant l’exceptionnalité de la réussite dans la seule œuvre qui compte dans nos vies, devenir ce que Dieu nous permet et qu’Il attend de nous. Celle qui m’est le plus proche, dans nos moments de contemplation du gouffre (je vois que nous y tombons, tandis qu’elle voit que nous y sommes déjà pour ne plus jamais retomber), me dit son agacement que je sois tant attaché à la Providence (JL en faisant le reproche à sa mère tant aimée, au moment même où il entre dans la Compagnie…). Mais, non, c’est un mot et même une réalité qui ne m’appartiennent pas. Je ne revendique, à voix inaudible il est vrai, que l’espérance. Pas même le cri. Marie-Madeleine répond qui se rend au tombeau de grand matin, quand il fait encore sombre. … Femme, pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ? Elle est sauvée parce qu’elle cherche Qyuelqu’un et non quelque chose. [2] Toute la nuit, j’ai cherché celui que mon cœur aime. La nuit de l’amour, de la quête. Au-delà du désespoir, cette activité qui n’est pas celle de l’insecte qui se noie, mais qui n’est pas productive ni salvatrice par elle-même : elle est un état de vie, totalement disponible à la découverte et à l’événement espérés mais inattendus. A peine les avais-je dépassés… les gardes, les réalités et la vie de ce monde-ci, nos appels, nos dépendances et nos attentes, tout ce qui nous est naturel et obligé… à peine les avais-je dépassés, j’ai trouvé celui que mon cœur aime. Je l’ai saisi, je ne le lâcherai pas. … Comme par un festin, je serai rassasié ; la joie sur le slèvres, je dirai ta louange… J’ai vu le Seigneur, et voilà ce qu’Il m’a dit. Mais ce que Jésus, qui avait paru être le jardinier, à la plus familière et intuitive des femms qui L’accompagnait, lui dit, est décisif, terrible et splendide cependant : Cesse de me tenir… va plutôt trouver mes frères… Quoiqu’à l’inverse, nous ouvons voir que Jésus-Dieu a une sollicitude totale pour ceux qui dorment encore (sinon toujours, dans chaque occasion décisive … la Transfiguration, l’Agonie au jardin des Olivier). Et nous sommes se frères dans la mort et dans la résurrection. Pour l’heure, dans la mort. Heure pourtant où le cuivre aux feuillages des arbres semble avoir apelé les oiseaux à leurs premiers chants. Prier avec deux protecteurs qui me furent humainement proches et contemporains, un Jésuite, un pape, chacun si humble et commençant par s’administrer ce qu’ils prêchaient, la prière. Autant recherche que foi, familiarité de Dieu et souffrance de la souffrance du monde. Nous y voici. Et Jésus, à première vue, semble ne pas nous comprendre. Question incongrue : Femme pourquoi pleures-tu ? et ordre terrible qu'entend une amante, celle du Cantique, celle de toute âme : Cesse de me tenir... trraduit autrement : Ne me retiens pas... pour nous introduire au mystère qui dépasse sentiments et situations de condition humaine : je ne suis pas encore monté vers le Père.

[1] - Stanislaz DZIWISZ, Une vie avec Karol . entretiens avec Gian Franco Svidercosci (DDB . Seuil . Janvier 2007 . 302 pages)

[2] - Cantique des cantiques III 1 à 4 ; psaume LXIII ; évangile selon saint Jean XX 1 à 18

