dimanche 31 mai 2015

vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur - textes du jour


Dimanche de la Trinité & fête des mères . 31 Mai 2015






Prier… [1] il a plu, deux oiseaux de part et d’autre de la maison, chants et rythmes très différents, cela fait deux volumes, leurs pépiements et le silence produit par les végétaux lours d’eau. Hier soir, le vent venait presque en tempête. Nous étions donc au palais des arts de notre petit chef-lieu, son histoire, des remparts, des générations, un bout de France et sur scène, quatre garçonnets dont deux vraiment attachants et que nous connaissons bien la dizaine d’années comme notre fille : Henri, le petit NOUREEV, et Tom, le gavroche pour hi-pop, leur joie, leur aisance d’être en procession, en scène, leur relatives solitude et rareté leur donnant le rôle du pivot, du centre, de la salutation des pages et servants d’antan, la démarche masculine semble toujours plus appliquée, tandis que la jeune fille, souple et précise, produit la pose achevée, tenue…. Peut-être cinquante tableaux, classique en ouverture, magnifique, sans doute l'art le plus accompli parce que multiple et fusionnel de tous les genres à la fois, puisqu’il y a projet, dessin, musique, rythme, contemplation, exhibition, groupe, personnalité. La personnalité se voulant à l’unisson. La volonté des unissons et de fidèlement dire le récit chorégraphique, l’enchantement multiple, nous étions heureux, les deux amies de Marguerite, la fille  de notre vieil ami, l’éclat doux et silencieux, attentif, d’or blanc de ma chère femme. Cette centaine et plus de filles jeunes ou très jeunes ou déjà presque femmes et cependant la sensualité n’était qu’une douceur et pas un défi ni une immersion. J’ai été heureux. A la sortie, le regard des parents guettant cherchant leurs enfants, une femme au visage très sculptural, mieux que belle, un regard qui était autant anxiété qu’attention, le bonheur ne viendrait ou ne viendra que… quand… elle était manifestement seule, en bleu foncé, ses yeux étaient intenses, bleu sombre aussi. Presque chaque fois, à l’UCK ou à deux reprises ce soir, cette adolescente à la silhouette Picasso, un peu lourde et le visage à l’avenant, couleur de cheveux indécise mais claire : elle aussi mieux que belle, présente et nous communiquons du regard, je la félicite à l’entrainement comme à l’exécution, je la reçois maîtrisée, faisant effort, contente d’être en elle-même et de ce corps dont elle use si bien. C’est de ce genre d’échange qu’on s’assure que s’il y avait étreinte, elle serait complète, aisée, magnifique, contemplative, intimement gracieuse et mutuellement reconnaissante.
Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. Grâce étonnante de notre foi, à chacun, aujourd’hui, quelle soit de naissance ou de recherche, de gratification, effet d’une conversion de Dieu vers nous, ou simplement de soin divin et quotidien en nous… tandis que celle des Apôtres, précisément ( !) parce qu’ils voyaient et entendaient le Verbe de Dieu, doutèrent jusqu’à la Pentecôte, au point que leur Maître leur donna mission de pourvoir à leur propre succession, par la multitude qu’ils atteindraient, tels qu’ils étaient encore… Allez ! De toutes les nations faites des disciples. La formule du baptême, le signe de notre croix sont là à l’instant du départ, donnés par le Fils de l’homme : baptisez-les au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Ce n’est pas un ajout médiéval, une parole en surplis brodé pour les processions du XIXème siècle… c’est dit. Comment faire se transcender les Apôtres ? Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Et quel viatique en chemin ? Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde…. Vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils. Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur… c’est donc l’Esprit Saint lui-même qui atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu. Les Pères commentent le dogme trinitaire, spécialement fêté aujourd’hui en juste coïncidence, cette année, avec la fête des mères. La maternité de Dieu ? Thérèse de Lisieux, sa remarquable et fondatrice intuition que les sexes se fondent et sont chacun en Dieu, comme tous âges et époques de nos vies et de nos fois. Filiation, engendrement, création et accomplissement ne sont que des aspects. L’essentiel est la relation de ce Dieu avec nous. Le psalmiste le dit mieux que tout et tous. Le Seigneur a fait les cieux par sa parole, l’univers, par le souffle de sa bouche. Il parla et ce qu’il dit, exista ; il commanda, et ce qu’il dit survint… depuis le jour où Dieu créa l’homme sur la terre, d’un bout du monde à l’autre, est-il arrivé quelque chose d’aussi grand, a-t-on jamais connu rien de pareil ? Est-il un peuple qui ait entendu comme toi la voix de Dieu … est-il un dieu qui ait entrepris de se choisir une nation, de venir la prendre au milieu d’une autre… les prédilections, les histoires saintes, la lecture de nos vies quels qu’en soient les drames, encore avant-hier, inopinément, le récit terrible d’une sorte de prédestination, la statuaire s’animant de cette préparation à la course antique qui enleva les deux jeunes gens et pour celui que je consultais, nos affaires, en cours, sa fille interdite de moto. mais financée par sa mère et sa grand-mère, sa fille à qui il commande de reprendre des leçons tant est lourde et nouvelle à manier, maintenir, tenir sa nouvelle machine qu’elle n’a pas encore fait tourner. Elle le fait et se tue. Elle avait vingt ans, c’était il y a un peu plus de vingt ans. … Tu garderas les décrets et les commandements du Seigneur que je te donne aujourd’hui, afin d’avoir, toi et tes fils, bonheur et longue vie sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu, tous les jours… apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé.


[1] - Deutéronome IV 32 à 40 ; psaume XXXIII ; Paul aux Romains VIII 14 à 17 ; évangile selon saint Matthieu XXVIII 16 à 20

