dimanche 28 février 2010

apparus dans la gloire - textes du jour

Prier… [1] je ne suis pas exégète et à plus forte raison, je ne lis pas l’hébreu. Mais la Genèse approche de l’indicible autant que Jean l’évangéliste, le second par ce qu’il a vêcu et dont il rend compte, la première par les mots et les absences de mots. Ainsi le « il » au singulier ou au pluriel, ou bien le passage d’une situation ou d’un dialogue dans lequel la parole de Dieu fut adressée à Abram dans une vision… alors cette parole de Yahvé lui fut adressée à une proximité physique, en tout cas à une présence totale : il le conduisit dehors… et il lui dit… Yahvé dit à Abram… sans doute, touchons-nous là les deux moments de l’expérience spirituelle humaine : la grâce insigne de la présence manifeste (que les Apôtres lors de la dernière Cène demandent à Jésus, par la voix de Philippe, et sans se rendre compte qu’ils ont déjà et dans le moment exaucés en plénitude) et l’accès mystique. Contrairement au Coran dans lequel la contemplation du cosmos incline à comprendre la toute-puissance de Dieu, la Genèse – ici – en fait la parabole des dons de ce Dieu… regarde le ciel et compte les étoiles, si tu le peux… Vois quelle descendance tu auras ! L’argument paulinien est alors donné : Abram (qui n’a pas encore eu son nom changé) eut foi dans le Seigneur et le Seigneur qu’il estima qu’il était juste. Une autre expérience nous est aujourd’hui communiquée : toutes les paraboles contenues dans « la nuit de la foi », toutes les adresses de Dieu « en songe » et, pour nous, qui sommes la continuité des Actes des Apôtres et écrivons du sang de nos vies (de la goutte de nos semences, rappellerait le Coran) l’évangile de l’Esprit saint jusqu’à « la fin des temps », ce sommeil mystérieux dans lequel une sombre et profonde frayeur saisit Abram, signifie sans doute l’abandon de nos sens, la perte de nos repères et donc cette totale disponibilité que produisent indifféremment l’amour, la mort et probablement le baptême dans la foi. Dieu admet alors de nous donner des « signes ». L’affectivité, la nôtre, nos yeux et cœur de chair vibratile, demeurent et sont admis de Dieu (leur créateur et de qui nous les tenons) : Paul, s’adressant ainsi à mes frères bien-aimés que je désire tant revoir, vous ma joie et ma récompense et Abram : Seigneur, mon Dieu, comment vais-je savoir que j’en ai la possession ? Le petit côté – forcément tout humain – de la mystique. Maître, il est heureux que nous soyons ici ; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie. Les disciples, eux aussi accablés de sommeil, et la réaction de Pierre, merveilleuse, car il ne prévoit pas de tentes pour lui et ses deux compagnons. Son visage (celui du Christ en prière) apparut tout autre. Je ne m’en étonne pas : l’amour et le bonheur nous donnent de les lire au visage de l’autre, qui alors apparaît… Indication (à creuser), cette apparition dans la gloire de deux hommes : grands personnages de l’Ancien Testament ou humbles de nos défunts contemporains, c’est le corps des ressuscités… c’est le corps glorieux de l’éternité, c’est l’âme totale.


[1] - Genèse XV 5 à 18 ; psaume XXVI ; Paul aux Philppiens III 17 à IV 1 ; évangile selon saint Luc IX 28 à 36

samedi 27 février 2010

- textes du jour

lecture du Coran

ne m'abandonne pas entièrement - textes du jour

Samedi 27 Février 2010


Humbles et pauvres… prier, étendu à même le sol, faudrait-il, à bout complètement et l’espérance si faible, désormais seulement surnaturelle, la mèche qui s’éteint… (le psaume dit que Dieu ne l’écrasera pas). Tu les garderas et observeras de tout ton cœur et de toute ton âme, les commandements et diverses prescriptions, nos « devoirs » envers Dieu et envers les autres, tels qu’enseignés et reçus : soit ! mais celui qui interpelle Jésus : tout cela je l’ai fait depuis mon enfance (quoiqu’il soit rare de pouvoir sincèrement le dire…), alors la réponse, qui transcende les comportements et les observances : le dépouillement et le départ… va… vends… puis viens et suis-moi… la main et l’appel de Dieu à l’instant de notre mort, grâce à laquelle nous sommes enfin dépouillés ? mais ceux que nous aimons, et qui nous aiment ? les laisser ? ce n’est pas de cet ordre, nous ne nous entre-quitterons jamais. Et dans l’amour et l’amitié, n’y a-t-il pas, bien plus que la perspective et l’espérance de toute suite et de toute durée, cette sensation rétrospective d’une éternité de si longue date pour cet amour et cette amitié, ces amours et ces amitiés, qui sont antérieurs tant ils nous constituent… tu as obtenu du Seigneur cette déclaration : qu’il sera ton Dieu et que tu écouteras sa voix… le Seigneur a obtenu de toi cette déclaration : que tu sera son peuple particulier… il te donnera prestige, renommée et gloire. Dialogue décisif, tête-à-tête et bilan pour la vie, mariage à égalité surprenante de la créature et du créateur. Identité de nature, à croire ? Jésus nous l’indique : vous donc, soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait. Créés à l’image et à la ressemblance de Dieu (homme et femme, le couple participe du mystère trinitaire, la procréation du mystère de la création), nous pouvons et devons ambitionner d’approcher de sa perfection ! [1] Le premier chant des oiseaux ce matin nous salue. Il est temps de prier. Pleurer est un début, les raisons se dissolven, le chagrin est la première étape de l’espérance : l’impuissance, sinon la capacité de reconnaître que je suis, nous sommes à bout. Inconscients ? nos chiens qui ronflent et que j’entends, tandis que le jour a fait apparaître nos fenêtres. Dehors ne m’appelle pas, j’ai tant à faire ici : prier, pour moi, si faible, et mortel, pour autrui, pour tous… ne m’abandonne pas entièrement. Prière d’Esther, rappelée dans la liturgie d’hier.

[1] - Deutéronome XXVI 16 à 19 ; psaume CXIX ; évangile selon saint Matthieu V 43 à 48

jeudi 25 février 2010

depuis ma naissance, j'ai entendu répéter - textes du jour

Jeudi 25 Février 2010


Prier… [1] l’ambiance d’un enseignement de la prière. L’enseignement, au contraire de l’Islam, n’est pas sur Dieu et n’est pas l’apprentissage de la contemplation ou même d’un comportement en fonction du jugement ; la référence et le modèle ne sont pas même Dieu. Le Christ et le chirtianisme partent de l’homme, car Dieu est venu à l’homme en son Fils, précisément. Les paraboles disant Dieu montrent l’homme. L’analogie dest constante, Dieu se comporte envers nous comme l’homme – mais l’homme accompli, l’homme originel, l’homme voulu par Dieu, là encore : précisément. Harmonie entre la création et le créateur, la créature et le créateur. Vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est aux cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent. Premier versant, celui du Nouveau Testament, celui de la proximité et de l’accessible. Second versant celui de l’Ancien, nous montrant le Roi des dieux, qui domine toute autorité. Là encore, ce n’est pas une intervention hors normes et indépendante de toute mesure humaine, c’est l’habitation par Dieu de sa créature en difficulté. Mets sur mes lèvres un langage harmonieux… donne-moi du courage… viens me secourir car je suis seule, et je n’ai que toi, Seigneur, toi qui connais tout. Le Dieu d’Israël et des chrétiens, le Dieu de la révélation juive accomplie par le Christ est un Dieu qui discerne, qui choisit, qui enveloppe. Prière d’Esther : viens me secourir, car je suis seule, et je n’ai pas d’autre secours que toi, et je vais risquer ma vie. Une connaissance de Dieu qui est plus encore que la révélation biblique ou coranique, une mémoire personnelle ou héréditaire de bienfaits et d’exploits tenant tous à Dieu. Dieu historique, Dieu intervenant par conséquent dans le présent. Depuis ma naissance, j’ai entendu répéter… et tu as fait pour eux tout ce que tu avais promis. Langage filial s’il en est, de confiance, que valide le Christ : pour celui qui frappe, la porte s’ouvrira.

[1] - Esther XIV 1 à 14 passim ; psaume CXXXVIII ; évangile selon saint Matthieu VII 7 à 12

mercredi 24 février 2010

lecture du Coran - sourate 81 . l'enroulement


soir du mercredi 24 Février 2010

Le Coran comme une annonce spirituelle, une véhémence, peut-être même à l’origine un simple commentaire-retour aux sources du judéo-christianisme, mais la guerre et les hostilités provoquées par cet imprécateur en font – politiquement d’abord – un corps autronome, une religion. Pas une réforme.

Sourate 81 . L’enroulement

Même construction et insistance sur le décor que pour le soleil, la nuit et l’aube soiurates 91, 2 et 93). Un proche pour le monument de la prière. Une considération de l’univers en ce qu’il peut être mentalement et poétiquement saisi par tout homme, car il ne s’agit pas des signes annonçant le jour du jugement. Tout est simple et quotidien même si la création est en remue-ménage, à commencer par cette image du soleil, tableau de Van Gogh, commenté quatorze siècles à l’avance… :
Quand le soleil sera enroulé,
quand les étoiles s’obscurciront,
quand, à dix mois, les chamelles seront débrudées,
qaund les fauves seront rassemblés,
quand les mers bouillonneront,
quand les êtres seront accouplés
quand l’enterrée vive sera interrogée
1 à 8,
la culture d’une époque, le sacrifice d’enfant dans le paganisme contemporain du prophète, mais pourtant l’événement prépare son cadre… lequel ? le voilà, le verbe d’un Envoyé magnanime, doté de force, chez le maître du trône, l’Immuable, obéi dans l’amen. Le verbe ? appellation chrétienne, le verbe de Dieu, le Christ. Mon traducteur (Chouraqui) le présente sans ambiguité comme l’ange Gabriel, celui de l’Annonciation à Marie. L’événement n’est donc pas tant le jugement : quand les feuillets seront déroulés, quand la fournaise sera attisée, quand le jardin sera proche, tout être saura ce qu’il devra présenter 10, 12, 13, 14 mais l’entrée en scène de Dieu. Dieu qui donne le discernement par son ange, par son prophète. Votre compagnon n’est pas un possédé 22 reproche fait couramment à Jean Baptiste, et parfois-même au Christ. Discernemnt qui est de l’ordre du spirituel, sinon du mystique : déjà il a vu l’horizon lumineux, et du mystère, il n’est pas avare 23 & 24. Expérience de la liberté et de la grâce : Vous ne le voudrez que si Dieu, seigneur des univers, le veut 29 . Deux fortes notions qui sont autant chrétiennes que musulmanes. Interrogation aux exégètes : qu’est-ce que la mémoire des univers 27 . Le vivant et la cosmologie appliqué au rythme circadien de l’homme : par ce qui gravite, court et se cache, par la nuit quand elle rode, par l’aurore quand ele s’exhale 25 à 28.

Texte très synthétique me semble-t-il de tout l’Islam, le prophète, la sanctification de la création, le rôle du Prophète, et l’enseignement spirituel, non sur la nature de Dieu, mais sur le comportement des hommes : où partez-vous ? … celui qui parmi vous, se lève et le veut 26 & 28.

il y a ici bien plus - textes du jour

Mercredi 24 Février 2010


Les innombrables itinéraires humains, les tâtons, les espérances, les habitations, le train à l’aube, le grand magasin de livres et médias, l’autobus parisien, les bords de Seine, la rue Royale, l’Interallié, visages, rencontres, silhouettes, correspondances, pensées, paroles, intuitions, des portrais d’âme qui me viennent … ceux que peut-être j’éveille en d’autres sans le savoir ni que le contact se fasse en cette terre et cette histoire.