aimer la miséricorde - textes du jour

Lundi 21 Juillet 2008

Prier…[1] toute l’incroyance est là, toute vie – parfois – quand elle est à côté d’elle-même : nous voudrions voir un signe venant de toi. Seul vaut le mouvement de conversion, il n’y a pas d’état de vie, il y a mouvement de vie. Le cardinal Martyque je rencontrais pour la première fois (à l’estrade de la Semaine des intellectuels catholiques français, en 1969, me rend ainsi mon salut : où en êtes-vous ? Et il y a ici bien plus que Jonas… que Salomon. Michée, le glorieux puisqu’il indiqua pour l’histoire et tous Bethléem, la Vierge… donne donc le définitif de la conversion. Il reçoit cette réponse ‘Homme, le Seigneur t’a fait savoir ce qui est bien, ce qu’il réclame de toi : rien d’autre que pratiquer la justice, aimer la miséricorde, et marcher humblement avec ton Dieu’. Me taire et commencer.
Prier avec tous. Notre histoire à tous, chacune de nos histoires, notre conscience collective, la noosphère de Teilhard de Chardin, notre lucidité sur nous-mêmes, autant d’outils humains pour un comportement humain, même si Dieu ne nous était pas sensible à nos pauvres sens spirituels. Or, il y a ici bien plus que Jonas… que Salomon… Comment dois-je me présenter devant le Seigneur, me prosterner devant le Très-Haut ? L’action de grâce : sur le chemin qu’il aura pris, je lui ferai voir le salut de Dieu.


[1] - Michée VI 1 à 8 passim ; psaume L ; évangile selon saint Matthieu XII 38 à 42

dimanche 20 juillet 2008

ménagement - textes du jour

si accès commentaire impossible - dialogue : b.fdef@wanadoo.fr


Dimanche 20 Juillet 2008

Prier pour ceux qui ne peuvent pas prier, prier pour les souffrants et les épuisés, pour les miens proches ou se voulant éloignés de nous, prier avec ceux et celles qui prient, souvent aussi pauvres et tellement semblables à moi, parfois si lumineux de vérité et d’une habitation qui n’est pas à envier mais à restituer à notre commun Père et Créateur. [1] Selon mon cher recteur, l’ivraie – que je n’ai jamais vue – est parfaitement identifiée en Bretagne, de la saleté pure et simple. Selon l’évangile, elle n’est pas spontanée mais semée à dessein. L’ennemi est en scène. Une de mes difficultés de perception dans la foi, le Malin, Satan, le diable. Il est à l’œuvre, explicitement, dans les évangiles, dans la vie de Jésus. Les mystiques en disent l’expérience, mon frère spirituel aussi qui la donne en termes si simples que ce sont ceux de l’évidence pour lui sans extrapolations ni fioritures, aucun ajout par rapport à ce qu’il entend ou voit ou perçoit. Pour moi, je vois davantage Satan comme un autre moi, dévié, tordu, haineux et me faisant courir à ma perte, si semblable à moi que je ne peux le distinguer de moi, je ne peux que prier pour qu’il ne m’entraîne pas du côté fatal. Tandis que Dieu, d’expérience, si intime et constant qu’Il soit en moi, ne m’est jamais analogue, Il est totalement distinct, irréductible, magnifiquement différent et incommensurable. Le Fils de l’homme enverra ses anges et ils enlèveront de son Royaume tous ceux qui font tomber les autres et ceux qui commettent le mal. Et Jésus continue, quoique la version soit celle de Matthieu et non de Jean, par cette constante évocation de tout en termes de lumière et de ténèbres, à laquelle nous introduisent parfois les psaumes, lumière et rayonnement, ténèbres : là il y aura des pleurs et des grincements de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père. Manière de dire à laquelle m’arrêter aujourd’hui, le Royaume des cieux est comparable à un homme, ce n’est pas un lieu ni un temps, c’est vivant, comparable à une graine de moutarde qu’un homme a semée dans son champ. Le Royaume toujours associé à une action, comparable à du levain qu’une femme enfouit dans… et l’homme, la femme en action. Les genres littéraires enfin, les paraboles, les apocalypses. Quels sont les nôtres ? de plus en plus, le discours direct qui ne tient que si celui qui le profère est de qualité ou se prêt à une forte référence : c’est rare. L’Esprit lui-même intervient pour nous par des cris inxprimables… veut ce que Dieu veut. Et nous voici délivrés parce qu’emportés, nous l’homme dont la puissance est discutée… car nous ne savons pas prier comme il faut… tandis que toi, Seigneur qui dispose de la force… tu nous gouvernes avec beaucoup de ménagement, car tu n’as qu’à vouloir pour exercer ta puissance. L’oiseau recueilli dans ma main, l’insecte tiré de la surface d’eau où il s’épuise et d'où il va couler, cette si délicate et suave présentation de Dieu qu’aujourd’hui rappelle la Sagesse.

