dimanche 30 mai 2010

tu n'as plus à craindre le malheur - textes du jour

Lundi 31 Mai 2010


Prier… [1] Paul, apôtre des Gentils, a-t-il connu Marie ? Soyez joyeux avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent, écrit-il à ses correspondants, aux siens. Car Marie c’est d’abord la communion : à Dieu, à sa cousine qu’elle va visiter pas pour vérifier ce qu’a dit l’ange (enceinte, elle sait l’être maintenant…) mais pour l’aider à la naissance du Précurseur (celle-ci enceinte de six mois à l’Annonciation, et Marie demeura avec Elisabeth environ trois mois), à nous tous, Cana, le cénacle à la Pentecôte, le calvaire… Marie à l’ange avait posé des questions, et dit l’évidence : sa disponibilité, mais sa reconnaissance et la divination de son rôle dans le plan divin, elle le chante en famille avec sa cousine. Confiance de Joseph qui la laisse partir et qui va la retrouver enceinte, alors même qu’elle a quitté son regard. Elisabeth a compris : comment ai-je ce bonheur que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? pas seulement ma cousine. Heureuse, celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. Or, Marie, quand Gabriel pénètre chez elle et lui parle, n’attendait rien, ne demandait certainement pas à tomber enceinte. Quant au fait de l’être, ce n’est pas affaire de foi. La foi de Marie, c’est sa foi dans le destin, l’identité de Celui qu’elle va mettre au monde. Dieu est en toi, c’est lui, le héros qui apporte le salut.

[1] - Sophonie III 14 à 18 ; Paul aux Romains XII 9 à 16 ; cantique d’Isaïe XII 2 à 6 passim ; évangile selon saint Luc I 39 à 56


lecture du Coran - sourate XXVIII - 26 à la fin

la détresse elle-même fait notre orgueil - textes du jour

Dimanche de la Trinité (& fête des mères) - 30 Mai 2010


Prier… coincidence de la fête des mères et de la solennité chrétienne de la Trinité. La messe hier, au bord de la mer, Augustin marchant le long d’une plage rencontre un garçonnet occupé de remplir d’un trou dans le sable avec un coquillage qu’il remplit d’eau – raconte notre recteur – et lui demande ce qu’il fait : je mets la mer dans le trou – tu es fou, tu n’y arriveras jamais – si, certainement, avant que tu n’aies compris le mystère de la très sainte Trinité ! J’étais à ses côtés comme un maître d’œuvre. J’y trouvais mes délices jour après jour, jouant devant à tout instant, jouant sur toute la terre, et trouvant mes délices avec les fils des hommes (d’autres traductions menant à de tout autres interprétations : avec les enfants des hommes). Qui ? la Sagesse ? le Saint-Esprit présenté au féminin ? la seconde personne de la Trinité, elle aussi présentée au féminin ? toutes les intuitions si peu développées, et plutôt réprimées, selon lesquelles Dieu « contient » non seulement paternité et filiation, mais aussi toute la dialectique et la richesse du masculin et du féminin, que Thérèse de Lisieux poussait assez loin en revendiquant le sacerdoce et tous les « métiers » que l’Eglise réserve aux hommes, au sens rétréci du terme par le sexe (sens rétrécissant tout autant le terme : femme). Que disaient les Pères de l’Eglise, au désert, sur de tels textes ? Le Coran décrit le monde pour montrer la puissance de Dieu, et plusd tard Voltaire en fera autant, pour sa « nécessité ». La Bible préfère montrer Dieu en train de créer ce monde, Dieu en action, et le texte choisi aujourd’hui y ajoute décisivement cet étrange compagnonnage que Dieu ne cesse de se donner et de se vouloir. Nature trinitaire ou plus encore la Trinité elle-même et en tant que telle, ne se veut totale et comblée qu’avec nous, qu’avec cette Sagesse, qui nous représente tous ou qui nous inspire tous ? le Seigneur m’a faite pour lui… je fus enfantée… Et cependant un rôle immense, important, fonctionnel : j’étais à ses côtés comme un maître d’œuvre… et l’aspect ludique, pas forcément nuptial (là encore ce serait rétrécir), mais annonçant peut-être une des formes de l’éternité, de la chair ressuscitée, de la louange de la création élevée vers son créateur : les délices qu’évoque aussi le Coran mais avec le secours d’images crûes et pratiques. Trinité (cf. sa « nécessité » démontrée en mathématiques par des musulmans…) et notre expérience courante : le couple et l’enfant, mais aussi les « besoins » de maternité, de paternité d’une part, de création, de travail, d’inspiration pour créer, mettre au monde d’autre part. Tout cela « repris » par la réalité de la Trinité, ou plutôt tout cela reflet de la Trinité, pressentiment et images qui nous sont donnés, avec la parole décisive : Dieu fit l’homme à son image, à sa ressemblance, il les créa homme et femme… et ainsi de suite, toute la révélation confirmée par la Croix (son signe est celui de la Trinité, ce que rappelait aussi hier soir notre recteur) et la Résurrection. Résultat dans nos vies les plus médiocres, les plus douloureusement ressenties : notre orgueil à nous, c’est d’espérer avoir part à la gloire de Dieu, car, pratiquement pour nous, la Trinité, le fait que Dieu soit Trinité, introduisent notre participation à la vie divine, c’est parce que Dieu est trois personnes en un seul Dieu que la « porte » de la divinité, des dialogues divins, des échanges divins nous est ouverte et que nous en faisons substantiellement partie. Une telle disproportion entre ce à quoi nous appellent notre nature humaine et la rédemption de celle-ci, son rachat, et ce que nous vivons selon tant de limites ! fait notre espérance et aussi notre chemin quotidien : la détresse elle-même fait notre orgueil, puisque la détresse, nous le savons, produit la persévérance, la persévérance produit la valeur éprouvée, la valeur éprouvée produit l’espérance, et l’espérance ne trompe pas puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit saint qui nous a été donné. Nous en restons là, c’est tel que notre vie et nos forces ont déjà de quoi faire : j’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous n’avez pas la force de les porter.[1]

[1] - Proverbes VIII 22 à 31 ; psaume VIII ; Paul aux Romains V 1 à 5 ; évangile selon saint Jean XVI 12 à 15


. . . l’unité (nous ne faisons pas de distinction ici entre l’Unité métaphysique et l’unité arithmétique qui la symbolise) ne peut être perçue qu’à travers trois. C’est pourquoi Ibn Arabî enseigne constamment que le « premier singulier (fard) est trois. Ceci résulte logiquement de ce que, dès lors qu’il y a perception, il y a sujet et objet, ce qui fait trois avec la perception elle-même. Même lors que l’Unité est envisagée pour elle-même, elle demeure impliquée dans trois celui qui la contemple, Elle-même, et la contemplation qui est la relation contemplant et Contemplé. Ce n’est que lorsque la dualité est dépassée, par la réalisation métaphysique, que l’Unité subsiste seule, sans second (c’est le tawhîd dont nous parlions au début de cette introduction), mais alors, on ne parle plus de perception ou de quelque autre relation, car connaissance, connaissant et connu sont unis dans l’Etre-Un qui se connaît Lui-même en Lui-même et par Lui-même.

De ce fait, on peut dire que, du point de vue de la conscience individuelle, dès lors qu’il y a un, il y a trois ; deux n’étant qu’un état de passage entre un et trois, une « limite » instable entre eux, sans existence autonome réelle. De quelque manière qu’on l’envisage, deux n’existe que par rapport à un premier avec lequel il fait trois, ou un troisième qui est son produit : par exemple, tous les contraires (actif-passif, haut-bas, noir-blanc, grand-petit, etc… n’ont d’existence que par le terme de référence auquel ils s’ordonnent et par lesquels ils s’équilibrent ; quant aux semblables il en est de même : seul un terme qui leur est extérieur permet de mesurer (ou qualifier) leur similarité ; ou si l’on veut, pour que les semblables ne soient pas purement et simplement identiques (c’est-à-dire un seul), il faut nécessairement quelque chose qui les distingue, ce qui fait encore un troisième.

Par ailleurs, et ce qui précède étant bien entendu, il est donné à tout un chacun de concevoir que l’unité arithmétique est le seul nombre qui ait une réelle consistance et une influence effective : toute numération commence nécessairement par un, et quel que soit le nombre qu’on envisage, aussi grand soit-il, on peut toujours lui ajouter un, et ceci indéfiniment. Ce phénomène traduit, dans l’ordre rationnel (au sens propre de « ratio », rapport, logique), la souveraineté et l’omniprésence de l’Unité métaphysique qui est l’Etre, seule réalité de toute l’existence, tout comme un est la seule réalité mathématique, les autres nombres n’étant que l’expression de rapports.

Abd-el-Karîm el-Jîlî – Un commentaire ésotérique de la formule inaugurale du Coran
traduit et annoté par Jâbir Clément-François .
éd. Albouraq . Beyrouth Liban . Avril 2002 . 280 pages pp. 122-123
www.albourad.com
albouraq@albouraq.com
distribution – La librairie de l’Orient . 18 rue des Fossés Saint Bernard . Paris Vème
www.orient-lib.com
orient-lib@orient-lib.com

Le même auteur, pp. 69 et suivante développe le Verbe-Logos, dont l’identité avec le Principe suprême est clairement établie et rappelle l’identification formelle de Jésus au Verbe… mais il applique au Prophète pp. 106-107 sa démonstration du syllogisme (qui tire une preuve sans apport d’éléments extérieurs) et même le hadith selon lequel Dieu dit : J’étais un Trésor caché ; Je n’étais point connu. Or J’aimai à être connu ; alors Je produisis une création aux êtres de laquelle Je Me rendis connu, en sorte que, par Moi, ils M’ont connu.
L’ensemble de ce commentaire introduit, par sa mise en résonnance aussi bien des grands textes religieux de l’humanité (ainsi le Tao pour la Trinité) que de la valeur numérique des lettres, à ce qui est décisif en Islam, vie quotidienne et comportements socio-politiques : « la science des lettres ». L’Islam n’est pas la religion de la fatalité, mais de la connaissance, et le dialogue précis entre chrétiens et musulmans gagnerait à se fonder sur la prière et sur les textes, non plus seulement sur la bonne volonté ou les considérations humanistes de chacun à propos de la paix ou de la dignité humaine. Aller ensemble au cœur de la révélation (BFF . 30 V 10).

jeudi 27 mai 2010

lettre à mon frère de sang et aîné sur deux binômes


Nous avons aimé ta présence et nos dialogues. Je reviens sur certains moments, car si nous ne nous revoyons qu’au mois d’Août…

Tu me dis plus homme de désir que de plaisir. Tu suggères, pour l'éducation de notre fille, que je n'ai pas autorité mais pouvoir.