Les certitudes que me donnent soudainement mes aimées à les aimer non plus en pensée mais en mutuelle présence… l’enfant nous apprend que peut-être l’adolescent d’aujourd’hui et les apparentes précocités sexuelles anticipant non seulement la construction sociale, mais même l’équilibre de l’affectivité (s’il en est jamais un), tout ce qui déroute les générations plus anciennes, dont la mienne, a peut-être sa sagesse. Je n’ai pas encore lu le livre d’Elisabeth Badinter et peut-être elle et moi ne nous ne rencontrons pas en cela et en d’autres choses, quoiqu’elle ait le don de toucher et faire toucher les points décisifs de nos mystères, mais après des millénaires où l’art de la femme d’équilibrer l’homme et de le faire aimer et s’aimer, un art qui restait si enfermé et secret, et dont le sexe était l’un des espaces-moments-occasions, parmi d’autres selon les intelligences innées ou acquises, il est possible que depuis très peu de décennies, presqu’actuellement, la femme, dès sa forme commençante de l’adolescente, prenne le relais et ouvertement initie l’homme en son commencement adolescent, à aimer, rencontrer, se donner, attendre, se casser la g.., et éprouver parfois en quelques heures ou minutes seulement puissance et impuissance, extase sans encore les mots ni les comparaisons, pas même la poésie, gestes en double ou triple et invention inrenouvelable, et qu’en conséquence quelque chose, des comportements – mal compris ou critqués ou redoutés – parce que dans notre incompréhension et nos références incomplètes, ils paraissent dangereux ou prématurés à d’autres générations que celle de ces encore-enfants… soit une tranquille mûe que la jeunesse nous apprend et dont les très jeunes fille d’aujourd’hui ont mission consciente – pas seulement pour ce que nous croyons du haut (ou du bas de nos âges…) : plaisir ou faiblesse, ignorance ou irresponsabilité. Peut-être au contraire, sont-elles très responsables, celles, si jeunes, qui pertçoivent les impasses où nous ont menés nos éducations, nos contraintes, nos peurs. Peut-être, piste en tout cas pour nous désinquiéter et chercher ce que cela signifie au-delà de nos propres façons de voir. Jeunes filles prenant à nos yeux, mais pas aux leurs, le risque d être victimes aussi, mais aussi amenant leur si frais compagnon au risque assumé de comprendre à deux la responsabilité, de changer le monde entre autres, et d’user de la nature pour qu’elle serve au bien commun. Les mutations sociales commencent probablement par ces gestes, échecs et vérité du couple.

Secondement, toujours à nos éveils de famille : leçon de la beauté. Ce que nous voyons et ressentons, notamment de l’homme à la femme, apparence qui subjugue et examen qui déçoit, diagnostic d’insignifiance voire de laideur que démentent des formes aperçues puis une totalité d’un corps qui dément un visage puis y renvoit le magnifiant, quelle que soit l’apparence en notre forme existentielle humaine, nous sommes dans la pressentiment de l’aboutissement de chacun dans l’éternité dans le sein trouvé-retrouvé de Dieu – alors la beauté que nous cachions ou que nous révélions, parfois, souvent, formellement ou pas, beauté toujours reçue, et humainement toujours dépendante et pas seulement de la mode, de l’âge et du regard d’autrui, la beauté de maintenant n’est que pressentiment de notre beauté définitive, achevée, complète…
… du moins c’est que je vois maintenant que nos retrouvailles s’accomplissent en famille.

Prier… [1] il y a ici bien plus que Jonas. Les conversions, celle de Ninive, celles qui ne se produise pas. Le jugement non pas divin mais d’une génération à l’autre. La nôtre experte pour s’exonérer du présent et de ce qu’elle sème pour l’avenir. Ils se sont convertis en réponse… tout est dialogue, l’autisme est la mort car il est du cœur, car l’autiste au sens clinqiue a un regard, une attente et ses capacités. La reine de Saba, Ninive, et aujourd’hui tant qui peuvent se lever contre nous, pour seulement condamner. Jésus à bout d’argument laisse les hommes et les femmes, les générations s’entre-débrouiller : lors du jugement (événement et concept décisifs pour le Coran, presqu’accidentel pour les deux versants de la Bible car pour celle-ci le présent décide plus que le futur, et le passé sans cesse nous y aide) les habitants de Ninive se lèveront en même temps que cette génération. Lassitude de Dieu… notre réponse est notre prière : crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu, renouvelle et raffermis au fond de moi mon esprit. … Jonas se leva et partit pour Ninive, selon la parole du Seigneur. Moins lassé que le Christ lui-même, mais quelle résistance il avait offert à l’envoi de Dieu… Le début de la foi n’est pas du tout une adhésion à quelque corpus de croyances ou d’expériences enseignées, voire de révélations, il est une question : qui est Dieu si … en tout cas, un Dieu qui nous concerne. Pour Ninive, plus ou moins déiste et qui entend, elle est : qui sait si Dieu ne se ravisera pas, s’il ne reveindra pas de l’ardeur de sa colère ? Et alors, nous ne périrons pas ! Une conception du monde (fausse pour nous, rendant compte à son époque d’une civilisation) est acceptée par Dieu qui y insère son interrogation et la fait se poser en termes propres à cette génération-là. Image du savoir-faire ets e comporter de Dieu qui nous pose aujourd’hui les questions dans nos langues. La réponse de Ninive est aussi datée que l’appel divin : nous ne répondons et n’exerçons notre liberté qu’à notre date, pas à celle de temps, de cultures, de géographie où nous ne sommes pas. Nous ne sommes pas, pour Dieu, des êtres imaginés, mais vivants : Il en sait quelque chose, le Dieu vivant qui nous crée et nous appelle à son image et à sa ressemblance.

Hier est toujours quand les fondements de la prière nous sont enseignés, quand Dieu définit Lui-même l’efficience de sa parole [2]. Simplicité du Christ pour nous qui sommes aussi pauvres qu’ambitieux et nous maltraitons tant nous-mêmes : Il nous donne un Dieu à prier qui est à notre portée, aucune demande en principe à formuler (votre Père sait de quoi vous avez besoin avant même que vous l’ayez demandé), mais nous sommes introduits comme ouvriers-mêmes de la divinité. Dieu aurait besoin d’être sanctifié, Dieu situé aux cieux, Dieu dont la volonté pourrait ne pas être faite, que de contingences qui fait revenir Jésus aux nôtres : notre pain de ce jour, nos dettes (autrefois appelées offenses) et une conclusion de grande finesse psychologique : nous ne péchons qu’après combat, notre responsabilité n’est finalement que celle reconnue par Dieu, en termes si humains : si vous ne pardonnez pas aux hommes, à vous non plus votre Père ne pardonnera pas vos fautes. Seul point que Jésus commente de la prière qu’Il vient de donner à ses disciples qui s’étaient rassemblés sur la montagne autour de lui. Que d’indulgence et que d’offrande de Dieu : non seulement, nous exaucer pratiquement, notre besoin de mots, mais nous demander de les dire, et à qui : notre Père. Conception d‘ailleurs du père à retrouver, de même que Marie nous apprend aussi bien ce qu’est la mère que la fille, la vierge que la fécondée. Le Seigneur entend ceux qui l’appellent. Pourquoi ? comment ? en faisant, en créant, en exauçant. Prière par des mots, celle de l’homme, réponse de Dieu dans ce registre mais d’une vérité incomparable et définitive, réponse par l’envoi du Verbe (le Fils) : ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission. La prière enseignée par le Fils a son aboutissement dans notre rédemption, dans la Résurrection : l’efficacité est là, notre pain quotidien est là. Tout simplement parce que la volonté de Dieu s’accomplit comme nous l’avions souhaité nous-même, en priant. Que ton règne vienne, comme s’il n’était pas, comme s’il était douteux…


[1] - Jonas III 1 à 10 ; psaume LI ; évangile seln saint Luc XI 29 à 32

[2] - Isaïe LV 10 à 11 ; psaume XXXIV ; évangile selon saint Matthieu VI 7 à 15

lundi 22 février 2010

ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé cela... - textes du jour

Lundi 22 Février 2010


Prier…[1] texte trinitaire s’il en est que le texte évangélique rapportant la profession de Pierre. Puisque Jésus – Dieu fait homme mais tellement homme que ses contemporains le prennent pour Jean-Baptiste, pourtant décapité (se répète Hérode) ou pour Elie (ce qui serait croire à quelque réincarnation mais aussi se souvenir qu’Elie ou le « grand prophète » doit venir ou revenir) – renvoie ses disciples à son Père et non à notre Père, ce qui serait encore une conception très habituelle d’un Dieu paternel et miséricordieux, mais sans rapport particulier avec Lui, qui est donc le Fils. Quant à la troisième personne de la Trinité, c’est sous son inspiration que Pierre a parlé, s’est écrié : Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant. L’Esprit qui procède du Père et qu’a convoqué le Fils pour ses disciples. Pierre, le prophète, n’a de discernement qu’inspiré par l’Esprit et questionné explicitement par le Seigneur, car livré à lui-même, comme le plus souvent selon les évangiles, il se récrie et parle à faux, surtout pas de mise à mort ni d’échec humain pour son maître, qu’il renie d’ailleurs. Tout en pouvant écrire : je suis témoin de la passion du Christ. Conseils pastoraux qu’il est donc en situation d’écrire aux Anciens, au clergé d’aujourd’hui et à tous ceux qui sont consacrés ou qui se croient responsables des autres, plus en hiérarchie qu’en communion et solidarité spirituelles : conseils compassionnels que sa propre démarche de foi, sa vie-même parfois peu édifiante quoique sous les yeux du Christ, lui inspirent à juste titre. On parle mieux par sa pauvreté que selon sa richesse.

[1] - 1ère lettre de Pierre V 1 à 4 ; psaume XXI ; évangile selon saint Matthieu XVI 13 à 19

dimanche 21 février 2010

textes du jour - prière du matin - genèse d'une communion

alors, tu seras sauvé - textes du jour

Dimanche 21 Février 2010


Le sens de la vie, de ma vie, je vois celui des autres, notamment en terme d’amour ou de conscience de soi, mais moi ? nulle œuvre, nul raisonnement ne me le donnera, or j’en ai besoin, et nous avons tous besoin de cet clé qui n’est pas intellectuelle, qui n’est d’aucun domaine, qui est vitale, qui est la vie, quel sens non à ce que je fais, mais à ce que je suis. Le raisonnement ou la résignation ne me l’apporte. En rester là n’est pas possible, on bute. L’ouverture est à Dieu, nos initiatives sont courtes, notre écoute, Dieu la force avec gentillesse et douceur, intimement ou par grande violence, ce que des saints et des destinées, historiques ou inconnues, ont vêcus. L’instant de la mort donne une réponse, pour chacun de nous, pas selon autrui, pas selon nous-mêmes. Fasse Dieu qu’elle soit indulgente, compatissante, paternelle. Dieu le Père, avec ou sans majuscule. Et quel père est assez père, fort, tendre pour nous soulever, nous sécuriser, répondre de tout désormais. La vie entière et peut-être ce jour-ci est la course de l’enfant, de l’âme en genèse… vers Lui. Course qui a raison des questions et qui voit déjà le visage dont l’accueil est prodigieux, le sourire : vrai. Et voici maintenant que j’apporte les prémices des produits du sol que tu m’as donnés, Seigneur. [1] Or cette espérance, ce parcours, cette vie qui peut offrir finalement, il n’y a que les tentations – désespérantes et même illogiques : l’accumulation de tout ? Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre. Le pouvoir et toutes jouissances de libido, dominer, dominer, paraître (bling-bling entouré de la révérence et de la tolérance de ceux qui s’esclavagisent eux-mêmes devant un de leurs semblables, comédie de la politique quand elle n’est plus civisme) : Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et c’est lui seul que tu adoreras. Interrogations intimes ou collectives, défi à la nature et à soi-même, suicide et péché, se détruire d’âme ou de chair, se piétiner soi-même, décevoir les autres : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. Jésus ne raisonne pas, ne refuse rien, il renvoie Satan et tout ce qui en nous va céder au négatif, au plus simple, la loi divine qui en l’espèce nous est si naturelle. Nous sommes faits pour Dieu et c’est ainsi que nous gagnons tout, nous-mêmes, les autres, le monde et enfin le sens. L’incarnation du Christ nous est un signe que tels que nous sommes – lui et nous, humains – l’itinéraire est possible, la vocation certaine. Si tu affirmes de ta bouche que Jésus est Seigneur, si tu crois dans ton cœur que Dieu l’a ressuscitéd’entre les morts, alors tu seras sauvé.