samedi 30 mai 2015

Jésus allait et venait dans le Temple - textes du jour

Samedi 30 Mai 2015

Quelques jours avant sa mort, Hermann HESSE correspond avec Gertrude von LE FORT sur la grâce adjuvante. Expérience encore ce matin, à nos réveils décalés puis ensemble, de l’impuissance vécue et installée, du bilan avéré et lucide d’une faiblesse physique qui peut atteindre le mental, sourdent une disponibilité, une sensibilité fine et totale à la visitation de l’amour. Celui-ci, sans manifestation forte, se ressent et je ne sais ni me l’exprimer ni en remercier. Hier, en fin de matinée, ce fut aussi ainsi, après du choc et de la querelle : des contraventions et pertes de points signifiées pour excès de vitesse, pas dix kilomètres. – Oui, impuissance, faiblesse, limitations de toutes sortes, alourdissement d’une conscience qui s’accable et il en arrive (production mécanique ? creuset et lit de la grâce, plutôt) une plénitude qui est autre qu’un réconfort ou qu’une reprise de confiance et d’optimisme : cette reprise n’aurait pas d’objet et j’ai trop de précédents dans ma vie pour ne pas savoir que la probabilité des impasses et des inaboutissements de mes projets ou de mes souhaits est plus forte que le succès et l’ordalie. Je crois que c’est la grâce qui ne raisonne pas. Ce n’est pas même la certitude de n’être pas seul, je n’en prends conscience que par déduction et sans doute pour en faire acte de reconnaissance. A mesure que les forces et le temps, l’énergie me sont mesurées, foisonnent, grandissent, se forment des projets à la mesure des devoirs que je me crois de témoigner, transmettre, raisonner, comprendre par écrit et communiquer, sans avoir vraaiment encore commencé. C’est évidemment incompatible, au moins physiquement, surtout si je considère la somme de mes inédits et mes incapacités à produire du vendable, de même que quelles que soient les passions et les consécrations de moi-même à des missions qui me furent confiées ou qui me paraissaient aller d’elles-mêmes car l’intérêt d’un pays ne s’enferme pas dans les instructions reçues par ses agents ou dans leur position d’organigramme…, je n’y ai rien gagné pas même la pérennisation d’une carrière bien moyenne. Mais j’ai gagné d’être heureux et fier de ce que j’ai vécu, fait même si aucun soleil ne l’a fait écrire par de grandes ombres ou un puissant contre-jour révélant tout. Lecture qui m’est donnée et dont je seraui incapable par moi, qui d’ailleurs ne se tiendrait pas d’elle-même. C’est l’intuition du Siracide – qui m’a frappé avant-hier matin et qui est tellement explicative, quasi-universellement – tout va par deux, l’un correspond à l’autre, Il n’a rien fait de défectueux, Il a confirmé l’excellence d’une chose par l’autre. Des sentiments, des situations intimes, des circonstances astreignantes en fortes oppositions se résolvent différemment, se considèrent l’une par l’autre. Le péché et la grâce, la mort et la résurrection du Sauveur en sont évidemment les meilleures « illustrations ». Ainsi l’un n’est pas un commencement ou une solitude qui génèrerait du plusieurs, du deux, etc… la trinité et la structure divine (si je puis simplifier ainsi l’impensable et pourtant ce qu’il y a de plus pleinement existant). L’un est un produit, un aboutissement. Je le vis dans le couple qu’il nous a été donné de former. En cela, nous sommes à l’image de Dieu, à sa ressemblance et prospérons en Lui. D’ailleurs, Jean l’évangéliste le dit bien : à quoi reconnaissons-nous que … ?
Programme et bilan de vie, étonnant, magnifique, si juste psychologiquement [1] : quand j’étais encore jeune et que je n’avais pas erré çà et là, aux yeux de tous j’ai cherché la Sagesse dans ma prière…. J’ai levé mes mains vers le ciel, j’ai déploré de la connaître si mal. J’ai dirigé mon âme vers elle, c’est dans la pureté que je l’ai trouvée. Avec elle, dès le commencement, j’ai trouvé l’intelligence, c’est pourquoi je ne serai jamais abandonné. Vers le ciel, mais l’enracinement en terre, les comparaisons du Christ mettent le plus souvent en valeur la terre et sa fécondité. Il eut faim (hier et le figuier), c’est terrestre, tandis que les cieux sont le Royaume préparé et auquel nous aspirons d’intuition autant que de de foi. Eloge et prosopopée de la Sagesse, le féminin dans les énoncés et écrits portant et structurant, précisant notre foi est subtil, mais bien plus caractérisé que le masculin, celui-ci ests ambiant, banal, ne tranche pas. Les femmes dans l’évangile sont spirituellement décisives, et elles furent matériellement aussi pour le peu de confort dont purent bénéficier Jésus et sa troupe. Femmes des pays dits en voie de développement, l’Afrique tout spécialement, femmes de l’Islam, femmes de la Bible qui, au contraire de l’avatar de nos parités hommes-femmes, ne se poussent pas du collet en ambition individuelle forcenée les caricaturant en hommes, médiocres s’il n’y avait parfois la tromperie d’une beauté ou d’un sex-appeal, au contraire elles « jouent collectif » et ne vivent que pour le bien commun : Judith, Esther, la Vierge Marie à Cana. La Sagesse, maîtresse de vie, mystère de toute beauté quand elle est intérieure.
Jésus, terrestre, nous connaissant de nature, intimement, Jésus l’un de nous, le Fils de l’homme, est maître de rhétorique. Le « gratin » intellectuel, religieux, politique de l‘époque (que des hommes d’ailleurs, y a-t-il eu une femme dans les évangiles pour questionner le Christ à faux ou à combiner Sa mort ? non) réduit par Celui qui les fascine et les complexe : par quelle autorité fais-tu cela ? Ou alors qui t’a donné autorité pour le faire ? – Je vais vous poser une seule question. Répondez-moi et je vous dirai par quelle autorité je fais cela : le baptême de Jean venait-il du ciel ou des hommes ? Répondez-moi. Conciliabules : si nous disons, « du ciel », il va dire, pourquoi n’avez-vous pas cru à sa parole ? Mais allons-nous dire « des hommes » ? … Ils répondent donc à Jésus : « nous ne savons pas ».  Même la logique est vaincue par la logique, la raison n’aboutit pas alors qu’elle était proche d’éclairer, puisqu’en rendant les armes elle appelait la foi, la disponibilité intérieure. Les autres ne constataient pas les miracles et le bienfait ainsi opéré par des guérisons inhabituelles, ils ne voulaient que le mode opératoire. Le regard à côté.  Comme Jésus allait et venait dans le Temple. Il y est de plus en plus à mesure que vient Son heure. Je ne peux prier, croire, me soutenir et donc avancer, être heureux malgré les emm… que par Lui. Il eut faim… il allait et venait… il ne laissait personne transporter quoi que ce soit à travers le Temple…  Jésus s’arrête et dit : « Appelez-le »… Jésus lui dit…  Jésus les appela… il se mit à leur dire ce qui allait lui arriver…  Jésus les regarde et dit…

[1] - Ben Sirac le sage LI 12 à 20 ; psaume XIX ; évangile selon saint Marc XI 27 à 33


vendredi 29 mai 2015

toute la foule était frappée par son enseignement - textes du jour

Vendredi 29 Mai 2015



07 heures 36 + Journée débordante hier… je n’en reconstitue le fil qu’avec peine, habité comme je l’ai été par celles et ceux que j’entends et à qui je crois pouvoir donner la main. – Un grand livre d’une femme dont je découvre la bibliographie mais qui ne m’avait pas marqué quand elle fut au gouvernement naguère : Elisabeth DUFOURCQ et son mode d’emploi, avisé et chaleureux, du pape actuel [1]. Ces grandes dames, à l’instar de Geneviève ANTHONIOZ- de GAULLE ou de Germaine TILLION, nos Catherine de Sienne d’aujourd’hui. Ces fondatrices aussi qu’évoque l’Eglise à notre messe du jour.

13 heures 18 + Messe du matin, voix tendre de MLP quand il importe dans notre église villageoise un fragment d’office monastique. Nouvelle contravention et un second point ôté à Edith pour un nouvel excès de vitesse, une dizaine de kmhs autour de Nantes. Scène justifiée mais durable : 90 euros f.. en l’air. Faire bien davantage attention. Je trouve cependant que ces sanctions sont excessives. – Tourné en rond avec les B..., Myriam aussi butée qu’épuisée. Je déclare forfait et n’ai ni les moyens psychologiques et nerveux ni la « formation » d’un psy. pour un accompagnement qui aurait des chances d’aboutir. Le Denis L. rencontré avant-hier à la conférence de Lytta BASSET qu’il avait organisée pour Echange & Partage, ne tient pas à la présence de tiers aux réunions d’endeuillés. Je marque simplement ma disponibilité, mais ne regrette pas, tant j’ai à faire.

14 heures 17 + Prier… [2]

21 heures 58 + Je n’y suis que maintenant, fatigué mais avec la certitude que la vie continue, qu’elle gagne et gagnera même après moi, que j’en ai fait partie, que j’en fais encore partie, malgré cette envie grandissante de ne plus rien faire, ou plutôt de ne plus culpabiliser de ne rien faire, de ne plus projeter de faire du plus pratique au plus considérable… rester tranquillement à lire à longueur de journée, marcher puisqu’il le faut, que c’est recommandé, que je m’alourdis… Hermann HESSE, ce soir [3]… je m’épuise d’empathie, entrant dans l’âme et la vie d’autres qui m’y appellent bien plus fort encore que si c’était mon initiative de seulement demander accueil. Je le consulte pour des questions de procédures judiciaires et de prescription, et à mon évocation de la soirée-conférence d’avant-hier Lytta BASSET) il dit sa fille, vingt ans, tuée en moto. Une moto considérable neuve, qu’il lui avait interdit de conduire, même d’essayer sans quelques leçons nouvelles au préalable, moto financée par sa femme et la mère de celle-ci. Statistique : dix ans en général pour se remettre affectivement et financièrement d’un divorce. Le Monde, l’éditorial… en page 25, l’affaire de la dénomination nouvelle de l’U.M.P. à l’instigation insistante et victorieuse de NC : les Républicains, la justice laisse passer. Je comptais y aller, une centaine de particuliers et plusieurs partis s’y sont immédiatement collés, déboutés ou reportés aux calendes grecques. Imaginer le débat français entre ceux qui  se sont mesurés l’un à l’autre, il y aura cinq ans quand ils recommenceront. Je n’y arrive pas. Autre éditorial, raciste et flou, sur l’anniversaire du referendum français à propos du projet de Constitution pour l’Europe. Arnaud LEPARMENTIER argumente que « la monnaie unique est devenue un poison sucré qui a permis aux pays du sud de ne pas se réformer » Le leit-motiv gouvernemental depuis 2012. sans que jamais soit défini ce qu’est une réforme. Si c’est diminuer de moitié les circonscriptions régionales sans consultation, transformer la SNCF en compagnie d’autocar (la desserte à venir de Clermont-Ferrand à Monpellier ou de Nantes à Brest), c’est minable. La réalité, c’est de supprimer toute dimension sociale, toute dimension qui ne serait pas dans la ligne de la rentabilité. Alors même que les économies, surtout celles qui stagnent, , ne comptent plus les entreprises et banques dégageant des marges très supérieures aux déficits sociaux : chez nous. Lassitude devant tant de cynisme, les adversaires de 2012 et de 2017 : pas le moindre débat sur notre situation et sur ses issues. C’est effarant d’artifice et de cécité, cela me pèse de plus en plus tant l’alternative me semble évidente mais qu’aucune personne publique ne fait discerner ni n’impose.
La tombe de ma mère  la mienne, les roses blanches et rouges. Pour la fête es mères, le rosier de 2007 fournit chaque année davantage de fleurs, chacune ayant ces deux couleurs, des tâches de sang sur la neige ou sur la robe des martyrs. Marguerite saluant mécaniquement et avec le sourire, la tombe de sa grand-mère, comme cela se fait si répétitivement en Extrême-Orient, mais elle a choisi spontanément de venir m’aider : fête des mères. – Les textes proposés pour ce jour sont disparates et décalés par rapport à nous. Il n’y a plus aujourd’hii de mémoire collective, tout es indiviuel, sans précédent ni racines. Nous ne nous souvenons que du contemporain… leurs oeuvres de justice n’ont pas oubliées… leur descendance subsistera toujours, jamais leur gloire ne sera effacée. Aussi peu convaincante, l’anecdote du figuier desséché : Jésus l’avait maudit, pourtant ce n’était pas la saison des figues. Puriste peut-être et fondée sur une tradition presque millénaire : les marchands du Temple, que Jésus chasse. Je m’assimile mieux ce soir à ces mouvements et pérégrinations : comme c’était déjà le soir, il sortit pour aller à Béthanie avec les Douze…  quand le soir tomba, Jésus et ses disciples s’en allèrent hors de la ville


