mardi 27 septembre 2016

dans cette nuit où je crie en ta présence - textes du jour

Mardi 27 Septembre 2016

 Les livres inconnus d’auteurs connus, inconnus-connus de moi. Edith trouve chez Emmaüs « un » Christiane SINGER [1], un des cadeaux que m’a fait la profonde Autriche, il y a vingt-cinq ans. J’ai entr’ouvert et lu : nous vivons et nous mourons de nos images, pas de la réalité. La réalité ne peut rien contre nous. La réalité n’a pas de pouvoir contre nous. C’est la représentation que nous en avons qui nous tue ou qui nous fait vivre. Et ce matin, je le rouvre… l’histoire d’un âne, de sa mort : il s’est passé quelque chose d’inoubliable au cours de ces derniers instants. Mon âne a poussé de très profonds soupirs et au tout dernier, là où j’attendais encore un inspir qui n’est pas venu, une immense larme cristalline s’est détache du coin de son œil et a roulé dans le foin. Dans cette écurie, le ciel s’est ouvert, et ce que j’avais connu à la mort d’êtres qui m’étaient proches et chers était là, dans la même qualité, dans la même merveille. Le ciel s’est ouvert pour accueillir un âne ! [2] Elle l’avait adopté quand il n’avait que douze ans, il l’a quitté à quarante-deux ans. L’euthanasier ou pas : quelques jours avant Pâques, voilà qu’il tombe sur le flanc et ne peut plus se relever. J’ai demandé au vétérinaire pourquoi il fallait l’endormir. Il m’a répondu : pour lui éviter de souffrir. Mais je lui ai dit qu’il avait déjà beaucoup souffrir : il avait perdu sa compagne, une ânesse grecque, et deux enfants, il avait passé tant d’hivers solitaires dans son écurie sombre… Il connaissait bien la vie et tout son cortège de misères et de joies. Il connaissait tout et il était bien assez grand pour aller jusqu’au bout de la vie ; La question était plutôt, lui ai-je dit, de savoir combien de souffrances nous étions capable de supporter lui et moi – et de combien de patience nous étions capables ! Le vétérinaire est reparti et les longues journées ont commencé où je descendais toutes les heures donner à boire à mon âne avec une cuillère – les longues, longues journées. Il y a eu un matin où je me suis demandé si je n’avais pas pris une mauvaise décision et je me suis sentie perdue : c’est lorsqu’il s’est mis à bouger, à ruer, à se débattre. Mais en me rassérénant, en reprenant confiance en nous deux, j’ai cru comprendre que c’était la vie une dernière fois qui se réveillait en lui, la fière mémoire des cavalcades – et qu’il tentait de bondir à la rencontre de l’horizon comme il l’avait fait si souvent. Puis mon jeune fils m’a conseillé de ne plus m’éloigner – c’était pour bientôt – et il avait raison. Il s’est passé quelque chose d’inoubliable…[3] Admirable, si présente, si fervente, si disponible et si décidée pourtant, tellement inentamable… Christiane SINGER que j’ai aimée. Morte aujourd’hui au sens convenu du terme et de cet état qui sera aussi le nôtre, à chacun, pour le dehors, pour les autres. La mort de chacun de nos chiens, l’atrocité de ceux qui ont été fusillés, sans méfiance, leur face-à-face et un humain qui à bout portant… un tel mépris pour notre animal, pour la vie, et une telle haine pour moi, pour ma femme, les assassins, les empoisonneurs toujours pas identifiés, et ils sont ou viennent dans notre voisinage le plus immédiat. La mort de Snoopy, de Kiki, les lentes agonies de Boule-de-neige et de Maya, mais toujours avec nous. A la mort de ma mère, je n’étais pas là. Une belle-sœur est arrivée… pendant.. ou peu après, je ne sais. J’eusse été là que… expérience de la mort du cher et saint Frère Claude. L’écrit reste. Je resterai. Je rencontre celles et ceux qui restent. Le gros cartable, que ‘ma offert ma chère belle-mère, et où je serre les lettres de ma mère : j’en retrouve tous les mois au moins, et depuis des années, je sais aussi une liasse sûrement pas disparue, seulement égarée, papier avion, tandis que je suis en Mauritanie pour mon service « militaire », il y a plus de cinquante ans. Boîte postale 17, le DC4 qui s’entendait de loin, surtout quand le vent portait, la capitale des sables, Nouakchott, pas dix mille habitants.