[1] - Deutéronome XXVI 4 à 10 ; psaume XCI ; Paul aux Romains X 8 à 13 ; évangile selon saint Luc IV 1 à 13

samedi 20 février 2010

ta lumère se lèvera - textes du jour

Samedi 20 Février 2010



Chacun de nos chiens a sa manière de prendre ou happer le biscuit du « petit déjeuner »… Prier… Saisi cette aube par la vive conscience que je ne suis pas assez tourné vers Dieu, vers son Christ, que je suis dans une routine, du texte, de la lecture mais pas dans l’amour, l’attente, la dépendance et l’action sous une inspiration que je ne sollicite pas ou guère. Le texte donné aujourd’hui de Teresa de Calcutta me rencontre à ce point névralgique. Nerf et tension d’une vie ? non, vérité de ce que je souhaite seulement par intermittence ? non, car Dieu me voit dans mon secret bien mieux que je ne me saisis dans mes immobilités ou mes emballement. Il sait, réponse de Pierre à Jésus après la résurrection. [1] Ce qui ne me dispense ni de l’oraison, pas assez fréquente mais peut-être ne fais-je pas assez attention quand je la reçois pour alors m’y laisser verser, un instant y suffira, j’aurais été orienté, ni de la contemplation, disponibilité total au soleil universel et intime de l’amour.Version centrale et matricielle, celle que Dieu nous prodigue à longueur de notre vie ici-bas et dans l’éternité. Ce ne sont pas les gens en bonne santé qui ont besoin du médecinn, mais les malades. Je suis venu appeler non pas le sjustes mais les pécheurs, pour qu’ils se convertissent. Ce matin, Dieu me donne d’en être là. Jésus nous remarque là où nous sommes et tels que nous sommes. Jésus remarqua un publicain (un collecteur d’impôts) du nom de Lévi, assis à son bureau. Il lui dit: « Suis-moi ». Abandonnant tout, l’homme se leva et se mit à le suivre. Et il le suit où ? jusques chez lui et à sa propre table ! Lévi lui offrit un grand festin dans sa maison. Isaïe continue d’exalter ce changement radical de tout : la société, les circonstances si le cœur humain change, si la charité nous irradie et coule de nous, aussitôt Dieu nous comble bien plus que nous n’avons secouru autrui. Il nous donne d’être féconds : tu seras comme un jardin bien irrigué, tu rebâtiras les ruines ancienes, tu restaureras les fondations séculaires… Et que seras-tu toi-même ? accompli, définitif, ressuscité : ta lumière se lèvera dans le sténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi. Ainsi soit-il.

[1] - Isaïe LVIII 9 à 14 ; psaume LXXXVI ; évangile selon saint Luc V 27 à 32

jeudi 18 février 2010

ils voudraient que Dieu se rapproche - textes du jour

Vendredi 19 Février 2010
Prier [1] un temps viendra où l’Epoux leur sera enlevé, et alors ils jeûneront. … Le jour où vous jeûnez, vous savez bien trouver votre intérêt… votre jeûne se passe en querelles et querelles … est-ce là le jeûne qui me plaît ? Univers de pratiques et de rites qui nous sont aujourd’hui inconnus. Le texte de ce Maxime de Turin dit bien l’origine et le but de ces rites et pratiques, Jésus en donne la circonstance. Un chemin et un manque. Isaïe décrit le pratiquant que sa pratique n’entame ni ne change d’âme. Soit… Isaïe pasteur, à la fois évangéliste et épistolier, une Eglise enseignante à lui seul, un poète et un voyant aussi. Il explique la charité, la générosité, le rayonnement, une vie humaine, tout simplement. Il reprend tout et nous assure d’un salut qui est d’abord une intimité. Rien par rapport à nous, tout dans la relation d’ouverture à autrui et naturellement Dieu à notre épaule, les besoins criants que nous avons contribué à soulager ou à assouvir, à notre tour, les nôtres sont compris. Dieu accourt comme il nous fait accourir. Quel est donc le jeûne qui me plaît ? N’est-ce pas faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux opprmés, briser tous les jougs ? N’est-ce pas partager ton pain avec celui qui a faim, recueillir chez toi le malheureux sans abri, couvrir celui que tu verras sans vêtements, ne pas te dérober à ton semblable ? Alors ta lumière jaillira comme l’aurore, et tes forces reviendront rapidement. Ta justice marchera rapidement, et la gloire du Seigneur t’accompagnera. Alors, si tu appelles, le Seigneur répondra : si tu cries, il dira : « Me voici ». Non pas une identitée plaquée, mais nous-mêmes magnifiés et restaurés, l’égocentrisme nous tue, l’ouverture aux autres nous ressuscite, nous rend à notre nature, ce sont nos forces et notre lumière qui revivent : pas celles d’autres ni même de Dieu. Dieu, seulement accompagnant notre liberté, notre remise en route, mais si nous sommes lumière, Lui est gloire, nos forces et notre justice, notre société et nos vies réorganisées, décapées ici-bas ont leur magnificence en Lui seulement. Il nous manque encore tout, le comble de la charité n’est pas tant de l’administrer à autrui que de nous en savoir redevables nous-mêmes, alors notre cri, alors l’arrivée… Me voici. Le mot de la fin dans l’Apocalypse, à ne plus savoir qui le dit, de l’homme ou de Dieu. C’est tout un… Ils veulent connaître mes chemins… Ils voudraient que Dieu se rapproche. Voilà. Histoire qui n’a qu’une parole

[1] - Isaïe LVIII 1 à 9 ; psaume LI ; évangile selon saint Matthieu IX 14.15

lecture du Coran - sourate 91 . Le soleil

choisis donc la vie - textes du jour

Jeudi 18 Février 2010


Prier donc… une fois reçu le fardeau de chacun et sans pouvoir rien alléger pour personne que via Dieu et quelque transfusion d’espérance dont ceux qui se confient à moi ou à d’autres n’auront que l’effet sans forcément discerner l’origine et la cause de l‘embellie ou du re-départ ou de l’inspiration décisive. [1] Vivre selon mes normes et dans mes chantiers, sinon pour ces chantiers, me paraît monstrueux alors que tant peinent et sont assiégés. Qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. Parole rétrospective ? le Christ prophétisant le genre de son supplice ? carà l’époque le mot n’est pas la métaphore d’aujourd’hui… Jésus ne me demande pas de prendre la croix des autres, celle-ci arrive toute seule avec ces autres, il propose la cohorte de tous avec lui, que l’un ou l’autre donne le mouvement, moi s’il se trouve ce matin déjà avancé. La référence n’est pas les autres et notre amour, notre sollicitude pour eux, nous ne serions que défaillance partagée, elle est Lui, et alors la chaîne se forme qui nous tirera tous du bourbier et de la mort. Celui qui perdra sa vie pour moi la sauvera. Comme si Dieu était lui-même en danger et avait besoin de notre souci de Lui ? Je le crois, c’est sa manière de nous amener à reconstruire l’humanité. Ton Dieu te bénira dans le pays dont tu vas prendre possession. Mais si tu détournes ton cœur… certainement vous périrez… Choisis donc la vie pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui. C’est là que se trouve la vieheureux est l’homme… qui se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi et jour et nuit. Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt. Tout ce qu’il entreprend réussira. Prière de chacun, tous responsables de cette remise en mouvement de la cohorte vers la vie, le bonheur, prière monastique, prière de la mère pleurant son fils, prière aux mots d’enfant entre bribes récitées et élans d’invention, les espérances déversées en Dieu, déversées… toute souffrance, tout souci est prière avant même que nous identifions son destinataire. Ce murmure qui est sortie de soi, début du chemin..

[1] - Deutéronome XXX 15 à 20 ; psaume I ; évangile selon saint Luc IX 22 à 25

mercredi 17 février 2010

identifiés à la justice de Dieu - textes du jour

Mercredi 17 Février 2010


Prier… ceux-là ont touché leur récompense. Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que donne ta main droite, afin que ton aumône reste dans le secret. Mercredi des Cendres puisqu’hier défilé d’enfants et maquillage de notre fille, par chance, quand mes aimées sont allées au parc magnifique de l’Orangerie à Strasbourg. Hors du temps car je suis ici sans voiture et que je n’ouvre pas la télévision, que tout à mon chantier, je ne consulte pas l’AFP, je ne réalise que maintenant l’ouverture du Carême et vais le commencer en allant à pied à mon village, petite route communale sinuant entre des marais et j’aurai encore le grésil, les bêtes rentrées, je suis – au propre et au figuré – hors d’époque, mais les textes m’accueillent ainsi. D’autres ailleurs ont aussi leurs coordonnées, plus imprécises elles sont, plus ils se trouvent avec eux-mêmes et mieux ils reçoivent la rosée et la palpitation de ces lumières chaleureuses et intérieures que procure simplement la grâce. Ton Père voit ce que tu fais en secret, il te le revaudra. Etre regardé, aimé, gratifié dans un tel secret que nous ne voyons pas qui nous regarde, nous évalue, nous gratifie, et nous sommes chacun ainsi dans ce creux de la main divine. Si vous voulez vivre comme des justes, évitez d’agir devant les hommes pour vous faire remarquer. Vivre comme… être juste… cela m’est égal, mais le conseil de sagesse est bon. Que cherchè-je ? le bonheur est abstrait. Je cherche la pleine communion avec qui j’aime et que ce soit donné à tous. Mes aimées grâce à Dieu, tant d’amis et amies, de rencontres, passées et à venir, contemporaines de maintenant. Dieu attirant dans la personne de son Christ, Jésus homme. Où donc est leur Dieu ? Il ne se saisit pas par ses bienfaits ou le compte en banque qu’il prodigue ou le corps magnifique de presque toutes nos jeunesse, mais déjà un peu mieux par nos derniers regards quand enfin nous sommes désintéressés et tournés vers l’essentiel, le passage à Lui. Que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée sorte de sa chambre. C’est carême, c’est-à-dire marche vers Pâques du fin fond de nos nécessités, contraintes, distractions ou fêtes vraies et fausses. Marcher, regarder, écoûter, être sensible à… [1] afin que grâce à lui (le Christ, Jésus), nous soyons identifiés à la justice de Dieu. Et puisque nous travaillons avec lui, nous vous invitons à ne pas laisser sans effet la grâce reçue de Dieu.