Plaisir et désir… tu auras des éléments dans le manuscrit donné à Charlotte et à Maman ; ce fut écrit en 1988, en quelques jours. J’ai la jouissance contemplative : sexuellement, le corps féminin, d’où les photos. de nu ; spirituellement en m’arrêtant longuement à une seule « chose » ou un seul dialogue. J’aime l’immédiateté du poème, de l’entente. Je suis revenu aujourd’hui et sans doute lors de ma double expérience (douloureuse mais bonifiante) qu’a été le choix Hélène/Edith, de la beauté comme attendue absolument et finalement. Beaucoup de « gens » et notamment des religieux sont épris de beauté (ou de perfection, ce qui revient à peu près au même, quoique ce soit d’objet apparemment différent). D’abord l’expérience de l’évanescence et de la « cyclité » de la beauté même chez des femmes, appréciées comme belles, bien entendu la relativité du « jugement »de beauté. Celle qu’on croit belle, et qui l’est objectivement selon nos canons propres appuyés par la mode dont nous sommes tributaires, ne l’est pas vingt-quatre heures sur vingt-quatre heures : éclipses, détails. Décristallisation pour celui dont l’amour était superficiel et portait sur de la superficie. Douloureuse. A l’inverse, quelqu’un, une femme pas exceptionnellement belle, charme ou pas, peut par moment être tellement transparente à son propre sourire, à son don d’elle-même, à une âme découverte, qu’elle est suprêmement belle. De visage. Quant au corps, le désir ou le culte qu’il inspire, le fait échapper à bien des crières morphologiques et autres. Plaisir de contemplation, moindre plaisir du succès, soit la conquête féminine, soit l’étape de carrière, soit l’édition du livre ou de l’article (le gros lot ou la grosse somme, je n’en ai pas l’expérience…) : succès = responsabilité = poids, précarité, contingence, interrogation sur le sens et la suite. Plutôt que désir : attente. J’ai attendu jusqu’à notre mariage et à la conception, antérieure, chronologiquement mais pas mentalement, de notre premier enfant. Je n’attendais pas « cela » depuis quarante ans, j’attendais d’être heureux de ce que j’aurais. Attente d’une confirmation de vocation, attente d’une rencontre me donnant la femme idoine. Je ne les avais pas, parce que ? mon critère était précisément que la réponse ou la rencontre me stabilisent. Or, je ne me stabilisais pas dans ces réponses, ces rencontres, ces étapes de carrière, je n’étais pas à comparer ou à chercher ailleurs – la nostalgie comparative ne m’a contraint et rapetissé dans la considération que je pouvais avoir du présent, que quelques années seulement après Nicole. Ce qui m’a été donné par et avec Edith – don de Dieu, évidemment, plus que de mon art ou de mon discernement – a été cette stabilité, ce contentement dans ce que je vis, je suis (malgré la disgrâce, le vieillissement, la panne financière). Donc contemplation-communion-pénétration et conscience d’approfondissement – attente finalement assouvie, conviendrait mieux que ton binôme plaisir-désir, mais celui-ci m’a fait beaucoup réfléchir, dans l’instant et maintenant. Merci. Je ne saurais pas, quant à moi, te définir ( ?) aussi lapidairement et au fond, aussi justement, ou presque…

Autorité et pouvoir… tu l’as entendu au sens de l’éducation des enfants, Marguerite par
exemple. On pourrait, tandis que j’y viens, le mettre aussi en politique. Tu penches pour le pouvoir. Tu ne dis pas lequel, pouvoir de contrainte ? en somme, et physique d’essence. Tandis que je préfère l’autorité, qui a quelque chose de moral, et aussi de consenti de la part de celui qui la révère, la prend pour point de repère ou s’y soumet. J’ai ressenti dès la conception de notre fille, quand il a été assuré que nous allions reecevoir un enfant, combien celui-ci était déjà libre même s’il serait apparemment notre « produit », sauf à le contraindre, à mettre en cage moralement ou physiquement, c’est-à-dire à immobiliser et en somme à tuer. Nous avons continué de le vivre à mesure ces premières années de notre fille : nous l’aimons, chacun différemment, et elle nous aime autant en couple (se glissant entre nous quand nous nous embrassons dans la journée, ou provoquant une ronde des six mains qui se tiennent) que chacun mais différemment, sans d’ailleurs jamais chercher à jouer de l’un sur l’autre, mais nous ne la ressentons pas comme nôtre, au sens de prolongement ou de possessif ou de disposition d’elle pour nous. Nous nous sentons ses accompagnateurs et ses sécurisants, ses rattrapants. Rôle de réciprocité car non seulement elle est l’un de nos sujets, toujours dépaysants, pacifiants et
distrayants, pour nos conversations en couple, mais elle nous apprend et nous apporte constamment. Pas seulement en situation prise au pied de la lettre – ses mots d’enfants, comme chaque parent en retient (comme tu le devines, en plus de son journal par lettres, qu’elle recevra vers ses 12-15 ans, selon les années de l’écriture d’origine, je tiens le registre de ses « mots ») – mais vraiment des leçons. Notamment la cohérence, la non-contradiction, la sélectivité déjà de la mémoire, et l’imagination est souvent plus cohérente et enseignante que l’apprentissage. Bien entendu, elle a déjà des secrets pour débloquer un ordinateur ou la télévision, même si c’est par hasard. Pouvoir ? je n’aime pas les fessées, pas les gifles, j’en ai donné une seule, et c’est d’ailleurs notre Ninique à tant de facettes, à qui j’en avais parlé je crois, qui m’a fait approfondir que le visage est sacré. Donc, pas de coups ni de contraintes physiques, que de l’enlever au sol, ou d’une pichentte lui effleurer le derrière, ce qui la rappelle à la réalité instantanément, alors que les cris… ou les demandes. Donc, l’autorité. A quoi tient celle-ci ? la pétition d’expérience, de déjà vêcu ou éprouvé, ne l’ébranle guère. La raison, la rationalité ? pas tellement, car l’imagination vaut la réalité, même si elle sait bien que c’est de l’imagination, la réalité étant sans doute pour elle autre chose, plus du domaine du bon sens que du concret. Le concret chez l’enfant ? l’alimentaire ? le jouet mais qui n’est pas vivant, la vive conscience de faire semblant quand on joue à la poupée. Le désir non de grandir mais de demeurer (enfant). L’autorité, dans l’expérience qu’elle me donne à vivre, tiendrait au moins pour moi, à l’affection. Elle refuse l’ordre, elle ne se laisse pas raisonner, mais elle réfélchit qu’elle me fait de la peine. Elle est plus sensible à mes promesses, que je dois tenir, qu’aux siennes qui ne font pas référence. Autorité de sa mère, elle est autre, je n’en ai pas encore parlé à Edith. Malgré cris et coups (cris des deux, coups donnés par Marguerite ou trépignements de dépit ou d’impuissance puisqu’elle n’obtient pas ce qu’elle veut, sans distanciation), le fait est qu’elles s’entendent très bien.

- textes du jour

mercredi 26 mai 2010

vous mettez votre foi et votre espérance en Dieu - textes du jour

Mercredi 26 Mai 2010



Prier… vous le savez, ce qui vous a libérés de la vie sans but que vous meniez à la suite de vos pères, ce n’est pas l’or et l’argent, car ils seront détruits[1] Deux points de départ possible pour une conversion (quotidienne) : l’appel divin ou l’irruption, parfois si forte et inattendue, qu’elle nous est émotivement sensible, ou bien la considération de ce que nous sommes et de ce qui nous véhicule. Toute créature est comme l’herbe, toute sa gloire est comme la fleur des champs : l’herbe s’est desséchée et la fleur s’est fanée, mais la parole de Dieu demeure pour toujours. Or, cette parole, c’est l’Evangile qui vous a été annoncée. Et qu’est-ce que l’évangile : pas fondamentalement un recueil de sagesses et de maximes, même s’il en contient, pas seulement un récit présentant quelqu’un de familier et mystérieux à la fois par les pouvoirs dont il est doté et prodigue les effets, et par une identité sur laquelle personne n’est fixé, pas seulement une interprétation ingénieuse de tous les écrits juifs antérieurs dont il indique avec minutie les aboutissements, les accomplissements, les vérifications prophétiques, ce serait déjà beaucoup mais serions-nous pris ? emmenés ? sauvés de nous-mêmes, du monde, des circonstances, de nos erreurs et de nos fautes ? L’Evangile annonce notre salut et certifie qu’il est déjà putativement acquis, accompli, et il nous explique comment : l’identité d’un Dieu fait homme, la révélation d’un Dieu dont la miséricorde et les desseins ne sont pas tant ses attributs ou ce que nous pouvons logiquement supposer de Lui, mais sont en acte et appliqués à notre « cas ». Foule de conséquences dont l’amour mutuel (aimez-vous intensément les uns les autres, car Dieu vous a fait renaître non pas d’une semence périssable, mais d’une semence impérissable, sa parole vivante qui demeure) et dont la joie, la paix. Un Dieu connu et connaissable, que nous pouvons approcher : pas un peuple qu’il ait ainsi traité : nul autre n’a connu ses volontés. D’enthousiasme néophyte, nous disons alors avec les deux impudents qui sont pourtant des premiers apôtres : accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ta gloire. D’être pris au mot ne les démonte pas, ne nous démonte pas. Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire, recevoir le baptême dans lequel je vais être plongé ? Nous le pouvons. Dénouement du dialogue, arrivée à la tranquille vérité : celui qui veut devenir grand sera votre serviteur. Celui qui veut être le premier sera l’esclave de tous. Leçon qui n’est dite qu’indirectement et qui nous fait passer du spirituel et de l’affectif, de l’attachement à Dieu à la révolution sociale. D’ailleurs, s’il y a Royaume des cieux, devenu tout proche, n’est-ce pas lié ? Car il ne s'agit pas seulement de Jacques et Jean mais de l'ensemble de la société des apôtres, les premiers téméraires et les autres à la jalousie immédiate et à la bonne conscience indignée.

[1] - 1ère lettre de Pierre XI 18 à 25 ; psaume CXLVII ; évangile selon saint Marc X 32 à 45

mardi 25 mai 2010

- textes du jour

soyez comme des enfants, cessez de modeler vos désirs sur ceux que vous aviez autrefois - textes du jour

Mardi 25 Mai 2010



Prier [1]beaucoup de premiers seront derniers, et les derniers seront les premiers. La traduction serait à contrôler, puisque les inversion des rangs et des rôles est absolue pour les démunis et les pauvres, relative pour les bien-placés. Nicodème est riche, la chef d’entreprise de filature à Philippes, qui accueille Paul est riche. Mais chacun pour suivre l’évangile a renoncé à une part ou à la totamité de ce qui lui tient à cœur, itinéraire de chacun impénétrable entre humains. Les anges eux-mêmes voudraient bien scruter ce message. Préparez donc votre esprit pour l’action. Le temps de la Pentecôte, et pour l’humanité nous y sommes en permanence, celui de la promesse a changé de nature et d’objet, et celui si court de la présence humaine du Fils de Dieu parmi nous, ne nous est plus contemporain que par l’esprit, le temps de la Pentecôte est celui du discernement et de l’action. Pour quoi faire ? réponse : à l’image du Dieu saint qui vous a appelés, soyez saints. Nous sommes donc dans le Royaume, j’en suis ressortissant mais en suis-je citoyen, ai-je revêtu l’habit de noces ? Mettez toute votre espérance dans la grâce. Il y a, dans les écrits de Pierre, une immédiateté, une netteté qui en font vraimnet (quoi d’étonnant puisque c’est son rôle depuis qu’il a commencé de suivre son Maître et Seigneur), le modèle des pasteurs. Ecrits attestant d’une connaissance intime de ce qu’est la vie, un cheminement spirituels, de même que ses propos dans l’évangile, systématiquement notés par ses compagnons, témoignent d’une humanité exceptionnellement banale dans sa spontanéité, exceptionnellement belle dans sa générosité, exceptionnellement précaire dans ses reniements, balourdises, incompréhensions et parfois puérilités. Cet apôtre – comme l’Eglise depuis lui et son Maître – est pour nous un chemin, mieux qu’un modèle.

[1] - 1ère lettre de Pierre I 10 à 16 ; psaume XCVIII ; évngile selon saint Marc X 28 à 31

dimanche 23 mai 2010

lecture du Coran - sourate XXVIII - Le récit 1 à 25

à reformater


soir du dimanche 23 Mai 2010

Je prends la sourate suivant les deux précédentes. Il me semble que cela se tient bien. Plus j’avance dans cette lecture, plus je me sens solidaire d’amis et de relations aux prises avec une destinée très difficile et malchanceuse pour leur pays, plus je sens que l’Islam n’est pas identitaire ni enfermant ses fidèles, qu’il n’est pas non plus un principe nationaliste, qu’il ne répond pas à l’image que beaucoup – hors ses fidèles et parfois chez ses fidèles – s’en font. Il me paraît universaliste, ouvert, intellectuellement très exigeant et pourtant accessible. Il prend directement à témoin celui qui pénètre dans le Coran. J’en suis là, et – sans doute parce que je suis de plus en plus chrétien de culture et de façon de prier – je trouve à chaque moment de lecture, d’étude et de méditation autant de plaisir que de gravité. Plaisir de l’intelligence, mais bonheur aussi d’un chemin vers Dieu, d’une description, d’une approche, d’un témoignage. Mahomet est authentique et il écrit bien... il a quelque chose à dire, qu’il ne peut retenir. Et par là, il attache.

