jeudi 30 avril 2015

et ma main sera toujours avec lui, mon bras fortifiera son courage - textes du jour

Jeudi 30 Avril 2015

                
Prier…. [1] les fêtes ou commémorations… l’époque de Pie V, Lépante et Notre-Dame d’Afrique, le cardinal LAVIGERIE, les évolutions et les mortalités de civilisations et d’empires, ainsi autour de la Méditerranée, si changeante… encore demain ? alors qu’il le faut : les drames quotidiens de l’immigration… à l’autre bout du monde, la cruauté sinon plus, qui fait l’humanité partout analogue, les exécutions en Indonésie et tous ces « théâtres » dont on ne parle pas mais qui restent… Boko Haram, l’Afghanistan après les « évacuations », l’Etat islamique, les fronts de Libye et du Yémen, l’Ukraine et de probables tensions, très graves, au Brésil et en Argentine, les deux dames au pouvoir… et l’indigence européenne, et le compte-à-rebours grec une énième fois… Prier…. Un serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni un envoyé plus grand que celui l’envoie. Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites. Que ce soit mon comportement et mon « œuvre » devant Dieu et en conscience, bien davantage que devant mes sœurs et frères que j’essaie de rencontrer et surtout d’écouter. La soif d’être écouté, je la sens générale, quotidiennement. D’être entendu pour ce que l’on est et ce que l’on vit, et d’être confirmé dans sa valeur, dans sa vérité. Ce fut aussi – dans sa vie terrestre et au long de son « ministère public » – la soif du Christ. Etre reconnu dans notre propre « intérêt » avec la hantise, la connaissance totale des trahisons, des conversions, des limites et des grandeurs de ses compagnons d’époque et de nous tous ensuite. Vous croirez que moi, JE SUIS…. Et ma main sera toujours avec lui, mon bras fortifiera son courage… Prédication de Paul, les précédents du Baptiste, de David, les missionnaires et les envoyés. L’histoire autant que la nature autant que notre cœur, autant que les autres, autant que les événements peuvent, doivent être discernés comme chemin et révélation de Dieu. L’espérance est événementielle et concrète. Son assurance n’est pas une déduction, elle est une expérience autant qu’une attente et notre prière.



[1] - Actes des Apôtres XIII 13 à 25 ; psaume LXXXIX ; évangile selon saint Jean XIII 16 à 20
 

mercredi 29 avril 2015

chrétiens au Proche-Orient : ni ethnie, ni diaspora ou errance mais une présence bimillénaire


Le parcours historique de la présence chrétienne bimillénaire au Moyen -Orient :

1ère partie

 

publié le 30 avril 2015 par Père Jean-Luc Fabre  in « le jardinier de Dieu »

L’essence de la culture chrétienne consiste en la promotion de la paix, basée sur quatre piliers : la vérité, la justice, l’amour et la liberté.

Conférence à l’UNESCO du Patriarche Card. Béchara Boutros RAI Paris, le 25 avril 2015

Introduction
1. Je voudrais tout d’abord saluer et remercier Mme Irina Bokova, Directrice générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture et le Conseil Exécutif, ainsi que Dr Khalil Karam, Ambassadeur, Délégué permanent du Liban auprès de l’UNESCO, de m’avoir invité à donner cette conférence à l’occasion du 70ème anniversaire de cette Organisation, autour du thème : "La présence chrétienne au Moyen - Orient et son rôle dans la promotion de la culture de la paix".

I. Parcours historique de la présence bimillénaire des chrétiens au Moyen–Orient première partie
2. C’est dans la région du Proche-Orient que Dieu a envoyé son Fils, il y a deux mille ans, afin d’accomplir le plan de salut de tout le genre humain, et où, pour la première fois, les disciples du Christ reçurent le nom de "Chrétiens" (cf. Ac 11, 19-26). Aussi, le christianisme devint rapidement un élément essentiel de la culture de la région grâce à ses grandes écoles d’Alexandrie et d’Antioche. L’essence de la culture chrétienne était et reste toujours la promotion de la paix, basée sur quatre piliers : la vérité, la justice, l’amour et la liberté (Pacem in Terris, 88).

3. La paix constantinienne avec l’Edit de Milan (315), qui a clôturé trois siècles de persécution chrétienne, a fait apparaître une Eglise complètement acculturée, se faisant araméenne avec les araméens, copte avec les coptes, grecque ou latine avec les ethnies dominantes de l’Empire romain. Elle apparaît organisée en patriarcats : Rome, Alexandrie, Constantinople, Antioche et Jérusalem. Chaque Eglise patriarcale avait son organisation en diocèses, se gouvernait par ses propres lois et tenait la communion avec les autres Eglises et celle de Rome.

4. En franchissant les frontières de Jérusalem et du peuple juif, l’Eglise a fait son premier champ d’expansion en milieu païen de la région syrienne de l’Empire Romain, où elle s’est mise au contact des cultures grecque et araméenne - syriaque. À Antioche, capitale de la province romaine d’Orient et foyer vivant d’hellénisme, s’est constituée la première communauté significative de chrétiens d’origine païenne autour de l’année 37. Alexandrie aussi était devenue, à la fin du Ier siècle le haut lieu de l’hellénisme chrétien. Ces deux villes culturelles, jusqu’au VIème siècle, rivalisaient avec Rome et Byzance. Au IIIème siècle le christianisme a gagné l’essentiel de l’Egypte, de la Palestine, de la Syrie, de la côte phénicienne (aujourd’hui littoral libanais) et de l’Asie Mineure ; il s’est étendu loin vers l’Est, au cœur de la Mésopotamie.

5. Les chrétiens du Moyen-Orient ne sont pas donc des individus épars, ni des groupes de minorités ethniques ou religieuses. Ils sont plutôt les membres de l’Eglise Universelle, appartenant à des Eglises qui ont chacune son rite propre, c’est-à-dire son patrimoine liturgique, théologique, spirituel et disciplinaire, représentant sa propre manière de vivre la foi selon sa culture, histoire et situation géopolitique.
La situation des chrétiens au Moyen-Orient est plus que problématique, aussi il nous a paru avisé de vous proposer de lire la conférence du Cardinal Béchara Boutros Rai, le patriarche maronite. Voilà une manière modeste mais réelle de s’unir à eux, de les comprendre, de nous comprendre, de mesurer aussi la dérive que produisent les media en usant souvent de termes inappropriés.

Dans un discours posé, le Patriarche redit quelques points essentiels aussi bien de l’histoire de la présence chrétienne au Moyen-Orient que du style de leur présence ainsi que des conditions pour que cette riche et belle histoire puisse se poursuivre. A travers cela nous pouvons y lire le mystère de l’Eglise et son incroyable capacité à s’insérer dans les peuples qui la reçoivent et bénéficient souvent par là d’une extraordinaire revitalisation…

Nous sentons, en lisant la conférence du Patriarche Rai,  combien cette présence est une richesse pour ces pays mais aussi pour nous. Par eux, nous nous éprouvons « latins » et nous nous ouvrons à une manière renouvelée d’être chrétiens, catholiques.

En lisant la première partie, nous relisons en fait notre propre histoire… mesurons ce que la barbarie actuelle risque d’anéantir. Les propos du patriarche prennent des appuis dans d’autres considérations que nos média. Ainsi, il n’y a pas de « groupes de minorités ethniques » [modèle aberrant ainsi posé] mais une Eglise universelle qui a rencontré et respecté tous les peuples… et ainsi permis une extraordinaire floraison culturelle dans l’amour, la vérité, la justice, la paix chez ceux-ci…

Père Jean-Luc Fabre 

le concile Vatican II - évocation personnelle de Benoît XVI à la suite de sa renonciation



Souvenirs personnels sur le Concile Vatican II et sa dialectique

RENCONTRE AVEC LE CLERGÉ DE ROME
DISCOURS DU PAPE BENOÎT XVI
Salle Paul VI - Jeudi 14 février 2013

Éminence,
chers frères dans l’épiscopat et dans le sacerdoce,

C’est pour moi un don particulier de la Providence que, avant de laisser le Ministère pétrinien, je puisse encore voir mon clergé, le clergé de Rome. C’est toujours une grande joie de voir comment l’Église vit, comment l’Église est vivante à Rome; il y a des Pasteurs qui, dans l’esprit du Pasteur suprême, conduisent le troupeau du Seigneur. C’est un clergé réellement catholique, universel, et ceci répond à l’essence de l’Église de Rome : porter en soi l’universalité, la catholicité de toutes les personnes, de toutes les races, de toutes les cultures. En même temps, je suis très reconnaissant au Cardinal Vicaire qui aide à réveiller, à retrouver les vocations dans Rome elle-même, parce que si, d’une part, Rome doit être la ville de l’universalité, elle doit être aussi une ville avec une foi forte et robuste, dont naissent aussi des vocations. Et je suis convaincu que, avec l’aide du Seigneur, nous pouvons trouver les vocations que lui-même nous donne, les guider, les aider à mûrir, et ainsi servir pour le travail dans la vigne du Seigneur.