[1] - Joël II 12 à 18 ; psaume LI ; 2ème lettre de Paul aux Corinthiens V 20 à VI 2 ; évangile selon saint Matthieu VI 1 à 18 passim

mardi 16 février 2010

le prêtre selon deux textes - deux prêtres, un pape et un dominicain

vous ne comprenez pas encore ? textes du jour

Mardi 16 Février 2010


La joie des oiseaux, le soleil furtif, légère pastille rouge derrière les arbres nus, loin. Le rouge-gorge de ma femme s’approche du banc indien, dehors, il a ses miettes dessus, le grésil est pourtant aux herbes. Sous la main depuis quelques jours, accompagnant mon désir de formuler quelque chose depuis que trois jours de suite, un prêtre, trois prêtres successivement m’ont étonné et fait réfléchir sur leur condition et leur rayonnement sacerdotaux : l’encyclique de Paul VI que je rouvrais hier soir (grâce et nature § 51 et appel chaleureux § 86) et les conférences du Père Carré, à Notre-Dame de Paris en Février 1959, à mes pas seize ans, j’y étais donc (rétrospectivement : Deo gratias) : Vous le savez parfaitement : le respect d’un pouvoir, même délégué du ciel, n’est pas spontané. … Atteindre Dieu ! Un élan monte de la créature intelligente et libre, elle veut son retour à la source. Tant de richesses, tant de vêcu, si bien exprimé et aujourd’hui le brouhaha que seule dissipe la prière. [1] Dans l’épreuve que personne ne vienne dire : « Ma tentation vient de Dieu ». Dieu en effet ne peut être tenté de faire le mal (c’est tout le sujet des trois tentations du Christ concluant sa « retraite » au désert), et lui-même ne tente personne. Chacun est tenté par ses propres désirs qui l’entrainent et le séduisent. … Il a voulu nous la vie par sa parole de vérité, pour faire de nous les premiers appelés de toutes ses créatures. Chez Jacques, que j’aime tant, il y a toujours du tout, du spirituel et du théologique au pastoral et au psychologique. Vous n’écoutez pas ? Vous ne vous rappelez pas ? Vous ne comprenez pas encore ? Jésus surprend ses disciples : ils discutaient entre eux sur ce manque de pain. Avec naturel, Jésus les renvoie à ce qu’ils viennent de vivre : quand j’ai rompu les cinq pains pour cinq mille homme, combien avez-vous ramassé de paniers pleins de morceaux ? Ils lui répondirent : douze. Et quand j’en ai rompu sept pour quatre mille, combien avez-vous rempli de corbeilles en ramassant les morceaux ? Ils lui répondirent : sept… Brouhaha, mémoire, lecture de vie, lecture de notre époque, prière ce matin. Cette femme âgée, ostreïcultrice à la voix qui tremble mais au visage d’une étonnante jeunesse, son fils moine est mort un dimanche soir à dix-neuf heures vingt. C’est chaque dimanche soir que pour elle c’est dur. Hier, une des saint-Claude : je la lui souhaite et j’évoque qu’un jour – peut-être – le 29 Novembre sera une saint-Claude de plus. Elle ne dit rien, elle est mère, elle est femme, elle est âgée, elle ne fait que communier. Et ce matin m’offre le jour et le travail et la communion avec mes aimées qui sont loin et dont je réponds devant Dieu et devant les hommes tandis que leur cœur – à toutes les deux – est à me protéger. Quand je dis : « Mon pied trébuche ! », ton amour, Seigneur, me soutient, et mes mains se joignent et mes lèvres aspirent, fermées doucement comme les paupières, mon Dieu, que tu nous as donné à ouvrir de naissance et à fermer, de nous-mêmes ou d’un autre, à l’instant où nous t’avons rejoint pour ta résurrection.


[1] - lettre de saint Jacques I 12 à 18 ; psaume XCIV ; évangile selon saint Marc VIII 14 à 21

lundi 15 février 2010

lecture du Coran - sourate 93 . L'aube

Jésus soupira au plus profond de lui-même - textes du jour

Lundi 15 Février 2010


Endormi avec Huguenin passim : Imaginer quelqu’un, c’est prier pour lui [1]. Tous ceux qui ne se lèvent que parce qu’ils sont éveillés, qui savent que la journée et leur vie sont… sans surprise, sans fond, sans avoir, ils n’ont d’être que d’être vivants, lovés sur cette soif de changement qui veut tout sauf le changement, ce grave handicapé, totalement dépendant, devenu le centre de toute une famille et cela est sa seule satisfaction, devenant objet de haine et de vœux qu’il meurt, inspirant peur à chacun que se soit éveillé en lui la vindicte de l’avoir placé en maison spécialisée, crainte qui le protège de ce placement et le confirme dans son égoïsme et donc son malheur, des vies s’attachent à la sienne, perdent non seulement leur sens propre, tout entières dédiées à lui, mais toute joie, toute espérance autre que de mourir. Et c'est la mort d'autres qui va survenir avant la sienne. Mais lui-même qu’y peut-il ? sauf sursaut improbable de générosité, puisqu’il n’a pas choisi sa chute dans l’impotence, et l’aurait-il même choisie ? Mais ce qui est ainsi vêcu, non loin de moi d’imagination (et de cœur, de sollicitude pour mon aimée) n’est-il pas la parabole de nos vraies paralysies ? – Il y a quarante-cinq ans, je m’envolais vers la Mauritanie (un pesant DC 6 faisant escale à Bordeaux et terminus à Port-Etienne pour navette en DC 3 vers Nouakchott) : sollicitude intense, tendre de mon père à l’embarquement. Grandeur de l’amour d’un père, sa précision dans le don. Quand vous butez sur toute sorte d’épreuves, pensez que c’est une grande joie. L’épître si pastorale de Jacques : toute la psychologie de notre civilisation encore aujourd’hui tient à ce mélange de conseils adultes et parentaux, à la délivrance du secret de toute issue vers le bonheur et plus encore la liberté. J’ai longtemps cru que le bonheur était l’objectif ultime et l’état d’achèvement (quoique je croyais plus encore que le bonheur est une personne, et cela s’est vérifié, alleluia). Ma femme et cette lecture, maintenant, me font comprendre que c’est la liberté qui est notre accomplissement (et non notre point de départ, nous en avons les éléments nativement mais pas l’usage ni l’expérience), la liberté est le bonheur et la consécration de la liberté, son application, c’est l’amour et les hiérarchies minuscules et immenses qu’il nous fait choisir et auxquelles il nous donne – naturellement – de rester fidèle et finalement d’être protégé de ces divagations qui sont la mort. L’épreuve qui vérifie la qualité de votre foi produit en vous la persévérance, et la persévérance doit vous amener à une conduite parfaite ; ainsi vous serez vraiment parfaits, il ne vous manquera rien. [2] L’évangile semble souvent n’être que la chronique d’un harcèlement. Les épreuves dans une vie humaine sont reçues des circonstances et l’autre n’est pas, généralement, l’un des agents d’un complôt universel. Dans le cas de Jésus, au contraire, l’épreuve est constamment la mise à l’épreuve qu’évoque l’apôtre, qui y assista, désolé. Les pharisiens survinrent et se mirent à discuter avec Jésus : pour le mettre à l’épreuve, ils lui demandaient un signe venant du ciel. Jésus soupira au plus profond de lui-même… La lassitude, intense, de Dieu fait homme ne tient pas à la condition humaine qu’il a prise de naissance dans le sein de la Vierge Marie, mais à l’acharnement, au comportement des hommes, ses frères de condition. D’une certaine manière, la passion et la croix le libèrent : le harcèlement a pris fin, il se retrouve face à Dieu, non à Lui-même mais au Père. Son Père. Tu es fidèle quand tu m’éprouves. Que j’aie pour consolation ton amour selon tes promesses à ton serviteur. Le psalmiste, lui aussi et avant Jacques en chronologie, a écrit la matrice de nos psychologies, le récit de nos abattements et de nos résurrections. Notre présence au temps caractérise probablement, parmi d’autres civilisations, religions et morales, notre attitude d’âme : l’espérance nous fait reprendre conscience de notre liberté et entrer dans le temps en nous réconciliant avec le futur, en nous faisant vouloir l’avenir. Un avenir qui soit le nôtre, béni de Dieu. Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel, donne-nous notre pain quotidien, ne nous laisse pas succomber à la tentation. Le retour en arrière, l’anti-foi consistant à me considérer prisonnier de moi-même. Je prie avec vous et pour vous. Mes aimées et vous. Nous. Silence de toute prière. – Avec le rappel de ces adieux … Pourquoi cette génération demande-t-elle un signe ? amen, je vous le déclare : aucun signe ne sera donné à cette génération (elle est pourtant la génération de la mise en croix et de la résurrection). Puis il les quitta, remonta en barque et il partit vers l’autre rive. Les foules suivaient, les pharisiens préfèrèrent provisoirement le congé. L’évangile me donne de suivre ou d’aller déjà à cette autre rive.

[1] - op. cit. ibid. p. 244 – mercredi 18 Mai 1960


[2] - début de la lettre de saint Jacques I 1 à 11 ; psaume CXIX ; évangile selon saint Marc VIII 11 à 13

dimanche 14 février 2010

mais non ! - textes du jour

Dimanche 14 Février 2010

Endormi avec Vercors à nouveau : cette étrange pièce ou ces nouvelles [1], avec des formules frappantes ; ces années 30 à 50 – qu’à mon sens symbolisent très bien les pièces et films de Sartre – sont rudes et tranchées en idées, en politique, en événement. On est à raisonner dans les cas-limites, la torture, la liberté, la contrainte, on ne se paye pas de mots, les situations sont analysées en face, engagements divers mais engagements, aucune rente de situation, critères de discernement et d’estime publique totalement abrupts : la morale est à nu, pas d’indifférence. L’époque n’est pas passive. Prolongé… avec Huguenin [2], récit auquel s’apparente le mien dix ans plus tard dans mon journal 67-71 : celui d’un travail d’écrivain en puissance, le roman à composer, des articles à donner et les amours, les filles ou les femmes, sont secondaires et à rejeter comme une dispersion. Loin du donjuanisme ou de l’addiction à la conquête ou au plaisir, la curiosité est blasée et il y a une forte dose d’inexpérience de la vie, cette immaturité des adolescences qui se prennent au sérieux, se croient informées. Mais on se juge avec rudesse, on attend plus de soi que de la vie… – Prier… participation à la messe aujourd’hui impossible. Prière de désir, déséquilibre dans les habitudes, une messe dite de mémoire sur un de ses chantiers chinois par Teilhard de Chardin et pendant laquelle il déraille, me semble-t-il. Textes et silence sont un maintien de cap. Silence intérieur. L’étalon de ma vie, le criètre, la mesure qui sera mise sur la balance, l’échelle de valeurs. Mes aimées, là alors, pour me racheter. Communion des pécheurs, c’est-à-dire des saints. Paul remonte aux sources, sa foi, la sienne et celle qu’il propage, tient-elle ? il raisonne en syllogisme et selon la méthode grecque. A l’envers comme si notre foi opérait la résurrection du Christ lui-même ! Si les morts ne ressuscitent pas, le Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi ne mène à rien. Applaudissements de l’incroyant, Paul a public gagné. Nous sommes les plus à plaindre de tous les hommes. Et voici la leçon du texte et de toute la vie de Paul et sans doute de toute vie humaine, car je crois à la foi de chacun et à l’intimité de la rencontre et de l’appel à un moment ou à un autre de cette vie ou de l’autre, sans rien de figé jamais, sans rien d’impossible, jamais. Paul ne triomphe pas par la raison mais précisément par cette foi qui le fait ressurgir… et puis, ceux qui sont morts dans le Christ, sont perdus… Mais non ! le Christ est ressuscité d’entre les morts, pour être parmi les morts le premier ressuscité. Et en cela, même si c’est paradoxal, il est plus homme que Dieu, Jésus se montre pleinement homme, pas tant par sa mort que par sa résurrection. Seulement Dieu, il n’avait pas à ressusciter pour vivre. Et nous faire triompher par lui. Béni soit l’homme qui met sa confiance dans le Seigneur, dont le Seigneur est l’espoir… Maudit soit l’homme qui met sa confiance dans un être mortel, qui s’appuie sur un être de chair, tandis que son cœur se détourne du Seigneur… il ne verra pas venir le bonheur. Qui ne sait que l’amour – humain – ne tient pas s’il n’est fondé que sur l’humain. Malheureux, vous les riches : vous avez votre consolation ! Malheureux, vous qui êtres repus maintenant : vous aurez faim ! Malheureux, vous qui riez maintenant : vous serez dans le deuil et vous pleurerez ! … Regardant alors ses disciples, Jésus dit : heureux, vous les pauvres… Aucun texte ne mentionne une discussion des béatitudes (et des malédictions) par les apôtres : ceux-ci les ont-ils comprises ? Luc place ce discours juste après qu’ils aient été choisis, fait longuement continue Jésus comme si celui-ci décrivait tout ministère, toute parabole, mais l’application ne vient qu’avec la foi du centurion. La réponse à l’exhortation divine n’est pas dans le public mais chez l’étranger, l’occupant, le « païen » qui ne craint pas d’être demandeur [3].