Sourate 28 . Le récit 1 à 25

Nous te racontons, en toute vérité, à l’intention d’un peuple qui croit, l’histoire de Moïse et de Pharaon. 3 La manière de raconter Moïse et Pharaon, très différente, de celle des deux sourates précédents, qui avaient surtout une portée spirituelle. C’est écrit comme par cette Italienne paraphrasant les évangiles en dix volumes et réussissant, sans suspense, à écrire assez intuitivement et juste. La marque de Mahomet demeure : donner les pensées et arrière-pensées que la Bible suppose mais ne donne pas explicitement. Récit vivant, à relire en famille pour édifier les enfants, avec cependant les éléments du suspense : ils ne pressentaient rien 9. Le cœur de la mère de Moïse se vida. Elle aurait risqué de le montrer si nous n’avions pas raffermi son cœur pour qu’elle reste au nombre de croyants 10. Le texte suit exactement la Bible Exode ch. II mais, mieux que factuel, il donne les paroles, en plus des images, et il commente au spirituel. Ainsi, à la suite de son crime : Il dit : ‘Voici une œuvre du démon : c’est un ennemi qui égare les hommes’. Il dit : ‘Mon Seigneur ! je me suis fait tort à moi-même’. Dieu lui pardonna. Il est, en vérité, celui qui pardonne, il est le Miséricordieux. Moïse dit : ‘Mon Seigneur ! Grâce aux bienfaits dont tu m’as comblé, je ne serai jamais l’allié des criminels’. 15 . 16 . 17 Psychologie et spiritualité, dialectique du pardon et d’une certaine innocence.

Le récit me frappe par quelque chose qui est peut-être décisif. Les Hébreux, les Israëlites, les Juifs ne sont pas identifiés en tant que tels, pas désignés comme tels. Pharaon était hautain sur la terre. Il avait réparti les habitants en sections ; il cherchait à affaiblir un groupe d’entre eux 4 . Dieu lui-même dit son dessein, mais n’identifie pas et ne donne pas de nom à ce peuple, celui-ci d’ailleurs n’est pas non plus présenté comme un peuple. Nous voulions favoriser ceux qui avaient été humiliés sur la terre ; nous voulions en faire des chefs, des héritiers, nous voulions les établir sur la terre 5.6. Alors que la Bible écrit que Moïse vit aussi un Egyptien qui frappait un Hébreu, un de ses frères Exode II 11, le Coran raconte que Moïse y trouva deux hommes qui se battaient : un de ses partisans et un de ses adversaires. Celui qui était de son parti demanda son aide contre celui qui était au nombre de ses ennemis 13. D’une certaine manière, de l’anonymat religieux et ethnique. Le Coran met en scène des situations hors du temps, hors des circonstances, hors de l’histoire. Il n’est pas question non plus de la généalogie des patriarches, au moins dans ce récit des débuts de Moïse. Elliptique pour les identités, le texte est prolixe dans les dialogues, on est presque dans celui d’une pièce de théâtre ou à prendre connaissance d’un scenario de film. Génie littéraire. Là où la Bible écrit : elles vinrent puiser et remplir les auges pour abreuver le petit bétail de leur père. Des bergers survinrent et les chassèrent. Moïse se leva, vint à leur secours et abreuva le petit bétail. Exode II 16.17, le Coran raconte : Il y trouva aussi deux femmes qui se tenaient à l’écart et qui retenaient leurs bêtes. Il dit : ‘Que faites-vous, vous deux ?’. Elles dirent : ‘Nous n’abreuverons pas nos troupeaux tant que ces bergers ne seront pas partis, car notre père est très âgé’. Moïse abreuva leurs bêtes … 23.24. Ce choix du dialogue au lieu de la description ou du récit (malgré le titre de la sourate) permet d’introduire deux voix supplémentaires : celle de Dieu, et celle du priant. Les dialogues faisant évoluer la situation, le dessein de Dieu, la prière de l’homme, dessein et prière respectivement dits par Dieu et par Moïse. … puis il se retira à l’ombre. Il dit : ‘Mon Seigneur ! J’ai grand besoin du bien que tu feras descendre sur moi !’ 24. C’est du grand art et cela permet aussi la leçon spirituelle. Le Coran n’a sans doute pas les psaumes – joyau de la littérature ujniverselle et specimen décisif de psychologie humaine, version créature et version seigneur des mondes – mais il a ces paroles dans la bouche de Dieu ou dans celle des croyants. Car Moïse est tout simplement un croyant, mais Mahomet est aussi un conteur exceptionnel : une des femmes vint à lui en s’approchant timidement. 25

vous vivrez - textes du jour


Dimanche 23 Mai 2010


Prier… [1] Jésus, à l’instant d’être livré et de souffrir sa passion, s’exprime au futur et sur notre destin ultime. Il donne ainsi le sens de ce qu’il va vivre et ce dont il va mourir. Si quelqu’un m’aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui.… A un attachement d’âme et de comportement humains, Dieu répond par deux mouvements, aller vers nous et en nous, nous donner touss les moyens de cet attachement et de cette fidélité le traduisant : l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. Et Jésus n’a rien fait connaître à l’homme que ce qu’Il voit en son Père et que ce que son Père lui a commandé de révéler. Le centre, de « dispositif » de notre salut, de notre participation à la divinité, est le Christ, mais notre capacité à aller à Lui tient au don qu’Il a demandé au Père de nous faire : c’est l’Esprit Saint lui-même qui affirme à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.. … Celui qui n'a pas l’Esprit du Christ ne lui appartient pas. L’événement est tel que son commencement frappe les contemporains, ceux qui sont sur place quand se produit ce qui apparaît rétrospectivement comme la conversion des Apôtres, en tout cas comme leur mise sur pied, leur mise en route, leur soudaine disposition de l’ensemble de ce qu’ils avaient vêcu avec le Christ pendant le ministère de celui-ci. Déconcertés, émerveillés… pour les contemporains de l’événement : lorsque les gens entendirent le bruit, ils se rassemblèrent en foule… la manifestation de l’Esprit Saint est sensoriellement perceptible : Ces hommes qui parlent ne sont-ils pas tous des Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? Encore aujourd’hui, l’expérience la plus intime et la plus décisive est bien que Dieu parle notre langue et vienne habiter en nous.


[1] - Actes des Apôtres II 1 à 11 ; psaume CIV ; Paul aux Romains VIII 8 à 17 ; séquence Veni Sante Spiritus ; évangile selon saint Jean XIV 15 à 26 passim

vendredi 21 mai 2010

si je veux - textes du jour

Samedi 22 Mai 2010


... échange avec un ancien ministre de Moktar Ould Daddah : la situation mauritanienne me serre le cœur, je me sens des responsabilités envers ce pays plus que jamais, le manque de repères et le manque d’aide véritable. Le monde ne peut tenir et avancer que par la sincérité, l’espérance et cet appétit humain pour la découverte et pour la culture. Ce pays d’adoption en est plein mais il est empêché en grande partie par des préférences affichées d’une « communauté internationale » qu’en l’espèce dirige la France, mon pays de naissance dont la maladie actuelle – proche d’être mortelle mais certains pays ne meurent pas, contrairement aux logiques apparentes – dont la maladie actuelle est la non-qualité de ses dirigeants quel que soit le domaine ou la compétence. Ces gâchis sont ce qu’il y a de plus douloureux quand on regarde la vie publique d’un pays que l’on aime, ou d’où l’on est. Prier…[1] le couple Pierre et Jean, qui a donné tant de prénoms dans la vie courante et déjà deux papes, l’évangile en est fait, ce sont Marthe et Marie au masculin, mais sans que Marthe récrimine… ainsi se répandit parmi les frères, l’idée que ce disciple ne mourrait pas. Or, Jésus n’avait pas dit à Pierre : ‘Il ne mourra pas’, mais : ‘Si je veux qu’il reste jusqu’à ce que je vienne, est-ce ton affaire ?’. Il me semble que je pourrai écrire un livre entier là-dessus, mais prier, le prier vaut davanatge puisque c’est la vie. D’abord, nos idées préconçues mais qui ne sont pas complètement nous-mêmes : ne pas mourir. L’immortalité serait une impasse (les contorsions de la mythologie grecque), nous voyons et vivons combien l’enfance et la jeunesse sont limitées et ne débouchent que par la maturité puis la vérité de la vieillesse, du vieillissement physique, de la bonification mentale, affective, intellectuelle, parfois proche d’une libération, d’une gangue qui éclate. Nous vivons encore davantage qu’une immortalité dans le seul parcours ou état de vieillesse serait affreuse, la lumière de nos corps et de notre chair réfugiée seulement dans notre regard, notre beauté ne pouvant plus être lue et vue que par divination, notre esprit fort du passé et de ses stocks seulement ? C’est bien de vie éternelle, donc de changement d’état, donc de passage qu’il s’agit, donc de la mort dont le Christ donne le sens et l’assurance qu’elle n’est que transition, appel. Or, c’est cela que nous voulons dans le fond. Dieu a placé en nous la nostalgie et le désir vrais. Notre manie, mais qui n’est pas non plus nous, complètement, de regarder autrui, la gamelle du voisin, les réussites (et les malheurs) d’autrui, mais nous savons et vivons que notre identité est irremplaçable à nos propres yeux,sauf pente dépressive et suicidaire qui est œuvre diabolique et n’est ni nous, ni la vie, ni Dieu. Identité qui précisément doit être l’objet de notre travail sur nous-même, travail pour nous offrir à tous, à Dieu nous indiquant notre visage (sa ressemblance) sans qui nous ne le trouvons pas, aux autres par notre créativité et notre oubli de nous-mêmes. Là… quelle matière à examen de conscience chaque soir, je vis fermé comme une coquille et négocie sans cesse comment me donner le moins possible à mes aimées et à tous. Est-ce ton affaire ? Mais cette réplique finale ne cache pas l’essentiel, Jésus à un regard particulier sur chacun des deux disciples, le chef, l’évangéliste, deux compagnons extraordinaires, sans compter le troisième qui semble avoir été l’autorité morale et le discernement indiscutés de l’Eglise première. Jésus et les siens, Jésus et nous, quelle dilection, quelle remise dans la bonne voie ! quelle paix si nous y consentons et l’espérons ! Paul demeura deux années entières dans le logement qu’il avait loué : il accueillait tous ceux qui venaient chez lui ; il annonçait le règne de Dieu et il enseignait ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ avec une assurance totale et sans rencontrer aucun obstacle. Figure de l’Eglise aux tympans de nos cathédrales, le Royaume, le règne, la création remise en ordre et en route, frémissante (pour l’islam, cet adjectif si parlant et ressassé, autant que le verbe adhérer), et Celui par qui tout arrive, devient possible (sans allusion à une certaine campagne politique…), le Christ. Figure du prêtre : du matin jusqu’au soir, Paul s’efforçait de les convaincre au sujet de Jésus, en partant de la loi de Moïse et des livres des Prophètes… la voie vers Emmaüs montrée par le Christ lui-même rejoignant les siens en chemin, dans leur propre psychologie, dans leur fonds. Il y a encore beaucoup d’autres choses que Jésus a faites, et s’il fallait rapporter chacune d’elle, je pense que le monde entier ne suffirait pas pour contenir les livres qu’on écrirait ainsi. A quoi s’ajoute, mais sans doute est-ce analogue et même sans doute est cela, vraiment ? nos vies mûes par Dieu et le désir de Lui ? l’espérance de Lui.

[1] - Actes desApôtres XXVIII 16 à 31 ; psaume XI ; évangile selon saint Jean XXI 20 à 25

Toussaint 1964 - en forêt de Compiègne

Dimanche 1er Novembre 1964


carrefour du Capitaine. dans une tente – nuit noire au dehors.