Aujourd’hui, devant la tombe de Pierre, vous avez confessé le Credo : pendant l’Année de la foi, cela me semble un acte très opportun, nécessaire même, que le clergé de Rome se réunisse sur la tombe de l’Apôtre auquel le Seigneur a dit : « Je te confie mon Église. Sur toi je construis mon Église » (cf. Mt 16, 18-19). Devant le Seigneur, avec Pierre, vous avez confessé : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (cf. Mt 16, 15-16). Ainsi grandit l’Église : avec Pierre, confesser le Christ, suivre le Christ. Et nous faisons toujours cela. Je suis très reconnaissant pour votre prière, que j’ai sentie – je l’ai dit mercredi – presque physiquement. Même si maintenant je me retire, dans la prière je suis toujours proche de vous tous et je suis sûr que vous aussi vous serez proches de moi, même si pour le monde je demeure caché.

Pour aujourd’hui, selon les conditions de mon âge, je n’ai pas pu préparer un grand, un vrai discours, comme on pourrait l’attendre ; mais je pense plutôt à une petite causerie sur le Concile Vatican II, comme je l’ai vu. Je commence par une anecdote : en 59, j’ai été nommé professeur à l’université de Bonn, où étudient les étudiants, les séminaristes du diocèse de Cologne et d’autres diocèses voisins. Ainsi j’ai été en contact avec le Cardinal de Cologne, le Cardinal Frings. Le Cardinal Siri, de Gênes – en 61 me semble-t-il – avait organisé une série de conférences de divers Cardinaux européens sur le Concile, et il avait aussi invité l’Archevêque de Cologne à tenir l’une des conférences, avec le titre : Le Concile et le monde de la pensée moderne.

Le Cardinal m’a invité – le plus jeune des professeurs – à écrire un projet ; le projet lui a plu et il a proposé aux gens, à Gênes, le texte tel que je l’avais écrit. Peu après, le Pape Jean l’invite à aller chez lui et le Cardinal était rempli de crainte d’avoir peut-être dit quelque chose d’incorrect, de faux, et d’être convoqué pour des reproches, peut-être même pour lui enlever la pourpre. Oui, quand son secrétaire l’a vêtu pour l’audience, le Cardinal a dit : « Peut-être que maintenant je porte cet habit pour la dernière fois ». Puis il est entré, le Pape Jean va à sa rencontre, l’embrasse et dit : « Merci, Éminence, vous avez dit les choses que je voulais dire, mais je n’avais pas trouvé les mots ». Ainsi, le Cardinal savait qu’il était sur le juste chemin et il m’a invité à aller avec lui au Concile, d’abord comme son expert personnel ; puis, au cours de la première session – en novembre 62 me semble-t-il – j’ai aussi été nommé expert officiel du Concile.

Alors, nous sommes allés au Concile, non seulement avec joie, mais avec enthousiasme. Il y avait une attente incroyable. Nous espérions que tout se renouvelle, que vienne vraiment une nouvelle Pentecôte, une nouvelle ère de l’Église, parce que l’Église était encore assez robuste en ce temps-là, la pratique dominicale encore bonne, les vocations au sacerdoce et à la vie religieuse étaient déjà un peu réduites, mais encore suffisantes. Toutefois, on sentait que l’Église n’avançait pas, se réduisait, qu’elle semblait plutôt une réalité du passé et non porteuse d’avenir. Et à ce moment-là, nous espérions que cette relation se renouvelle, change ; que l’Église soit de nouveau une force pour demain et une force pour aujourd’hui. Et nous savions que la relation entre l’Église et la période moderne, depuis le commencement, était un peu discordante, à commencer par l’erreur de l’Église dans le cas de Galilée ; on pensait corriger ce mauvais commencement et trouver de nouveau l’union entre l’Église et les meilleures forces du monde, pour ouvrir l’avenir de l’humanité, pour ouvrir le vrai progrès. Ainsi, nous étions pleins d’espérance, d’enthousiasme, et aussi de volonté de faire notre part pour cela. Je me souviens que le Synode romain était considéré comme un modèle négatif. On disait – je ne sais pas si c’était vrai – qu’on aurait lu les textes préparés, dans la Basilique de Saint-Jean, et que les membres du Synode auraient acclamé, approuvé en applaudissant, et ainsi se serait déroulé le Synode. Les Évêques dirent : Non, ne faisons pas ainsi. Nous sommes Évêques, nous sommes nous-mêmes sujet du Synode ; nous ne voulons pas seulement approuver ce qui a été fait, mais nous voulons être nous le sujet, ceux qui portent le Concile. Ainsi donc le Cardinal Frings, qui était célèbre pour sa fidélité absolue, presque scrupuleuse, au Saint-Père, dit en ce cas : Ici nous sommes dans une autre fonction. Le Pape nous a convoqués pour être comme Pères, pour être Concile œcuménique, un sujet qui renouvelle l’Église. Ainsi, nous voulons assumer notre rôle.

Le premier moment où cette attitude est apparue, ce fut tout de suite le premier jour. Pour ce premier jour les élections des Commissions avaient été prévues et les listes, les noms avaient été préparés, de façon – on le cherchait – impartiale ; et ces listes étaient à voter. Mais tout de suite les Pères dirent : Non, nous ne voulons pas simplement voter des listes déjà faites. Nous sommes nous le sujet. Alors, on a du déplacer les élections, parce que les Pères eux-mêmes voulaient se connaître un peu, voulaient eux-mêmes préparer des listes. Et il fut fait ainsi. Les Cardinaux Lienart de Lille, le Cardinal Frings de Cologne avaient publiquement dit : Non, pas ainsi. Nous voulons faire nos listes et élire nos candidats. Ce n’était pas un acte révolutionnaire, mais un acte de conscience, de responsabilité de la part des Pères conciliaires.

Ainsi commençait une grande activité pour se connaître, horizontalement, les uns les autres, ce qui n’était pas au hasard. Au ‘Collège de l’Anima’, où j’habitais, nous avons eu de nombreuses visites : le Cardinal était très connu, nous avons vu des Cardinaux du monde entier. Je me rappelle bien la silhouette haute et svelte de Mgr Etchegaray, qui était Secrétaire de la Conférence épiscopale française, des rencontres avec des Cardinaux etc. Et ensuite, ceci était typique pendant tout le Concile : des petites rencontres transversales. J’ai ainsi connu de grandes figures comme le Père de Lubac, Daniélou, Congar, etc. Nous avons connu divers Évêques : je me rappelle particulièrement de l’Évêque Elchinger de Strasbourg, etc. Et cela était déjà une expérience de l’universalité de l’Église et de la réalité concrète de l’Église, qui ne reçoit pas simplement des impératifs d’en-haut, mais en même temps grandit et avance, toujours sous la conduite – naturellement – du Successeur de Pierre.

Tous, comme je l’ai dit, venaient avec de grandes attentes ; un Concile de cette dimension n’avait jamais eu lieu, mais tous ne savaient pas comment faire. Les plus préparés, disons ceux qui avaient des intentions plus définies, étaient les épiscopats français, allemand, belge, hollandais, ce qu’on appelle « l’alliance rhénane ». Et, à la première partie du Concile, c’étaient eux qui indiquaient la route ; puis l’activité s’est rapidement élargie et tous ont toujours plus participé à la créativité du Concile. Les Français et les Allemands avaient divers intérêts en commun, avec aussi des nuances assez diverses. La première intention, initiale, simple – apparemment simple – était la réforme de la liturgie, qui était déjà commencée avec Pie XII, qui avait déjà réformé la Semaine Sainte ; la deuxième l’ecclésiologie ; la troisième, la Parole de Dieu, la Révélation ; et, enfin, aussi l’œcuménisme. Les Français, beaucoup plus que les Allemands, avaient encore le problème de traiter la situation des relations entre l’Église et le monde.

Commençons par le premier. Après la première guerre mondiale, justement en Europe centrale et occidentale, le mouvement liturgique avait grandi, une redécouverte de la richesse et de la profondeur de la liturgie, qui était jusque là presque enfermée dans le Missel romain du prêtre, tandis que les gens priaient avec leurs livres de prière qui étaient faits selon le cœur des gens, si bien qu’on cherchait à traduire les contenus élevés, le langage élevé de la liturgie classique, en paroles plus émotionnelles, plus proches du cœur du peuple. Mais il y avait presque deux liturgies parallèles : le prêtre avec les enfants de chœur, qui célébrait la messe selon le Missel, et les laïcs, qui priaient, pendant la Messe, avec leurs livres de prières, sachant en même temps substantiellement ce qui se réalisait sur l’autel. Mais maintenant la beauté, la profondeur, la richesse historique, humaine, spirituelle du Missel avaient été redécouvertes ainsi que la nécessité que non seulement un représentant du peuple, un petit enfant de chœur, dise « Et cum spiritu tuo » etc., mais qu’il y ait réellement un dialogue entre le prêtre et le peuple, que réellement la liturgie de l’autel et la liturgie du peuple soient une unique liturgie, une participation active, que les richesses arrivent au peuple ; et ainsi la liturgie a été redécouverte, renouvelée,.

