samedi 10 mai 2008

ce qui concerne - textes du jour

Samedi 10 Mai 2008



Hier soir, 22 heures 42 + Ma déprime, sans doute la fatigue, des couchers trop tard, pas de production dans mes chantiers toujours au point mort, pas ouverts en écriture. Mais peut-être le signe d’autre chose ? Physiologique ? Une chose m’est cependant venue, à deux jours de la fête de la Pentecôte, Dieu ne me veut-Il pas davantage priant, davantage croyant, plus près de Lui, et cette douloureuse faiblesse, cette grisaille m’y amènent.

Ce matin, 07 heures 49 + Je m’éveille aussi déprimé que je m’étais mis au lit, la vanité de ce que je fais et de ce que je suis. Prier dans l’attente de ce moment – rythme des liturgies chrétiennes – de la Pentecôte. Les Actes rapportent, en termes qui pourraient être ceux des incroyants « du dehors », ce qu’entre détenteurs du pouvoir de l’époque on comprenait de la discussion entre Juifs et chrétiens : ikls avaient seulement avec lui certaines discussions au sujet de leur religion à eux, et au sujet d’un certain Jésus qui est mort, mais que Paul déclarait toujours vivant. Je remarque d’une part que ce qui finalement paraît anodin au gouverneur romain, Festus, ne le paraîtra pas au tribunal de César à Rome : condamnation à mort et exécution. Et d’autre part que notre auteur, Luc, qui a su interroger Marie, est très informé de dialogues qu’on dirait aujourd’hui au sommet. – Je m’aperçois que j’ai interverti hier les lectures d’évangile, ce qu’aucun de mes destinataires pitatifs ne m’a fait remarquer en retour… j’étais resté loin du texte, ne relevant que l’interrogation du Christ à Pierre et n’allant pas à la première lecture. Les « discours » ou les enseignements du Christ, après les repas, et non pas avant, nos liturgies d’aujourd’hui font le contraire… l’interrogation : Pierre m’aimes-tu ? ne veut pas, de la part du Christ, aboutir à la réponse connue d’avance, et qui fait le pendant, pas seulement au reniement pendant la Passion, mais aux professions de foi admirables de concision du chef des apôtres. Il s’agit bien d’une mission particulière. Avec l’incrustation d’une image forte, celle de la parabole du pasteur, des brebis, la bergerie, la brebis perdue, un résumé de tout l’enseignement sur le troupeau et sa garde. Des brebis qui n’appartiendront ni à Pierre ni à l’Eglise hiérarchique, qui sont les brebis de Dieu. Lui-même, Pierre, ne s’appartiendra plus. Les institutions ecclésiales et par extension le nouvel ordre politique qu’a ambitionné parfois le christianisme de fonder, ne sont pas pour eux-mêmes et leur perpétuation mais, en substitut provisoire de Dieu-même, une déperdition d’elle-même pour le service et la sécurité des ouailles. Déperdition de soi-même, cela commence dans notre rôle vis-à-vis de notre fille et la fonction parentale. Contemporaine de la fondation de son Eglise par Jésus, la loi romaine : elle est pour l’ordre, fin en soi, elle est appliquée par des personnes interchangeables, qui se succèdent à Césarée, par exemple. Ce que commencent le Christ puis ses Apôtres est au contraire relationnel, de l’amour mutuel, une mission de paix et de sécurité. Non pas un ordre acquis, mais un ordre à faire [1].
Et je m’aperçois – ma fatigue générale ? – que je n’ai rien interverti du tout mais que je me crois encore la veille (vendredi) du jour où nous sommes (samedi)… veille de la Pentecôte [2], dont j’attends, cette année, tant. Conclusion de l’évangile de saint Jean, l’amour de Pierre pour le Christ, mais l’amour de Jésus pour Jean… les destinées de chacun, censément indifférente de l’un à l’autre. Il y a chez Jean la sobriété de quelqu’un ayant atteint la plénitude d’une maturité, celle que donne la vraie connaissance, l’embrassement de la vérité. Jean est par excellence l’homme de la Pentecôte, structuré par l’Esprit-Saint, par une contemplation et une compréhension aussi intenses qu’il est possible à l’âme et au mental humain d’y parvenir. Conclusion aussi des Actes : Paul, censément prisonnier, ne sachant pas son sort final, prêche tranquillement avec une assurance totale et sans rencontrer aucun obstacle. Prêche qui n’est pas de morale ou de commentaire mais ce qui concerne le Seigneur Jésus Christ dont il imite les dires : il annonçait le règne de Dieu, que nous oublions totalement à notre époque, figé dans ce que nous vivons, et regardons comme intangible, surtout dans les multiples injustices, bêtises et catastrophes dont nous sommes témoins et souvent complices. Tant que nous prions pas pour que ce règne arrive, nous sommes responsables de ce qu’il tarde. A notre niveau… mais à la Pentecôte, il y eut une langue de feu par personne.