Pour la première fois, je ressens concrètement le fait que j’ai quitté la Troupe. Déjà hier soir, en allant prendre la tente CT au local, je ne me suis pas senti « chez moi » comme je le sentais pendant les trois dernières années. Les garçons que j’ai rencontrés : Olivier, Hubert, Patrick, Pascal ont été gentils, et loquaces, mais quelque chose avait changé entre nous. C’est peut-être maintenant que l’amitié pourrait naître, alors que nous n’avons plus à nous voir mais que nous pouvons nous voir. Il faut reconnaître que dans la plupart des cas, cette amitié n’existera pas. Nos rapports s’établiront plutôt – au plan plus vrai, plus efficace, mais moins sensible, moins chargé de chaleur humaine et de consolation, de la Communion des Saints. Je les porterai dans mon souvenir, dans ma prière, dans mon cœur, comme je l’ai d’ailleurs fait de plus en plus tandis que j’étais leur chef. Feront-ils de même ? Pourquoi me le demander d’ailleurs.

J’ai assisté à Saint-Jean-aux-Bois, à une messe de deux troupes scoutes à 17 heures 30. Il y a juste deux ans, la troupe campait au carrefour du Capitaine où je suis à présent (ma tente était placée au même endroit), et nous avions dit la Messe au même endroit. Nostalgie assez poignante pendant cette messe, et en entrant dans ma tente, ce soir, cette tente que n’entourent plus quatre ou cinq tentes de patrouille, cette tente d’où je n’ai plus la sensation physique de veiller sur une trentaine de garçons. A la recherche du temps perdu ? non, car je suis convaincu que des jours plus grands m’attendent, que le bonheur m’est promis, et que je suis heureux, détendu en ce moment. Je ne regrette pas, je me rappelle avec émotion.

La forêt ne m’a pas particulièrement rendu joyeux, et méditatif, cet après-midi. Et pourtant la paix et la joie sont là. Mais c’est plus profond, moins sensible, moins sentimental. J’ai le sentiment d’avoir raison d’être là. Je ne me sens absolument pas seul. Mais pas d’enthousiasme, pas de joie débordante. Simplement, l’impression d’être moi-même et en équilibre stable. Tout va bien. Je suis au calme. Au fond, on peut prier Dieu, beaucoup plus simplement qu’on ne le croit, et on peut être joyeux, beaucoup plus gravement et beaucoup moins sensiblement qu’on le croit. Ce qui m’a frappé, cet après-midi, ce ne sont pas les couleurs, les arbres, auxquels je m’attendais un peu, c’est l’ôdeur. L’ôdeur de la terre, indescriptible. L’ôdeur des feuilles. On peut – je crois – se souvenir d’une image (en en formant une pareille). Mais je crois impossible se de rappeler ou d’imaginer une ôdeur. C’est par l’odorat que al forêt s’est imposée à moi. Qu’elle est devenue réelle, et non plus imaginaire. Et il m’a fallu un chemin, pour le comprendre. Car la route goudronnée qui m’a semblé longue , et que j’ai suivie pendant deux heures, ne sentait rien.

Ciel blafard et mou. Pas de lumière. Un ciel laiteux. Mais les couleurs sont elles-mêmes. Aucune clarté. Aucune brillance ne les rehausse. Elles sont couleurs. Le rouge est rouge. L’orange est l’orange. La jaune est jaune. Tout est mat. Guère d’ombre. Pas de refets. Mais des superpositions, des additions, des tons sur tons, des plans divers, des éloignements, des perspectives. Parce que tout est immobilité. Parfois, quelque arbuste secoue ses feuilles. Et l’on entend ce bruit, comme s’il était le seul de la forêt. Ce soir, ce sont d’autres bruits qui se font entendre, avec la nuit. Comme s’ils n’attendaient que l’obscurité pour surgir, ou comme s’il fallait la nuit pour les entendre.

Que d’expériences curieuses, on fait la nuit. En revenant de Saint-Jean-aux-Bois (car j’y suis retourné après la messe pour prendre quelques poses de l’intérieur illuminé), je en voyais pas mon épaule. Tout était noir d’encre. Le seul moyen de me diriger était de sentir le chemin sous mes pieds, et les feuilles qui jonchent la fûtaie à droite et à gauche, étaient mes alliées qui grinçaient sous mes pas, dès que je perdais le chemin. Puis, tout est devenu clair, et j’ai pu arriver au carrefour. Pour retrouver ma tente, je me suis d’abord complètement perdu ou plutôt, je n’en ai pas eu l’impression. Mais ne trouvant pas, je me suis soudain vu déboucher sur un chemin. Pendant quelques secondes, je ne l’ai pas reconnu. En fait, je venais de ce chemin. C’est au fond, pendant les instants où tel ou tel obhjet très familier nous reste inconnu, qu’on le voit le mieux, car on le voit tel qu’il est. J’ai vu le chemin tel qu’il était : deux bandes de sable plus clair qui se distinguaient dans la nuit. Alors que mon chemin n’existait que charnellement, il existe en tant, comme menant de ma tente au carrefour.

Peut-être en est-il ainsi des êtres ? Ainsi, hier soir, Papa, qui m’a tenu de si beaux propos. La beauté et l’amour qui seuls comptent. C’était bouleversant. Mais je ne pouvais le comprenbdre et le goûter qu’en faisant abstraction de toute la nervosité et l’égoisme que j’ai souvent à l’égard de mon père, et qu’en essayant de découvrir un ami, un inconnu, un être très proche, très semblable, et aimé de Dieu et qui – s’appelle pourtant : Papa !
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Ce matin, à la Trinité, pendant la messe, et n’ayant pas de missel, j’ai soudain réalisé que la fête de la Toussaint était la fête de tout le monde, que c’est la fête de la Communion des saints. Et que cette communion, qui est la plus grande réalité qui soit, après celle de Dieu, et qui vient de Dieu-même, était composée des âmes du ciel, du purgatoire et des âmes militant sur cette terre. C’était aussi un peu notre fête. J’ai d’autant plus regretté de ne pouvoir communier. Surtout à la seconde messe : celle de ce soir, avec les deux troupes. J’ai d’abord eu le désir humain de m’associer à eux. Et puis aussi, j’ai réalisé à quel point une messe n’a pas de sens si on n’y communie pas.

Il est frappant de se rendre compte que le dailogue, que tout dialogue est superficiel, et que le silence à deux, le regard, ou même l’apparente indifférence sont plus chargés d’amour et de communication. Ainsi, jeudi soir, en rentrant de Chassillé, il y a quinze jours, dans l’auto., j’étais plus près que jamais d’André, lorsque nous ne parlions pas. Et les dialogues que j’ai, ces trois derniers jours, étaient beaucoup plus significatifs par la convergence de nos pensées, par le courant d’affection qui nous portait que par les paroles échangées. Mme C., Père Lamande, Papa.

Ce matin, j’ai fait le trajet Paris-Chantilly avec Bernadette S. Nous nous sommes mutuellement inspirés confiance et tout de suite, avons parlé de façon détendue, profonde et vraie. Comme c’est intéressant, et comme c’est enrichissant, pour l’un et pour l’autre.

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Merci, Seigneur, de cette journée, de la joie que tu ne m’as pas fait éprouver pour qu’elle soit plus vraie. Merci de tes arbres, de ta forêt, merci de ta bonté qui me rend ma solitude légère, alors qu’elle pourrait être insupportable. Merci du calme que tu me donnes, alors que ce pourrait être la tempête et le désespoir. Sans Toi, rien de ce qui est, ne serait. Seigneur, Tu es vivant. Seigneur, Tu es vivant, ressuscité et vivant, vivant et éternel. Et le bonheur que tu me donnes, et que tu me donneras, n’aura pas de fin. Et le regret, et la nostalgie, et la non-compréhension n’existeront plus. Et le dialogue ne signifiera plus rien puisqu’il y aura communion. Et que nous serons tous unis dans Ton père, unis dans sa lumière. Lumières reflétant sa lumière. Sources nous alimentant à la source. Et nous boirons le même vin, et nous serons une même vigne. Et ce sera la Toussaint tous les jours. Et il n’y aura plus de nuit, car le jour aura le mystère et la profondeur de la nuit, et la nuit la clarté du jour, du crépuscule à l’aurore.

Aurora lucis rutilat.

Seigneur, merci.





Lundi 2 Novembre 1964


carrefour du Capitaine, 16 heures 30

Mon sac est bouclé. Je viens de plier ma tente. Déjà, le soir tombe. Mais les couleurs n’ont jamais été si belles. A quelques mètres de moi, sur ma droite., chaque feuille a sa teinte et nulle autre ne lui ressemble. Un chêne dessine des nœuds sur le fond blanc du ciel, que tache un résineux. Tout est silence. Quelque part, pépie un oiseau. Je ne sais son nom. Il y a quelques heures, un rendez-vous de chasse encombrait le carrefour. Je revenais de Saint-Jean, et j’ai quelque temps pensé suivre la chasse. Je l’ai vite perdue sitôt que les chiens ont trouvé la piste. Toute une journée de flânerie dans la forêt. Mais pas de rêverie. Quand on regarde, quand on sent, quand on écoute, comment peut-on rêver ? alors que tout est présent, et que notre être sent si bien qu’il a sa place au milieu de tant de beauté ?

Peut-être va-t-il pleuvoir. En tout cas, dans une heure, j’espère être à Compiègne pour le train. Tout à l’heure, à l’étang de l’Etot, assis sur un tronc tombé dans l’eau, et dont seule une petite section repose au sec, j’ai vêcu la minute pour laquelle – je crois – j’étais venu en forêt. J’en ai eu la sensation si précise, que j’ai eu l’impression d’être arrivé, que cela faisait très longtemps que j’étais là, et que je resterai là bien volontiers si j’en avais le loisir.

Des feuilles de peuplier tombaient dans l’eau, avec un petit bruit sec et mat en touchant la surface. A leur rencontre montaient sur le miroir du lac, leur reflet, et j’ai pensé que c’était là un peu notre vie. Ne faire qu’un avec sa course, comme l’écrit Brasillach et, au moment où la vie s’achève, coincider avec cette image de soi-même, que Dieu a voulu de toute éternité. Devenir soi-même. Etre soi-même. C’est une curieuse convergence de toutes les philosophies que je connaisse. Mais il faut que le Christ vienne sur terre pour que nous puissions être fils de Dieu, pour que nous sachions que nous sommes faits à l’image de Dieu : alors que sans la Révélation, nous sommes prêts à penser que Dieu est fait à notre image.

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Je regarde à nouveau sur ma droite. Je m’imprègne de ces couleurs qui sont couleurs pour mon seul regard. Et je suis seul au milieu de ce carrefour, adossé au poteau blanc, et autour de moi, comme les rayons d’une roue, à partir du moyeu, les chemins s’en vont Dieu sait où, et la roue est infinie qui a sa circonférence à Pierrefonds, Compiègne, Morienval, ou encore bien loin au nord, bien loin au sud, bien loin à l’ouest, bien loin à l’est. Et je suis au centre, car Dieu a voulu que l’image de lui-même soit comme le promeneur attardé au milieu de la Création. Dieu vit que cela était bon. Seigneur, je vois que cela est bon. Seigneur, merci de cette journée, de la nuit qui tombe, lentement, de la fraîcheur, merci de ce jour d’existence.

fort est son amour pour qui le craint - vendredi 21 mai 2010

Vendredi 21 Mai 2010

Prier…[1] est-ce que tu m’aimes ? Peut-on jamais savoir si l’on aime, si l’on est aimé. La foi a besoin de signes ? l’amour aussi ? la certitude n’est pas du domaine de la constatation ou de la preuve, elle est dans la remise à l’autre de toute interprétation, de notre nudité, de notre être entier que nous-mêmes ne sommes pas, jamais capables de vraiment exprimer. Les questions de Jésus et les conclusions qu’il en tire sont complexes : m’aimes-tu plus que ceux-ci ? Sois le berger de mes agneaux. Or Jean note (pour introduire le discours après la Cène) qu’il est, quant à lui, le disciple que Jésus aimait. A la protestation d’amour de Pierre, présentée sciemment par Jean en symétrie du reniement auquel il a assisté ou dont il a entendu parler de première main, il y était… Jésus répond non par une affirmation du même ordre : moi aussi, Pierre, je t’aime… mais par une mission, une consécration : sois le berger, laquelle est concrétisée par l’annonce du martyre. Et finalement par ce qui est banal dans l’évangile, si l’on ose écrire… puisque tout avait commencé par le même appel : puis il lui dit encore, ‘suis-moi’. Simplement, parce que toute relation à Dieu : amour, don de soi, foi, mission n’est en fait qu’une réponse à un appel, et que cette réponse ne peut consister, Dieu étant Qui il est et moi, ce que je suis, qu’en la tentative de marcher dans les pas de Dieu ; heureusement, Christ, Dieu fait homme. Le reste, Dieu l’arrange, ainsi du transfert de Paul à Rome puisqu’il l'y a appelé. César paie le voyage… inattendu, mais ingénieusement provoqué. Circonstances historiques dans ma vie, appel de Dieu, mon propre apport. Et cela donne les Actes des Apôtres, tributaires de la Pentecôte : après-demain en solennité et commémoration active. Messagers du Seigneur, bénissez-le, invincibles poteurs de ses ordres. L'amour de Dieu pour son peuple, la présence du Christ au milieu de ses disciples sont tellement familiers et certains pour Pierre qu'en revanche, il n'a pas posé la question - qui est celle de tous temps pour les agnostiques, les désespérés et les distraits... mais toi, Seigneur, m'aimes-tu ? Comme le ciel domine la terre, fort est son amour pour qui le craint. Aussi loin qu'est l'orient de l'occident, il met loin de nous nos péchés.