[1] - Vercors, Les yeux et la lumière . mystère à six voix (Albin Michel . Octobre 1950 . 247 pages)
. . . une fenêtre ouvrait sur une courette où poussait un jeune arbre obstiné, qui lançait vers le ciel ses branches et ses feuilles légères dans un mouvement d’offrande et d’allégresse. p. 210
Je suis le maître dans ce pays. Je fais ce que je veux ! Non, vous faites ce que vous vous êtes mis dans le cas de faire. p. 226

[2] - Jean-René Huguenin, Journal édition intégrale (Seuil . Janvier 1993 . 354 pages) – surtout connu pour son unique roman La côte sauvage – comme Camus, se tue en voiture mais à 26 ans – Gracq dit de lui trente ans après sa mort « Sa disparition précoce a creusé dans la production du temps un vide qui, selon moi, se laisse encore ressentir ». Je ne sais rien de sa vie, il me semble qu’il a préparé l’ENA… en 1958 ou 1959… époque qu’il juge plate alors que de Gaulle revient au pouvoir et qu’il y a la guerre d’Algérie… spleen toujours
ce qui me rend si triste, c’est qu’un retour offensif de ma médiocrité soit encore possible, aujourd’hui, après tout ce que j’ai fait, vêcu, aimé, souffert. Je vais me serrer la vis, vivre de fer. Travail continu, discipline – c’est bien la moindre douleur. Dimanche 27 Avril 1958
Il y a toujours eu en moi un mélange de volontré ardente et de veulerie. Je suis incapable de me réserver, de faire le mort : quand à va mal, j’en remets. Je ne sais pas me replier, me battre sur de nouvelles lignes de défense, je n’ai pas encore conquis le courage de ce qui est au fond la suprême victoire : une reraite en bon ordre. Ma fâcheuse tendance à être lâche, à transformer une défaite en déroute. Dimanche 4 Mai 1958
On ne prépare rien, on ne prévoit rien : on assiste à sa vie. Mercredi 7 Mai 1958 en pleine crise du retour du Général « aux affaires »
. . . une part de mon âme tient fermement à Dieu, une grâce m’a été accordée dans l’enfance qui ne me sera point reprise, il faudrait vraiment que je la rejette de toutes mes forces. Pécher n’est pas succomber à la tentation, mais résister à la Grâce.
Dimanche 8 Mars 1959
L’immense, la prodigieuse tristesse qui rôde autour de mi descend parfois au fond de mon cœur, me possède tout entier, m’étouffe, et, ivre de découragement, de souvenir, de désolation, je me laisse tomber, tout m’abandonne, je me laisse mourir.
Samedi 14 Mars 1959
Tout amour essaie d’inventer un langage : c’est l’origine de la création littéraire. Vendredi 7 Avril 1961 cf. Journal de deuil de Roland Barthes
Il faut juger les femmes à la première seconde, avant qu’elles n’aient eu le temps de mettre l’âme qui vous plaira. même jour
. . . Soirée avec M.-F. de C., qui m’entraîne dans la faune, inconnue pour moi, de Saint-Germain. Visages dont le vide est insupportable. Morgue où les morts sont debout, mais parlent peu et ne semblent voir et entendre qu’avec peine. Fumé du haschisch. Comme ces paradis artificiels sont médiocres auprès des paradis spontanés que je connais parfois ! M.-F. : la volonté de puissance est en train de passer chez les femmes. Vendredi 31 Août 1962
L’amour : partager avec quelqu’un le sentiment d’être mortel. Vendredi 14 Septembre 1962
La grandeur de Dieu : nous avoir donné le pouvoir de le faire souffrir ou de le faire sourire. Samedi 15 Septembre 1962
Aggraver le quotidien. Attention créatrice. Pouvoir répondre du dernier instant. Lundi 17 Septembre 1962
Il faut en finir avec la bouillabaisse sentimentale où je mijote depuis un an. En finir avec l’auto-analyse, l’autocritique, l’autocontestation, qui ne sont la plupart du temps que de bonnes excuses pour ne pas m’affirmer, ne pas agir.
Mercredi 19 Septembre 1962
Le plus urgent est de durcir ma vie : il me faut deux cents heures de travail dans les trente jours qui viennent. … Avant tote chose, retrouver ma puissance et mon cœur. L’enfer, c’estr d’agir malgré soi. Je suis fratigué des hantises, des scrupules, des arrière-pensées, des retours en arrière, qui me divisent. Je suis fatigué de me remettre en question. J’ai envie d’attaquer. Ne plus hésiter, ne plus reculer devant rien. Aller jusqu’au bout de toute chose, quelle qu’elle soit, de toutes mes forces. N’écouter que mon impérialisme. Mercredi 19 Septembre 1962
L’éditeur – c’est la dernière ligne – donne « ici Jean-René Huguein a tiré u trait horizonatl et laissé un blanc sur le reste de la la page » … et c’est l’accident de voiture
,
[3] - Jérémie XVII 5 à 8 ; psaume I ; 1ère lettre de Paul aux Corinthiens XV 12 à XVI 20 ; évangile selon saint Luc VI 17 à 26 passim

samedi 13 février 2010

depuis trois jours déjà, ils sont avec moi - textes du jour

Samedi 13 Février 2010



Morgue, brio, accaparement, désespoir, alcoolisme, donjuanisme et toutes addictions y compris celles à l’argent et aux honneurs, tous nous jouons en défense … le couple, première et ultime tentative de la vie humaine en société, amour et amitié, versions proches, pas d’amour sans amitié, et l’amitié parfois d’amour. Le couple, espace et jeu, école et paradis de la liberté, l’échange par les mots, le regard, le murmure, le silence, le toucher. Ouverture à l’autre, ouverture à nous-mêmes sans peur de notre propre abîme intérieur, lieu de nos écroûlements parfois ou de notre hantise de succomber à nous-mêmes. Mes aimées reprennent la route, notre fille me salue : adieu, papa ! J’écris : à Dieu, papa, et je… téléphonerai, attendrai, me souviendrai. Espérance et désespoir, peur de perdre et communion sont si proche, d’un battement de cœur au suivant qui peut ne pas venir. Cette inspiration que j’attendis il y a deux mois et demi… pour ne pas me souvenir de la dernière, avant… écho contraire, l’appel d’un enfant, le rire d’un enfant, la confiance d’un enfant endormi, la respiration de ma femme le long de moi quand la nuit n’est pas encore finie, le sourire de ma mère, la tristesse de mon père, quand moi aussi, je … notre vie offerte qui ne peut devenir liturgie et retour en grâce… qu’en Dieu, et Lui si souvent nous donne que ce soit aussi en l'autre humainement aimé, présage de Lui : au-delà de toute expression de l'autre, s'en savoir reçu, parabole humaine du divin. Prier [1] est un cheminement pas seulement vers Dieu puisque la communion est au bout. Si le peuple continue de monter à Jérusalem pour offrir des sacrifices dans le Temple du Seigneur, le cœur de ce pays reviendra vers … retour tout humain et circonstances historiques, mais parabole de l’efficacité de certaines habitudes saintes et tranquilles, Jésus si souvent dans sa vie publique, et à douze ans… montant à Jérusalem. Le livre des Rois insiste sur des illégitimités, notamment dans l’édification de lieux de culte ou dans l’institution des prêtres pris n’importe où, et qui n’étaient pas des descendants de Lévi (ma trisaïeule née Lévi). En regard, la Nouvelle Alliance et la liturgie absolue : le pain rompu et multipliée par le Christ (le sacrifice non plus au Temple, mais du Temple, c’est-à-dire de son propre corps). Marc nous introduit dans la réflexion, toute pratique, du Christ (réflexion sur notre vie quotidienne, malheureuse ou dépourvue, insouciante ou contrainte) : J’ai pitié de cette foule, car depuis trois jours déjà ils sont avec moi, et n’ont rien à manger. Si je les renvoie chez eux à jeun, ils vont défaillir en route ; or, quelques-uns d’entre eux sont venus de loin. Les trois jours du calvaire à la résurrection, ensemble, l’humanité et son Sauveur. Le mouvement humain de venir de loin, c’est-à-dire d’où nous sommes par rapport à Dieu. Le miracle, comme toujours, s’opère à partir de nos avoirs, dont le plus précieux est notre foi, en l’occurrence aujourd’hui : sept pains. Ce qui est quand même l’infini et un nombre parfait. Sept corbeilles de reste. Puis Jésus les renvoya. Au Paradis-même, Dieu n’est pas constamment avec ses créatures. La présence encore plus sensible quand la certitude est celle que l’aimé-l’aimée-les aimés-les aimées continuent de vivre, de respirer, de nous aimer et qu’aux heures dites, ainsi les repas, nous serons réunis, aux heures dites, ainsi les nuits, nous serons réunis, aux heures dites, à l’heure de notre mort, nous serons réunis.

[1] - 1er Rois XII 26 à 32 & XIII 33 à 34 ; psaume CVI ; évangile selon saint Marc VIII 1 à 10

vendredi 12 février 2010

s'il allait sur mes chemins ! - textes du jour

Vendredi 12 Février 2010


Prier… [1] scenario de miracles particuliers opérés par le Christ (je ne sais si l’on en prête au Bouddha et au Prophète Mahomet), nous y sommes habitués dans la Bible, scenario qui change peu dans le dénouement, l’effet produit : alors Jésus leur recommanda de n’en rien dire à persosnne, mais plus il le leur défendait, plus ils le proclamaient Très vivement frappés, ils disaient : ‘’tout ce qu’il fait est admirable’’. Le texte proposé en première lecture : l’origine de la scission en deux du royaume de David et de Salomon, et celle de la dynastie de Jéroboam. Relation pas évidente entre les deux textes, sauf à chercher en quoi cet épisode historique est admirable au sens de l’évangile. Texte qui se date puisque l’auteur du livre des Rois, ou son école indique que la scission persiste au moment où il écrit. Dieu seul guérit, les hommes séparent … Géographie politique complexe au temps de Salomon et au temps de Jésus, rien qu’en Palestine : nos complexités d’aujourd’hui ont souvent des précédents pires. Soliloque prêté à Dieu par le psalmiste : Mon peuple n’a pas écouté ma voix, Israël n’a pas voulu de moi, je l’ai livré à son cœur endurci, qu’il aille et suive ses vues ! Ah ! si mon peuple m’écoutait, Israël, s’il allait sur mes chemins ! Objurgation : faire silence pour voir et entendre.