[1] - Elisabeth DUFOURCQ, Lettre au Pape François. Je rêve d’un avenir… (éd. Médiaspaul . Septembre 2014 . 205 pages)

[2] - Ben Sirac le sage XLIV 1 à 13 passim ; psaume CXLIX ; évangile selon saint Marc XI 11 à 25                
[3] - Lettres 1900-1962 (Calmann-Lévy . Mai 1981 . 218 pages) & Histoires d’amour (Calmann-Lévy . Février 1997 . 306 pages)

jeudi 28 mai 2015

aussitôt l’homme recouvra la vue et il suivait Jésus sur son chemin - textes du jour

Jeudi 28 Mai 2015


Prier [1]Fils de David, Jésus, prends soin de moi – Appelez-le. – Confiance. Lève-toi ; il t’appelle – Que veux-tu que je fasse pour toi ? – Maître, que je recouve la vue ! – Va, ta foi t’a sauvé. L’aventure de Bartimée, un aveugle qui mendiait… aussitôt l’homme recouvra la vue et il suivait Jésus sur son chemin. Scène très mouvementée : Jésus sortait… l’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus… et il suivait Jésus le chemin. Pas de dialogue, pas d’enseignement, pas de commentaire. La foi opère à deux degrés : le Christ miracule, guérit et cette guérison est constaté, authentifiée d’abord par Dieu-même. Le fait est brut. Il accomplit les Ecritures : comme toutes ses œuvres son attirantes, jusqu’à la plus petite étincelle qu’on peut apercevoir ! Tout cela vit et demeure à jamais, remplit son office et lui obéit. Le texte du Siracide semble avoir été l’inspirateur, principal ou de hasard, de VOLTAIRE rédigeant Candide… il a confirmé l’excellence d’une chose par l’autre. Avec une véritable thèse, avancée philosophique. La dyade : tout va par deux, l’un correspond à l‘autre, il n’a rien fait de défectueux, il a confirmé l’excellence d’une chose par l’autre. Le couple, la dualité ne sont pas des antagonistes, pas non plus une complémentarité pour la reproduction. C’est d’abord la Création elle-même justifiant continuellement et structurellement l’œuvre du Créateur et l’évaluant éthiquement et esthétiquement. Ampleur cosmogonique d’une évocation de la puissance divine tandis que le Christ, immergé dans le milieu humain, Fils de l’homme, est à notre portée. Quand il entendit que c’était Jésus de Nazareth… à notre disposition personnelle, quoiqu’en pensent les autres, si bien intentionnés ou si bien formés.
Au vu de tant de choses et d’événements annonciateurs, le flot des courriels de résistance aux comportements gouvernementaux, les élections en Pologne, en Espagne, les échéances grecques, le verrouillage du congrès PS, la séquence depuis quelques semaines de titres du Monde, très inspiré et d’une fidélité remarquable à ce qui l’a fondé à l’hiver 1944, moyennant des adaptations, actualisations et remodelages de présentation depuis, couriellé lapidairement à JPJ  [2] – Il y a à repenser complètement les formes de la politique et du gouvernement, au moins chez nous, il y a le même effort de synthèse et d’imagination pour la politique « extérieure », chacun des thèmes et chacun des acteurs dans les relations internationales et pour les réalités des pays étrangers
  Hier soir, conférence donc de Lytta BASSET. Je crois avoir l’un de ses livres, commencé d’en entendre parler dans la série consacrée par Le Monde aux grandes religions, que présente un fidèle ou un hiérarque pour chacune, ainsi Dom Robert pour le catholicisme, et elle pour le protestantisme. Une notoriété, j’y suis allé pour cela. La salle du premier étage au Palais des Arts à Vannes. Remplie aux deux tiers, donc certainement trois ou quatre cent personnes au moins. D’emblée, je trouve l’exposé médiocre d’énoncé en forme très relâchée et en fond. Arrivé en retard, j’entends un commentaire du livre de Job. Elle me semble très loin de ce que selon mon expérience d’entretiens psycho-thérapeutiques, j’ai découvert dans ce livre. Job n’aurait pu « s’en sortir » s’il avait monologué. Au contraire, il est sans cesse relancé par des intervenants très précis et d’ailleurs mieux que neutres, hostiles ce que n’est pas le psy. dont on attend que la validation ou le rebond. Le patient ne doit surtout pas culpabiliser, Job proclame constamment la vérité première : il n’a pas péché. L’explication de son malheur n’est pas celle d’une punition, mais celle d’une épreuve. LB a cependant bien vu, citant un praticien dont le nom m’échappe, que le but de l’entretien est d’ « équiper » le patient, le solide, les issues, c’est lui et personne d’autre qui peut les trouver et plus encore se les administrer. J’ai été déçu, globalement, par la conférencière que j’aurais d’ailleurs cru plus âgée : beaucoup d’égotisme dans le cours de l’exposé, de référence à soi (ce qu’elle dit à des tiers, voire à son mari, décide et fait le réconfort ou la clarté) même si elle met constamment en garde contre les généralisations, s’agissant de sujets si intimes et douloureux, le deuil d’un être cher qui nous a quittés par suicide. Mais surtout une pratique je n’ai pas aimée. Une évaluation à haute voix des témoignages et prises de parole, comme si un examen scolaire était passé par le/la questionnant, le demandeur. Enfin, et paradoxalement, puisqu’elle est pasteur et enseignante en faculté de théologie, elle n’a jamais évoqué que des rencontres avec des tiers refaisant pour l’endeuillé et le dolant du « lien », et le lien donnant du « qens », ce genre de termes et surtout d’application du terme, comme les « valeurs de la République » ont fait florès depuis vingt ans, sans nous faire beaucoup avancer car ils ne sont pas définis en leur contenu, s’ils en ont vraiment un. Or, au moins dans ma propre expérience, il y a ces secours inopinés, ces visitations de notre être et de nos circonstances par Dieu. Nous ne sommes pas seuls entre humains, il y a le Tiers décisif et créateur, Dieu en trinité. Ces secours sont à déchiffrer par chacun qui en bénéficie. Je les ai éprouvés. Les discerner, évidemment, fait beaucoup avancer dans le moment, et plus encore rétrospectivement. La nuit où je désespérai de jamais obtenir le cœur de Laurence de L. en ce monde-ci à l’évidence et dans l’autre, si j’anticipais d’y aller en me suicidant…et le téléphone au matin de sa grand-mère. – Cependant, de nombreux apports, mais plus ponctuels. Des dires sobres et à peine plus qu’allusifs sur la relation conjugale en tous temps et plus encore en période de difficile et donc de deuil. Une observation forte : la perte de ce qui est cher n’est pas uniquement celle d’un humain, ce peut être un animal (nous en avons su plus que quelque chose, tous les trois, les réactions de ma chère femme, celle admirable de Marguerite faisant augurer de toute sa vie, je crois, une telle force d’âme à huit ans), voire un bien, quelque chose. Un rapprochement offert : comment elle-même s’en est tirée, est revenue au goût de vivre, et comment depuis vingt ans, au rythme d’échecs successifs, d’exclusion et de refus essuyés de la société et des représentants que mes demandes et offres, lui donnaient, je ne suis pas mort, bien au contraire. Et enfin, LB m’a été l’occasion de comprendre et de rencontrer des souffrances dont je n’avais pas le précédent dans ma vie, sauf le pleur ancien d’Edith pour son cher Hubert… et encore plus intense mais plus pudiquement tu, celé, les deux deuils affreux de mon cher aîné. Le témoignage final d’un agriculteur, le fils pendu il y a deux mois au-dessus des vaches et dans l’étable faisant son lot, après répartition d’une donation entre vifs ( !), la maladresse atroce de l’enquête en gendarmerie. L’abord de ces deux femmes si fraternelles et ressemblantes l’une à l’autre, mère et fille, un fils suicidé lui aussi il y a encore moins de deux mois. Monique que j’embrasse sur la joue, félicite pour son eau de toilette, et élément pratique aussitôt d’une future résurrection : non, un parfum.
Le véritable apport de LB – qui ne sait pas se lire elle-même complètement, puisqu’exposant à la fois une première et très grave dépression à ses douze-treize ans et une un « travail » de près de quinze ans, à partir de ses trente, sur l’ensemble de sa petite enfance, elle donne à rapprocher, selon moi et au moins chronologiquement, sa mise à flot enfin et tardive avec le début du mal-être de son fils, de Samuel – ce véritable apport est dans la qualification du suicide : décision propre, liberté de choix et véritablement choix de la vie, si paradoxal que cela paraisse, car le suicidant veut davantage de la vie. Observation à la clé, la Bible ne censure pas le suicide ni dans les exposés qu’elle fait de plusieurs cas, ni en morale.
J’aurais voulu lui dire tout cela. Je vais lui écrire, et il me faut évidemment lire son livre. – Parlant ensuite à des auditeurs et à des organisateurs, il m’est précisé qu’il ne pouvait s’agir d’un cercle de prises de paroles, que le temps était forcément limité. Je vois aussi que le thème n’est pas le suicide en soi ou celui qui s’administre la mort, tant de conversations récentes, ont implicitement pour moi tourné autour de cette isue, ainsi Sylvain avant-hier, d’issue logique que celle-là : souffrance physique et séparation strangulante d’avec ses deux filles… Une des tables-présentoirs, deux jeunes filles et un protecteur : pompes funèbres générales, une entreprise privée donc, mais aux employés particulièrement formés, dialogue plus particulier avec l’une des deux, elle assure recevoir beaucoup des endeuillés, des circonstances ainsi partagées.
Sans me laisser déborder, sans voyeurisme non plus, je vais sans doute fréquenter deux fois par mois, ces groupes de paroles, de même que j’aimerais être visiteur de prison. – Le vrai choc hier a été plus simple que tout ce que j’ai entendu et vécu. Au premier degré, ce couple pas encore âgé, en retard plus que moi, s’asseyant non loin mais devant moi, l’homme chemise bleu ciel, dos large, sans doute bien bâti, se courbait, s’affaissait de buste de plus en plus à mesure que continuait la conférence, et l’épouse posait la main à plat sur ce dos tellement expressif, pathétique, puis lui a caressé la nuque, doucement, brièvement comme on administre un signe de présence, et enfin, l’une après l’autre, lui a massé un peu chaque épaule. Ils sont partis vite. J’ai ressenti que cette réunion ne pouvait être un débat, qu’elle jouxtait le sacré.