Prier, seul avec tous et en Dieu, dans le silence où seuls les oiseaux et les couleurs de nos fleurs – jamais aussi belles depuis une décennie – donnent tranquillement leur accompagnement. Prier en même temps que chantent les oiseaux, moment précis du jour et surtout de l’âme, surtout quand elle doit se hisser de l’abîme et s’oublie elle-même, oublie l’âme, et monte, simplement. La prière est un autel où tout se passe. L’homme le sait depuis toujours quand il est religieux. Jean, le plus religieux au sens moderne, c’est-à-dire (pour nous) chrétien, a le privilège, reconnu par les autres disciples, de pouvoir interroger le Christ. Celui-ci lui répond, le priant, le contemplatif, celui qui demande reçoit réponse et précisément à sa question. La mienne, en cette veille de Pentecôte, est que mes aimées et moi, et tous ceux que je rencontre ou à qui j’importe, nous recevions tous force et flamme. Vie ! Ainsi soit-il.

[1] - Actes XXV 13 à 21 ; psaume CIII ; évangile selon saint Jean XXI 15 à 19

[2] - Actes XXVIII 16 à 31 passim ; psaume XI ; évangile selon saint Jean XXI 20 à 25

Sainte Thérèse d'Avila (1515-1582), carmélite, docteur de l'Église Chemin de perfection, 17 (trad. OC, Cerf 1995, p. 760)

« --Et lui, Seigneur ? ... --Est-ce ton affaire ? Toi, suis-moi »

Dieu ne conduit pas toutes les âmes par un même chemin. Celui qui croit marcher par la voie la plus humble est peut-être le plus élevé aux yeux du Seigneur. Ainsi, parce que dans ce monastère toutes s'adonnent à l'oraison, il ne s'ensuit pas que toutes doivent être contemplatives. C'est impossible, et l'ignorance de cette vérité pourrait jeter dans la désolation celles qui ne le sont pas... J'ai passé plus de quatorze ans sans même pouvoir méditer, si ce n'est en lisant, et il doit y avoir bien des personnes dans ce cas. D'autres sont impuissantes à méditer, même à l'aide d'un livre. Elles ne sont capables que de prier vocalement : cela les fixe davantage... Il y a bien des personnes semblables. Mais si elles sont humbles, je crois qu'en fin de compte elles ne seront pas les moins bien loties : elles iront de pair avec les âmes inondées de consolations. D'une certaine manière, leur voie est même plus sûre, car nous ignorons si ces consolations viennent de Dieu ou si le démon en est l'auteur... Ces personnes qui n'ont pas de consolations marchent dans l'humilité, craignant toujours qu'il y ait de leur faute, et elles ont un soin continuel de s'avancer. En voient-elles d'autres verser une larme, aussitôt il leur semble que, si elles n'en répandent pas, c'est le signe qu'elles sont bien en retard dans le service de Dieu, alors que peut-être devancent-elles les autres de beaucoup. En effet, les larmes, quoique bonnes, ne sont pas toutes parfaites, et il y a toujours plus de sécurité dans l'humilité, la mortification, le détachement et les autres vertus. Ainsi ne craignez rien, et dites-vous que vous ne manquerez pas d'arriver à la perfection, aussi bien que les grands contemplatifs.

Thérèse d'Avila - et sans doute celle de Lisieux aussi - était dépressive. Je ne pensais pas écrivant ce que j'ai écrit hier soir et ce matin à une telle coincidence maintenant. Dans la vie - censément spirituelle - la coincidence est fréquente, elle nous parle, mais je ne crois pas qu'il faille trop s'attacher à ces coincidences. la foi n'est pas faite de trucs et elle n'est pas superstitieuse.

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