[1] - 1er Rois XI 29 à 32 & XII 19 ; psaume LXXXI ; évangile selon saint Marc VII 31 à 37

jeudi 11 février 2010

le docteur Alexis Carrel et les miracles de Lourdes

Dr. Alexis CARREL 1873+1944 ou le voyage de Lourdes 1903




Bibliographie :

Le voyage de Lourdes
suivi de Fragments de journal et de Méditations
Plon . 22 Mars 1973 . 149 pages - 1ère éd. & dépôt légal = 2ème trim. 1949

Réflexions sur la conduite de la vie
Plon . 289 pages . dépôt légal 1950 – tirage 1955

Jour après jour 1893 – 1944
Plon . 6 Janvier 1956 . 246 pages

La prière
Plon . 1944 . 32 pages


Le témoignage de CARREL sur les miracles de Lourdes peut être
mis en regard de la synthèse plus récente de René LAURENTIN,
lequel se situe du point de vue des apparitions et de leur portée
spirituelle : Lourdes, récit authentique des apparitions
P. Lethielleux éd. Mars 1972 . 287 pages





C’est un médecin de trente ans qui, au début du XXème siècle, introduit dans la presse française un débat sur l’application de méthodes d’analyse scientifique aux guérisons, qualifiées d’ « anormales » ou de « miracles », constatées à Lourdes. Il note, après qu’ait été publié un dossier qu’il avait lui-même constitué, que pendant bien longtemps, les médecins ont refusé d’étudier sérieusement ces cas de guérisons, bien que ce soit commettre de lourdes fautes scientifiques que de nier la réalité d’un fait sans l’avoir examiné préalablement. Lourdes enveloppait peut-être des faits authentiques, d’une apparence telle qu’il était difficile de les prendre au sérieux. En outre, les questions de religion et de partis venaient encore travailler les esprits. Aucune critique, vraiment indispensable et sérieuse, n’a été faite jusqu’à nos jours. On s’est perdu dans des considérations sur les origines des faits. (…) Lorsqu’un phénomène se présente, assez rebelle pour ne pas vouloir pénétrer dans les cadres trop rigides de la science officielle, on le nie, ou bien on sourit. (…)En présence des faits anormaux, nous devons faire des observations exactes, sans nous préoccuper de la recherche de la cause première, sans nous inquiéter surtout de la place que doit occuper le phénomène dans le cadre de la science actuelle. (…)Nous voulons seulement faire remarquer que les phénomène surnaturels sont bien souvent des faits naturels dont nous ignorons la cause.Si nous trouvons la cause scientifiquement, si nous établissons le fait, chacun est libre de l’interpréter comme il lui plaît. L’analyse ne doit pas être considérée par les catholiques comme une œuvre sacrilège ou comme une attaque. C’est simplement une étude scientifique. La science n’a ni patrie, ni religion. (Le voyage de Lourdes… éd. 1949, pp. 91 à 96)

Curieusement, cette entrée en matière - au contraire des grandes conversions au tournant des XIXème et XXème siècles – n’est pas suivie d’une œuvre ou d’une destinée de même consistance. La postérité n’a retenu que la suite, particulièrement brillante mais systématique aussi, et pour elle l’homme est trois fois suspect.

(Le Larousse 2002 produit ainsi sa notice : Sainte-Foy-lès Lyon 1873 – Paris 1944, chirurgien et biologiste français. Il fut l’auteur d’importantes découvertes sur la culture des tissus. Son œuvre littéraire (L’Homme cet inconnu) est marquée par l’eugénisme. (Prix Nobel 1912) . L’eugénisme étant ainsi caractérisé : Outre e fait qu’ilimplique un jugement de valeur forcément discutable sur le patrimoine génétique des individus, l’eugénisme se heurte à la complexité du déterminisme génétique et de la transmission héréditaires des caractères physiques et mentaux, qui rend contestables ses fondements scientifiques et l’efficacité potentielle de ses méthodes. Historiquement, il a inspiré les pires formes de répression et de discrimination, particulièrement dans l’Allemagne nazie).

Son succès de librairie – à raison du sujet, à raison du talent, du fait de l’autorité scientifique – est immense : L’homme, cet inconnu, paru en 1935, en est à son 400.000ème en 1950… Explicitement, « celui qui a écrit ce livre n’est pas un philosophe.Il n’est qu’un homme de science. Il passe la plus grande partie de sa vie dans des laboratoires à étudier les êtres vivants. Et une autre partie, dans le vaste monde, à regarder les hommes et à essayer de les comprendre. Il n’a pas la prétention de connaître les choses qui se trouvent hors du domaine de l’observation scientifique. Dans ce livre, il s’est efforcé de distinguer clairement le connu du plausible. Et de reconnaître l’existence de l’inconnu et de l’inconnaissable. »

Il a travaillé essentiellement aux Etats-Unis et c’est à raison de ses travaux scientifiques sur les tissus à l’Institut Rockefeller qu’il a reçu le prix Nobel de médecine en 1912 (après Laveran et juste avant Richet, second français à le recevoir) ; il renouvelle les méthodes de l’antisepsie, à l’occasion de la Grande Guerre à laquelle, accourant d’Amérique, il participe ainsi que sa femme – héroïque, née Anne de la Motte. Reparti outre-Atlantique, il reçoit le concours prestigieux, en 1932, de l’aviateur Charles Lindbergh, avec lequel il poursuit « des recherches sur la culture à long terme de tissus vivants transportés hors de leur milieu » (présentation de l’éditon posthume de pages de son journal Jour après jour, 1893 – 1944 parue en 1956). La guerre, chaque fois, le fait revenir dans sa patrie où, intellectuellement et à force d’une militance que son prestige paraît longtemps faciliter, il s’expose sans auto-censure ni prudence.

Car il tient des propos, hors sa discipline et par extension de celle-ci, qui, dans les années 1930, l’apparentent à ceux que l’Histoire et la morale ont ensuite condamnés : il est l’un des doctrinaires, avec le mot, de l’eugénisme. Topique, une des pages de ses Réfexions sur la conduite de la vie, intitulée VI – Réussite de la vie raciale : En résumé, la réussite de la vie collective s’obtient par l’amour fraternel, la suppression des classes sociales, l’accession de tous à la propriété, la possibilité pour tous d’arriver à la vie de l’esprit : intellectuelle, esthétique, religieuse. La réussite de la vie raciale n’a pas les mêmes règles que celles de la vie individuelle ou de la vie collective. Elle exige des vertus nouvelles : l’eugénisme par exemple. Elle est compatible avec des manquements individuels à la règle, même nombreux, car il y a la loi des grands nombres. Il y a besoin d’hommes et de femmes qui se consacrent aux enfants des autres ; en effet, l’élevage des petits des hommes est infiniment plus difficile que celui des petits des animaux. (Réflexions sur la conduite de la vie, éd. Plon – 1955, page 278).
Il est même, très carrément, dans la mouvance des régimes totalitaires qu’il n’a certes pas explicitement appuyés, mais dont il a le langage.
La régénération d’une civilisation peut venir de l’intérieur ou de l’extérieur. De l’impulsion d’un homme ou du gonflement de la foule. Dans les pays démocratiques, elle doit venir des foules. Beaucoup comprennent la nécessité d’une reconstruction. – C’est l’impulsion qui détermine l’activité (l’ordre). Mais il faut que tous sachent également suivant quels principes reconstruire.Pas un plan de reconstruction : des principes. (Le voyage de Lourdes suivi de Fragments de journal et de Méditations, éd. Plon . 1973 p.97, datée du 1er Avril 1938)
Aucun être ne viole impunément les lois de la vie. Il est puni lui-même, ou dans sa descendance.La déchéance de la France est un exemple de la dureté impitoyable des lois naturelles. (Ibidem p. 105)
L’immense désordre actuel est dû à la crise de l’intelligence, aussi bien qu’à une crise morale. Et les hommes recherchent l’homme qui imposera le silence aux chants des sirènes et empêchera le naufrage du navire.Le recours au dictateur est la réaction des peuples qui veulent continuer à vivre. (Ibidem, p. 97 datée du 19 Février 1938)


Et il assortit ses vues d’une pétition très polémique, parce qu’elle est méthodologique. Tout problème qui regarde un des aspects de l’homme regarder aussi l’ensemble de l’homme. D’où impossibilité de confier à des spécialistes ou à des professeurs la direction complète d’une activité humaine, qu’il s’agisse d’éducation, de médecine, d’architecture, d’économie politique. Il faut que chaque problème soit étudié par des hommes capables de le considérer dans ses rapports avec els autres problèmes de la vie. Ces hommes doivent faire appel, et pourront le faire très facilement, aux données acquies par les spécialistes et les professeurs. Mais aucun spécialiste ou professeur ne devra faire partie du groupe directeur, à moins qu’il n’ait fait la preuve des tendances universalistes de son esprit. En somme, chaque problème humain doit être considéré dans ses relations avec tous les autres problèmes humains. (Ibidem, pp. 95 & 96, datées du 19 février 1938)
Admission du fait que la connaissance utilisable pour l’homme doit être synthétique, et non pas seulement analytique.La conséquence est que tous les spécialistes, les professeurs plus particulièrement, doivent être placés au second rang. Que les hommes chargés de la direction, non seulement de la politique, mais de l’éducation, de la santé, doivent être des esprits à tendance universaliste, en contact étendu avec la vie. (Ibidem. p. 99)
La direction des choses de la vie appartient à ceux qui sont en contact avec la réalité.La réalité est à la fois affective, intellectuelle et technique. Il faut que les professeurs se confinent dans le domaine intellectuel.Il faut comprendre qu’ils ne dirigent qu’une partie de l’éducation. l’éducation est affective et technique, autant qu’intellectuelle. Elle se fait par le contact de la réalité. Fausseté de l’éducation universitaire pour tous. – Nous avons besoin de grands intellectuels ; mais nous avons un besoin plus considérable d’hommes. (Ibidem, p.103 - 24 Juillet 1938). C’est par avance le langage de Vichy en politique intérieure. Alexis Carrel meurt en 1945, nullement « en odeur de sainteté ».

Il vient pourtant – en Janvier 1944 – de publier une plaquette, aussitôt tirée à plus de 50.000 exemplaires : La prière. A l’époque la plus meurtrière de l’Occupation allemande en France, il disserte sur la définition de la prière, sa technique (comment prier), où et quand prier, les effets de la prière, les effets psycho-physiologiques, les effets curatifs et donc la signification de la prière. C’est rigoureusement sa table des matières.

Au total, ses thèses ne peuvent que mécontenter à la fois les tenants de la « primauté du spirituel » et les matérialistes stricts. Pour lui, la foi religieuse ne peut pas être seul guide de la conduite humaine dans l’ordre naturel. Elle n’a pas réussi à former des hommes et des femmes capables de remplir complètement leurs fonctions. La science est aussi nécessaire que la religion, la raison que le sentiment. A la vérité, la morale biologique est plus sévère que le Décalogue. Seule, la mise en pratique des règles de conduite ilmposées par les lois de la vie rend d’ailleurs possibles les vertus évangéliques. Car le dysgénisme, les carences alimentaires, les conditions climatiques défectueuses, les mauvaises habitudes physiologiques et mentales vonstituent un obstacle infranchissable au progrès spirituel. A la vérité, la morale chrétienne n’a jamais prétendu à l’exclusiivité de la direction des hommes dans l’ordre naturel. (Réflexions sur la conduite de la vie pp. 108-109) Voilà pour l’Eglise… Pour vivre, pour propager la race, et pour se développer mentalement, l’homme a besoin d’un milieu approprié. C’est pour se procurer ce milieu qu’il vit en société. Toute société qui se montre incapable de procurer à chaque individu le moyen d‘obéir aux lois de la vie, ne joue pas son rôle spécifique. Elle n’a donc plus de raison d’être. La communauté humaine se compose à la fois des vivants, des morts et de ceux qui ne sont pas encore nés. Chacun doit y avoir sa place. Car l’individu fait partie de la communauté, non pas en vertu d’un contrat, mais par le fait qu’il y est né. L’intuition religieuse au moyen âge pénétrait plus profondément dans la réalité que le rationalisme de la Révolution française. La structure de la communauté est subordonnée à la nature de l’être humain. (Ibidem, p. 222) . Voilà qui pourrait être écrit par Charles Maurras. Comme cela, également : C’est une erreur de croire que la bureaucratie remplace les groupes naturels. Une administration sera toujours inhumaine. Il est indispensable que les groupes humains soient petits, et que les relations des individus qui les composent soient des relations d’amour et d’affection. Il faut donc reconstituer d’une part la famille et,d’autre part, des groupes de familles. (début des fragments du journal, in Le voyage à Lourdes, p.95, datée du 9 Février 1938)
La nécessité du groupe familial, et l’impossibilité pour les membres du groupe de vivre à de grandes distances les uns des autres sans danger.Impossibilité de l’entraide qu’inspirent seuls l’amour ou l’affection. Nécessité de rétablir de petits clans. (Ibidem, p. 95, datée du 19 février 1938).