[1] - Ben Sirac le sage XLII 15 à 25 ; psaume XXXIII ; évangile selon saint Marc X 46 à 52

[2] -  -------- Message transféré --------
Sujet :
la mûe
Date :
Thu, 28 May 2015 08:37:37 +0200
De :
Bertrand Fessard de Foucault
Pour :
Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général de l'Elysée
Sans que cela prenne déjà corps, tout appelle et prépare une mûe. Extrêmement profonde.
Si les politiques classiques, si les dirigeants du moment - en France le Président et vous - n'en prennent pas conscience et n'opèrent pas un changement total, bien plus que d'orientation en politique économique et sociale, ils seront balayés. Comme les têtes couronnées le furent en quelques étapes, rapprochées et brèves entre 1789 et 1920, comparées à la durée millénaire de leur emprise. Après cent cinquante ans de politique élective et déléguée, la faillite et l'autisme : les résultats et les comportements, ont séparé complètement la direction nominale des choses et des gens, de la réalité de ces choses et de la conscience, de la volonté de ces gens.
Prenez-y garde.
Pensées et voeux en ce sens, cher ami, ce matin et pour des suites rapidement.
Cf. la collection des unes du
Monde depuis quelques semaines, les élections générales ici et là, le papier de ce Nobel japonais en 1994 que publiait le journal daté des dimanche-lundi derniers.


mercredi 27 mai 2015

Jésus marchait devant eux ; ils étaient saisis de frayeur, et ceux qui suivaient étaient aussi dans la crainte - textes du jour

Mercredi 27 Mai 2015


07 heures 47 + Les naufrages… nos amis B., mon tapir et les siens… une bonne partie de l’humanité (la meilleure parce que la vraie et la consciente) : handicaps, injustices, malchances, je ne sais pas les noms, mais je souffre intensément de ce que souffrent ces autres, proches, fréquentés physiquement et mentalement, ou visités en pensée… et nous, mes aimées et moi, nos efforts, nos craintes, et ce à quoi nous sommes exposés… cette fragilité de nous et des autres… plus j’avance, non en âge, mais en l’existence humaine, la mienne, celle des autres, plus j’éprouve que la seule force vraie, efficace est bien l’amour. Par quel miracle prospère-t-il ? nous est-il donné ? c’est le miracle de la vie, la vie dans sa globalité, ses cohésions et cohérences, c’est la Création … je ne sais pas bien le dire ni l’écrire. Je le ressens, et c’est le même mouvement que celui de prier : demander et remercier sont le même geste, et la même posture d’âme. On ne peut demander sans espérance ni expérience déjà du don. – Les disciples, le cercle proche du Christ, la foule des suivants, cette sorte de cortège inorganisé mais si dense qui « monte » à Jérusalem, est terrorisé. Exactement nous, notre monde actuellement. Terrorisés par l’évidence que les puissants du moment veulent « la peau du Christ », confirmés dans cette terreur par les détails que leur donne Jésus, vivant Sa mort et notre rédemption depuis Sa naissance humaine et en pleine conscience d’homme. Jésus marchait devant eux ; ils étaient saisis de frayeur, et ceux qui suivaient étaient aussi dans la crainte. [1]  C’est pourtant un peuple, et nous en faisons partie, familier des psaumes et de l’espérance : et nous ton peuple, le troupeau que tu conduis, sans fin nous pourrons te rendre grâce et d’âge en âge proclamer ta louange… Ton bras est fort : épargne ceux qui doivent mourir… Que nous vienne bientôt ta tendresse, car nous sommes à bout de force !

09 heures 44 + Interruption ? emmener Marguerite à l’école. Hier soir, en rentrant de sa gymnastique à Vannes (beauté de deux adolescentes s’entraînant à la roue, l’une avant, l’autre arrière, sur poutre et qualité de leur enseignante), question : il est à quelle hauteur, le ciel ? Les handicaps ou le regard sur soi-même au physique : Myriam B. la couleur de sa peau qu’elle juge trop mate. Je commente pour épouse et fille, chacun a sa difficulté (avec soi-même, certes, mais objectivement ? je le crois de moins en moins : nous sommes chacun tellement valables), mon dos évidemment, mais s’il avait été droit et parfait, j’aurais été un Adonis, donc puant. Répliques : ma chère femme, mais tu es puant même sans être Adonis. Notre fille, c’est qui, Adonis ? Je réponds. Elle enchaîne : il n’y a pas de beauté masculine dans le monde. – Encore un naufrage qui en fait apprendre un autre, bien plus vaste encore : ce couple de jeunes Russes, nationaux du Kazakhstan, persécutés là-bas et refusés d’asile chez nous. Une ordonnance de la Cour nationale du droit d’asile rendue sans contradiction, des appels difficiles et non suspensifs, la superficialité du premier crible en recevabilité à la Cour européenne des droits de l’homme : j’en sais quelque chose. Non seulement, chez nous et en Europe, guère de compassion, mais plus objectivement, l’Etat de droit ? Là est un vrai naufrage quand augmente, comme ces années-ci, la conscience humaine des solidarités nécessaires face à tant de catastrophes naturelles et humanitaires. Mais aussi des signes de résurgence possible : la prise de conscience de l’obsolescence des partis sinon des systèmes politiques, au moins chez nous, mais dans toute l’Europe méridionale et orientale, le slave et le gréco-romain… la création artistique et littéraire : ces assises internationales du roman, organisées par Le Monde et la Villa Gillet à Lyon, l’entretien avec Kenzaburô Oe, Nobel japonais en 1994, un frère à découvrir. Octogénaire, écrivant depuis l’âge 22 ans (mon journal commencé à mes 21 ans). Pour avancer dans la vie, l’écriture est finalement le seul chemin que je connaisse.  Il y a trois jours, je titrai quelque chose à approfondir : à la recherche d’un livre, le mien, et voici qu’Oe a publié en 2009 : Adieu, mon livre [2]. Et dit aujourd’hui : j’essaie de réfléchir sur ce qu’est la dignité de l’homme.
Je reviens à l’autel du matin. Le livre constamment actuel, car toujours proposé en langage contemporain, ce qui n’a rien de littéral, mais signifie et fait éprouver que la lectio divina, parce qu’elle est dialogue d’âme à âme, Dieu et l’homme : la Bible en chacun de ses livres. Et sans doute, s’il n’est pas récité en posture figée, mais prié : le Coran, même si pour le chrétien, il n’est qu’un seuil indiquant qu’il y a beaucoup de portes vers le divin tandis que la Bible, après avoir tant dit la promesse et l’attente, les confirme et donne raison à l’homme dans toutes ses nostalgies et intuitions, dans ses vagabondages et ses immobilismes. Dieu parmi nous et à notre portée, au point que nous avons pu Le crucifier. L’Incarnation, et quotidiennement l’Esprit Saint. – Ecoute la prière de tes serviteurs, selon ta bienveillance à l’égard de ton peuple. Et tous, sur la terre, le sauront : tu es « le Seigneur », le Dieu des siècles ! Prière splendide du Siracide : rends témoignage à tes créatures des premiers jours, réveille les prophéties faites en ton nom… que tes prophètes soient reconnus dignes de foi.
Jésus ne rassure pas les siens, au contraire : il se mit à leur dire ce qu’il allait lui arriver. Jésus est le plus important, détaillé, décisif de Ses prophètes. Réaction des Douze, typée par  les fils de Zébédée… « Donne-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire ». Qu’ont-ils donc compris ? peut-être l’essentiel, le dénouement : il ressuscitera, mais sans rien retenir des étapes. Jésus les y ramène : la coupe que je vais boire, vous la boirez, et vous serez baptisés du baptême d ans lequel je vais être plongé, et ne leur garantit rien quant à ce qu’ils demandent et que doit leur accordé ce martyre dont ils s’estiment capables et qui va leur être infligé. Houvari des autres disciples et Jésus calme Sa troupe : celui qui veut être premier parmi vous sera l’esclave de tous. Le centre, c’est Lui, simplement et logiquement parce qu’Il est le Rédempteur et Sauveur. Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. – C’est le dernier mot avant la prière de la mort, avant la prière du changement, du passage au Dieu des siècles.