[1] - Actes des Apôtres XXV 13 à 21 ; psaume CIII ; évangile selon saint Jean XXI 15 à 19

jeudi 20 mai 2010

lecture du Coran - sourate 26 . Les poètes

à reformater


soir du jeudi 20 Mai 2010

Je prends tout simplement la sourate suivante. A l’heure de la prière de tombée de la nuit. Les psaumes notamment et donc les « heures » monastiques se prêtent à une reconnaissance de soi, encore plus aisée, que le dévisagement de Dieu qu’ils nous donnent. Les deux exercices sont de consolation immédiate : Dieu se révèle à traits humains et nous nous assimilons au psalmiste l’accueillant ou dialoguant avec lui. D’être ainsi considérés et caractérisés, est gratifiant. Je n’ai pas encore rencontré cela dans le Coran : exigence du texte et de l’ « appel », puisque Coran signifie cela.
Mais cherchant le texte, je suis arrêté par la sourate précédente qui semble traiter avec plus d’ampleur la geste de Moïse et le drame de Sodome et Gomorrhe. Sourate XXVI jumelle par anticipation de la XXVII.

Sourate 26 . Les poètes

Des décalques de la sourate suivante, ou plutôt la réalisation du conseil divin : Moïse jeta son bâton et le voici : dragon véritable. Il étendit la main : et la voici blanche pour ceux qui regardaient 32-33 & Exode VII 8 à 12, puis IV 6 à 8, De même, l’expulsion de Loth par son peuple 160 à 168 ainsi que son salut, sauf celui de Sara 170-171 ou la condamnation de l’homosexualité : vous approcherez-vous des mâles de l’univers et délaisserez-vous vos épouses créées pour vous par votre Seigneur ? 165-166 et enfin l’échec de Salih chez les Thamoud.

Mais la force et l’originalité de la sourate et de l’angle choisi par le Coran sont dans l’énoncé, imagé, des relations entre les prophètes et ceux auprès de qui ils sont envoyés. Le peuple de Noé a traité les prophètes de menteurs, lorsque leur frère Noé disait : ‘Ne craindrez-vous pas Dieu ? Je suis pour vous un prophète digne de foi. Craignez Dieu et obéissez-moi ! Je ne vous demande pas de salaire. Mon salaire n’icombe qu’au Seigneur des mondes. 105 à 110. Aux seuls noms près, la même formulation pour les ‘Ad vis-à-vis de leur frère Houd 123 à 127, les Thamioud et leur frère Salih 141 à 145, et enfin le peuple de Loth et leur frère Loth 140 à 144 et les hommes d’al’Aïka avec Chut’aïb 176 à 180. Cette répétition est moins instructive que les dialogues entre Pharaon et Moïse : c’est en l’occurrence la Bible Exode VII à 10 qui est hiératique : Cependant le cœur de Pharaon s’endurcit et il ne les écouta pas, comme l’avait prédit Yahvé, qu’il sagisse du bâton changé en serpent, de l’eau changée en sang, de l’invasion des grenouilles, des moustiques, des taons, ou des ulcères, de la grêle, des sauterelles et enfin des ténèbres : il ne laissa pas partir les Israëlites. Variantes ou ajouts : c’est Yahvé qui endurcit le cœur de Pharaon. Tandis que le Coran fait dialoguer – en termes de foi – le prophète et le souverain, les deux pouvoirs. Avec cette mise en scène que Pharaon reconnaît Moïse (ce que la Bible ne suppose même pas) : Ne t’avons-nous pas élevé, tout enfant ? N’as-tu pas passé avec nous plusieurs années de ta vie ? puis tu as commis l’acte que tu as commis et tu es ingrat 18-19 et Pharaon interroge Moïse sur Dieu : Moïse dit : ‘C’est votre Seigneur et le Seigneur de vois ancêtres les plus reculés 26.

Je suis tenté à ce stade de voir – là – la faiblesse et la force du Coran. La faiblesse, car le décalque de l’argument des Apôtres vis-à-vis des Juifs : le Dieu de leurs pères et ancêtres, n’est pas transposable à aucun autre peuple, ou alors c’est revenir à l’argument de l’homme contemplant la nature, l’homme espèce et non l’homme peuple. La force, car Mahomet a dû bénéficier d’une initiation ou d’une culture bibliques très originales. Le texte de l’Exode a été très enrichi par ces dialogues logiques – mais inattendus pour un chrétien – entre Pharaon donc et Moïse, avec l’entourage des conseillers et des magiciens. On est dans le vif du sujet quand Moïse conclut la première passe d’armes : Si tu adoptes un autre dieu que moi, je te ferai mettre en prison (ce ne peut être dans la bouche d’un Egyptien du premier millénaire, mais au contraire dans celle de César et des Romains). – Et si je t’apportais une chose évidente ? – Apporte-la, si tu es véridique ! 29 à 31.

Série d’épreuves, mais le Coran – dans cette sourate au moins ne retient que celle du bâton 43 à 45 cf. Exode VII 8 à 14 et n’évoque pas les « dix plaies d’Egypte ». Unique épreuve qui aboutit à la conversion des magiciens ; ceux-ci ont aussitôt les dires et le comportement des Maccabées ou Martyrs d’Israël: Je vous ferai couper la main droite et le pied gauche, puis je vous ferai crucifier – Ce ne serait pas un mal, car c’est vers notre Seigneur que nous nous tournons. Nous croyons au Seigneur des mondes ! Le Seigneur de Moïse et d’Aaaron 49, 50, 47, 48. Le passage de la mer Rouge est le second des signes 61 à 66. Dès lors le Coran peut scander : il y a vraiment là un signe, mais la plupart des hommes ne sont pas croyants 103, 121, 158, 174, 190. Réponse des hommes : clivage, mûe dans une vie. J’étais au nombre des égarés 20 nous étions dans un égarement manifeste… seuls des criminels nous ont égarés 97 & 99 pardonne à mon père, il était au nombre des égarés 86. Commentaires proches de ceux du Christ : Ils tendent l’oreille mais la plupart d’entre eux sont menteurs 223. Signes et avertissements : nous n’avons détruit aucune cité qui n’ait entendu des avertisseurs, et un rappel 208-209 Noé comme plus tard Mahomet assure : Je ne suis qu’un avertisseur 115 certes de châtiments pour ceux qui se refusent : nous avons englouti ceux qui les poursuivaient… nous avons ensuite noyé les autres… nous les avons anéantgis… le châtiment les saisit… ce fut le châtiment d’un jour terrible 66, 120, 135 & 158, 189 mais surtout de Dieu-même : Ton Seigneur est, en vérité, le Tout-Puissant, le Miséricordieux 9, 68, 104, 122, 140, 175, 191.

Cette très intéressante et attachante sourate – résumé méthodologique du Coran, me semble-t-il – se revendique explicitement : Oui, le Coran est une révélation du Seigneur des mondes. L’Esprit fidèle (un chrétien à la veille de la solennité de la Pentecôte est sensible à ce verset, même si les commentateurs assurent qu’il s’agit de l’ange Gabriel) est descendu avec lui sur ton coeurpour que tu sois au nombre des avertisseurs – c’est une révélation en langue arabe claire 192 (savoir si c’est la seule mise en évidence explicite de la langue arabe, comme langue de la Révélation). Elle a parfois le vibrato d’un psaume de l’Ancien Testament : Confie-toi au Tout-Puissant, au Miséricordieux. Il te voit quand tu te tiens debout et quand tu te trouves parmi ceux qui se prosternent. Il est, en vérité, celui qui entend et qui sait tout ! 217 à 220.

En revanche, énigme, cette mise au pilori des poètes, à l’exception de ceux qui croient, qui accomplissent des œuvres bonnes, qui invoquent souvent le nom de Dieu 227. Donc les poètes, titre de la sourate. Chouraqui assure qu’à l’époque du Prophète, les poètes étaient plutôt hostiles à l’Islam. Soit ! ils sont suiis par ceux qui s’égarent. Ne les vois-tu pas ? Ils divaguent dans chaque vallée ; ils disent ce qu’ils ne font pas… 224 à 226. Au contraire, cette sourate qui mériterait davantage de s’intituler : Les prophètes, dit bien le destin de ceux-ci, Moïse en est le prototype : je crains qu’ils me traitent de menteur 12 ce qui sera effectivement le cas de tous 117, 141, 160, 176, 189. Ils crient au mensonge ; mais bientôt leur parviendront les prophéties concernant ce dont ils se moquent 6 Le dilemme de la foi est posé – mais en termes humains : qui ment. Le Prophète, envoyé et inspiré : l’Islam, il se peut que tu te consumes de chagrin parce qu’ils ne sont pas croyants 3. Dieu s’attestant lui-même : le christianisme et l’impossible croix pour Jésus Christ. Car la résurrection n’est pas sujet de division entre musulmans et chrétiens (le jour où les hommes seront ressuscités 87) alors qu’elle l’était entre Juifs… une seule résurrection fait problème : celle du crucifié. Le problème n’ayant de solution, en foi comme en logique, que dans l’identité de ce crucifié. Ce n’est pas le thème de cette sourate puisque les prophètes et ceux qui les suivent, échappent à leurs ennemis et ceux-là sont châtiés.

ainsi le monde saura - textes du jour

Jeudi 20 Mai 2010


Prier… [1] que leur unité soit parfaite. Les textes chrétiens ne le disent et le souhaitent que pour les fidèles, les disciples acquis, et pour le couple humain formé par mariage. Tout le reste de l’humanité, à commencer par les Juifs est à rassembler, à aller chercher, à sauver, mais l’unité – à l’image de la trinité pour l’Eglise chrétienne, et à la ressemblance de Dieu (Dieu créa l’homme à son image, à sa ressemblance, homme et femme il les créa) pour le couple. Et à quelle fin ? pour le bonheur ? par tropisme ou nostalgie ? non : pour que le monde croit que tu m’as envoyé. Notre unité est un instrument divin, la propagation de la foi… pour qu’ils soient un comme nous sommes un, et – satisfaction divine… – pour qu’en Eglise et en couple nous réintégrions la ressemblance à Dieu : un comme nous sommes un. Nous réintégrons notre vraie nature, enfin rachetée, enfin possible. Ressemblance seul gage de vie. Parfaite c’est-à-dire éternelle. Courage, le témoignage que tu m’as rendu à Jérusalem, il faut que tu le rendes à Rome. Paul avait gagné le continent européen sur un rêve, un Macédonien l’appelait tandis qu’il demeurait à Ephèse ou en Asie mineure, même mouvement pour aller à la capitale de son époque, mais le témoignage qu’il a rendu est paradoxal à la lettre. L’évocation de la résurrection – clé du message et signe de la rédemption – a été un détonateur, le déclencheur de la division entre ses détracteurs. Paul n’a pas fait l’unité contre lui. L’unité n’est pas pour elle-même, elle n’est pas non plus intellectuelle, entre des thèses ou des idées, ou des partis. Elle est entre des personnes : je ne te prie pas seulement pour ceux qui sont là (les Douze à la dernière Cène, mois Judas qui vient de partir pour sa besogne sinistre) mais encore pour ceux qui accueilleront leur parole et croiront en moi. Nous… l’agnosticisme décide que son rêve est impossible, l’existence d’un Dieu précis, personnel, relationnel … la foi espère sa propre contagion : rêve ? ce matin, deux ambitions en une seule prière, foi et bonheur. Tu m’apprends le chemin de la vie : devant ta face, débordement de joie !