Je trouve maintenant, rétrospectivement, qu’il a été très bon de commencer par la liturgie, ainsi apparaît le primat de Dieu, le primat de l’adoration. « Operi Dei nihil praeponatur » : ces paroles de la Regola de saint Benoît (cf. 43, 3) apparaissent ainsi comme la règle suprême du Concile. Quelqu’un avait critiqué le fait que le Concile a parlé sur beaucoup de choses, mais pas sur Dieu. Il a parlé sur Dieu ! Et cela a été le premier acte et un acte substantiel de parler sur Dieu et d’ouvrir tous les gens, tout le peuple saint, à l’adoration de Dieu, dans la commune célébration de la liturgie du Corps et du Sang du Christ. En ce sens, au-delà des facteurs pratiques qui déconseillaient de commencer tout de suite par des thèmes controversés, ce fut, disons, réellement un acte de la Providence qu’au commencement du Concile soit la liturgie, soit Dieu, soit l’adoration. Maintenant je ne voudrais pas entrer dans les détails de la discussion, mais il vaut toujours la peine, au-delà des mises en œuvre pratiques, de revenir au Concile lui-même, à sa profondeur et à ses idées essentielles.

Je dirais qu’il y en avait plusieurs : surtout le Mystère pascal comme centre de l’être chrétien, et donc de la vie chrétienne, de l’année, du temps chrétien, qui s’exprime dans le temps pascal et dans le dimanche qui est toujours le jour de la Résurrection. Toujours de nouveau, nous recommençons notre temps par la Résurrection, par la rencontre avec le Ressuscité et, de la rencontre avec le Ressuscité, nous allons au monde. En ce sens, c’est dommage qu’aujourd’hui, on ait transformé le dimanche en fin de semaine, alors que c’est le premier jour, c’est le commencement ; intérieurement nous devons bien garder à l’esprit ceci : c’est le commencement, le commencement de la Création, c’est le commencement de la nouvelle création dans l’Église, la rencontre avec le Créateur et avec le Christ Ressuscité. Ce double contenu du dimanche est important aussi : c’est le premier jour, c’est-à-dire fête de la Création – nous nous trouvons sur le fondement de la Création, nous croyons au Dieu Créateur – et la rencontre avec le Ressuscité, qui renouvelle la Création ; son vrai but est de créer un monde qui soit réponse à l’amour de Dieu.

Il y avait ensuite des principes : l’intelligibilité – au lieu d’être renfermés dans une langue qui n’est ni connue ni parlée – et aussi la participation active. Malheureusement, ces principes ont aussi été mal compris. Intelligibilité ne veut pas dire banalité, parce que les grands textes de la liturgie – même s’ils sont dits, grâce à Dieu, dans la langue maternelle – ne sont pas facilement intelligibles, ils ont besoin d’une formation permanente du chrétien pour qu’il grandisse et entre toujours plus en profondeur dans le mystère et puisse ainsi comprendre. Et même la Parole de Dieu – si je pense jour après jour à la lecture de l’Ancien Testament, même à la lecture des Épîtres pauliniennes, des Évangiles : qui pourrait dire qu’il comprend aussitôt seulement parce que c’est dans sa propre langue ? Seule une formation permanente du cœur et de l’esprit peut réellement créer l’intelligibilité et une participation qui soit plus qu’une activité extérieure, qui soit une entrée de la personne, de mon être, dans la communion de l’Église et ainsi dans la communion avec le Christ.

Deuxième thème : l’Église. Nous savons que le Concile Vatican I a été interrompu à cause de la guerre franco-allemande et il est resté ainsi avec une unilatéralité, avec un fragment, car la doctrine sur le primat – qui a été définie, grâce à Dieu, en ce moment historique pour l’Église, et qui a été très nécessaire pour le temps suivant – était seulement un élément dans une ecclésiologie plus vaste, prévue, préparée. Ainsi le fragment était resté. Et on pouvait dire : si le fragment reste ainsi comme il est, nous tendons vers une unilatéralité : l’Église serait seulement le primat. Dès le début donc, il y avait cette intention de compléter l’ecclésiologie de Vatican I, à une date ultérieure, pour arriver à une ecclésiologie complète. Là aussi, les conditions apparaissaient très bonnes, car après la première guerre mondiale, le sens de l’Église avait ressurgit de manière nouvelle. Romani Guardini disait : « l’Église commence à se réveiller dans les âmes », et un évêque protestant parlait du « siècle de l’Église ». On retrouvait, surtout, le concept, prévu aussi par Vatican I, de Corps Mystique du Christ. On voulait dire et comprendre que l’Église n’est pas une organisation, quelque chose de structurel, juridique, institutionnel – elle est aussi cela –, mais elle est un organisme, une réalité vitale, qui entre dans mon âme, de telle sorte que moi-même, justement avec mon âme croyante, je suis un élément constructif de l’Église comme telle. En ce sens, Pie XII avait écrit l’Encyclique Mystici Corporis Christi, comme un pas pour compléter l’ecclésiologie de Vatican I.

Je dirais que la discussion théologique des années 30-40, même des années 20, était tout à fait sous ce signe de la parole ‘Mystici Corporis’. Ce fut une découverte qui a créé beaucoup de joie en ce temps-là et c’est aussi dans ce contexte qu’a pris de l’ampleur la formule : Nous sommes l’Église, l’Église n’est pas une structure ; nous-mêmes les chrétiens, ensemble, nous sommes tous le Corps vivant de l’Église. Et, naturellement, cela vaut dans le sens que nous, le vrai ‘nous’ des croyants, avec le ‘Je’ du Christ, c’est l’Église ; chacun de nous, non pas « un nous », un groupe qui se déclare être Église. Non : ce « nous sommes Église » exige indubitablement mon insertion dans le grand ‘nous’ des croyants de tous les temps et de tous les lieux. Par conséquent, la première idée : compléter l’ecclésiologie de manière théologique, mais aussi en continuant dans le domaine structurel, c’est-à-dire : à côté de la succession de Pierre, de sa fonction unique, mieux définir aussi la fonction des évêques, du Corps épiscopal. Et, pour réaliser cela, on a trouvé le mot ‘collégialité’, très controversée, à travers des discussions acharnées que je dirais un peu exagérées même. Mais c’était le mot – peut-être il y en aurait aussi un autre, mais celui-là servait – pour exprimer que les Évêques, ensemble, sont la continuation des Douze, du Corps des Apôtres. Nous avons dit : seul un évêque, celui de Rome, est le successeur d’un Apôtre déterminé, de Pierre. Tous les autres deviennent les successeurs des Apôtres en entrant dans le Corps qui continue le Corps des Apôtres. Ainsi, le Corps des évêques, le collège, est justement la continuation du Corps des Douze, et il a ainsi sa nécessité, sa fonction, ses droits et ses devoirs. Cela apparaissait pour plusieurs comme une lutte pour le pouvoir, et quelqu’un a peut-être pensé à son pouvoir, mais il ne s’agissait pas substantiellement de pouvoir, mais de la complémentarité des facteurs et de l’exhaustivité du Corps de l’Église avec les évêques, successeurs des Apôtres, comme éléments portants ; et chacun d’eux est un élément portant de l’Église, avec tout ce grand Corps.

Voilà, disons, les deux éléments fondamentaux et, dans la recherche d’une vision théologique complète de l’ecclésiologie, entretemps, après les années 40, dans les années 50, quelques critiques du concept de Corps du Christ avaient déjà surgi : ‘mystique’ serait trop spirituel, trop exclusif ; on avait alors mis en jeu le concept de ‘Peuple de Dieu’. Et, justement, le Concile a accepté cet élément, qui est considéré chez les Pères comme l’expression de la continuité entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Dans le texte du Nouveau Testament, la parole ‘Laos tou Theou’, qui correspond aux textes de l’Ancien Testament, signifie – sauf deux exceptions me semble-t-il – l’antique Peuple de Dieu, les Juifs qui, parmi les peuples, ‘goim’, du monde, sont ‘le’ Peuple de Dieu. Et les autres, nous les païens, nous ne sommes pas en soi le Peuple de Dieu, nous devenons les enfants d’Abraham, et donc Peuple de Dieu en entrant en communion avec le Christ, qui est l’unique semence d’Abraham. Et en entrant en communion avec Lui, en étant un avec Lui, nous sommes aussi Peuple de Dieu. C’est-à-dire : le concept de ‘Peuple de Dieu’ implique une continuité des Testaments, une continuité de l’histoire de Dieu avec le monde, avec les hommes, mais il implique aussi l’élément christologique. C’est seulement à travers la christologie que nous devenons Peuple de Dieu et ainsi les deux concepts s’accordent. Et le Concile a décidé de créer une construction trinitaire de l’ecclésiologie : Peuple de Dieu le Père, Corps du Christ, Temple de l’Esprit Saint.