[1] - Ben Sirac le sage XXXVI 1 à 22 passim ; psaume LXXIX ; évangile saint Marc X 32 à 45

[2] - Le Monde daté des 24 et 25 Mai 2015, pp. 1 et 16

mardi 26 mai 2015

Léon XIII - encyclique In medio sollicitudinis - les catholiques français priés de rallier la République . 16 février 1892


IN MEDIO SOLLICITUDINIS

LETTRE ENCYCLIQUE
 DE SA SAINTETÉ LE PAPE LÉON XIII


A NOS VÉNÉRABLES FRÈRES LES ARCHEVÊQUES, ÉVÊQUES
AU CLERGÉ
ET A TOUS LES CATHOLIQUES DE FRANCE.
VÉNÉRABLES FRÈRES
TRÈS CHERS FILS

Аu milieu des sollicitudes de 1'Eg1ise universelle, bien des fois, dans le cours de Notre Pontificat,- Nous nous sommes plu à témoigner de Notre affection pour Ia Fran-ce et pour son noble peuple. Et Nous .avons voulu, par une de Nos Encycliques encore présente à la mémoire de tous, dire solennellement, sur ce . sujet, tuut le fond de Notre âme. C'est précisément cette affection qui Nous a tenu sans cesse attentif à suivre du regard, puis à repasser en Nous-même, l'ensemble des faits, tantôt tristes, tantôt consolants, qui depuis plusieurs années se sont dé-roulés parmi vous. En pénétrant à fond, à l'heure présente encore, 1a portée du vaste complot que certains hommes ont for-mé d'anéantιΡr en France le christianisme , et l'animosité qu'ils mettent à 1poursuivre 1a réalisation de leur dessein, foulant aux iles plus élémentaires notions de 1ibеrtё et de justice pour le sentiment de 1a majorité de la nation, et de respect pour les droits inaliénables de l'Église catholique, comment ne serions-nous pas saisi d'une vive douleur? Et quand Nous voyons se révéler, l'une après l'autre, les conséquences funestes de ces coupables attaques qui conspirent à la ruine des moeurs, de la religion et même des intérêts politiques sagement compris, comment exprimer les amertumes qui Nous lnondent et les appréhensions qui Nous assiègent ?
D'autre part, Nous nous sentons grandement consolé, lorsque Nous voyons ce même peuple français redoubler,
pour le Saint-Siège. d'affection et de Zèle, à mesure qu'il . levoit plus délaissé , nous devrions dire plus combattu
sur la terre. A plusieurs reprises, mûs par un profond sentiment de religion et de vrai patriotisme , les représentants de toutes les classes sociales, sont accourus, de France jusqu'à Nous, heureux de subvenir aux nécessités incessantes de 1'Eglise, désireux de Nous demander lumière et conseil, pour être sûrs qu'au milieu des pré-sentes tribulations, ils ne s'écarteront- en rien des enseignements du Chef des croyants. Et Nous, réciproquement, soit par écrit, soit de vive voix, Nous avons ouvertement dit à nos fils ce qu'ils avaient droit de demander à leur Père. Et loin de les porter au découragement, Nous les avons fortement exhortés à redoubler d'amour et d'efforts dans 1^, défense de 1^, foi catholique, en même
temps que de leur patrie deux devoirs de premier ordre, auxquels nul homme, en cette vie, ne peut se soustraire. Et aujourd'hui encore, Nous croyons opportun, nёсеssаírе même, d'élever de nouveau 1a voix, pour exhorter plus instamment, Nous ne dirons pas seulement les catholiques, mais tous les français honnêtes et sensés, à repousser loin d'eux tout germe de dissentiments politiques, afin de consacrer uniquement leurs forces à la pacification de leur patrie. Cette pacification, tous en comprennent le prix; tous, de plus en plus, l'appellent de leurs voeux. Et Nous qui 1a désirons plus que personne, puisque Nous représentons sur 1a terre le Dieu de la раiх 1, Nous con vions, раr les présentes Lettres, toutes les âmes droites, tous les coeurs généreux à Nous seconder pour 1a rendre stable et féconde.
Avant tout, prenons comme point de départ une vérité notoire, souscrite раr tout homme de bon sens et hаutеmеnt proclamée par l'histoire de tous les peuples, savoir que rеligiоn, et la religion seule , peut créer le lien social; que seule elle suffit à maintenir sur de solides fondements la paix d'une nation. Quand diverses familles, sans renoncer aux droits et aux devoirs de 1a société domestique, s'unissent sous l'inspí ration de nature, pour se constituer membres d'une
Non enim est dissensionis Deus, sed pacis (I. СоR . xiv).
autre famille plus vaste. appelée 1a société civile, leur but n' est pas seulement d' y trouver le moyen de pourvoir à leur bien-étrė matériel, mais surtout d'y puiser le bienfait de leur perfectionnement floral. Autrement 1a société s'élèverait peu au-dessus d'une aggrégation d'êtres sans raison, dont toute 1a vie est dans 1a satisfaction des instincts sensuels. Il у a plus; sans ce perfectionnement moral, difficilement on démontrerait que 1a société civile, lobe de devenir pour l'homme , en tant qu'homme , un avantage , ne tournerait pas à son détriment. b Or la moralité, dans l'homme, par le fait même qu'elle doit mettre de concert tant de droits et tant de devoirs dissemblables, puisqu'elle entre comme élément dans tout acte humain, suppose nécessairement Dieu, et, avec Dieu, la religion, ce lien sacré dont le privilège est d'unir, antérieurement à tout autre lien, l'homme à Dieu. En effet, l'idée de moralité importe avant tout un ordre de dépendance à l'égard du vrai, qui est la lumière de l'esprit; à l'égard du bien , qui est la fin de la volonté : sans le vrai, sans le bien, pas de morale digne de ce nom. Et quelle est donc 1a vérité principale et essentielle , celle dont toute vérité dérive ? c'est Dieu. Quelle est donc encore la bonté suprême, dont tout autre bien procède? c'est Dieu. Quel est enfin le créateur et le conservateur de notre raison, de notre volonté, de. tout notre être, com-me il est la fin de notre vie ? Toujours Dieu. Puis donc q ue 1a religion est l'expression intérieure et extérieure de cette dépendance que nous devons à Dieu à titre de
justice, il s'en dégage une gave conséquence qui s'impose : Tous les citoyens sont tenus de s'allier pour main-tenir dans la nation le sentiment religieux vrai, et pour le défendre au besoin, si jamais une école athée, en dépit des protestations de la nature et de l'histoire, s'efforçait de chasser Dieu de Ia société, sûre par là d'anéantir bien-tôt le sens moral au fond même de la conscience hu-maine. Sur ce point, entre hommes qui n'ont pas perdu 1a notion de l'honnête, aucune dissidence ne saurait sub-sister. Dans les catholiques français, le sentiment religieux doit être encore plus profond et plus universel, puisqu'ils ont le bonheur d'appartenir à la vraie religion. Si , en effet, les croyances religieuses furent, toujours et partout, données comme base à la moralité des actions humaines et à l'existence de toute société bien ordonnée , i1 est évident que la Relig°оn catholique, par le fait même qu'elle est la vraie Eglise de Jésus-Christ, possède plus que toute autre l'efficacité voulue pour bien régler 1a vie, dans la société comme dans l'individu. En faut-11 un éclatant exemple? La France elle-même le fournit. -- A mesure qu'elle progressait dans ia foi Chrétienne , on la voyait monter graduellement à cette grandeur morale qu'elle atteignit, comme puissance politique et militaire. C'est qu'à la générosité naturelle de son coeur , 1a cha i rte chrétienne était venue ajouter une abondante source de nouvelles énergies ; c'est que son activité merveilleuse avait rencontré, tout à la fois comme aíguillon, lumière
directive et garantie de constance cette foi ehretienne qui lJar la main de la France tua .a dans les annales du genre humain des pages si glorieuses. Et encore аu ,^оurd'hui, sa foi continue-t-elle pas d'ajouter aux gloi res passées de nouvelles gloires? On voit, inépuisable de génie et de ressources multiplier sur son propre sol les oeuvres de 061-46, on l'admire partant pour les pays lointains où , par son or, par les labeurs de ses missionaires, au prix même de leur sang elle propage d'un même coup le renom de 1a France et les bienfaits de la religion catholique. Renoncer â de telles gloires, aucun français, quelles que soient par ailleurs ses convictions, ne l'oserait; ce serait renier 1a patrie. Or l'histoire d'un peuple révèle d'une manière incontestable, quel est l'élément générateur et conservateur de sa grandeur morale. Aussi, que ćet élément vienne â lui manquer, ni la surabondance de l'or, ni la force des armes ne sauraient le sauver de 1^, décadence morale, peut-être de la mort. Qui ne comprend maintenant que, pour tous les Français qui professent la Religion catholique,