[1] - Actes des Apôtres XXII 30 à XXIII 11 ; psaume XVI ; évangile selon saint Jean XVII 20 à 26

mercredi 19 mai 2010

lecture du Coran - sourate 27 . Les fourmis

texte à re-formater pour distinguer ce qui est en citations du Coran ou de la Bible (italiques) - de ce qui est ma lecture (caractères droits)


soir du mardi 30 Mars 2010

Je viens – avec un plaisir préparé la veille, quand je l’ai choisie – à la sourate les fourmis. Je quitte donc, un moment, les sourates de la fin du livre, la fin au sens de la présentation et du classement actuels : sourates qui sont des objurgations lapidaires, pour consacrer du temps et de la méditation à un texte suivi qui m’attire car il semble présenter la version et la lecture coraniques d’une partie de l’Ancien Testament, une partie réciotative, événementielle, alors que ce n’est pas du tout le genre littéraire du Prophète ; A m’en tenir à la question de ce genre, il me semble que ce n’est pas non plus un livre de sagesse. C’est vraiment un prêche insistant pour n’être pas parjure mais au contraire adorateur conséquent et convaincu de l’Unique. D’une certaine manière, Mahomet prêche le ciel, un état de vie religieuse, une escathologie.


Sourate 27 . Les fourmis Masson & Chouraqui d’accord

Une bonne nouvelle pour les croyants. Non pas un enseignement ou une révélation qui produiraient conversion et foi nouvelles, mais un aliment pour une foi déjà acquise. Critère de celle-ci ? les adhérents qui élèvent la prière, donnent la dîme, certains de l’autre monde. 1 pas une conception de Dieu, mais un comportement, des actes. Quant à l’au-delà , il contient forcément la foi en Dieu, sans qu’y ait à décrire ou expliciter celui-ci.


soir du jeudi de l’Ascension (pour les chrétiens) 13 Mai 2010

Je me suis écarté de la structure que je souhaite pendant six semaines, j’y reviens. J’éprouve une dychotomie qui ne peut se résoudre que dans la méditation du texte. D’un côté des lectures ce mois-ci, trois livres que je crois décisifs, la biographie de Mahomet par Virgil Georghiu [1] et deux études, disant aussi bien la profondeur de ce que l’Islam apporte même à la théologie catholique (le dogme trinitaire) sur les points-mêmes de la plus essentielle divergence [2], que le méfait de lecture non empathique des Ecritures de l’autre et tournant à la haine [3], alors même que des vues sont suggestives [4]quand on ne développe que soi et non la vue qu’on a de l’autre et de sa sociologie. Le seul point que marquent ces derniers auteurs est qu’ils ont tenté de lire la Bible, alors que les détracteurs de l’Islam – dans le christianisme ou l’agnosticisme se transmettent une opinion caricaturale sans lire le Coran-même. Etant à saisir mon journal d’il y a quarante ans, j’ai moi aussi écrit au printemps de 1965 des absurdités conformistes sur l’Islam, telles que des religieux catholiques me les transmettaient et il n’y a pas six mois m’était rapportée une définition lapidaire, trop brillante et fausse de l’Islam par le cardinal Lustiger. Il est utile que dans un dialogue, chacun sache l’image que l’autre a de lui, a priori : mesure rétrospective ensuite du chemin parcouru.
Je réfléchirai, par écrit et séparément de mon présent exercice, à cette lecture – que j’ai résolu d’entreprendre et de mener à terme – lecture tranquille du Coran pour lui-même et comme s’il m’était directement adressé, tel que je suis et au moment où je suis de ma culture et de ma vie, de mes solidarités aussi avec tant d’amis musulmans, siolidarités personnelles et solidarités avec un pays précis : la Mauritanie. De l’autre côté, le texte lui-même à lire comme un apport essentiel au parcours de l’homme vers Dieu ou selon Dieu. Dans le premier cas, la discussion porte sur les conditions à remplir intimement pour être de bonne foi dans ce que l’on croit et dans ce que l’on découvre du fondement d’une croyance différente ; dans le second, le néophyte de bonne volonté avance sans le moindre secours et les résonnances se font non pas entre des passages du texte, mais entre ce texte et celui de ma foi, la Bible judéo-chrétienne, ou plus simplement entre ce texte et ce que j’en extrapole puisque cette lecture est la toute première et que je suis très loin d’aller et venir dans le Coran, et plus encore de savoir ce que la tradition ou l’exégèse disent de ce que je lis et que sans doute le musulman (arabisant) a, dans l’esprit et le cœur, quand il prie, récite, lit.

Sourate 27 . Les fourmis
Masson & Chouraqui d’accord sur cette traduction du « titre »

Une bonne nouvelle pour les croyants. Non pas un enseignement ou une révélation qui produiraient conversion et foi nouvelles, mais un aliment pour une foi déjà acquise. Critère de celle-ci ? les adhérents qui élèvent la prière, donnent la dîme, certains de l’autre monde. 1 pas une conception de Dieu, mais un comportement, des actes. Quant à l’au-delà , il contient forcément la foi en Dieu, sans qu’y ait à décrire ou expliciter celui-ci. Evidemment, je me sens en pays de connaissance, jusqu’à la dernière phrase du verset 3
Avec ses deux traductions : ils croient fermement à la vie future (Masson), certains de l’Autre monde (Chouraqui), le texte m’amène à réfléchir sur ce que les chrétiens, à la suite du Christ, appellent la vie éternelle. La vie, en fait, par excellence. Ni l’Islam, ni Israël ne disent donc et ne pensent ainsi.
Aveugler celui qui ne croit pas 4 & 5 semble tautologique ou vouloir poursuivre une vengeance. Mais qui est l’acteur ? qui dit : nous ? nous maquillons pour eux leurs œuvres (Chouraqui), nous avons embelli à leurs propres yeux les actions de ceux qui ne croient pas (Masson) : priver l’homme de discernement parce qu’il s’est perdu, pour qu’il se perde ? on verrait plutôt que ce soit une cause de cette perte et sans que Dieu, au contraire, l’ait voulu.
Moïse, premier messager, premier prophète du Coran-même, ce qui implicitement fait du Coran, bien plus qu’un successeur ou un complément de la Bible, mais bien l’englobant de la Bible, et à son origine… Tu reçois en vérité le Cora de la part d’un Sage, d’un Savant (Masson), te voilà, tu as rencontré l’Appel (le Coran) du Sage, du Savant 7 introduit par 6. Problème : Moïse n’est pas un savant, il n’est un sage que pour sa postérité spirituelle et politique. De même pour Mahomet. L’épisode du buisson ardent est traité spirituellement et pas factuellement. La Bible en a fait la première rencontre de Moïse avec Dieu, usant d’un subterfuge pour piquer sa curiosité et tester sa disponibilité. Le Coran fait du buisson ce qui aurait pour analogue dans la liturgie de la Pâque chrétienne le cierge pascal, le feu d’ouverture de la veillée : Oui, j’aperçois un feu, je vous en apporterai bientôt un nouveau (Chouraqui), une nouvelle (Masson), ou bien un tison ardent. Exhortation spirituelle en même temps que transmission : peut-être vous réchaufferez-vous ? L’ensemble est beau 7, typique des Pères de l’Eglise qui ont peut-être eu déjà cette méditation. La parole venant du buisson a deux auteurs, le premier situe le second, le second est Dieu Lui-même Deutéronome XXXIII 16 & ExodeIII 12. Ô Moïse, je suis Dieu, en vérité, le Tout-puissant, le Sage… 9 Dans la Bible, Dieu ne se nomme qu’à la demande de Moïse ayant déjà reçu son « ordre de mission » Exode III 14 et en première présentation, il se donne à reconnaître comme il l’avait fait aux patriarches : Moïse n’est pas prophète mais il reprend la lignée de ceux-ci : Je suis le Dieu de ton père, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob Exode III 6 ce qu’ignore le Coran qui anticipe sur ce que la Bible place chronologiquement plus tard : je suis en vérité celui qui pardonne et qui est miséricordieux (quoique conditionnellement) à l’égard de ceux qui ont, ensuite, remplacé un mal par un bien. 11 L’épisode du bâton 10 éprouvant Moïse est dans la Bible mais situé plus loin dans le récit au titre des arguments et preuves dont disposera devant Pharaon l’envoyé de Dieu Exode IV 2 à 5, celui de la main devenant lépreuse puis redevenant normale 12 y figure aussi Exode IV 6 à 8. Le Coran coupe court : quand nos signes leur parvinrent pour les éclairer, ils dirent : « c’est de la magie » 13 et il se présente – dans le portrait et le rôle donnés à Moïse – davantage comme le lecteur et commentateur de morceaux choisis dans la Bible que comme innovant, sauf – ce qui lui est familier et constitue son cachet, que j’apprécie beaucoup, et qui me le fait apparenter aux Pères du désert dont chronologiquement Mahomet n’est pas loin – quand il tire la leçon spirituelle : celle du bâton. Ô Moïse, n’aie pas peur ! Les prophètes n’ont jamais peur auprès de moi, à l’exception de ceux qui sont injustes 10.11 (Masson). Me voici : près de moi, les Envoyés ne craignent rien, excepté ceux qui fraudent (Chouraqui). Le Coran traite-t-il ailleurs la Pâque, le passage de la mer Rouge, les plaies d’Egypte ? à voir. La Bible, au contraire, détaille aussi bien la mission de Moïse que, oar avance, la manière dont se passeront les choses : une anticipation du divin rédempteur, plan de Dieu, mission du Fils de l’homme, accomplissement des prophéties.
Le texte va être beaucoup plus conséquent et surtout beaucoup plus variant de la Bible, à propos de Salomon (et de la reine de Saba) 15 à 44.



soir du samedi 15 Mai 2010

Je reviens simplement au texte.