Mais c’est seulement après le Concile qu’a été mis en lumière un élément qui se trouve un peu caché, même dans le Concile, et qui est celui-ci : le lien entre le Peuple de Dieu et le Corps du Christ, est évidemment la communion avec le Christ dans l’union eucharistique. Ici, nous devenons Corps du Christ ; en d’autres termes, la relation entre Peuple de Dieu et Corps du Christ crée une nouvelle réalité : la communion. Et après le Concile, je dirais qu’on a découvert comment le Concile, en réalité, a trouvé, a conduit à ce concept : la communion comme concept central. Je dirais que, sur le plan philologique, celui-ci n’est pas encore totalement mûr, mais c’est le fruit du Concile que le concept de communion soit devenu de plus en plus l’expression de l’essence de l’Église, communion dans les différentes dimensions : communion avec le Dieu Trinitaire – qui est Lui-même communion entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint –, communion sacramentelle, communion concrète dans l’épiscopat et dans la vie de l’Église.

Le problème de la Révélation était encore plus conflictuel. Ici, il s’agissait de la relation entre l’Écriture et la Tradition, et ici les exégètes étaient surtout intéressés par une plus grande liberté ; ils se sentaient un peu – dirons-nous – dans une situation d’infériorité par rapport aux protestants, qui faisaient de grandes découvertes, alors que les catholiques se sentaient un peu ‘handicapés’ par la nécessité de se soumettre au Magistère. Ici était donc en jeu une lutte très concrète aussi : quelle liberté ont les exégètes ? Comment bien lire l’Écriture ? Que veut dire Tradition ? C’était une bataille pluridimensionnelle que je ne peux pas présenter maintenant, mais l’important est que l’Écriture est certainement la Parole de Dieu et que l’Église est sous l’Écriture, elle obéit à la Parole de Dieu, et elle ne situe pas au-dessus de l’Écriture. Et pourtant, l’Écriture est Écriture seulement parce qu’il y a l’Église vivante, son sujet vivant ; sans le sujet vivant qu’est l’Église, l’Écriture n’est qu’un livre et elle ouvre, s’ouvre à diverses interprétations et elle ne donne pas un ultime éclairage.

Comme je l’ai dit, ici, la bataille était difficile, et une intervention du Pape Paul VI fut décisive. Cette intervention montre toute la délicatesse du père, sa responsabilité pour l’évolution du Concile, mais aussi son grand respect pour le Concile. L’idée que l’Écriture est complète, que tout y est était née ; par conséquent, on n’a pas besoin de la Tradition, et c’est pourquoi le Magistère n’a rien à dire. Alors le Pape a transmis au Concile, me semble-t-il, 14 formulations d’une phrase à insérer dans le texte sur la Révélation et il nous donnait, il donnait aux Pères, la liberté de choisir une des 14 formules, mais il dit : l’une d’elles doit être choisie, pour rendre le texte complet. Je me souviens, plus ou moins, de la formule ‘non omnis certitudo de veritatibus fidei potest sumi ex Sacra Scriptura’, c’est-à-dire que la certitude de l’Église sur la foi ne naît pas seulement d’un livre isolé, mais elle a besoin du sujet Église éclairé, porté par l’Esprit Saint. C’est seulement ainsi que l’Écriture parle ensuite et a toute son autorité. Cette phase que nous avons choisie à la Commission doctrinale, l’une des 14 formulations, est décisive, je dirais, pour montrer l’indispensabilité, la nécessité de l’Église, et pour comprendre ainsi ce que veut dire Tradition, le Corps vivant dans lequel vit cette Parole depuis les débuts et dont elle reçoit sa lumière, dans lequel elle est née. Le fait du Canon est déjà un fait ecclésial : le fait que ces écrits soient l’Écriture dérive de l’illumination de l’Église, qui a trouvé en elle-même ce Canon de l’Écriture ; elle a trouvé, elle n’a pas créé, et c’est toujours et seulement dans cette communion de l’Église vivante que l’on peut aussi réellement comprendre, lire l’Écriture comme Parole de Dieu, comme Parole qui nous guide dans la vie et dans la mort.

Comme je l’ai dit, c’était une querelle assez difficile, mais grâce au Pape et grâce – disons – à la lumière de l’Esprit Saint, qui était présent au Concile, un document qui est l’un des plus beaux et des plus novateurs de tout le Concile, et qui doit être encore beaucoup plus étudié a été créé. Parce qu’aujourd’hui aussi l’exégèse tend à lire l’Écriture en dehors de l’Église, en dehors de la foi, seulement dans ce qu’on appelle l’esprit de la méthode historico-critique, méthode importante, mais jamais au point de pouvoir donner des solutions comme ultime certitude ; c’est seulement si nous croyons que ce ne sont pas des paroles humaines, mais que ce sont des paroles de Dieu, et seulement si le sujet vivant auquel Dieu a parlé et parle vit, que nous pouvons bien interpréter la Sainte Écriture. Et là – comme j’ai dit dans la préface de mon livre sur Jésus (cf. vol. I) – il y a encore beaucoup à faire pour arriver à une lecture vraiment dans l’esprit du Concile. Ici l’application du Concile n’est pas encore complète, elle est encore à faire.

Et enfin, l’œcuménisme. Je ne voudrai pas entrer à présent dans ces problèmes, mais il était évident – surtout après les “passions” des chrétiens au temps du nazisme – que les chrétiens pourraient trouver l’unité, au moins rechercher l’unité, mais il était clair aussi que seul Dieu peut donner l’unité. Et nous sommes encore sur ce chemin. Maintenant, sur ces sujets, l’“alliance rhénane” – pour ainsi dire – avait fait son travail.

La seconde partie du Concile est beaucoup plus vaste. Le thème apparaissait avec grande urgence : le monde d’aujourd’hui, l’époque moderne, et l’Église ; et avec eux les thèmes de la responsabilité pour la construction de ce monde, de la société, la responsabilité pour l’avenir de ce monde et l’espérance eschatologique, la responsabilité éthique du chrétien, où il trouve ses guides ; et puis la liberté religieuse, le progrès, et les relations avec les autres religions. À ce moment sont vraiment entrées en discussion toutes les parties du Concile, pas seulement l’Amérique, les États- Unis, avec un grand intérêt pour la liberté religieuse. À la troisième session, ils ont dit au Pape : nous ne pouvons rentrer chez nous sans avoir, dans nos bagages, une déclaration sur la liberté religieuse votée par le Concile. Le Pape, toutefois, a eu la fermeté et la décision, la patience de porter le texte à la quatrième session, pour trouver une maturation et un consensus assez complet entre les Pères du Concile. Je dis : non seulement les américains sont entrés avec grand force dans le jeu du Concile, mais aussi l’Amérique Latine, connaissant bien la misère du peuple, d’un continent catholique, et la responsabilité de la foi pour la situation de ces hommes. Et ainsi aussi l’Afrique, l’Asie ont vu la nécessité du dialogue interreligieux ; sont apparus des problèmes que nous allemands – je dois dire – nous n’avions pas vus au début. Je ne puis à présent décrire tout cela. Le grand document “Gaudium et spes” a très bien analysé le problème entre eschatologie chrétienne et progrès du monde, entre responsabilité pour la société de demain et responsabilité du chrétien devant l’éternité, et il a aussi renouvelé l’éthique chrétienne, les fondements. Mais, disons à l’improviste, a mûri en dehors de ce grand document, un document qui répondait de façon plus synthétique et plus concrète aux défis du temps, et c’est “Nostra aetate”. Dès le début étaient présents nos amis juifs, qui ont dit, surtout à nous allemands, mais pas seulement à nous, qu’après les tristes évènements de ce siècle nazi, de la décennie nazie, l’Église catholique doit dire une parole sur l’Ancien Testament, sur le peuple juif. Ils ont dit : même s’il est clair que l’Église n’est pas responsable de la Shoah, ils étaient chrétiens, en grande partie, ceux qui ont commis ces crimes ; nous devons approfondir et renouveler la conscience chrétienne, même si nous savons bien que les vrais croyants ont toujours résisté contre ces choses. Et il était ainsi clair que la relation avec le monde de l’antique Peuple de Dieu devait être objet de réflexion. On comprend aussi que les Pays arabes – les évêques des Pays arabes – ne furent pas heureux de cela : ils craignaient un peu une glorification de l’État d’Israël, qu’ils ne voulaient pas, naturellement. Ils dirent : Bien, une indication vraiment théologique sur le peuple juif est bonne, elle est nécessaire, mais si vous parlez de cela, parlez aussi de l’Islam ; seulement ainsi nous sommes en équilibre ; l’Islam aussi est un grand défi et l’Église doit clarifier aussi sa relation avec l’Islam. Une chose qu’à ce moment, nous n’avons pas tellement comprise, un peu, mais pas beaucoup. Aujourd’hui, nous savons combien ce fut nécessaire.