et cela avec d'autant plus de dévouement, qu'au milieu d'eux le christianisme devient, de la part des Sectes, l'objet d'hostilités plus implacables? Sur ce terrain, ils ne peuvent se permettre , ni indolence dans l'action, ni division de N,rfis, l'une accuserait une lâcheté indigne du chrétien, l'autre serait 1a cause d'une faiblesse désastreuse. Et ici avant de роussеr plus loin, i1 nous faut si-
geler une calomnie astucieusement répandue , pour ac-créditer, contre les catholiques et contre le Saint-Siège lui-même, des imputations odieuses. -- On prétend que l'entente et la vigueur d'action inculquées aux catholiques pour la défense de leur foi, ont, comme secret mobile, bien moins 1a sauvegarde des intérêts religieux, chue l'arnbitiii de ménager à 1'Eglise une domination poli que sur l'État. Vraiment, c'est vouloir ressusciter une calomnie bien ancienne, puisque son invention appartient aux pre-miers ennemis du christianisme. Ne fut-elle pas formulée tout d'abord contre la personne adorable du Rédempteur 2 Oui, on l'accusait d'agir par des visées politiques, alors qu'Il illuminait les âmes par sa prédication, et qu'Il soulageait les souffrances corporelles ou spirituelles des mal-heureux avec les trésors de sa divine bonté : « Nous avons trouvé cet homme travaillant à bouleverser notre peuple, dé--fendant de payer le trżbut à César, et s'intitulant le Ohr 'sl roi. Si vous lui rendez la liberté, vous n'êtes pas ami de César : Car quiconque se prétend roi, fail de l'oppos2t2on à César César est pour nous le seul roi i ». Ce furent ces calomnies menaçantes qui arrachèrent à Pilate 1a sentence de mort contre Celui qu'à plusieurs reprises il avait déćlaré innocent. Et les auteurs de ces i Hune invenimus subvertentem gentem nostram, et prohibentem tributa dare Caesari, et dicentem se Christum regeni esse (Luc. xxiii, 2). Si hune dimiftis, non es amicus Caesaris : omnis enim qui se regem facit contradicit Caesari Non habemus regem nisi Caesarem. (JOAN XIX, 12-15).
 mensonges ou d'autres de la même force, n'omirent rien pour les propager au loin, par leurs émissaires, ainsi que S. Justin martyr le reprochait aux juifs de son temps « Loin de vous repentir, après que vous avez appris sa ré-surrection d'entre les morts, vous avez envoyé de Jérusalem des hommes habilement choisis, pour annoncer qu'une hérésie et une secte impie avait été suscitée par un certain, séducteur appelé Jésus de Galilée i ». En diffamant si audacieusement le christianisme, ses ennemis savaient ce qu' ils faisaient ; leur plan était de susciter contre sa propagation un formidable adversaire, l'Empire romain. La calomnie fit son chemin; et les païens, dans leur crédulité, appelaient à l'envi les premiers chrétiens des êtres inutiles, des citoyens dangereux, des factieux, des ennemis de l' Empire et des Empereurs 2 ». En vain les Apologistes du christianisme paŕ leurs écrits; en vain les chrétiens par leur belle conduite, s'appliquèrent-t-ils à démontrer tout ce qu'avaient d'absurde et de criminel ces qualifications : on ne daignait même pas les enten-dre. Leur nom seul leur valait une déclaration de guerre ; et les chrétiens, ar le simple fait qu'ils étaient chrétiens, non pour aucune autre cause, se voyaient forcé 1 Tantum abest ut poenitentiam egeritis, postquam Eum a mortuis resurrexisse accepistis, ut etiam . . . . ехimiis delectis viris, in omnem terrarum orbem eos miseritis, qui renunciarent haeresim et sectam quamdam impiam et iniquam excitatam esse a Iesu quodam galilaeo seductore (Dialog. cum Tryphone). 2 Tertull. In Apolog.; — Minutius Felix, in Octavio.
mеnt placés dans cette alternative : Ou l'apostasie, 0u le martyre. Les mêmes griefs et les mêmes rigueurs se renouvelèrent plus ou moins dans les siècles suivants, cha-que fois que se rencontrèrent des gouvernements Gm^ . sоnnаblеmеnt jaloux de leur pouvoir, et animés contre
1' Еglise d'intentions malveillantes. Toujours ^Is surent met-tre en avant, devant le public, le prétexte des prétendus envahissements de 1'Eglise sur 1'Etat, pour fournir à 1'Etat des apparences de droit, dans ses empiètements et ses violences envers la Religion catholique.
Nous avons tenu à rарреlеr en quelques traits ce passé, .pour que les catholiques ne se déconcertent pas du présent. La lutte, en substance, est toujours lа même toujours Jésus-Christ mis en butte aux contradictions du monde; toujours mêmes moyens mis en oeuvre par les en-nemis modernes du christianisme, mo ens très vieux au fond, modifiés à peine dans la forme ; mais toujours aussi mêmes moyens de défense clairement ιΡndiquёs aux chrétiens des temps présents par nos Apologistes, nos Docteurs, nos . Martyrs. Ce qu'ils ont fait, i1 nous incombe de le faire à notre tour. Меttоns donc au dessus de tout la gloire de Dieu et de son Eglise travaillons pour elle avec une application constante et effective; et laissons le soin du succès à Jésus-Christ qui nous dit « Dans le monde, vous serez opprimés ; mais ayez confiance, j'ai vaincu le monde ». i In mundo pressuram habebitis: sed confidite, ego vici mundum. XVI, 33).
Pour aboutir là , Nous l'avons déjù remarqué, une grande union est nécessaire, et s~ l'on veut y parvenir, еst indispensable de mettre de Côté toute préoccupation capable d'en amoindrir 1a force et l'efficacité. -- Ici, Nous entendons principalement faire allusion aux divergences politiques des Français, sur la соnduτΡtе à tenir envers 1a République actuelle question que Nous désirons traiter avec la clarté réclamée par 1a grаvit6 du sujet, en par tant des principes et en descendant aux conséquences pra-tiques. Dwеrs Gouvernements politiques se sont succédés en France dans le cours de ce siècle, et chacun avec sa forme distinctive Empires, Monarchies, Républiques. En se renfermant dans les abstractions, on arriverait à définir quelle est 1a meilleure de ces formes, considérées en elles-mêmes; on peut affirmer également en toute vérité que chacune d'elles est bonne, pourvu qu'elle sache marcher droit à sa fin, c'est à dire, le bien commun, pour lequel l'autorité sociale est constituée; convient d'ajouter finalement, qu'à un point de vue relatif, telle ou telle for-me de gouvernement peut être préférable, commue s'adaptant mieux au caractère et aux moeurs de telle ou telle ration. Dans cet ordre d'idées spéculatif , les catholiques, comme tout citoyen, ont pleine liberté de préférer une forme de gouvernement â l'autre, précisément en vertu de ce ,qu'аuсunе de ces formes sociales ne s'oppose, par elle-même, aux données de 1a saine raison, ni aux maximes de la doctrine chrétienne. Et c'en est assez
pour justifier pleinement 18, sagesse de l'Église alors que, dans ses relations avec les pouvoirs politiques, elle fait abstraction des formes qui les différencient, pour traiter avec eux les grands intérêts religieux des peuples, sachant qu'elle a le devoir d'en prendre 1a tutelle, au dessus de tout autre intérêt. Nos précédentes Encycliques ont exposé déjà ces principes ; i1 était toutefois nécessaire de les rappeler, pour le développement du sujet qui nous occupe aujourd'hui. Que si l'on descend des abstractions sur le terrain des faits, i1 faut nous bien garder de renier les principes tout à l'heure établis : ils demeurent inébranlables. Seu-lement en s'incarnant dans les faits, ils y revêtent un caractère de contingence déterminé par le milieu où se produit leur application. Autrement dit, si chaque forme politique est bonne par elle-même et peut être appliquée au gouvernement des peuples, en fait, cependant, on ne ren-contre pas chez tous les peuples le pouvoir politique sous une même forme ; chacun possède la sienne propre. Cette forme naît de l'ensemble des circonstances historiques ou nationales , mais toujours humaines qui font J surgir dans une nation ses lois traditionnelles et même fondamentales ; et par celles-ci, se trouve déterminée telle forme particulière de gouvernement, telle base de trans-mission des pouvoirs suprêmes. Inutile de rappeler, que tous les individus sont tenus d'accepter ces gouvernements , et de ne rien tenter pour les renverser ou pour en changer 1a forme. De là vient