[1] - Sagesse XII 13 à 19 ; psaume LXXXVI ; Paul aux Romains VIII 26.27 ; évangile selon saint Matthieu XIII 24 à 43

vendredi 18 juillet 2008

nous, tous, l'Eglise, l'humanité - parcours simple


dialogue : b.fdef@wanadoo.fr



Nous tous : l’Eglise, l’humanité


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+ soir du samedi 19 juillet 2008

La première étape avait été la prière du soir en famille, mon aîné, nous n’étions que deux enfants, mon aîné de dix ans, mes parents, j’éais à genoux devant mon lit, le lit le long du mur, fenêtre sur cour, gros berceau en bois, près du lit pour des peluches, un ours confectionné sous l’Occupation par ma tante et marraine, les yeux avec des boutons de culotte. L’ours, bourré à la sciure de bois, fut un jour éventré, je tentai de tuer mon père en représaille. Prière récitée :
Petit Jésus, je vous donne mon cœur,
faites que je sois bien sage,
protégez tous ceux que j’aime,
au-revoir, Jésus !
Baiser sonore de la main, signes de croix appris et faits, au mur, image naîve de mon saint, l’évêque-guerrier de Comminges. Devant la tombe de ma mère comme sur son lit d’agonie, il y a seize ans bientôt. Assis sur le lit de notre petite fille. Cette prière continue dans les mêmes mots.

Les messes à la paroisse, les gros billets à la quête, le latin, toutouoh ! çécoulorom ! le « suisse », la canne à pommeau, pour les frais du culte s’il vous plaît, seconde quête moins importante et de loin que la première. Nous occupons tout un rang, mes parents ne communient pas souvent. Nous sommes bien habillés, pas de domestique pour la table ni la cuisine, Maman la fait (croûtons au fromage, frites, somptueux rôti de bœuf, gâteaux - deux par enfant – choisi chez Coquelin (succession de magasin de fringues depuis une vingtaine d’années, place de Passy, dont il était l’ornement ; vérifier dans le premier tome des mémoires de Julien Green si la maison n’existait pas déjà en 1919).

Le célébrant, l’hostie au-dessus de la tête, l’autel très lointain, l’ensemble intense et peu discernable, la chapelle de Saint-Jean-de-Passy, rue Raynouard à Paris. J’en suis retiré, première confession sans que j’y ai été préparé ni ne m’en sois rendu compte. C’est ainsi que j’entre en neuvième à « Franklin », chez les Jésuites (un père spirituel par division, un préfet par collège, soit trois ou quatre divisions, un jeune scolastique comme « père surveillant » à partir de la sixième. Je suis en neuvième, communion privée, je me confesse à Gilbert Lamande, petite taille cambrée à la Foch, un don de conteur, de dessinateur, de metteur en scène, un séducteur, un imitateur d’un trafic ferroviaire en grande gare ; il tient une classe sous le charme, il organise des « camps de formation » en forêt de Compiègne, à Vieux-Moulin. Il est exceptionnel prêchant aux enfants, la beauté, la proximité de Dieu immédiat dans notre cœur d’enfant confiant et confident, il schématise les deux testaments de la Bible pour montrer que l’un est accompli par l’autre et que l’autre fait tout saisir du premier. Aucun émoi religieux, mais la sensibilité exacerbée par les récits d’actualité que nous restitue le religieux : le guide Payot, le capitaine du Flying enterprise, le Champollion drossé devant Beyrouth : l’héroisme n’est pas à la racine, le courage mais le sacrifice de soi. Récits aussi de guerre, de résistance – Gilbert Lamande, cheminot avant d’entrer dans la Compagnie, en a fait partie. Culte de la mère, donc la mienne, c’est aisé, et de la Vierge Marie, c’est évident et chaleureux. Enorme crucifixion, presque grandeur nature dans la chapelle. Le bâtiment principal – aujourd’hui disparu – est un hôtel particulier, l’atrium en rotonde, colonnades à chaque façade, les escaliers intérieurs peu commodes, un perron dont je suis tombé, poussé par un camarade, resté anonyme jusqu’à ce jour.