Quand nous avons commencé à travailler aussi sur l’Islam, on nous a dit : mais il y a aussi les autres religions du monde : toute l’Asie ! Pensez au Bouddhisme, à l’Hindouisme… Et ainsi, au contraire d’une Déclaration initialement pensée seulement au sujet de l’antique Peuple de Dieu, s’est créé un texte sur le dialogue interreligieux, anticipant ce qui seulement trente années après s’est montré dans toute son intensité et son importance. Nous ne pouvons entrer à présent dans ce thème, mais si on lit le texte, on voit qu’il est très dense et préparé vraiment par des personnes qui connaissaient les réalités, et il indique brièvement, en peu de paroles, l’essentiel. Il indique aussi le fondement d’un dialogue, dans la différence, dans la diversité, dans la foi en l’unicité du Christ, qui est un, et il n’est pas possible, pour un croyant de penser que les religions sont toutes des variations sur un thème. Non, il y a une réalité du Dieu vivant qui a parlé, et c’est un Dieu, c’est un Dieu incarné, donc une Parole de Dieu, qui est réellement Parole de Dieu. Mais il y a l’expérience religieuse, avec une certaine lumière humaine de la création, et donc il est nécessaire et possible d’entrer en dialogue, et ainsi de s’ouvrir l’un à l’autre et de s’ouvrir tous à la paix de Dieu, de tous ses enfants, de toute sa famille.

Donc ces deux documents, liberté religieuse et “Nostra aetate”, unis à “Gaudium et spes”, sont une trilogie très importante, dont l’importance s’est manifestée seulement au cours des décennies qui ont suivi, et nous travaillons encore pour mieux comprendre cet ensemble entre unicité de la Révélation de Dieu, unicité de l’unique Dieu incarné dans le Christ, et la multiplicité des religions, avec lesquelles nous cherchons la paix, et aussi le cœur ouvert par la lumière de l’Esprit Saint, qui éclaire et conduit au Christ.

Je voudrais maintenant ajouter encore un troisième point : c’était le Concile des Pères – le vrai Concile –, mais c’était aussi le Concile des media. C’était presqu’un Concile en soi, et le monde a perçu le Concile à travers eux, à travers les media. Donc le Concile immédiatement efficace qui est arrivé au peuple, a été celui des media, non celui des Pères. Et tandis que le Concile des Pères se réalisait à l’intérieur de la foi, c’était un Concile de la foi qui cherche l’intellectus, qui cherche à se comprendre et cherche à comprendre les signes de Dieu en ce moment, qui cherche à répondre au défi de Dieu en ce moment et de trouver dans la Parole de Dieu la parole pour aujourd’hui et demain, tandis que tout le Concile – comme je l’ai dit – se mouvait à l’intérieur de la foi, comme fides quaerens intellectum, le Concile des journalistes ne s’est pas réalisé, naturellement, à l’intérieur de la foi, mais à l’intérieur des catégories des media d’aujourd’hui, c’est-à-dire hors de la foi, avec une herméneutique différente. C’était une herméneutique politique : pour les media, le Concile était une lutte politique, une lutte de pouvoir entre divers courants dans l’Église. Il était évident que les media prendraient position pour la partie qui leur apparaissait convenir le plus avec leur monde. Il y avait ceux qui cherchaient la décentralisation de l’Église, le pouvoir pour les évêques et puis, à travers la parole “Peuple de Dieu”, le pouvoir du peuple, des laïcs. Il y avait cette triple question : le pouvoir du Pape, transféré ensuite au pouvoir des évêques et au pouvoir de tous, la souveraineté populaire. Naturellement, pour eux, c’était la partie à approuver, à divulguer, à favoriser. Et ainsi aussi pour la liturgie : la liturgie comme acte de foi n’intéressait pas, mais comme quelque chose où se font des choses compréhensibles, quelque chose de l’activité de la communauté, une chose profane. Et nous savons que c’était une tendance qui se fondait aussi historiquement, à savoir : la sacralité est une chose païenne, éventuellement aussi de l’Ancien Testament. Dans le Nouveau, vaut seulement le fait que le Christ est mort dehors : c’est-à-dire hors des portes, c’est-à-dire dans le monde profane. La sacralité est donc à terminer, le culte est aussi profanité ; le culte n’est pas culte mais un acte de l’ensemble, de la participation commune, et ainsi aussi une participation comme activité. Ces traductions, ces banalisations de l’idée du Concile ont été virulentes dans la pratique de l’application de la Réforme liturgique ; elles sont nées d’une vision du Concile extérieure à sa propre clé, celle de la foi. Et ainsi aussi pour la question de l’Écriture : l’Écriture est un livre, historique, à traiter historiquement et rien d’autre, et ainsi de suite.

Nous savons combien ce Concile des media fut accessible à tous. Donc, c’était celui qui dominait, le plus efficace, et il a créé tant de calamités, tant de problèmes, réellement tant de misères : séminaires fermés, couvents fermés, liturgie banalisée… et le vrai Concile a eu de la difficulté à se concrétiser, à se réaliser ; le Concile virtuel était plus fort que le Concile réel. Mais la force réelle du Concile était présente et, au fur et à mesure, il se réalise toujours plus et devient la véritable force qui ensuite est aussi vraie réforme, vrai renouvellement de l’Église. Il me semble que, 50 ans après le Concile, nous voyons comment ce Concile virtuel se brise, se perd, et le vrai Concile apparaît avec toute sa force spirituelle. Et voilà notre tâche, particulièrement en cette Année de la foi, à partir de cette Année de la foi, travailler pour que le vrai Concile, avec sa force de l’Esprit Saint, se réalise et que l’Église soit réellement renouvelée. Nous espérons que le Seigneur nous y aide. Moi, retiré, dans la prière, je serai toujours avec vous, et ensemble nous irons de l’avant avec le Seigneur, dans cette certitude : le Seigneur vainc ! Merci !


Pierre Chrysologue, le perspicace

Catherine de Sienne - la vie amoureuse

les deux énigmes - prière et péché . définitions ? ou comportement

Il nous purifiera de tout ce qui nous oppose à Lui - textes du jour

Mercredi 29 Avril 2015

Hier, il fallait bien lire : me convertir, et non pas, me convenir.
Aujourd'hui, les textes - sauf la mémoire de Catherine de Sienne - ne correspondent pas entre Prions en Eglise, la diffusion de l'épiscopat francophone, et celle de Strasbourg (Evangile au Quotidien).
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L’énigme de la prière. Apparemment, elle serait un temps circonscrit avec moment et lieu choisis, y compris selon ce qu’observent les disciples de leur Maître. Alors, notre échange d’hier avec le Père Emile. Point trop n’en faut, une attitude équilibrée. Mais celui aussi avec Dom Xavier, notre dernier entretien avant son départ pour l‘Angleterre : taisez-vous ! et du temps. Le cardinal KÖNIG, une vingtaine de minutes chaque jour. Oui, sans doute, du temps spécialement dédié. Mais le mouvement que Dieu nous donne, ces échappées ou ces visitations, cet arrêt heureux et confiant en nous-mêmes, une sorte de béance ouverte au bonheur et à la réalité, au fin fond de la réalité, cette lucidité qui nous est donnée de la réalité : Dieu et nous, l’univers et tout, ensemble, ne faisant qu’un de toujours à jamais. – Chant maintenant des oiseaux. Grisaille qui a commencé. Fond de silence et de pénombre quand même. L’amour du Seigneur, sur ceux qui le craignent, est de toujours à toujours, et sa justice pour les enfants de leurs enfants, pour ceux qui gardent son alliance. .. Il réclame ta vie à la tombe et te couronne d’amour et de tendresse… Il sait de quoi nous sommes pétris, il se souvient que nous sommes poussière… Car il pardonne toutes tes offenses et te guérit de toute maladie. [1] Prier avec celles et ceux qui orient à cet instant, prier avec ma propre mort, prier avec la naissance, avec celle de mes aimées, avec les peuples dont l’âme et la chair sont atteintes, avec ceux qu’on tue et avec ceux qui tuent. Prier en Eglise, de toutes nos différences individuelles, des exaltations et folies ou bêtises, jusqu’aux humilités totales. Messe de tous et pour tous.  Marthe, Marthe, tu t’inquiètes et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part : elle ne lui sera pas retirée. Que fait, qu’est cette Marie ? Marie-Madeleine ? la pécheresse, Marie-Madeleine devant le tombeau, le « jardinier »… la prière, simplement la prière de proximité, la prière de tous ses sens : noli me tangere. Réponse à ma question. Mode habituel de la faveur que Dieu me donne pour L’approcher… sentiments, troubles, interrogations de mon entrée au lieu préparé par Lui de mon âme, et les voici rencontrées par les textes du jour, sans concertation a priori avec la proposition de l’Eglise, il y a correspondance entre ce que je cherche et ce dont j’ai besoin à mon éveil-réveil à la conscience, à toute mobilité physique, à tout devoir d’état, et ce que je trouve, qui m’est donné quand j’ouvre le Livre…. Jésus entra dans un village… les disciples le laissent. La Samaritaine à son puits, Marthe chez : une femme appelée Marthe le reçut dans sa maison. Trois célibataires… les parents décédés. Marthe, Marie, Lazare. Une perfection de vie ? une communauté naturelle, une fratrie… si nous marchons dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres… et cette Lumière entre dans cette maison, de même qu’Il est venu chez les siens et Il a habité parmi nous… Il est la victime offerte pour nos péchés, et non seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux du monde entier.  Un si grand sacrifice, si mystérieux aussi pour de minables fautes et péchés, même la shoah, même les massacres sont minables et minuscules en proportion du sacrifice et du salut. Et l’assassinat de Chloé a autant de « poids » de haine, de péché, et de bêtise, de cécité que toutes les barbaries organisées et perpétrées dans tous les camps et prisons que l’humanité sait – malheureusement et pour son déshonneur – installer et pérenniser. Et en regard, faisant face , Maximilien KOLBE, Marcel CALLO, Thérèse à Lisieux… Marie qui, se tenant assise aux pieds du Seigneur, écoutait Sa parole.
Texte de Catherine de Sienne : Et que pourrais-tu me donner de plus grand que toi-même ? Définition du péché : tout ce qui nous oppose à lui.
Seigneur aide-nous, hâte le dénouement, tous les dénouements, défais autour de nos cous l’ôdieuse et maléfique corde de chacune de nos astreintes, des astreintes dans lesquelles mes lacunes ont entraînée qui j’aime et me sont confiées, et que nous soyons à Toi, mes aimées et moi, tranquilles et apaisés, en sécurité dans Tes bras et dans Ton cœur, ceux aussi de Ta mère. Donne-moi, Seigneur, donnez-moi, Toi, le Fils de l’homme, et Ta mère, incomparable, modèle et protection de toute maternité, de toute âme familiale, la force et la persévérance pour que par Toi, par elle, Marie, je sois le protecteur et le nourricier enfin et total que fut Ton élu, Ton saint, Joseph l’époux. Ainsi soit-il.