Sourate 27 . Les fourmis 15 à 44

Nous avons donné une science à David et à Salomon 15 et cette science, c’est de reconnaître Dieu et la vocation à laquelle il nous appelle : Dieu qui nous a préférés. Le Coran opère une synthèse, alors que la Bible donne David dans les deux livres de Samuel ainsi que dans le 1er des Chroniques X à XXIX, et Salomon, plus parcimonieusement dans le 1er livre des Rois III à XI et aussi dans le 2ème des Chroniques I à X ; il est vrai qu’on peut conjecturer la perte d’un livre-source, l’Histoire de Salomon évoquée en 1er Rois XI 41 et surtout retrouver l’œuvre directe et ou l’inspiration des deux grands rois dans nombre de livres sapientiaux : Sagesse et Psaumes. La synthèse n’est ni littéraire ni historique, elle est centrée sur la reine de Saba et l’entrée en scène de celle-ci, dite Bilqis, est particulièrement romanesque : j’y ai trouvé une femme 23 mais celle-ci est traitée en termes de puissance seulement : elle rège sur eux, elle est comblée de tous les biens et elle possède un trône immense 23. La Bible laisse l’initiative du déplacement et de la rencontre à la reine, le Coran le donne au roi : pars avec ma lettre que voici, lance-la aux Saba puis, tiens-toi à l’écart et attends leur réponse 28 La reine n’est pas spontanée dans sa réponse ni dans son voyage, elle consulte : Qunt à moi, je vais leur envoyer un présent et je verrai ce que les émissaires rapporteront 35.
La consultation de la reine de Saba : l’affaire dépend de toi, vois donc ce que tu veux ordonner 33 cette déclaration d’incompétence des chefs du peuple veut-elle en sociologie politique d’un pays musulman ? Stratégie de la reine de Saba et comment Salomon a le comportement qu’elle prévoyait : quand les rois pénètrent dans une cité, ils la saccagent et ils font de ses plus nobles habitants les plus misérables des hommes. C’est ainsi qu’ils agissent… Nous allons marcher contre eux avec des armées, ils n’y résisteront pas, nous les chasserons de leur pays, ils seront alors misérables et humiliés. 34 & 37 Mais Salomon cherche un exécutant, deux se présentent, un ‘ifrit ou rebelle, puis quelqu’un qui détenait une certaine science du Livre 9 & 40. Salomon, en fait, veut mettre à l’épreuve sa partenaire et ne veut qu’à son trône : rendez-lui son trône méconnaissable ; nous verrons alors si elle est bien dirigée ou si elle est au nombre de ceux qui ne sont pas dirigés 8. Et la reine triomphe parce qu’elle est croyante, qu’elle a la foi et que si elle ne l’avait pas encore, elle l’embrasse : La Science nous a déjà été donnée et nous sommes soumis ! Je me suis fait tort à moi-même ; avec Salomon, je me soumets à Dieu, Seigneur des mondes 42 & 44. Etapes de la conversion et le récit se termine là, qui est l’inverse de celui de la Bible où Salomon avait étonné la reine par sa sagesse. Ici, l’héroîne est cette femme qui va de découverte en découverte jusqu’à la foi, mais pour triompher des apparences, et ne pas se contenter de la simple science (majuscule ou pas), il lui faut un mot de Salomon : on lui dit : ‘entre dans le palais !’. Lorsqu’elle l’aperçut, elle crut voir une pièce d’eau, et elle découvrit ses jambes. Salomon dit : ‘c’est un palais dallé de cristal’ 44. Le Coran, redondance de la Bible et commentaire de celle-ci soit factuellement, il est alors discutable pour le chrétien et sans doute aussi pour le juif, soit spirituellement il est alors l’un des orfèvres de la prière humaine et de la révélation.


soir du dimanche 16 Mai 2010

Spontanément, ma femme rapporte pour notre fille (cinq ans et demi) deux albums dessinés, le premier raconte l’itinéraire d’une petite Leïla, française à la seconde génération, les parents de l’Algérie à Boulogne-Billancourt [5], l’autre dans la série de « la vie privée des hommes » le récit des premiers siècles de l’Islam [6]. Je poursuis ma lecture, maintenant sans référence biblique.

Sourate 27 . Les fourmis 45 à 58

Nouvel épisode de la mission de Sâlih chez les Thamûd, elle est évoquée souvent dans le Coran, dès la sourate 7 Les hauteurs 73 & ss.Mes deux traducteurs n’ont pas de notice biographique sur ce prophète mais indiquent la tribu pré-islamique est désignée autant pour elle-même que pour la divinité qu’elle célèbre. Exhortation de l’envoyé à la paix domestique : Si seulement vous demandiez pardon à Dieu, peut-être vous serait-il fait miséricorde. 46
Là où la BibleExode XVIII 17 à XIX 29 donne un récit (le châtiment de Sodome et de Gomorrhe, l’intercession d’Abraham et la fuite de Loth) dont se déduisent le plan, la justice et la miséricorde de Dieu, le Coran – supposant l’épisode connu en version originale – commente et donne les pensées des uns et des autres, comme déjà donné par sourate 7 80 à 84. Au passage, condamnation de l’homosexualité : Vous vous approchez par concupiscence des hommes plutôt que des femmes : vous êtes ignorants 55 – ce que n’évoque pas la Bible, fort discrète (je vais descendre voir s’ils ont fait tout ce qu’indique le cri qui est monté vers moi ExodeXVIII 21, pas plus qu’elle ne suggère une expulsion de Loth par ses concitoyens : Chassez de votre cité la famille de Loth, voilà des gens qui affectent la pureté 56 et paradoxalement l’hétérosexuel est séparé d’autorité de sa femme, selon le Coran, alors que la Bible donne la perte de celle-ci du fait de sa curiosité qui la fit se retourner Exode XIX 26 après le départ de la famille au complet. Quant à l’inceste que pratiquent les filles de Loth avec leur père pour assurer une descendance (il n’y a pas d’homme dans le pays pour s’unir à nous à la manière de tout le monde. Viens, faisons boire du vin à notre père et couchons avec lui ; ainsi de notre père, nous susciterons une descendance Exode XIX 31) avec recours au vin et donc à l’ivresse (l’aînée vint s’étendre près de son père, qui n’eut conscience ni de son coucher ni de son lever Exode XIX 33), la Bible n’en fait pas un commentaire négatif de principe : la fin justifie les moyens. Ainsi, la matière des interdits, et leur degré, diffèrent-t-elles fortement entre les deux Livres. Le genre du Coran est donc spirituel au premier degré, la Bible, dans ses livres « historiques », privilégie le récit et Dieu ne parle qu’en dialogue, la morale et le sens spirituel sont réservés à d’autres livres. La législation qui peut se déduire, est littéralement plus laxiste dans la Bible, laxisme tenant aux omissions voulues davantage qu’à la tournure d’énoncés qui, eux, ne sont jamais flous.



soir du mardi 18 Mai 2010

Troisième partie de cette sourate, si originale : un commentaire ou une prolongation de l’Ancien Testament (la Bible) avec une mise en scène de Moïse, de Loth et de la reine de Saba, généralement un contre-pied dela Bible pour que l’initiative passe d’un personnage à l’autre – la mission de Silal d’application biblique mais sans doute d’origine arabe et intertribale – maintenant le retour à l’essentiel ; j’y vais dans la prière mais aussi l’excitation littéraire car le Coran est à ses sommets d’écriture et de composition quand il montre Dieu.
Sourate 27 . Les fourmis 59 à 93

Des maximes particulièrement fortes et universelles qu’aucun chrétien ne peut éluder : Ton Seigeur n’est pas inattentif à ce que vous faites 93, ou encore : Confie à toi, tu es certainement dsans la claire Vérité (Masson), abandonne-toi en Allah, tu seras dans la vérité évident (Chouraqui) 79 ni même aucun spirituel : Quiconque est bien dirigé est dirigé pour lui-même 92 Thème du « jugement dernier » que ne récuse pas le chrétien : la parole tombera sur eux, parce qu’ils ont été injustes et ils se tairont 85 ceux qui viendront en ce Jour avec une bonne action, recevront mieux encore. Ils seront à l’abri de toute frayeur. Ceux qui viendront avec une mauvaise action seront préciputés la face dans le Feu. 88 & 89
Démonstration de fond pour les Juifs : ce Coran raconte aux fils d’israël la plus grande partie des choses sur lesquelles ils ne sont pas d’accord 76 et avec les arguments qui seront plus tard ceux des déistes et de Voltaire, le reste des hommes, le monde entier est convié…le Coran d’ailleurs insiste autant, pami les œuvres et bienfaits de Dieu, sur les grâces spirituelles, notamment celle du discernement, que sur la cosmogonie ou l’architecture universelle : n’est-ce pas lui qui exauce le malheureux qui l’invoque ? n’est-ce pas lui qui vous dirige dans les ténèbres de la terre et de la mer ? n’est-ce pas lui qui a créé les cieux et la terre ? n’est-ce pas lui qui donne un commencement à la création et qui, ensuite, la renouvellera ? ne voient-ils pas que nous avons disposé la nuit pour qu’ils se reposent et le jour pour qu’ils voient clair ? 62, 63, 60, 64 & 86
Distribution des rôles enfin et description de chacun. Celui du Prophète : J’ai reçu seulement l’ordre d’adorer le Seigneur de cette cité qu’il a déclarée sacrée, j’ai reçu l’ordre d’être au nombre de ceux qui sont soumis et de réciter le Coran, je suis seulement chargé de vous avertir 91 & 92 . Celui des incrédules portaiturés très négativement :Voilà des gens qui donnent à Dieu des égaux… La plupart des hommes ne savent pas…Il y a peu d’hommes qui réfléchissent… Ils disent ‘’Quand donc cette promesse se réalisera-t-elle si vous êtes véridiques’’ 60,61, 62 & 71. Celui enfin de Dieu : ton Seigneur est plein de bonté envers les hommes, ton Seigneur connaît parfaitement ce que cachent leurs cœurs et ce qu’ils divulguent 73 & 74..
Mais l’essentiel me semble surtout dans l’affirmation en différentes formes que seule la foi sauve – diraient l’Eglise et l’Apôtre – ou autrement dit, selon le Coran, c’est l’absence de foi, l’incrédulité, le refus explicite de croire qui condamne. L’Islam introduit une forte liberté humaine, celle de croire ou celle de ne pas croire, et contrairement à la démarche et à la psychologie chrétienne qui faisant recevoir la foi par le croyant, suppose qu’à l’origine du destin humain il n’y a ni salut ni foi personnels, le baptême introduisant à l’un et à l’autre, l’Islam voit au contraire la foi originelle, tant Dieu est évident, et la possible démarche humaine seulement en incrédulité, laquelle est donc un reniement. Sans doute, à terme, arive-t-on – intellectuellement et spirituellement – à la même posture de l’homme, saisi par Dieu et croyant. Mais au jugement dernier, le critère en Islam est la foi, dans le christianisme il est les œuvres : ce que vous avez fait à l’un de ces petits … c’est à moi que vous l’avez fait ! Critère qui court tout le Livre (l’Appel) : Le jour où nous rassemblerons, de chaque communauté, une foule de ceux qui traitaient nos signes de mensonges, on les placera en rangs. Quand ils seront arrivés, Dieu leur dira : ‘N’avez-vous pas traité nos signes de mensonges, alors que vous ne les connaissiez pas ? Que faisiez-vous alors’. La Parole tombera sur eux, parce qu’ils ont été injustes, et ils se tairont. 83, 84, 85 Les œuvres nétant pas, je le note, complètement absentes de l’évaluation finale : ils ont été injustes.
Image conclusive, saisissante de réalisme et introduisant aussitôt au spirituel : Tu verras les montagnes, que tu croyais immobiles, passer comme des nuages. C’est une œuvre de Dieu : il fait bien toute chose, il est parfaitement informé de ce que vous faites. 88


[1] - Virgil Gheorghiu . La vie de Mahomet trad. du roumain par Livia Lamoure éd. française Plon 1962 & Robert Laffont 1974 . 349 pages – l’œuvre est dédiée à Jacques Benoist-Méchin

[2] - Abdel-el-Krim el-Jîlî . Un commentaire ésotérique de la formule inaugurale du Coran trad. et annoté par Jâbir Clément-François, précédé d’une introductrion générale à la Non-Dualité dans l’ésotérisme islamique (éd. Albouraq . Beyrouth . Avril 2002 . 277 pages) pp. 120 à 123

[3] - Mohamed Talbi . L’Islam n’est pas voilé, il est culte – Rénovation de la pensée musulmane (éd. Carthaginoiseries . Tunis . 1er trim. 2009 . 410 pages) pp. 212 & 206

[4] - ibid. p. 180

[5] - Valentine Goby & Roman Badel . le cahier de Leïla, de l’Algérie à Billancourt (coll. Français d’ailleurs . éd. Autrement Jeunesse . Mars 2007 . 79 pages)