Au Moyen Collège, la magnifique chapelle 1930 – la fresque de saint Louis de Gonzague – les actions de grâce, le célébrant la fait longuement, en soutane, à genoux, la tête dans les mains, nous sommes quelques-uns à l’imiter, rivalisant de persévérance. Débuts de la piété, « ma » piété, la messe « privée » de Jésuites d’autres divisions servie héroïquement et avec émotion (piété) en arrivant trois quarts d’heures plus tôt que la rentrée de tous. Présence réelle. Dix ans ainsi. Le scoutisme continue et confirme.
Quantité de visages, de rencontres, de personnalités, de dialogues, l'apparence de grands écarts d’âge avec nos éducateurs, mais ils n’avaient pas quarante ans, beaucoup sont morts à soixante, foi de ces Jésuites-instituteurs… éclat et attractivité de mes « camarades de classe » et déjà des groupes, des exclusions ou des affinités, qui – à cette époque : de nos vies, ou de la société contemporaine française ? – étaient déjà du racisme ou de l’amour. Dieu était un bain, une ambiance, où d’autres éléments comptaient pour ainsi écrire : autant, mais n’était pas encore une personne. J’appris deux choses : que la foi n’est pas acquise par nous, mais reçue de Dieu ; que Jésus est sauveur, et que Le ressentir, L’appeler ainsi, est signe d’une maturité spirituelle. La conscience de notre condition pécheresse…

Second personnage, il est multiple. La foi a pour « preuve » que d’un lieu à l’autre, d’une génération à l’autre, d’un temps à un autre, les réflexes et les expériences sont les mêmes, l’homme devant Dieu, ou l’homme pour dire, le prêtre, le prédicateur, le pape, notre conscience, tout fait redondance. Je doute moins que jamais, je resterai ma vie entière, à l’intérieur de la foi et de l’Eglise. La troupe scoute que j’anime deux ans multiplie ces rencontres d’autrui dans la foi. Dieu est le bien le plus commun des hommes. Du patronage à Bezons, quelques dialogues avec les curés de paroisses où nous campons. Mon ancêtre éponyme, des dialogues par lettres avec mon aîné accomplissant son service militaire – malgré l’Algérie, mais il a maintenant huit sœurs et frères – je me pose « la question de la vocation » (religieuse ou sacerdotale). Pas de souci de perfection, pas d’évaluation d’un état de vie, mais un appel, une destinée. Trois amis de cette enfance, vraiment intimes, deux entrent dans la Compagnie à quelques années de distance, le troisième chez les Franciscains. Tous trois ont quitté leur congrégation, deux sont morts. Je ne réponds à la question que maintenant – "mon" bonheur conjugal et la grâce qui le pérennise, me le permettent. La soixantaine nous rend contemporain de nos idéaux et ambitions d’adolescence, mais elle les exauce, les réalise tout autrement que nos tentatives de vie et nos apparences de carrière. Ainsi ce blog. depuis Pâques environ, et la diffusion électronique de l’écriture de « ma » prière à mesure que chaque matin, je lis les textes de la liturgie du jour. Apostolat et témoignage, sans mandat certes, sans formation certes, mais en partage d’Eglise.

Ambassadeur de France au Kazakhstan – j’ouvre la relation diplomatique en 1992 – je convainc le ministre de la Justice, un des juristes soviétiques les plus éminents, disciple des fondateurs dans les années 30, que la représentation du Vatican en Asie centrale règlera la question du financement des paroisses locales, généralement tenues par des prêtres allemands ou tchèques à peine sortis de prison, l’évêque est lithuanien, 400.000 catholiques pour plus de 50 millions d’habitants, plus de mille kilomètres entre chaque église… et qu’elle placera un témoin irrécusable dans la capitale s’il devait y avoir un retour des anciens temps. L’établissement de cette relation me vaut d’être reçu par Jean Paul II, encore en grande forme, seul à seul, puis d’assister le lendemain, seul laïc, à sa messe privée. Puis nouveau moment seul à seul. France fille aînée de l’Eglise, je l’ai représentée.