[1] - 1ère lettre de Jean I 5 à II 2 ; psaume CIII ; évangile selon saint Luc X 38 à 42

mardi 28 avril 2015

voyant la grâce de Dieu à l'oeuvre, il fut dans la joie - textes du jour

Mardi 28 Avril 2015

Prier… [1]le dialogue de sourds ? Combien de temps vas-tu nous tenir en haleine ? Si c’est toi le Christ, dis-le nous ouvertement. Jésus reprend inlassablement : les œuvres, les brebis et c’est par celles-ci, par leur fidélité, par leur intimité avec le berger qu’Il assène l’énoncé cardinal de Son identité. Le Père et moi sommes UN. Prédilection pour ces brebis, nature amoureuse de la relation du troupeau, de l’Eglise, de l’humanité au Fils de l’homme, au Bon Pasteur et du Fils à Dieu le Père. Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. Pourquoi ? comment ? Mon Père qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main de mon Père. Prédication et « succès » des Apôtres en application de cette union du Fils au Père : la main du Seigneur était avec eux : un grand nombre de gens devinrent croyants et se tournèrent vers le Seigneur. Ce que précisément ne faisaient pas, décidément et obstinément, les détracteurs du Christ. Les œuvres que je fais, moi, au nom de mon Père, voilà ce qui me rend témoignage. Mais vous, vous ne croyez pas, parce que vous n’êtes pas de mes brebis. Et celles-ci reçoivent alors leur nom générique.  Pour la première fois, les disciples reçurent le nom de chrétiens… Rayonnement, travail, « attelage » de Barnabé avec Paul…  Seigneur, donnez-nous de Vous connaître tout simplement en nous donnant à Vous, de bonne et vraie foi. Alors, nous saurons et vivrons et toutes celles et tous ceux, et notre monde et notre époque, avec nous, qui Te prions ce matin. Les condamnés recevront grâce, les prévenus et les prisonniers se convertiront à la vraie liberté, les ensevelis sous « le toit du monde » ressurgiront et nous réapprendrons les sommets. Ainsi soit-il.
                                Admirable texte de Pierre Chrysologue.


[1] - Actes des Apôtres XI 19 à 26 ; psaume LXXXVII ; évangile selon saint Jean X 22 à 30

lundi 27 avril 2015

donc même aux nations, Dieu a donné la conversion qui fait entrer dans la vie - textes du jour

Lundi 27 Avril 2015

Prier… [1] la vision décisive et d’avenir de Pierre, confirmant ainsi son rôle capital à la tête de l’Eglise et pour sa « politique », l’intégralité, l’intégrité de sa mission : j’étais dans la ville de Jaffa, en train de prier et voici la vision que j’ai eue dans une extase… En entendant ces paroles, ils se calmèrent et ils rendirent gloire à Dieu. Psychologie de la prière, le temps qui lui est spécialement consacré… les intégristes de tous temps et d’abord dans la société contemporaine du Christ puis dans l’Eglise originelle. L’assurance de Pierre, se portant fort du reste de l’humanité devant ses frères les plus proches : Si Dieu leur a fait le même don qu’à nous, parce qu’ils ont cru au Seigneur Jésus Christ, qui étais-je, moi, pour empêcher l’action de Dieu ? Humilité et force, inspiration manifeste. Ainsi donc même aux nations, Dieu a donné la conversion qui fait entrer dans la vie. Que je prenne ceci au pied de la lettre, j’ai à me convenir au risque de manquer la vie, notre vie, ma vie. Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance… relation du Bon Pasteur, de Dieu avec nous que nous pouvons connaître puisqu’Il se fait connaître : celui qui entre par la porte, c’est le pasteur, le berger des brebis. Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son  nom, et il les fait sortir. Quand il a poussé dehors toutes les siennes, il marche à leur tête, et les brebis le suivent, car elles connaissent sa voix. Force intense de ce récit d’un charpentier qui donc vécu l’élevage et l’amour des animaux dont on partage la vie quotidienne. La nourriture au dehors et non dans l’enfermement. La voix… Le groupe, la marche en tête. Dieu et ses rôles, porte et portier, berger et agneau qui sera immolé. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra entrer ; il pourra sortir et trouver un pâturage. Liberté, abondance, sécurité, intimité.


[1] - Actes des Apôtres XI 1 à 18 ; psaume XLII & XLIII ; évangile selon saint Jean X 1 à 10

dimanche 26 avril 2015

conseils du pape François aux ordinants de ce jour


Ordinations: "Au confessionnal pour pardonner, pas pour condamner"
Homélie de la messe d'ordination de 19 nouveaux prêtres
Anita Bourdin
ROME, 26 avril 2015 (Zenit.org) - « Vous êtes au confessionnal pour pardonner, pas pour condamner », déclare le pape François lors de la messe d’ordination de 19 nouveaux prêtres, ce dimanche, 26 avril, journée de prière pour les vocations, en la basilique Saint-Pierre. Il a aussi demandé de ne jamais refuser le baptême, parlé du secret d’une homélie qui ne soit pas ennuyeuse et de la mission de l’unité.
Des jeunes de 27 à 39 ans et d'Italie, de Corée, du Chili, de Colombie, d'Inde, de Croatie, du Pérou et de Madagascar, pour le diocèse de Rome.
« Par le sacrement de la pénitence, vous remettrez les péchés au nom du Christ et de l’Eglise », a rappelé le pape avant d’ajouter : « Je vous demande de ne jamais vous lasser d’être miséricordieux : au confessionnel vous êtes là pour pardonner, pas pour condamner. »
Au service de l’unité
Le pape a souligné que l’ordination est « au service du peuple de Dieu » et qu’il faut « sortir » pour servir : « Ayez toujours l’exemple du Christ pour servir pas pour rester sans son confort, mais sortir et sauver ce qui était perdu comme le Christ « Bon Pasteur ». »
Le pape a invité à toujours accepter de donner le baptême : « Ne refusez jamais le baptême à qui le demande. »
Et voilà la mission de l’unité à laquelle le prêtre est appelé : « Employez-vous à unir les fidèles en une seule famille. Soyez des ministres de l’unité dans l’Eglise, la famille, pour les conduire au Père par le Christ dans l’Esprit Saint. »
Pour le pape c’est un « risque » que prend l’évêque que d’ordonner un jeune prêtre : « l’évêque prend le risque de choisir » les nouveaux prêtres « comme le Père a pris le risque pour chacun de nous ».
Ils seront « configurés au Christ » ils deviendront prêtres et donc faits « participant de la mission du Christ, seul Maître ».
Le pape a recommandé aux nouveaux prêtres de « méditer assidument » la « Parole de Dieu que vous-mêmes avez reçue avec joie » : « Enseignez ce que vous appris dans la foi, vivez ce que vous aurez enseigné », ce sera la « nourriture peuple de Dieu ».
Le secret de l’homélie
Le pape a confié le secret d’une homélie qui ne soit pas ennuyeuse : « Que vos homélies, a insisté le pape, ne soient pas ennuyeuses qu’elles arrivent au coeur des gens parce qu’elles sortiront de votre cœur, parce que ce que vous leur direz sera ce que vous avez dans le cœur » : « C’est ainsi que l’on donne la Parole de Dieu », et « ainsi votre doctrine sera joie et soutien pour les fidèles du Christ ».
Il a aussi insisté sur l’exemple de la vie du prêtre : « Le parfum de votre vie sera témoignage, parce que l’exemple édifie, mais les paroles sans exemple sont des paroles vides, ce sont des idées, elles n’arrivent pas va au coeur, et même elles font du mal, pas du bien. »
Et puis la célébration doit se faire sans précipitation : « Vous continuerez l’œuvre de sanctification du Christ :
Quand vous célébrez la messe reconnaissez donc ce que vous faites, ne le faites pas à la hâte (…). Imitez ce que vous célébrez : ce n’est pas un rite artificiel. »
Le prêtre ne peut pas « ‘faire la paon », fait observer le pape : il s’agit de « plaire à Dieu et pas à vous-même » : « Ce n’est pas beau un prêtre qui vit pour se plaire à lui-même et pas à Dieu, qui fait le paon. »
En faisant l’onction d’huile sur les mains des nouveaux prêtres, le pape François ne s’est pas contenté d’une petite croix, il a vraiment oint d’huile abondante toute la paume de la main.
C’est son vicaire pour Rome qui a remis au nouveaux prêtres les autres symboles de leur ordination, notamment le calice pour la célébration eucharistique
Puis le pape a donné l’accolade à chacun des nouveaux prêtres, et la célébration s’est poursuivie comme toute les messes dominicales par le chant du Credo.