que l'Église. gardienne de la plus vraie et de 1a plus haute notion sur la souveraineté politique, puisqu'elle 1a fait dériver de Dieu a tout ours réprouvé les doctrines et toujours condamné les hommes rebelles à l'autorité 1égitíme. Et cela, dans le temps mante où les dépositaires du pouvoir en abusaient contre Elle, se privant par là du plus puissant appui donné à leur autorité, et du moyen le plus efficace mur obtenir du 1peuple l'obéissance à leurs lois. On ne saurait trop méditer , sur ce sujet, les célèbres prescriptions, que le Prince des Apôtres au milieu des persécutions, dоnnаit aux premiers еhrаiеns «Honorez fout le monde : aimez la f raternitέ craignez Dгеu^ rendez honneur au roi ». Et celles de S. Paul: « Je vous en con jure donc avant toutes choses : ayez soin qu'il se fasse au milieu de vous des obsécrations, des oraisons, des demandes, des actions de grâces, pour tous les hommes mur les rois, et pour tous ceux qui sont élevés en dignité, c fin que nous menions une vie tranquille, en toute piété et chasteté: car cela est bon et agréable devant Dieu notre Sauveur 2 ». Cependant, il faut soigneusement le remarquer ici: quelle que soit 1^, fоrmе des pouvoirs civils dans une ńa
i Omnes honorate; fraternitatem diligite Deum timete regem honorificate. (I, PETR. Ii, 17). 2 Obsecro igitur primum omnium fieri obsecrationes, orationes, postulationes, gratiarum actiones, pro omnibus hominibus: pro regibus, et omnibus qui in sublimitate sunt, ut quietam et tranquillam vitam agamus, in omni pietate et castitate hoc enim bonum est, et aeceptum coram Salvatore nostro Deo (I. TI mоТН II. 1. segq.).
 tlon, on ne peut 1a considérer comme tellement definitιΡve qu'elle doive demeurer immuable, fût-ce l'intention de ceux qui, à l'origine, l'ont déterminée. Seule, l'Eglise de Jésus-Christ a pu conserver et conservera sûrement jusqu'à la consommation des temps, sa forme de gouvernement. Fondée par Celui qui était, qui est, et qui sera dans les siècles 1, elle a reçu de Lui, .dès son orígine, tout ee qu'il lui faut pour poursuivre sa mission divine à travers l'océan mobile des choses humaines. Et, loin d'avoir besoin de transformer sa constitution essentielle, elle n'a même pas le pouvoir de renoncer aux conditions de vraie 1iberté et de souveraine indépendance, dont la Providence 1'a munie dans l'intérêt général des âmes. Mais quant aux sociétés purement humaines, c'est un fait gravé cent fois dans l'histoire, que le temps, ce grand transformateur de tout ici-bas , opère dans leurs institutions politiques de pro-fonds changements. Parfois í1 se borne à modifier quel-que chose à 1 a forme de gouvernement établie, d'autres fois, il va jusqu'à substituer, aux formes рrimitives, d'au-tres formes totalement différentes sans en excepter le mode de transmission du pouvoir souverain. Et comment viennent à se produire ces changements politiques dont Nous parlons? Ils succèdent parfois a des tŕises violentes trop souvent sanglantes , au milieu desquelles les gouvernements préexistants disparaissent en fait; voilà l'anarchie qui domine • bientôt l'ordre public
i Iesus Christus heri, et hodie : ipse in saecula (REBR. xiii, 8).
est bouleversé jusque dans ses fondements. Dès lors une nécessité sociale s'impose à la nation ; elle doit sans retard pourvoir à elle-même. Comment n'aurait-elle pas le droit. et plus encore le devoir de se défendre contre un état de choses qui la trouble si profondément, et de rétablir la paix publique dans la tranquillité de l'ordre ? ßr cette nécessité sociale justifie. la création et l'existence des nou-veaux gouvernements , quelque forme qu' ils prennent; puisque, dans l'hypothèse où nous raisonnons, ces nou-veaux gouvernements sont nécessairement requis par l'or-dre public, tout ordre public étant impossible sans un gouvernement. I1 suit de là que, dans de semblables conjonctures, toute la nouveauté se borne h. la forme poli-tique • des pouvoirs civils, ou à leur mode de transmission ; elle n'affecte nullement le pouvoir considéré en luimêmė. Celui-ci continue d'être immuable , et digne de respect; car , envisagé dans sa nature, il est constitué et s'impose pour pourvoir au bien commun, but suprême qui donne son origine à la société humaine. En d'autres termes, dans toute hypothèse, le pouvoir civil, considéré comme tel, est de Dieu et toujours de Dieu : « Car il .n'y a point d e pouvoir si ce n'est de Dieu 1 ». Par conséquent, lorsque les nouveaux gouvernements qui représentent cet immuable pouvoir sont constitués, les accepter n'est pas seulement permis, mais réclamé, voire même, imposé par la nécessité du .bien social qui les a
1 Non est enim potestas nisi a Deo (Rorí. XIIE, 1).
faits et les maintient. D'autant plus que l'insurrection attise la haine entre cit0yens, provoque les guerres civiles et peut rejeter la nation dans le chaos de l'anarchie. Et ce grand devoir de respect et de dépendance persévèrera, tant que les exigences du bien commun le demanderont, puis que ce bien est, après Dieu, dans 1a société, la loi première et dernière. Par là s'explique d'elle-même 1a sagesse de l'Eglise dans le mainti ėn de ses relations avec les nombreux gouvernements qui se sont succédés en France, en moins d'un siècle, et jamais sans produire des secousses violentes et pro-fondes. Une telle attitude est 1a plus sûre et 1a plus salutaire ligne de conduite pour tous les Français, dans leurs relations civiles avec 1a R qui est le gouvernement actuel de leur Nation. Loin d'eux ces dissentiments poli-tiques qui les divisent; tous leurs efforts doivent se com-biner pour conserver oui relever 1a grandeur morale de leur patrie. Mais une difficulté se présente : « Cette République, fait-on remarquer , est animée de sentiments si antĺchrétiens que les hommes honnêtes, et beaucoup plus les catholiques, ne pourraient consciencieusement l'accepter. » Voilà surtout ce qui a donné naissance aux dissentiments et les a aggravés. On eût évité ces regrettables divergences, si l'on avait su tenir soigneusement compte de la distinction considérable qu'il у a entre Pouvoirs constitu s et Législation. La législation diffère à tel point des pouvoirs politiques et de leur forme, que, sous le régime 3
dont forme est 1a plus excellente, là législation peut otre détestable; tandis qu'à l'opposé, sous le régime dont forme est 1a plus imparfaite, peut se rencontrer une excellente législation. Prouver, l'histoire à 1a main, cette vérité, serait chose facile; mais à quoi bon ? tous en sont convaincus. Et qui mieux que 1'Eglise, est en mesure de le savoir°, elle qui s'est efforcée d'entretenir des rapports habituels avec tous les régimes politiques 2 Certes, plus que toute autre puissance, elle saurait dire ce que lui ont souvent apporté de consolations ou de douleurs, les lois des divers gouvernements qui ont successivement régi les peuples, de l'Empire romain jusqu'à nous. Si la distinction tout l'heure établie a son im portance majeure, elle a ausśi sa raison manifeste la législation est 1'сеuvrе des hommes investis du pouvoir et qui, de fait, gouvernent la nation. D'où i1 résulte qu'en pratique, la qualité des lois dépend рlus de 1a qualité de ces hommes, que de 1a forme du pouvoir. Ces lois seront donc bonnes ou. mauvaises, selon que les législateurs auront l'esprit imbu de bons ou de mauvais principes, et se lais-seront diriger, ou par la prudence politique, ou par passion. Qu'en France, depuis plusieurs années, divers actes importants de la législation, aient procédé de tendances hostiles à la Religion, et par conséquent aux intérêts de la Nation, c'est l'aveu de tous, malheureusement ćonfirmé par l'évidence des faits. Nous-même, obéissant à un devoir sacré, Nous en adressâmes des plaintes vivement senties,
à celui qui était alors à 1a tête de la République. Ces tendances cependant persistèrent, le mal s'aggrava, et l'on ne saurait s'étonner, que les membres dė l'Episcopat français, placés par l'Esprit-Saint pour régir leurs dιΡfférentes et illustres Églises, aient regardé, encore tout récemment, comme une obligatιΡon, d'exprιΡmer publiquement leur douleur, touchant 1a situation gréée en France à 1a Religion catholique. Pauvre France! Dieu seul peut me-surer l'abîme de maux où elle s'enfoncerait, si cette législation, loin de s'améliorer, s'obstinait dans une telle déviation, qui aboutirait à arracher de l'esprit et du coeur des Français la religion qui les a faits si grands. Et voilà précisément le terrain sur lequel, tout dissentiment politique mis à part, les gens de bien doi-vent s'unir comme un seul homme, pour combattre, par tous les moyens légaux et honnêtes, ces abus progressifs de la législation. Le respect que l'on doit aux pouvoirs constitués ne saurait l'interdire : il ne peut importer, ni le respect, n1 beaucoup moins l'obéissance saus limi-tes à toute mesure lgis1ative équelconque, édictée par ces mêmes pouvoirs. Qu'on ne l'oublie pas, la loi est une ΓΡ prescription ordonnée selon la raison et promulguee, pour le bien de la communauté, par ceux qui ont reçu u à cette fin le dépôt du pouvoir. -- - En conséq jamais uence on. ne peut approuve des points de législation qui soient hostiles à la Religion et à Dieu, • c'est au contraire un devoir de les répp rouver. C'est ce que le grand Evêque d'nlppone, S. Augustin, mettait en рarfaιΡte lumière hns