Et le ralliement au catholicisme du scientifique est analogue à celui du publiciste : rationaliste. La réussite de la vie implique l’accomplissement total de notre destinée spirituelle quelle qu’elle soit. Le sens religieux, comme le sens esthétique, est une activité physiologique fondamentale ; il n’est aucunement la conséquence d’un état économique désordonné. Il nous faut utiliser toutes les formes présentes de la vie. La plus utilisable est la forme chrétienne dans le sens mystique éconisant l’union avec Dieu et avec les autres. L’Eglise catholique est la forme la plus complète. Pourquoi les races blanches, malgré leur christianisme, n’ont-elles pas réussi ? Pourquoi le chaos actuel ? Pourquoi la société du moyen âge a-t-elle fait faillite ? Pourquoi le christianisme qui a des intuitions si précises de la nature humaine na-t-il pas continué son ascension du moyen âge ? Le christianisme offre aux hommes la plus haute des morales, très proche de celle qu’indique notre structure. Il leur présente un Dieu qui peut être adoré, car il rst à notre portée, qui doit être aimé par nous. Il a inspiré des martyrs, il a toujours respecté la vie, la race, l’esprit. Mais il n’a pas apporté la paix au monde. Quelle est la raison de cet insuccès ? Les règles de la mystique lui sont bien connues, mais non pas les règles de la vie. (Réflexions sur la conduite de la vie, p. 278)
Voilà qui donne raison aux rationalistes, mais au soir de sa vie il résume : Il s’agit dans cette vie de développer notre personnalité et atteindre les sommets de la vie – ce qui ne peut se faire qu’en suivant les lois de la physiologie et celles de la morale. Et la connaissance de l’esprit conduit à l’union de cet esprit avec celui de Dieu. L’esprit n’est nullement limité au corps ; et la suprême aventure est précisément cette libération du corps,même pendant la vie, pour atteindre le substratum du monde, qui est à la fois intelligence et amour. La vie de l’homme trouve son sens dans ses relations non seulement avec les autres hommes, et avec la race, et avec le milieu cosmique, mais avec ce substratum de tout ce qui existe, lequel, chose étrange, est capable de s’intéresser à chacun de nous et de lui répondre. La prière et la grâce. . . . Le sens de la vie nous est donné par l’existence de ce monde et par l’expérience des mystiques. La vie est faite avant tout pour être vécue. En la vivant pleinement, nous satisfaisons les intentions de l’Etre qui l’a créée. (Le voyage de Lourdes suivi de Fragments de journal et de Méditations . Plon . éd. 1973 . 149 pages - les deux dernières pages)

La clé de l’homme Alexis Carrel, dont la plus grande part de l’œuvre est posthume, en ce qu’elle a de philosophique, voire de religieux, réside sans doute dans une démarche qu’un autre de ses contemporains a à peu près réussi, et que lui-même avait entrepris mais ne sut pas continuer. Teilhard de Chardin, comme Carrel, part d’un goût pour la science exacte, en l’espèce la géologie, mais très vite se consacre à l’interprétation et à la mise en relation de la science et de la foi, les éclairant et les faisant se développer l’une par l’autre ; il y parvient, non sans sacrifier à son appartenance à la Compagnie de Jésus toute la gloire académique que lui vaut son talent de vulgarisateur. Carrel a le même talent, mais cherche la foi pour elle-même et selon des voies qui soient les siennes. Il pose en absolu que sa discipline peut l’y conduire. A Dom Alexis Presse, bénédictin qui introduira après sa mort, Le voyage de Lourdes suivi de Fragments de journal et de Méditations (première parution en 1948), il assurait : Je ne suis ni philosophe, ni théologien, je parle, j’écris en scientifique. On me cherche noise parce que j’emploie des termes qui ne sont pas conformes au vocabulaire théologique, philosophique ! Encore une fois, ces termes, je les ignore, je m’exprime dans la langue que je connais, on devrait s’en souvenir. Préfaçant la dernière édition américaine de son « best-seller » L’homme, cet inconnu, il assurait qu’aucune civilisation durable ne sera jamais fondée sur des idéologies philosophiques et sociales.L’idéologie démocratique elle-même, à moins de se reconstruire sur une base scientifique, n’a pas plus de chance de survivre que l’idéologie marxiste. Car, ni l’un ni l’autre de ces systèmes n’embrasse l’homme dans sa réalité totale. En vérité, toutes les doctrines poliiques et économiques ont jusqu’à présent négligé la science de l’homme. cependant, nous connaissons bien la puissance de la méthode scientifique. La qscience a su conquérir le monde matériel. Elle nous donnera, quand nous le voudrons, la maîtrise du monde vivant et de nous-mêmes.

A défaut de voir Dieu – enjeu de la vie spirituelle pour certains (Je veux voir Dieu, synthèse de l’enseignement des maîtres du Carmel, par le Père Marie Eugène de l’Enfant Jésus, alias Henri Grialou 2 Décembre 1894 . 27 Mars 1967 – 1ère éd. Octobre 1948 – 7ème Avril 1988) – ou de s’attacher à la question thomiste : Qu’est-ce que Dieu ? Carrel ne sort pas de la méthode expérimentale, et c’est celle-là qu’il veut voir appliquer aux guérisons constatées à Lourdes. Ce que résume une note donnée pour la presse, en tentative de conclusion à la polémique qu’avait soulevée sa manière d’analyser un cas survenu sous ses yeux (Le voyage, pp.87 à 91).

C’est donc le voyage à Lourdes en Juillet 1903. S’il y a miracle, c’est qu’il y a Dieu, et qui, mieux qu’un médecin, agnostique de surcroît, constatera une guérison. Précisément, cela lui arrive. Deux versions existent. Celle publiée par un médecin préposé à cet effet à l’hospitalité, le Dr. Boissarie, dont le portrait est donné en détail (Le voyage, p. 63) et celle que Carrel écrit sur le champ, mais qui ne sera publiée qu’en posthume, en forme de récit. Lu au début du XXIème siècle, ce récit qui a souvent le style des sagas de Maurice Martin du Gard ou de Jules Romains, apparaît mièvre comme la confidence d’un retraitant en vue d’une première communion. C’est effectivement un début de vie, mais qui n’aboutit pas. Quarante ans plus tard, il en est à demander du temps encore… Je souhaite que Dieu m’accorde encore dix ans de travail. Avec ce que j’ai appris, ce que j’ai expérimenté, je crois que j’arriverai à établir scientifiquement les rapports objectifs du spirituel et du matériel, à montrer aussi la véracité et la bienfaisance du christianisme. (Octobre 1943 à Saint Gildas).

Bien davantage que la spectaculaire constatation d’une guérison miraculeuse racontée dans le détail à la façon d’un reportage, le voyage et le séjour à Lourdes d’Alexis Carrel sont la prière instante d’un homme qui souhaite une conversion opérée par l’empire de faits d’évidence.
Les circonstances de l’expérience sont posément données, mais avec le tempérament d’un nom d’emprunt que se donne la narrateur, et d’un pseudonyme pour la miraculée (Marie Ferrand pour Marie Bailly).
Celui-ci a pris un train de pèlerinage pour voir s’il y avait vraiment comme l’assurent les récits de Lourdes des modifications réelles… Lorsque des faits extraordinaires, comme ceux que les feuilles pieuses attribuent à Lourdes, sont signalés, il est bien facile de les examiner sans parti pris, comme on étudierait un malade dans un hôpital, ou comme s’il s’agissait d’une expérience de laboratoire.Si l’on découvre des supercheries ou des erreurs, on a alors le droit de les signaler. Si, par impossible, les faits étaient réels, on aurait la bonne fortune de voir une chose infiniment intéressante, qui pourrait mettre sur la voie de choses fort sérieuses. … S’il avait su l’extrême difficulté de faire des observations sur ces malades, l’impossibilité de les étudier avant le départ, sans doute aurait-il abandonné la partie. Mais, à présent, il était trop tard. (Le voyage de Lourdes suivi de Fragments de journal et de Méditations . Plon . éd. 1973 . pp. 18 & 19)
Carrel, alias Lerrac, est pris dans l’ambiance : aucun de ces êtres ne veut consentir à disparaître. Chacun ressent en lui-même ce besoin de vie, l’aspiration à la vie. Heureux ceux qui croient qu’il y a, au-dessus une intelligence qui dirige le petit engrenage de la machine et l’empêchera d’être broyé par les forces auveugles ! … Un immense souffle d’espoir jaillissait de tous ces désirs, de toutes ces angoisses et de tout cet amour.
On était silencieux, et tout le monde regardait dans la direction de cette basilique, dont chacun, pour son propre compte, attendait des merveilles. A l’une des extrêmités du train, une voix entonna le chant sacré : Ave maris stella, dei mater alma… De wagon en wagon, la prière se propagea et jaillit de toutes les poitrines. Malgré leur confusion, on distinguait la voix aigüe des enfants, les grosses voix éraillées des prêtres, et celles des femmes.
Ce n’était pas le chant banal, roucoulé dans les églises par les chœurs des jeunes filles. C’était la prière du Pauvre haletant de faim. (…) L’émotion grandissait.Le train s’ébranla, et, au milieu du chant d’allégresse et d’espoir, pénétra lentement dans la gare de Lourdes. (Ibidem,pp. 29 & 30)
Hasard ou providence ? Il peut examiner pendant le trajet deux cas précis : un ostéo-sarcone (cancer des os) et une péritonite tuberculeuse à sa phase terminale.

Il a d’avance son explication, et la consigne posément. C’est l’attitude qui demeure, un siècle après, la plus répandue. Sa guérison est un cas intéressant d’auto-suggestion. (Ibidem,P.37) D‘une foule en prière se dégage une sorte de fluide, qui agit avec une force incroyable sur le système nerveux, mais échoue quand il s’agit d’affections organiques. (Ibid.p. 38) Je connais ces récits, j’ai lu et médité les ouvrages d’Henri Lasserre, de Didary, de Boissarie et de Zola. Néammoins, je suis incrédule. Didary et Zola, pas plus que Lasserre et Boissarie, n’ont fait un travail scientifique. Ce sont des œuvres de vulgarisation, ou de pèlerinage, ou d’art, fort intéressantes et bien écrites, mais sans valeur réelle.(…) Il faudrait que le malade pût être examiné par un médecin compétent, immédiatement avant sa guérison… Un malade, comme la réligieuse que tu as vue ce matin complètement guérie, peut ne présenter que quelques symptomes, qui disparaissent sous l’influence de la suggestion. Chez beaucoup d’individus, et chez la plupart des femmes, le système nerveux augmente la gravité des symptomes d’une affection organique.C’est ainsi qu’une petite lésion de l’œil peut passer pour un blépharospasme hystérique, une contraction incurable des paupières. Au moment de l’exaltation d’un pèlerinage, la partie purement nerveuse de l’affection disparaît. Le malade est très amélioré, et vite l’on crie au miracle ! (Ibid.pp. 40 & 41).