prière pour les vocations proposée par le pape François, cette année


MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS
POUR LA 52e JOURNÉE MONDIALE
DE PRIÈRE POUR LES VOCATIONS
Thème : L’exode, expérience fondamentale de la vocation

Chers frères et sœurs,
Le quatrième dimanche de Pâques nous présente l’icône du Bon Pasteur qui connaît ses brebis, les appelle, les nourrit et les conduit. En ce dimanche, depuis plus de 50 ans, nous vivons la Journée mondiale de prière pour les Vocations. Elle nous rappelle chaque fois l’importance de prier pour que, comme a dit Jésus à ses disciples, « le maître de la moisson envoie des ouvriers pour sa moisson » (cf. Lc 10, 2). Jésus exprime ce commandement dans le contexte d’un envoi missionnaire : il a appelé, outre les douze apôtres, soixante-douze autres disciples et il les envoie deux par deux pour la mission (Lc 10, 1-16). En effet, si l’Église « est par sa nature missionnaire » (Conc. Œcum. Vat. II Décret Ad gentes, n. 2), la vocation chrétienne ne peut que naître à l’intérieur d’une expérience de mission. Aussi, écouter et suivre la voix du Christ Bon Pasteur, en se laissant attirer et conduire par lui et en lui consacrant sa vie, signifie permettre que l’Esprit-Saint nous introduise dans ce dynamisme missionnaire, en suscitant en nous le désir et le courage joyeux d’offrir notre vie et de la dépenser pour la cause du Royaume de Dieu.
L’offrande de sa vie dans cette attitude missionnaire est possible seulement si nous sommes capables de sortir de nous-mêmes. En cette 52ème Journée mondiale de prière pour les Vocations, je voudrais donc réfléchir sur cet “exode” particulier qu’est la vocation, ou, mieux, notre réponse à la vocation que Dieu nous donne. Quand nous entendons la parole “exode”, notre pensée va immédiatement aux débuts de la merveilleuse histoire d’amour entre Dieu et le peuple de ses enfants, une histoire qui passe à travers les jours dramatiques de l’esclavage en Égypte, l’appel de Moïse, la libération et le chemin vers la Terre promise. Le livre de l’Exode – le second livre de la Bible –, qui raconte cette histoire, représente une parabole de toute l’histoire du salut, et aussi de la dynamique fondamentale de la foi chrétienne. En effet, passer de l’esclavage de l’homme ancien à la vie nouvelle dans le Christ est l’œuvre rédemptrice qui advient en nous par la foi (Ep 4, 22-24). Ce passage est un “exode” véritable et particulier, c’est le chemin de l’âme chrétienne et de l’Église entière, l’orientation décisive de l’existence tournée vers le Père.
À la racine de chaque vocation chrétienne, il y a ce mouvement fondamental de l’expérience de foi : croire veut dire se laisser soi-même, sortir du confort et de la rigidité du moi pour centrer notre vie en Jésus Christ ; abandonner comme Abraham sa propre terre en se mettant en chemin avec confiance, sachant que Dieu indiquera la route vers la nouvelle terre. Cette “sortie” n’est pas à entendre comme un mépris de sa propre vie, de sa propre sensibilité, de sa propre humanité ; au contraire, celui qui se met en chemin à la suite du Christ trouve la vie en abondance, en se mettant lui-même tout entier à la disposition de Dieu et de son Royaume. Jésus dit : « Celui qui aura quitté, à cause de mon nom, des maisons, des frères, des sœurs, un père, une mère, des enfants, ou une terre, recevra le centuple, et il aura en héritage la vie éternelle » (Mt 19, 29). Tout cela a sa racine profonde dans l’amour. En effet, la vocation chrétienne est surtout un appel d’amour qui attire et renvoie au-delà de soi-même, décentre la personne, amorçant « un exode permanent allant du je enfermé sur lui-même vers sa libération dans le don de soi, et précisément ainsi vers la découverte de soi-même, plus encore vers la découverte de Dieu » (Benoît xvi, Lett. enc. Deus caritas est, n.6).
L’expérience de l’exode est un paradigme de la vie chrétienne, en particulier de celui qui embrasse une vocation de dévouement particulier au service de l’Évangile. Il consiste en une attitude toujours renouvelée de conversion et de transformation, dans le fait de rester toujours en chemin, de passer de la mort à la vie ainsi que nous le célébrons dans toute la liturgie : c’est le dynamisme pascal. Au fond, depuis l’appel d’Abraham à celui de Moïse, depuis le chemin pérégrinant d’Israël dans le désert à la conversion prêchée par les prophètes, jusqu’au voyage missionnaire de Jésus qui culmine dans sa mort et sa résurrection, la vocation est toujours cette action de Dieu qui nous fait sortir de notre situation initiale, nous libère de toute forme d’esclavage, nous arrache à nos habitudes et à l’indifférence et nous projette vers la joie de la communion avec Dieu et avec les frères. Répondre à l’appel de Dieu, donc, c’est le laisser nous faire sortir de notre fausse stabilité pour nous mettre en chemin vers Jésus Christ, terme premier et dernier de notre vie et de notre bonheur.
Cette dynamique de l’exode ne concerne pas seulement l’appel particulier, mais l’action missionnaire et évangélisatrice de toute l’Église. L’Église est vraiment fidèle à son Maître dans la mesure où elle est une Église “en sortie”, sans être préoccupée d’elle-même, de ses structures et de ses conquêtes, mais plutôt capable d’aller, de se mouvoir, de rencontrer les enfants de Dieu dans leur situation réelle et de compatir à leurs blessures. Dieu sort de lui-même dans une dynamique trinitaire d’amour, écoute la misère de son peuple et intervient pour le libérer (Ex 3, 7). L’Église est aussi appelée à cette manière d’être et d’agir : l’Église qui évangélise sort à la rencontre de l’homme, annonce la parole libératrice de l’Évangile, prend soin avec la grâce de Dieu des blessures des âmes et des corps, relève les pauvres et ceux qui sont dans le besoin.
Chers frères et sœurs, cet exode libérateur vers le Christ et vers les frères représente aussi le chemin vers la pleine compréhension de l’homme et pour la croissance humaine et sociale dans l’histoire. Écouter et accueillir l’appel du Seigneur n’est pas une question privée et intimiste qui peut se confondre avec l’émotion du moment ; c’est un engagement concret, réel et total, qui embrasse notre existence et la met au service de la construction du Royaume de Dieu sur la terre. Par conséquent, la vocation chrétienne, enracinée dans la contemplation du cœur du Père, pousse en même temps à l’engagement solidaire en faveur de la libération des frères, surtout des plus pauvres. Le disciple de Jésus a le cœur ouvert à son horizon immense, et son intimité avec le Seigneur n’est jamais une fuite de la vie et du monde mais, au contraire, « se présente essentiellement comme communion missionnaire » (Exhort. Apost. Evangelii gaudium, n. 23).
Cette dynamique d’exode vers Dieu et vers l’homme remplit la vie de joie et de sens. Je voudrais le dire surtout aux plus jeunes qui, en raison de leur âge et de la vision de l’avenir qui s’ouvre devant leurs yeux, savent être disponibles et généreux. Parfois, les inconnues et les préoccupations pour l’avenir et l’incertitude qui entache le quotidien risquent de paralyser leurs élans, de freiner leurs rêves au point de penser qu’il ne vaut pas la peine de s’engager et que le Dieu de la foi chrétienne limite leur liberté. Au contraire, chers jeunes, n’ayez pas peur de sortir de vous-même et de vous mettre en chemin ! L’Évangile est la Parole qui libère, transforme et rend plus belle notre vie. Comme il est beau de se laisser surprendre par l’appel de Dieu, d’accueillir sa Parole, de mettre les pas de votre existence dans les pas de Jésus, dans l’adoration du mystère divin et du dévouement généreux aux autres ! Votre vie deviendra chaque jour plus riche et plus joyeuse !
La Vierge Marie, modèle de toute vocation, n’a pas craint de prononcer son “fiat” à l’appel du Seigneur. Qu’elle vous accompagne et qu’elle vous guide. Avec le courage généreux de la foi, Marie a chanté la joie de sortir d’elle-même et de confier à Dieu ses projets de vie. Nous nous adressons à elle pour être pleinement disponibles au dessein que Dieu a sur chacun de nous ; pour que grandisse en nous le désir de sortir et d’aller, avec sollicitude, vers les autres (cf. Lc 1, 39). Que la Vierge Mère nous protège et qu’elle intercède pour nous tous !
Du Vatican, le 29 mars 2015
Dimanche des Rameaux
Franciscus


prière pour les vocations proposée par le pape François en 2014


MESSAGE DU PAPE FRANÇOIS
POUR LA LI
e
JOURNÉE MONDIALE
DE PRIÈRE POUR LES VOCATIONS
11 MAI 2014 - IV DIMANCHE DE PÂQUES
Les vocations, témoignage de la vérité