 ce raisonnement plein d'éloquence ; « Quelques fois, les p1cissctrtces de la terve sont bonnes et craignent Dieu; d'autres fois, elles ne ie craignent pas. Julien était un Emperвur infьdèle à Dieu, un apostat, un pervers, un idolâtre. Les soldats chrétiens servirent cet Empereur infidèle. Mais, εΡlés qu'il s'agissait de la cause cle Jésus- Christ, ils ne reconnedssalent que Celui qui est dans le ciel. Julien leur prescrivait-il d'honorer les idoles et de les encenser; ils mettaient Dieu au dessus du prince. Mais leur disait-il, formez vos rangs pour marcher contre telle nation ennemie ; d l'instant ils obéissaient. Ils distinguaient ĺe Madre éternel du ma fre temporel, et cependant, en vue du Maître éternel, ils se soumettaient même d un tel maître temporel » Nous le savons, l'athée, par un lamentable abus de sa raison et plus encoré de sa volonté, nie ces principes. Mais, en définitive , l'athéisme est une erreur si monstrueuse, qu'elle ne pourra jamais, soit dit à l'honneur de l'humanité, y anéantir la conscience des droits de Dieu pour y substituer l'idolâtrie de I'Etat. Les principes qui doivent règler notre conduite en 1 Aliquando . . . . potestates bonae sunt, et timent Deum; aliquando non timent Deum. Iulianus eτtitit infidelis imperator, extitit apostata. iniquus, idolatra : milites christiani servierunt Imperatori infideli ; ubi veniebatur ad caussam Christi, non agnoscebant nisi Ilium qui in cae-lis erat. Si quando volebat ut idola colerent, ut thurificarent, praeponebant iili Deum: quando autem dicebat, producite aciem, ite contra illam gentem ; statím obtemperabant. Distinguebant Dominum aeternum, a domino temporali; et tamen su+,diti Brant propter Dominum aeternum, etiam domino temporali (ENARRAT. ín Psalm. cxxw, n. 7, fin.).
 vers Dieu et envers les gouvernements humains étant ainsi définis, aucun homme Impartial ne pourra accuser les catholiques français, si. salis épargner ni fatigues ni sacrifices, ils travaillent à conserver à leur patrie ce qui e;t pour elle une condition de salut, ce qui résume tant de traditions glorieuses enregistrées par l' histoire, et que tout Français a le devoir de ne pas oublier.
Avant de terminer notre Lettre, Nous voulons tou-cher à deux autres points connexes entre eux, et qui, se rattachant de plus près aux intérêts religieux, ont pu susciter parmi les catholiques quelque division. L'un d'eux est le Concordat quí , pendant tant d'années, a facilité en France, l'harmonie entre le gouvernement de l'Église et-celui de l'Etat. Sur le maintien de ce Pacte solennel et bilatéral, toujours fidèlement observé de 1a part du Saint-Siège, les adversaires de 1a Religion catholique eux mêmes ne s'accordent pas. Les plus violents voudraient son abolition, pour laisser à 1'Etat toute liberté de mo lester l'Eglise de Jésus-Christ. D'autres, au contraire, avec plus d'astuce, veulent, ou du moins assurent vouloir la conservation du Concordat : non pas qu'ils reconnaissent à l'Etat le devoir de remplir envers l'Église les engage-ments souscrits, mais uniquement pour le faire bénéficier des concessions faites par l'Église; comme sí l'on pouvait à son gré séparer les engagements pris des concessions obtenues, alors que ces deux choses font partie substantielle d'un seul tout. Pour eux, le Concordat ne resterait
 donc que comme une chaîne propre à entraver la liberté de l'Église, cette 1ihert€ sainte à laquelle elle a un droit divin et inaliénable. IDe ces deux opinions, laquelle pré-vaudra? Nous l'ignorons. Nous avons voulu seulement les rappeler , pour recommander aux catholiques de ne pas provoquer de scission sur un sujet, dont il appartient au Saint-Siège de s'occuper. Nous ne tiendrons pas le nneme langage sur l'autre point, concernant le principe de la séparation de l'État et de l'Église, ce qui équivaut à séparer la législation humaine de 1a législatιΡon chrétienne et divine. Nous ne voulons pas nous arrêter à démontrer ici tout ce qu'a d'absurde la théorie de cette séparation; chacun le comprendra dė lui-même. Dès que l'Etat refuse de donner à Dieu ce qui est de Dieu, il refuse, par une conséquence nécessaire, de donner aux citoyens ce à quoi ils ont droit comme hommes; car, qu'on le veuille ou non, les vrais droits de l'homme naissent précisément de ses devoirs envers Dieu. D'où il suit que 1'Etat, en manquant, sous ce rapport, le but principal de son institution, aboutit en réalité à se renier lui-même , et à démentir ce qui est la rai son de sa propre existence. Ces vérités supérieures sont si clairement proclamées par la voix même de la raison naturelle, qu'elles s'imposent à tout homme, que n'aveugle pas la violence de la passion. Les catholiques, en conséquence, ne sauraient trop se garder de soutenir une telle séparation. En effet, vouloir que l'État se sépare de l'Église, ce serait vouloir , par une conséquence logique, que  l'Église fût reduite à 1a liberté de vivre selon le droit commun à tous les citoyens. Cette situation, 1l est vrai, se produit dans certains pays. Lest une manière d'être qui, si elle a ses nombreux et graves inconvénients, offre aussi quelques avantages, surtout quand le législateur, раr une heureuse inconséquence, ne laisse pas que dе s'inspirer des principes chrétiens; et ces avantages, bien qu'ils ne puissent justifier le faux рrinсiре de 1a séparation, ni autoriser à le défendre, rendent cependant digne de tolérance un état de choses qui, pratiquement, n'est pas le pire de tous. Niais en France, nation catholique par ses traditions et par foi présente de 1a grande mаjоrité de ses fils, l'Église ne doit pas être mise dans la situation précaire qu'elle subit chez d'autres peuples. Les catholiques peu-vent d'autant moins préconiser 1a, séparation, qu'ils con naissent mieux les intentions des ennemis qui désirent. Pour ces derniers, et ils le disent assez clairement, cette séparation, c'est 1'indёреndаnсе entière de 1a législation politique envers législation religieuse il y a plus, c'est l'indifférence absolue du Pouvoir à l'égard des intérêts de la société chrétienne, c'est à dire de 1'Eglise, et négatlon même de son existence. — Ils font cependant une ré-serve qui se formule ainsi: Dès que l'Église; utilisant les res-sources que le droit commun laisse aux moindres des français, saura, par un redoublement de son activité native, faire prospérer son oeuvre, aussitôt 1'Etat intervenant pourra et devra mettre les catholiques fran -ais hors du droit commun lui-même. Pour tout dire en un mot, l'idéal de ces
hommes serait le retour au paganisme' 1'Etat ne reconnalt l'Église, qu'au ^оur où 11 lui plait de 1a persécuter.
Nous avons expliqué, Vénérables Frères, d'une ma nière abrégée mais nette , sinon tous , au moins les principaux points sur lesquels les catholiques français et tous les hommes sеnsés doivent pratiquer l'union et 1a concorde, pour guérir, autant qu'il est possible encorė, les maux dont la France est affligée, et pour relever même sa grandeur morale. Ces. points sont, la Religion et la Patrie, les pouvoirs po1itiques et 1a législation, la conduite à tenir à l'égard ale ces pouvoirs et à l'égard de cette législation, le Соnооrdаt, la séparation de 1'Etat et de l'Église. — Nous nourrissons l'espoir et 1a confiance, que l'éclaircissement de ces points dissipera les préjugés de plusieurs hommes de bonne foi, facilitera la pacification des esprits, et par еllе l'union parfaite de tous les catholiques, pour soutenir la grande cause du ОhrÍst qui aime les Francs. Quelle consolation pour Notre coeur, de vous encourager dans cette voie, et de vous contempler tous, répondre docilement à notre appel ! --- Vous, \Très vénérables Frères, par Votre autorité et avec le zèle si éclairé pour 1'Eglise et la Patrie, qui vous distingue, vous apporterez un puissant secours à cette oeuvre pacificatrice. — Nous aimons même à espérer que ceux qui .sont au Pouvoir voudront bien apprécier nos paroles, qui visent à la prospérité et au bonheur de la France.
En attendant, comme gage de Notre affection paternelle, Nous donnons à Vous, Vénérables Frères, à votre Clergé, ainsi qu'à tous les catholiques de France, la Bénédiction Apostolique.
Donné à Rome, le 16 Février de l'année 1892, de Notre Pontificat la quatorzième.
LEO PP. XIII.



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