Pourtant une étrange relation se noue entre le médecin méfiant, prévenu et l’une des malades ; elle commence par l’horreur et la dégoûtation du premier pris entre les brancards vers les piscines, puis à la grotte. Il les déshabillait it et les plongeait dans les piscines, sans répugnance pour les vieilles loques vermineuses, les plaies suintantes, les ca,cers sanguinolents, et les odeurs abominables de ces organismes en décomposition. A Paris, il n’aurait pas voulu toucher,même du bout de sa canne, le moins dégoûtant de ces malheureux. (Ibid.p. 34)
Les fonctions du médecin sont bien simplifiées à Lourdes. Personne n’attend quelque chose de lui. On compte sur la sainte Vierge ; n’est-elle pas là pour guérir les malades, supprimer la douleur, réduire les tumeurs ? Il y a un médecin, parce que les règlements l’exigent, mais on n’y fait pas appel, ou seulement au dernier moment, si l’on doit faire quelques piqûres de morphine ou d’éther. (Ibid. p. 47)
Si celle-ci guérit, je croirai aux miracles.(Ibid. p.51)
C’était une vision de calme fraîcheur, de joie et de repos. La paix délicieuse de l’heure dissipait ses préoccupations scientifiques, son souci constant de départ. Il se hâtait de goûter le charme étrange de la terre de Lourdes, où dans une lumière d’une ineffable douceur, toutes les horreurs humaines viennent se montrer. (Ibid. p. 52)
Permettez-lui de vivre un peu et faites-moi croire (Ibid.p.55)
Là est le tournant. Carrel est venu en demandeur, bien davantage qu’aucun malade en plénitude de foi ne l’articulerait jamais. Ce pourrait être la conversion de Claudel ou celle de Foucauld. Lerrac, absorbé par ses études scientifiques, l’sprit séduit par la critique allemande, s’était peu à peu convaincu qu’en dehors de la méthode positive, la certitude n’existait pas. Et ses idées religieuses, sous l’action de l’analyse, l’avaient quitté e, lui laissant le souvenir exquis d’un rêve délicat et beau. Il s’était alors réfugié dans un scepticisme indulgent. Ayant horreur des sectaires, il croyait à la bonté de toutes les croyances sincères. La recherche des essences et des causes lui paraissait vaine, l’étude des phénomènes seuls lui semblait intéressante.Le rationalisme satisfaisait entièrement son sprit ;mais, au fond de son cœur, une souffrance secrète se cachait, la sensation d’étouffer dans un cercle trop étroit, le besoin inassouvi d’une certitude. Combien il avait passé d’heures d’inquiétude et d’angoisse à ses études de philosophie et d’exégèse ! Puis tout s’était calmé. Mais, à présent, dans les profondeurs cachées de sa pensée, un vague espoir subsistit, probablement inconscient, d’étreindre les faits qui donnent la certitude, le repos et l’amour. Il méprisait et aimait à la fois le fanatisme des pèlerins et des prêtres à l’intelligence close, endormie dans leur foi béate. (Ibid. pp. 29 & 30)
Lerrac sentait distinctement cette impression puissante, qui échappait à l’analyse, lui serrait la gorge et crispait ses bras. Sans savoir pourquoi, il avait envie de pleurer. Que devait être l’impression des malades, aggravée par leur faiblesse, si un homme en pleine santé, comme Lerrac l’épouvait à un tel degré. (Ibid. pp.57 & 58)
Le regard de Lerrac tomba sur Marie Ferrand. (…) Je suis halluciné, se dit-il : c’est un phénomène psychologique intéressant et qu’il faudrait peut-être noter. (…) Quelque chose allait arriver (…) Quelque chose se passait à coup sûr. (…) Il n’y avait plus à hésiter. L’état de Marie Ferrand s’améliorait. Elle était déjà méconnaissable. (Ibid. pp. 60 & 61)

Les miracles, selon le Nouveau Testament, ne sont jamais le fait de Dieu seul et à sa seule initiative ; ils sont toujours une réponse et Dieu a la délicatesse de faire signer au malade sa propre guérison : Va, ta foi t’a sauvé !

Mais il avait le bonheur profond de voir que le but de son voyage était atteint, qu’il avait eu la chance extraordinaire de voir quelque chose. (Ibi. p. 64) Quel heureux hasard de voir guéri parmi tant de malades, celle que je connaissais le mieux et que j’avais longuement observée. (Ibid.p. 68)

L’absurde devenait la réalité. Les mourants guérissaient en quelques heures. De telles pratiques avaient donc une puissance et une utilité. Quelle leçon d’humilité ! Lerrac avait fait dans cette journée la plus merveilleuse des découvertes. Avoir affirmé qu’un malade ne guérirait pas, le voir ensuite se rétablir, n’est-ce pas déconcertant lorsqu’on a d’abord méthodiquement étudié le cas ? (Ibid. p..72)

Mais, dans sa pensée intime, que devait-il croire ? Troublé, il hésitait entre deux hypothèses : ou bien il avait fait une monstrueuse erreur de diagnostic, en prenant des phénomènes nerveux pour une infection organique, ou bien il s’agissait d’une péritonite tuberculeuse qui avait réellement guéri. Il s’était trompé grossièrement, ou bien un miracle avait éclaté sous ses yeux. Et sa pensée allait plus loin encore : quelle est la cause du miracle ? (Ibid. p.73) Croire est un acte si complexe… Je ne me rends pas compte encore de ce que nous avons vu. J’observe des phénomènes ; je ne remonte pas aux causes. (Ibid.p. 74)

Sa guérison est merveilleuse. Il me fallait cette observation directe, car on est porté à croire, malgré tout, à des supercheries. Ce qu'il serait juste, à tout le moins de faire savoir, c’est que les malades guérissent à Lourdes de façon étonnante. (Obd.p. 75) Car on obtient à Lourdes des résultats infiniment supérieurs à ceux de toute autre thérapeutique. Pour guérir un malade, pour soulager des douleurs, tous les moyens sont bons, pourvu qu’ils réussissent. Seuls comptent les résultats pratiques. J’ai constaté un fait extraordinaire, d’un intérêt pratique considérable, puisque, d’un pilier d’hôpital, il a fait une jeune fille bien portante, qui peut vivre sa vie. Il faut donc constater les faits et surtout les étudier consciencieusement, au lieu de les dédaigner. Ce sont, je crois, les seules conclusions puissent tirer de notre miracle. (Ibid.p. 76)

Comment expliquer les phénomènes de Lourdes ? Et devant ses yeux repassaient les épisodes si hallucinants de cette journée.
Il s’était raidi, depuis le début, contre l’impression violente, obsédante au plus haut degré, des scènes qui s'étaient produites devant lui. Il avait repoussé, de toute l'é’ergie de sa volonté, non seulement toute conclusion, mais toute pensée qui l'e’t fait s'é’arter du programme qu’il s'était tracé : observer, enregistrer comme un appareil, sans haine, sans amour.
Il lui était certes très désagréable d’être mêlé à une histoire de miracle ; mais il était venu pour voir, il avait vu, et comme dans une expérience de laboratoire, il ne pouvait pas dénaturer le résultat de ses observations. Faits scientifiques nouveaux ? Ou faits appaartenant au domaine de la mystique et du surnaturel ? Ces questions étaient d’une gravité considérable ; car il ne s’agissait pas d’une simple adhésion à un téhorème de géométrie, mais à des choses qui peuvent changer l’orientation de la vie. (Ibid. pp.77 & 78)
S’il était ennuyé d’être mêlé à cette histoire, Lerrac, lui, avait l’orgueil d’aller jusqu’au bout, coûte que coûte.Mais où cela le mènerait-il ? de nouveau, impérieux, se levait en lui le besoin de connaître la cause de ces phénomènes étonnants. (Ibid. p.79)

Sous la main de la Vierge, il lui parut qu’il tenait la certitude. Il crut en sentir l’admirable douceur pacifiante, et si profondément que, sans angoisse, il écarta un retour du doute menaçant. (Ibid. p. 83)

Ce semble, dans son dénouement davantage le récit d’une conversion que d’un miracle, de la conversion de l’observateur (qui en avait au préalable demandé la grâce) que d’une guérison miraculeuse à l’article de la mort. Significative la référence à Zola, qui lui aussi avait écrit sur Lourdes. (Ibid. p. 86)

Pourtant de ce moment, attendu inconsciemment, sollicité à mesure que les lieux et les malades l’y préparèrent, vécu intensément en spirituel autant qu’en scientifique, Alexis Carrel ne fit pas le point de départ d’une vie entière. Convaincu que réussir sa vie est le premier des devoirs humains et le facteur le plus intégrant possible de tout épanouissement personnel, voire même d’un apport à la collectivité (il écrivait presque de préférence : à la race), il ne sortit pas de sa discipline première. Du chevet de Marie Bailly aux derniers mois de sa vie, plus de quarante ans d’intervalle mais la même posture, la synthèse ou l’élévation ne s’est pas produite. La dernière page de son « credo » (La prière, op. cit.), la somme de son expérience est que l’esprit est à la fois raison et sentiment. Il nous faut donc aimer aimer la beauté de la science et aussi la beauté de Dieu. Nous devons écouter Pascal avec autant de ferveur que nous écoutons Descartes.

S’il est bien la guérison, sous les yeux d’un médecin, d’une malade à l’article de la mort, le miracle de Lourdes n’a pas opéré sur celui qui ne savait demander ni la foi, ni la grâce, ni Dieu-même et n’a pu sortir de sa raison, comme si pouvait suffire l’expérience que la foi ou la prière ne sont pas contradictoires à celle-ci. Il tourne autour de son sujet sans le pénétrer et, paradoxalement, pour un praticien de l’observation et de la méthode expérimentale, il ne sait situer ni l’observé ni l’observateur, ni Dieu ni lui-même : L’évolution spirituelle ne s’achève que chez très peu de gens, car elle demande un effort persistant de volonté, un certain état des tissus, le sens de l’héroïsme, la purification des sens et de l’intelligence, et d’autres conditions que nous connaissons mal ; en particulier, cette condition psycho-physiologique que l’Eglise appelle la Grâce. (Réflexions sur la conduite de la vie, p. 92). D’une certaine manière, Alexis Carrel a failli fonder pour son temps, son époque et pour une Eglise qu’il ne prit jamais pour sienne, failli seulement car il n’a pas su se fonder lui-même et donne à le lire posthume, pour l’essentiel de ses exhortations et observations – morales – la sensation d’une démarche profondément solitaire. Que faut-il faire ? où m’appelez-vous Seigneur ? Que votre volonté soit faite… Si j’étais seul, sans responsabilité, j’accepterais l’invitation de l’Homme de Boquem (Dom Alexis Presse) et je vivrais dans sa Lumière et dans sa Paix. (Le voyage de Lourdes, p. 148 datée du 5 Novembre 1938)

Le rapprochement de cette œuvre scientifique qui tourna à la doctrine morale, avec une autre œuvre qui lui est contemporaine, est significatif de cette sorte d’inaboutissement. Pierre Teilhard de Chardin avait une conception, sinon une doctrine du miracle, encore plus restrictive et cognitive que celle du médecin. Cette propriété du Divin, d’être insaisissable à toute emprise matérielle, a été remarquée, depuis toujours, à propos du miracle. Si on excepte les cas (très rares, et plus ou moins contestables à part ceux de l’Evangile) de résurrections de morts, il n’y a pas, dans l’histoire de l’Eglise, de miracles absolument hors de portée des forces vitales notablement accrues dans leur sens. Par contre, on ne connaît aucun exemple (même légendaire) de miracle « morphologique » (par exemple, la recréation d’un membre…) ; - et il est absolument inouï qu’un martyr, sortant du feu, ait résisté à un coup d’épée. On peut donc être assuré que plus on étudiera médicalement les miracles, plus (après une première phase d’étonnement) on les trouvera en prolongement de la Biologie, - exactement comme plus on étudie scientifiquement le passé de l’Univers et de l’Humanité, plus on y trouve les apparences d’une évolution. (Pierre Teilhard de Chardin, Science et Christ p. 39).

Profondément religieux, le savant a, lui, pour testament la parfaite synthèse du croyant et le Jésuite qu’il est, sait même situer le texte ayant structuré toute sa formation sacerdotale et son choix de vie. La révolution intellectuelle et morale, dont toute son œuvre donne les éléments, aboutit, comme en témoigne un de ses derniers textes, aux Exercices ignatiens. « Le Fondement », « le Règne », « les Deux étendards »… parce que ces Méditations ont été conçues en un temps où l’Homme était encore regardé comme placé, tout fait, dans un Univers statique, elles ne tiennent pas compte (sous leur forme actuelle) de l’attrait légitimement exercé désormais sur nous par l’En-Avant. Elles ne donnent pas toute leur valeur sanctifiante et communiante aux progrès de l’Hominisation. Et par suite, elles n’apportent pas au Chercheur ni à l’Ouvrier modernes ce que l’un et l’autre attendent surtout de leur Foi : à savoir le droit de se dire qu’ils contactent et consomment directement le Christ Total en travaillant. (…) Une nouvelle et supérieure forme d’adoration graduellement découverte par la Pensée et la Prière chrétiennes à l’usage de n’importe lequel des croyants de demain. (Pierre Teilhard de Chardin, op. cit. p. 289).