Humanae vitae, propagandée et dialoguée avec ceux de mon âge, garçons et filles, comportement amoureux et sexualité de plus en plus consciente, chemin solitaire plus éclairé par les débuts multiples que par l’enseignement de l’Eglise. Je vis « sur accus. ». La Bible lue dans le désordre à mes quinze ans, le Cantique des cantiques comme initiation à la beauté féminine et à ce qui sera peut-être l’étreinte, mais dans ce genre Les fleurs du mal, aussi, et les Chansons de Bilittis. Des décennies alors de recherche d’une stabilité et d’une femme me la procurant, mélangée de relents d’ambition peu méthodique : entrer au conseil du prince. J’en rencontre beaucoup et ne retiens que ceux qui mourront avant moi. J’ai peine à reconstituer « ma » prière de ces si longues attentes, mais Dieu était quasiment à domicile, quand même et toujours.

Aucune des femmes qui se succèdent dans ma vie ou la partage ne sont – durant ces années – pieuses ni pratiquantes. Mon témoignage ne vaut pas, amants sans consécration, un avortement. Figures fugitives et non décisives de prêtres.


Et je m’aperçois d’un oubli essentiel – pourquoi cet oubli ? A mes vingt ans, en formation de chef scout, la marbrerie sur la Sarthe de l’abbaye bénédictine de Solesmes. Rencontre décisive, qui se continue aujourd’hui, avec des décennies en points de suspension et des retrouvailles fortes. Dom Jacques Meugniot, témoin et accompagnateur de mes vingt ans, de l’appel que j’entends à la sainteté, de deux fiançailles ratées et d’un mariage que je ne voulais pas mais ne sus refuser qu’en me réfugiant dans l’hôtellerie dont il avait la charge. La vie monastique est dès lors une structure de proximité, mais sans que je l’embrasse jamais. De cette rencontre, date cependant la lecture fréquente de l’office et à l’église, chant grégorien, corps plié en conclusion de chaque psaume, expérience irréversible et nourrissante en toute époque de la vie, en toute situation de ce que les psaumes sont le corpus de toute prière en même temps que l’abrégé délectable ou secourable de la psychologie humaine (et de celle de Dieu). Les psaumes ne me quitteront plus, la communion fréquente, la confession pas rarissime sont mes structures minimales. Structures « reçues », grâce déterminante qu’elles m’aient été données. Celui que j’ai longtemps appelé « mon moine » sera ermite en Mauritanie, aux époques où moi-même en serai absent – c’est là que j’ai accompli à mes vingt-deux ans le service « militaire », il m’avait conseillé le désert pour trancher mes interrogations en état de vie mais j’y vêcus mon premier amour, malheureux comme beaucoup de ceux qui suivirent, j’y rencontrai un Jésuite qui défroquait peu avant l’époque du sacerdoce dans une vie religieuse et l’Islam, qui ne me quitte plus car ce pays m’a aimé comme je l’aime. Dom Meugniot est aujourd’hui aumônier des moniales bénédictines d’Argentan. Nous nous aimons en nous décevant souvent car l’esthétique en commun ne produit pas forcément un vocabulaire commun, simplement une exigence qui use beaucoup. L’homme est le plus complexe, le plus apte à souffrir d’une indélicatesse, d’un égotisme, d’une imperfection le blessant autant quand ce sont celles des autres que les siennes, alors visibles. C’est un classique au sens vrai du siècle qu’on a baptisé ainsi, c’est-à-dire un homme qui aime les structures, en trouve et en donne, et qui pourtant est fantaisiste, spontané, romantique, contemplatif vif. Il apprend l’exigence et fait surtout éprouver que nous ne sommes pas exigeants. La vie, Dieu, et souvent autrui, le sont, d’où la conscience de nos limites.
En lien plus profond avec « le spirituel » que je ne le vêcus d’abord, l’accompagnement mental passionné et de plus en plus documenté de deux personnages politiques, de premier plan, et d’évidente valeur morale (hommes de convictions religieuses, aussi, quoique sans ostentation, naturelles) : Moktar Ould Daddah, président-fondateur de la République Islamique de Mauritanie, celle aussi de Pschari, Saint-Exupéry, Diego Brosset à l’environnement proche à tous points de vue de celui de l’ermite de Tamanrasset, qui importe tant à ma famille de sang et à ma généalogie d’élection. Et le général de Gaulle. Beauté, structures, explication du monde et la possible transformation des choses et des gens, le charisme de susciter l’événement et le consensus, puis la puissance des départs et d’une mort terrestre sans quitter plus jamais l’Histoire. Ainsi entra la politique dans ma vie, d’une manière proche de la mystique et de l’amour, excluant donc toute carrière dans ce qui est devenu un milieu quand les circonstances font défaut – c’est une évidence seulement rétrospective mais qui a fait la méfiance des professionnels. Le désintéressement matériel et le don, un consentement à la destinée qui produit grandeur et assurance. J’ai écrit sur le saint dont notre époque a besoin, il s’apparente à un politique qui serait vrai. Jean-Yves Calvez qui vêcut la tentation de al dialectique historique, récusa ma proposition pour Etudes. Nos échanges me plaisaient, d’estime mutuelle.