[6] - Moktar Moktefi, textes & Sedat Tosun illustrations . Aux premiers siècles de l’Islam . VII°.XIII° siècles . 600.1258 ap. J.C. de Mohamed à la chute de Bagdad (Hachette Jeunesse . Novembre 1986 . 67 pages) . évoque entre autres que les fables de La Fontaine doivent beaucoup comme celui-ci le reconnaît au recueil de contes indo-iranien (Le livre de Kalila et Dsimma ou fables de Bidpaï) traduit au VIIIème siècle par Ibn Al Moukaffa, qui l’enrichit considérablement – illustration aussi de l’universalité de la langue et plus encore de l’écriture arabes

ils se jetaient au cou de Paul pour l'embrasser - textes du jour

Mercredi 19 Mai 2010


... colloque Pierre Messmer à Metz dont je suis exclu d‘intervention. Retour à un rêve dont je sortais au petit jour… ambiance peut-être d’un Sciences-Po. proche de la réalité que j’ai vêcue en 1960-1964, je m’y attristais d’être toujours hors groupe et hors organigramme, ne parvenant pas à être associé à quelque chose institutionnellement, vision d’un ascenseur à porte grillée qui fait accordéon, et d’être là avec dossiers sous le bras pour retrouver des étudiants, mais précisément personne devant l’ascenseur ni dans l’escalier et pas moi non plus. Evocation de PMF lui-même à la recherche de son statut et de l’accueil. Mutilation et frustration. Mais regard en avant… sans aucune raison objective, l’espérance n’est pas une raison mais elle donne raison. – Prier… [1] sous la garde du Christ, nos vies à la fois aimantées vers la vie éternelle et sauvées dès ici-bas par la rédemption et la sollicitude divines. Je ne suis plus alors dans une démarche de foi iu d’espérance, je suis tranquillement dans la réalité. Quand j’étais avec eux, je les gardais dans la fidélité à ton nom que tu m’as donné. J’ai veillé sur eux, et aucun ne s’est perdu. L’énigme bien sûr du destin de Judas (à laquelle ajoute peu son apocryphe), de celui qui s’en va à sa perte de sorte que l’Ecriture soit accomplie. Curieux – pieusement – de voir comment le Coran traite Judas s’il l’évoque, et comment d’une manière plus générale (point essentiel), il « raisonne » sur l’articulation entre les prophéties et la dialectique de l’Ancien Testament d’une part et la volonté explicite, l’affirmation sans cesse du Christ, puis ensuite de ses disciples, que soient accomplies ces prophéties et cette dialectique. Le Prophète participe de la révélation à sa manière que nous pouvons honorer et même scruter en tant qu’apport spirituel incontestable, mais comment lui-même peut-il se relier à l’accomplissement des Ecritures ? Point commun avec l’Islam, pourtant – que de paradoxes – la fidélité au nom de Dieu : garde mes disciples dans la fidélité à ton nom que tu m’as donné en partage, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes. Le christianisme – à la suite de son fondateur – n’est pas moins obsédé, tenu que l’Islam dans l’affirmation de l’unicité de Dieu. S’il y a association à Dieu, ce n’est pas un dieu supplémentaire, c’est tout simplement les hommes, les disciples, l’humanité accédant à l’adoption, au rachat, à la vie éternelle qui est tout simplement la vie divine, accédant à l’unité rpevée mais si rarement atteinte substantiellement et pérennement. Les effusions, l’affectivité, la cordialité – dont l’Eglise, dans son clergé, ne sait pas tout vivre sauf à le réapprendre chez ceux qu’elle enseigne : les laïcs et leurs amours de chair – ces larmes de la chair et de la tendresse sont un chemin vers cette unité et donc le pressentiment de la vie éternelle et de la vie divine. Ils se mirent tous à pleurer ; ils se jetaient au cou de Paul pour l’embrasser. Ce qui les attristait le plus, c’est la parole qu’il avait dite :’’Vous ne verrez plus mon visage ‘’. Puis on l’accompagna jusqu’au bateau. Clé, je crois en la résurrection de la chair. Chair, chemin d’âme. Crucifixion du Christ qui le confirme.
[1] - Actes des Apôtres XX 28 à 38 ; psaume LXVIII ; évangile selon saint Jean XVII 11 à 19

mardi 18 mai 2010

autrefois, quand un jeune homme s'interrogeait sur sa vocation sacerdotale ou pas


Un jeune homme d’autrefois s’interroge sur sa vocation sacerdotale ou pas.


J’ai aussi compris pendant ce mois d’Août que j’étais devant un véritable choix : devenir Saint, ou refuser de le devenir. Est-ce que je veux m’ouvrir à la Grâce de Dieu ou non. Est-ce que je veux être docile, à sa voix. Qu’est-ce que j’écoute. Mes désirs ou Lui. Voilà la première chose : je veux devenir un Saint, je veux suivre le Christ, lui faire don de moi-même, qu’il fasse de moi ce qu’Il veut. Je ne demande qu’une chose : être près de Lui, me sentir le plus souvent possible près de Lui, en Lui, environné de Son Amour, de Sa tendresse, de la joie paisible qui est signe de son passage.

Seigneur, je veux te suivre. Quoiqu’il arrive. Tout le reste est sans importance. Le chagrin que j’ai de quitter la Troupe scoute. Le concours à préparer. La vie quotidienne. Tout cela doit être sous ton regard. Ne doit pas me masquer ta Présence. Avec toi, je serai plus fort, je ne te fais pas assez confiance dans la vie quotidienne. J’essaie de me débrouiller tout seul. De porter seul mes chagrins, mes projets, mes déceptions, ma solitude, mon désir d’aimer, d’être aimé. Alors que tu frappes à la porte de mon cœur, pour prendre mon fardeau. Alors que je n’ai qu’à faire ce que tu me dis de faire.

Prêtre ou pas. Belle situation ou pas. Succès ou échec. Je veux que Tu sois l’essentiel de ma vie. je veux que Tu sois ma vie. Je veux être tien. Je veux T’aimer de plus en plus. Aide-moi, même lorsque je te renie, même lorsque je te lâche, tu sais qu’au fond de mon cœur, je continue de t’aimer. Tu m’as saisi depuis trois ou quatre ans, de façon encore plus trangible qu’avant. Je t’ai déjà trop rencontré, j’ai déjà trop goûté ta joie, je t’ai vu trop souvent à l’œuvre dans les autres, pour te renier. Fais, Seigneur, que je ne te renie jamais, que je te fasse toujours confiance au lieu d’avoir confiance en moi. Seigneur, protège-moi. Aide-moi. Augmente ma Foi, mon Espérance, mon Amour.

Apprends-moi à Te prier régulièrement pour Te connaître. Dévoile-moi Ta face à travers Ton évangile. Révèle-toi à moi. Apprends-moi à te prier.

Mardi 30 Août 1964




Si c’est cela qui m’attend tous les jours de ma vie, me plonger de tout mon esprit dans les problèmes de ce monde : politiques, économiques, sociaux. Sans penser à Dieu, sans avoir le temps de penser à Dieu. Sans pouvoir lui parler, lui dire mon amour. Et pourtant je fais mon devoir d’état. Mais cet état est-il destiné à être le mien. Si oui, Seigneur, donne-moi la grâce de ne pas me laisser envahir par toutes ces pensées, tous ces systèmes. Laisse-moi le souci de l’homme, de ton Royaume. Mais le Royaume n’est pas de ce monde. Laisse-moi y consacrer tout mon temps, dès ici-bas. Consacre-moi à ton service. Fais ce que tu veux. Exauce-moi. Donne-moi la force de te suivre où tu voudras. Equilibre-moi dans ton amour. Calme-moi dans ton amour. Fais-moi mûrir dans ton amour. Fais que je reconnaisse Ton amour.


Lundi 31 Août 1964







Christ, fais de moi ce que tu veux. Appelle-moi au sacerdoce. Mais s’il te plaît que je reste dans ce monde, je le ferais pour ton amour. Accorde-moi d’être chaque jour plus disponible à ton amour, sans préalable, si élevé soit-il. Que je sois la feuille d’automne, prête à se détacher et à suivre le courant d’air, que tu enverras au moment propîce. Apprends-moi à être disponible. Fais que je fasse le bien, du bien aux autres à travers le mal que je crois faire. Défends-moi contre le désespoir, et l’orgueil, contre les sentiments d’infériorité et de supériorité qui m’assaillent en même temps.

Appelle-moi à ton Amour. Fais que je ne te renie pas. Je t’aime, Seigneur. C’est bien vrai, je t’aime plus que tout. Tu le sais. Fais que je vive, ce que j’écris. Que mon calme, que ma Foi, que mon espérance demeurent. Que ma Joie grandisse.

Mardi 8 Septembre 1964






La femme m’est apparue deux fois aujourd’hui : sous son aspect anormal, au restaurant, ou plutôt mon regard est devenu celui d’un animal – sous son aspect plein de tendresse, de charme, de mystère : l’harmonie, la synthèse que représente pour moi V…, a revêcu quelques instants ce soir, sous les traits de Pascal Audret, dans le film Donnez-moi dix hommes désespérés, à la télévision.

Parfois, la pensée m’effleure que c’est folie que de bâtir sa vie, sour la vie intérieure, que c’est folie que de croire ce qui ne se voit pas, ce qui ne se touche pas, ce qui est invisible, ce qui est intouchable, ce qui n’existe pas. Ne pas me marier, ne pas aimer un autre être que moi, de chair et d’os. Ne pas me donner, ne pas recevoir de façon tangible. Ne pas goûter la joie du regard échangé, de l’étreinte passionnée, farouche, éternelle et qui pourtant ne dure qu’un instant, mais un instant qu’aucun temps ne connaît. Ne pas goûter le battement de cœur à la pensée de la silhouette fine et frêle qui tourne le coin de la rue. Ne pas goûter… Ignorer le baiser échangé. Ignorer la tendresse partagée. Ne pas voir les yeux bruns, noyés de larmes, noyés dans la buée de l’amour. Ne pas se sentir transfiguré, corps et âme parce que l’on aime et que l’on est aimé. Que l’on fait confiance, que l’on comprend et que l’on est compris. Que tout est donné, que l’on n’a plus rien à perdre, puisque tout est donné. Et qu’on ne fait plus qu’un puisque l’avenir est mis en commun, et que le passé ne compte plus, que le passé n’existe plus puisque l’on ne se connaissait pas.

Que tout commence, que tout finit. Que tout est vie, joie, bonheur, chanson, que l’on a trouvé puisque l’on s’est rencontré. Puis mes lèvres ont effleuré les tiennes. Puisque ma vie est à toi. Puisque je n’ai plus rien à te cacher, que je n’ai plus rien à te donner, que nous sommes à jamais silencieux, que nous sommes aveugles puisque nous sommes l’un près de l’autre, l’un dans l’autre. Que je t’aime et que tu m’aimes, que je te crois et que tu me crois. Que je veux ce que tu veux. Que la moindre parcelle de toi m’est plus précieuse que toutes les richesses du monde. Que je t’aime plus que je ne le sens. Et que cela est vrai, puisque c’est la première fois, et que le passé n’est plus. C’est le présent. Tu es mon présent. Tu te donnes. Je me donne. . Aujourd’hui, nous sommes à présent tous les deux, et à présent nous sommes à jamais.

Est-ce folie, Seigneur, que de renoncer à tout cela. Non, puisque tu le veux. Non, puisque tu existes. Non, puisque tu m’aimes. Non, puisque tu me donnes le désir, puisque tu me donnes la force de t’aimer. Non, puisque je te rencontre partout. Non, puisque tu es ma joie. Non, puisque tu es ma certitude. Non, puisque tu me fais dire : non.

Oui, Seigneur, je dis oui à ton amour, à ta volonté, à ton plan. Fais de moi ce que tu veux.

Ah ! sentir plus, pour pouvoir plus exprimer. Plus t’aimer, pour plus te dire que je t’aime. Seigneur, fais-moi t’aimer plus que moi-même, plus que cette feuille de papier, plus que ces paysages bleus et jaunes, plus que ce souvenir mélancolique et tenace, et fugace de V…, plus que mes projets, plus que ma joie, plus que mon inquiétude, plus que le sacerdoce. Seigneur, fais-moi t’aimer parce que tu es celui qui suis, parce que toi seul m’aime. Parce que tu es la lumière. Fais-moi t’aimer pour rien, parce que je ne suis rien, parce que tu es tout. Seigneur, je n’en peux plus. Forge-moi. Fais-moi ton outil.

Dimanche 4 Octobre 1964