VERCORS : oui, pendant longtemps, le choix s’était fait sans mal. Cela ne veut pas dire qu’il n’y eût pas souvent une offensive d’idées fracassantes. Quelque fois la frontière était assez difficile à délimiter entre les deux domaines ; le langage déborde largement sur les affaires humaines, et réciproquement. Faire semblant de l’ignorer serait pure absurdité. De sorte qu’on se trouvait mainte fois en danger de s’engager imprudemment. S’engager veut dire ici : écrire. Deux choses sont la fin qu’on se donne à soi-même de sa vie sur terre, et le bonheur qu’on tire de cette vie. ce bonheur, on peut le défendre par les moyens qu’on veut, cela n’engage à rien. Ce qu’on écrit (qui vous engage tout entier) jamais n’y doit être mêlé. Pendant l’entre-deux-guerres, donc, la difficulté n’était pas énorme. On pouvait, bien sûr, penser ce qu’on voulait de tel régime social ou de tel autre. Aller même jusqu’à ressentir une préférence. Et même jusqu’à lutter pour cette préférence ; cela n’allait pas loin, jamais en tout cas jusqu’à intervenir dans le jeu authentique de la pensée pure. On pouvait écrire tranquillement, sans craindre qu’une « distraction » (dans le sens fort, étymologique du mot), qu’une colère, un mouvement de passion vinssent vous faire faire un faux pas et salir votre plume [4]Tout à fait ce qu’a vécu BRASILLACH… et ce qu’à la publication de mon premier papier par Le Monde (30 Mars 1972), je sus : avoir à répondre de ce que l’on écrit, de ce que l’on a écrit.
Pas d’écho encore, au moins en dépêches diverses du débat américain. Dans l’espèce, évidemment il s’est agi d’évaluer la résistance physique d’Hillary CLINTON et de constater si TRUMP pouvait n’être pas intempérant. Mais d’une manière générale, je ne suis pas pour ces pugilats qui n’ont rien à voir avec la capacité, l’art de gouverner, de présider. De tels dialogues n’auraient de sens que s’ils préparent un accord sur certains points, dûment reconnu de part et d’autre, et concourent donc au consensus, à l’esprit national. Pas davantage des primaires, au moins pour chez nous. Le tissu politique est déjà tellement mité et déchiré… Alors, comment dégager, choisir une personnalité ? je ne sais pas. Ce dont je suis sûr, c’est que le choix, il est d’abord dans l’inimité du grand homme, non par ambition pire, mais par conscience de soi et surtout par la msie en jeu soudaine, miraculeuse parfois de l’adéquation entre une personnalité et les circonstances. A l‘évidence DG en Juin 1940, la guerre était son métier, sa partie, il en avait été le prophète technique, mais il s’y est ajouté un autre talent : celui de communiquer sa foi. BONAPARTE rentrant d’Egypte. La meilleure élection est celle qui consacre, pas celle qui distingue. Nous nous sommes nationalement trompés depuis 1995. VGE et DELORS auraient dû alors se présenter, ils ont manqué à plus qu’eux-mêmes.
Prier … [5] Jean encore, mais avec son frère Jacques, dialogue avorté avec leur Maître … voir si les autres synoptiques rapportent aussi ces propos ? L’évangéliste, lui, ne les donne pas. « Seigneur, veux-tu que nous ordonnions qu’un feu tombe du ciel et les détruise ? » Mais Jésus, se retournant, les réprimanda. Puis ils partirent pour un autre village. Un peu comme Pierre au Mont-Thabor nos chers prédécesseurs et exemples dans l’intimité du Christ, perdent la tête et disent n’importe quoi : spontanéité…  Notation rare de Luc, et même unique je crois dans les évangiles : Jésus, le visage déterminé… Il joue sa vie, son destin, le sait… la route de Jérusalem. Mais le visage de Jésus frappe. Quel est alors l’informateur de Luc ? Pour les récits de l’Enfance, pas de doute, la Vierge Marie elle-même. Mais ensuite ? Question qui n’est pas de sémantique, qui est existentielle : Job. Puis le psalmiste… pourquoi Dieu donne-t-il la vie à un homme dont la route est sans issue, et qu’il enferme de toutes parts ? Car mon âme est rassasiée de malheur, ma vie est au bord de l’abîme ; on me voit déjà descendre dans la fosse, je suis comme un homme fini. Evocation par Job de ce qui me revient de plus en plus souvent, ainsi hier soir à regarder ensemble, ma chère femme et moi, cette nouvelle évocation des Magdalena sisters… comme l’avorton que l’on dissimule, je n’aurais pas connu l’existence, comme les petits qui n’ont pas vu le jour. … le psaume, repris quotidiennement par les communautés monastiques à leur sortie du réfectoire en milieu de journe, entre Sexte et None : car mon péché, moi je le connais.


[1] - Christiane SINGER, Du bon usage des crises (Albin Michel . Octobre 2008 . 146 pages)
[2] - Ibidem, p. 70
[3] - ibid. pp. 144-145
[4] - VERCORS, Les yeux et la lumière ( Albin Michel . Octobre 1950 . 247 pages) pp. 148-149
[5] - Job III 1 à 23 passim ; psaume LXXXVIII ; évangile selon saint Luc IX 51 à 56



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