Rencontre contemporaine, datant maintenant de plus de vingt ans mais entretenue jusqu’il y a peu : Jean Laplace, Jésuite, passé à Dieu, il y a bientôt deux ans. Les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola, l’exploitation de la Bible, la dialectique du « milieu divin », un enseignement lapidaire, aussi pratique que prenant, et une belle figure d’homme – que je continue de pratiquer par ses écrits et aussi par la correspondance ou le dialogue avec d’autres de ses disciples. Un prêtre ayant pratiqué, explicitement ce dont attestent ses papiers, son enseignement avant de le « donner ». Retraites de discernement qui ne m’orienteront pas mais qui m’imprégneront pour une nouvelle étape de vie spirituelle. Jean Laplace est, à l’âge adulte que j’ai atteint très tardivement, à peine aujourd’hui, ce que fut Gilbert Lamande pour mon enfance. Ils ont construit l’exigence de Dieu en moi et l’expérience de la grâce et surtout de l’action de grâce. Je voudrais prolonger son ministère en donnant ce dont il était fait, et comment il avait toujours cru, sa manière presque sereine de souffrir discrètement et de débattre sans insister, professionnellement aigu mais compatissant, spirituellement si simple et pratique, l’humilité a bien plus de formes diverses que la vanité et l’orgueil, je l’ai expérimentée contagieuse car elle nous fait sortir de nous-mêmes alors que la vanité nous y enferme. Jean Laplace nous mettait à l’aise, beaucoup – femmes « consacrées » ou pas, sur lesquelles il a beaucoup écrit et dont il a sauvé quelques-unes, enfermées dans l’absurdité, et des religieux – attestent qu’il les a libérés.

Deux fois de suite la lecture suivie, en cent semaines, de toute la Bible. Je note mais ne retiens que peu. Structure de vie cependant que chaque semaine, hors les vacances supposées scolaires, lire d’affilée une dizaine ou une vingtaine de chapitres de nos Ecritures. Un animateur, chanoine, esprit simple, très organisé mentalement, pédagogue quoique nivelant un peu son auditoire, m’apprenant aussi le mental de mon terroir d’adoption.