Chers frères et sœurs !
1. L’Évangile raconte que « Jésus parcourait toutes les villes et tous les villages...  Voyant les foules, Jésus fut saisi de compassion envers elles parce qu’elles étaient désemparées et abattues comme des brebis sans berger.  Alors il dit à ses disciples : “La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le Maître de la moisson d'envoyer des ouvriers pour sa moisson” » (Mt 9, 35-38). Ces paroles nous surprennent, car nous savons tous qu’il faut d’abord labourer, semer et cultiver pour pouvoir ensuite, le moment venu, moissonner une récolte abondante. Jésus affirme en revanche que « la moisson est abondante ». Mais qui a travaillé pour que le résultat soit tel ? Il n’y a qu’une seule réponse : Dieu. Évidemment, le champ dont parle Jésus est l’humanité, c’est nous. Et l’action efficace qui est à l’origine du « beaucoup de fruit » est la grâce de Dieu, la communion avec lui (cf. Jn 15, 5). La prière que Jésus sollicite de l’Église concerne donc la demande d’accroître le nombre de ceux qui sont au service de son Royaume. Saint Paul, qui a été l’un de ces “collaborateurs de Dieu”, s’est prodigué inlassablement pour la cause de l’Évangile et de l’Église. Avec la conscience de celui qui a personnellement expérimenté à quel point la volonté salvifique de Dieu est insondable, et l’initiative de la grâce est à l’origine de toute vocation, l’apôtre rappelle aux chrétiens de Corinthe : « Vous êtes le champ de Dieu » (1 Co 3, 9). C’est pourquoi naît tout d’abord dans notre cœur l’étonnement pour une moisson abondante que Dieu seul peut accorder ; ensuite la gratitude pour un amour qui nous précède toujours ; enfin, l’adoration pour l’œuvre qu’il a accomplie, qui demande notre libre adhésion pour agir avec lui et pour lui.
2. Bien des fois nous avons prié avec les paroles du Psalmiste : « Il nous a faits et nous sommes à lui, nous son peuple, son troupeau » (Ps 100, 3) ; ou encore : « C'est Jacob que le Seigneur a choisi, Israël dont il a fait son bien » (Ps 135, 4). Eh bien, nous sommes la “propriété” de Dieu non pas au sens de la possession qui rend esclaves, mais d’un lien fort qui nous unit à Dieu et entre nous, selon un pacte d’alliance qui demeure pour l’éternité « car éternel est son amour » (Ps 136). Dans le récit de la vocation du prophète Jérémie, par exemple, Dieu rappelle qu’il veille continuellement sur chacun, afin que sa Parole se réalise en nous. L’image adoptée est celle de la branche d’amandier qui fleurit avant tous les autres, annonçant la renaissance de la vie au printemps (cf. Jr 1, 11-12). Tout provient de lui et est don de lui ; le monde, la vie, la mort, le présent, l’avenir, mais — rassure l’apôtre — « vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu » (1 Co 3, 23). Voilà expliquée la modalité d’appartenance à Dieu : à travers le rapport unique et personnel avec Jésus, que le baptême nous a conféré dès le début de notre renaissance à une vie nouvelle. C’est donc le Christ qui nous interpelle sans cesse par sa Parole afin que nous mettions notre confiance en lui, en l’aimant « de tout notre cœur, de toute notre intelligence et de toute notre  force » (cf. Mc 12, 33). C’est pourquoi chaque vocation, malgré la pluralité des voies, demande toujours un exode de soi-même pour centrer sa propre existence sur le Christ et sur son Évangile. Que ce soit dans la vie conjugale, que ce soit dans les formes de consécration religieuse, que ce soit dans la vie sacerdotale, il faut dépasser les manières de penser et d’agir qui ne sont pas conformes à la volonté de Dieu. C’est un exode « qui nous conduit à un chemin d’adoration du Seigneur et de service à lui dans nos frères et sœurs » (Discours à l’Union internationale des supérieures générales, 8 mai 2013). C’est pourquoi nous sommes tous appelés à adorer le Christ dans nos cœurs (cf. 1 P 3, 15), pour nous laisser rejoindre par l’impulsion de la grâce contenue dans la semence de la Parole, qui doit croître en nous et se transformer en service concret de notre prochain. Nous ne devons pas avoir peur : Dieu suit avec passion et habileté l’œuvre sortie de ses mains, à chaque saison de la vie. Il ne nous abandonne jamais ! Il a à cœur la réalisation de son projet sur nous, mais il entend cependant l’obtenir avec notre assentiment et notre collaboration.
3. Aujourd’hui aussi, Jésus vit et chemine  dans les réalités de la vie ordinaire pour s’approcher de tous, à commencer par les derniers, et nous guérir de nos infirmités et de nos maladies. Je m’adresse à présent à ceux qui sont bien disposés à se mettre à l’écoute de la voix du Christ qui retentit dans l’Église, pour comprendre quelle est leur vocation propre. Je vous invite à écouter et à suivre Jésus, à vous laisser transformer intérieurement  par ses paroles qui « sont esprit et sont vie » (Jn 6, 63). Marie, la Mère de Jésus et la nôtre, nous répète à nous aussi : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (Jn 2, 5). Cela vous fera du bien de participer avec confiance à un chemin communautaire qui sache libérer en vous et autour de vous les meilleures énergies. La vocation est un fruit qui mûrit dans le champ bien cultivé de l’amour réciproque qui se fait service mutuel, dans le contexte d’une authentique vie ecclésiale. Aucune vocation ne naît toute seule ou ne vit pour elle-même. La vocation jaillit du cœur de Dieu et germe dans la bonne terre du peuple fidèle, dans l’expérience de l’amour fraternel. Jésus n’a-t-il peut-être pas dit : « À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l'amour les uns pour les autres » (Jn 13, 35) ?
4. Chers frères et sœurs, vivre cette « haute mesure de la vie chrétienne ordinaire » (cf. Jean-Paul II, Lett. apost. Novo millennio ineunte, n. 31), signifie parfois  aller à contre-courant et comporte de rencontrer également des obstacles, en dehors de nous et en nous. Jésus lui-même nous avertit : la bonne semence de la Parole de Dieu est souvent volée par le Malin, bloquée par les difficultés, étouffée par des préoccupations et des séductions mondaines (cf. Mt 13, 19-22). Toutes ces difficultés pourraient nous décourager, en nous faisant nous replier sur des voies apparemment plus commodes.  Mais la véritable joie des appelés consiste à croire et à faire l’expérience que le Seigneur, lui, est fidèle, et qu’avec lui nous pouvons marcher, être des disciples et des témoins de l’amour de Dieu, ouvrir notre cœur à de grands idéaux, à de grandes choses. « Nous chrétiens nous ne sommes pas choisis par le Seigneur pour de petites bricoles, allez toujours au-delà, vers les grandes choses. Jouez votre vie pour de grands idéaux ! » (Homélie lors de la messe pour les confirmations, 28 avril 2013). À vous évêques, prêtres, religieux, communautés et familles chrétiennes, je demande d’orienter la pastorale des vocations dans cette direction, en accompagnant les jeunes sur des itinéraires de sainteté qui, étant personnels, « exigent une vraie pédagogie de la sainteté qui soit capable de s'adapter aux rythmes des personnes. Cette pédagogie devra intégrer aux richesses de la proposition adressée à tous les formes traditionnelles d'aide personnelle et de groupe, et les formes plus récentes apportées par les associations et par les mouvements reconnus par l'Église » (Jean-Paul II, Lett. apost. Novo millennio ineunte, n. 31).
Disposons donc notre cœur à être une “bonne terre” pour écouter, accueillir et vivre la Parole et porter ainsi du fruit. Plus nous saurons nous unir à Jésus par la prière, la Sainte Écriture, l’Eucharistie, les Sacrements célébrés et vécus dans l’Église, par la fraternité vécue, plus grandira en nous la joie de collaborer avec Dieu au service du Royaume de miséricorde et de vérité, de justice et de paix. Et la récolte sera abondante, proportionnée à la grâce qu’avec docilité nous aurons su accueillir en nous. Avec ce vœu, et en vous demandant de prier pour moi, je donne de tout cœur à tous ma Bénédiction apostolique.
Du Vatican, le 15 janvier 2014