Période dépressive, expérience de l’accompagnement médical, puis psychologique et rencontre d’un cistercien, la Trappe de Bricquebec. Une lumière comme tout ce qui arrive de saint Bernard et de l’affectivité quand elle a choisi de contempler. Dom Amédée Hallier, des heures de dialogue, son émerveillement pour la confidence et son enseignement au consentement. Il meurt lui aussi, figure décisive de pureté et d’une certaaine humilité alors qu’on fait pèlerinage pour se reposer auprès de lui ou le consulter. Etonnant pédagogue, culture encyclopédique, piété des bergers à Bethléem, luminosité de son église, exemplarité brute de quelques figures antécédentes, dont celle de Victor Lehodey, abbé dans le premier tiers du XXème siècle : spiriualité de l’abandon. Obscurantisme du clerc de notaire à qui fut délégué le tri de ses cartons de documentation – cinquante ans de classement de l’actualité quand elle apporte à l’esprit et à l’âme, événements, auteurs, saints : tout fut jeté, quelques références aux journaux notées, alors que l’instrument si original et exhaustif avait été là, au palier d’un escalier de l’autre siècle dans des bâtiments où réserver désormais aux pieux et aux chercheurs l’antre du vieux prieur, ne privait personne, et certainement pas sa communauté. Mais j’eus la grâce de recueillir à temps quelques gemmes du trésor.

Au passage, le Val-de-Grâce, un hâvre où meurent nos excellences et nos gens d’Etat, mais où j’ai reçu de survivredes médecins, l’incomparable général Jean-Pierre Daly, une psychologue d’une justesse, d’un respect d’accoucheuse, le commandant Victoria Horne. Ce dont est fait un corps, comment peut se réorganiser une psyché, une âme fatiguée ou trop inquiète, se tranquilliser, s’éprouver solidement pour la meilleure reprise de nous-mêmes, et le retour à la vraie confiance dans le possible et parfois le souhaitable.

Bibliothèque religieuse commencée par la spiritualité conjugale (abonnement à L’anneau d’or à mes premières fiançailles – mon beau-père putatif, mécène du « père au lard » et de l’Aide à l’Eglise en détresse, que je retrouve – l’association, pas le beau-père – quarante ans après), continuée par un héros de mon adolescence, introducteur à la contemplation, sinon à la mystique : Thomas Merton, et toujours tendue par l’œcuménisme, le témoignage. Les textes des papes, procurés et étudiés dès leur parution depuis les encycliques de Pie XII. Et il y a quelques années, la documentation et l’écriture d’articles sur la contemplation. Quand Le Monde me publiait, il y a trente ans, des articles bien plus courts et spontanés sur l’Eglise, son image, ses tentations. C’est La Croix qui me publie, au chaud des oppositions aux solutions d’Alain Savary pour trancher le conflit école publique/école privée : je demande si les écoles confessionnelles « font » de meilleurs chrétiens que les lycées de l’Etat ?

Aujourd’hui, pas d’engagement physique ni en Eglise ni dans la vie politique (je n’ai jamais pu obtenir un mandat électif significatif ni la position de conseil intime auprès d’un acteur d’importance pour notre vie nationale), mais ces écrits, et les rencontres.

Divers accompagnements.

Le couple déjà âgé et souffrant (cancer de l’épouse, rebond de célébrité médiatique du journaliste retraité) : un des fils de l’un de nos plus grands écrivains au XXème.

Un moine-frère bénédictin probablement appelé à une fondation spéciale. Celui-ci est devenu pour ma femme m’accompagnant, à ma grande joie, dans cette amitié, un frère spirituel : son humilité et sa sincérité me font entendre des manières de croire, de durer, d’attendre et de choisir étonnantes, insolites. Au jour le jour, le climat d’enfance comme école spirituelle. L’échange tient à ce que je l’écoûte et crois à ce qu’il me dit, alors que d’intelligence et de culture, je devrais au moins être dubitatif.

Un autre couple en instance de divorce parce qu’il était déséquilibré dès son origine et pâtissait de surcroît d’enfances respectives malheureuses.

A écouter autrui, d’ailleurs, que d’existences humaines sont marquées par le couple parental. Je vis donc quotidiennement cette responsabilité, partagée avec ma femme, de donner à notre fille la matrice la dotant le mieux pour son âge adulte. Le mieux alors que nous-mêmes sommes si contingents. La grâce est le liant et l’ingrédient nous suppléant. Car la responsabilité insigne et définitive qui m’est échue, tard dans la vie où j’ai souvent failli à l’attente d’autres, est évidemment ce que je reçois et ce que je dois protéger des miens : vie d’échange et de partage avec ma femme – quatre ans et un mois de mariage, la sensation si vive de la grâce sanctifiante à l’échange de nos consentements dans l‘église du Val-de-Grâce – et avec notre fille, moins de quatre ans. La prière du soir, celle que je récitais dans mon enfance. Le monde vu et vêcu grâce à elles deux, et par elles. Chaque jour, une découverte, un approfondissement, l’expérience de la précarité des plus solides sentiments et engagements autant que du renouvellement de ces consentements et choix mutuels. Pleinement, maintenant, l’enseignement du Christ et de son apôtre Paul sur la parbole du mariage, Dieu et l’humanité, l’homme et la femme. Il y a trente ans, j’avais commencé d’écrire sur L’âme du sexe. Car le mariage apprend le sacrement de la chair, combien la grâce transforme le fortuit en renouvellement.

Je dis ainsi mon témoignage de vie d’Eglise, paroissien et chrétien de base, banal.

Pour situer les figures que je vais successivement présenter, soit dans leur mouvement actuel : ce que je vois de la vie spirituelle d’un autre, ce que nous pouvons chacun en tirer, sans indiscrétion, soit in memoriam, portraits et leçons. Monsieur Pouget dans nos vies, parfois. Denis Maugan, le recteur de mon village breton, entrée mutuelle dans nos vies, me maintient dans la résonnance, la joie et la discussion de toute évangélisation contemporaine. Ses homélies, son expérience, ses agacements – mais il n’est jamais las que physiquement : solidité psychique et spirituelle de ces prêtres « ruraux » que leurs évêques ont sacrifié, sans études vraiment supérieures, sans réelle direction spirituelle, s’inventant donc eux-mêmes en ne s’appuyant qu’en aveugle aux colonnes reconnues pour être celles de l’Eglise. Bien plus que les « têtes mitrées » que Jean Laplace recevait au même rang que les banaux sans jamais y voir l’Eglise à eux seuls, ces prêtres-là sont le visage et l’artisan de la communion des saints et d’un certain chemin vers l’alternative au monde actuel, celui de notre condition humaine.
Et la chance d’un monastère, pas trop loin géographiquement, et de beaucoup des moines de cette communauté avec lesquels la communion est rigoureuse, respectueuse, parfois âpre, mais chaleureuse et au fond fraternelle. « Mon » Eglise est là, dans sa concrétude ; la bonté, les ancrages, les avancées et intuitions peu remarqués parce que tant de reculs sont apparents, tout cela qui est Benoît XVI m’est également proche. Je crois aux papes, tous ceux contemporains de ma vie au monde m’ont apporté, personnellement. Pas un que je n’ai étudié en compagnon qui accepte le dialogue, qui m’instruit mais à qui je peux et dois répliquer, avant que nous tous ayons les mains jointes pour le physique du cercueil.
Je crois à la communion des saints, déjà entre nous, et ma femme et notre fille y sont avec moi, et d’elles j’ai tout à apprendre de cette communion et de la vie.
Ces premières lignes, donc...

Pour situer aussi la méditation-prière-partage des textes de chaque jour.

Pour introduire des réflexions particulières : intelligence, sexualité, économie, politique selon ce qu’apporte la foi au raisonnement et au comportement.

L’apologétique apporte bien moins que l’auto-biographie. D’Augustin aux deux Thérèse, quel lecteur – empoigné par ces parcours d’âme – ne le sait ? Et vous : qui dites-vous, que je suis ? Nous répondons par notre vie, et quand nous partons… par l’histoire de notre vie.

L’expérience de ma vie a été – de mes premières prises de conscience, et surtout de mes premières souffrances sentimentales, à aujourd’hui, le bonheur accompli –, que tout est grâce : c’était l’enseignement de Gilbert Lamande, dans mon très jeune âge, et quand il a administré ma mère à quelques semaines de la mort de celle-ci.