jeudi 21 février 2013

messages du dernier ou du premier moment - les papes de ce temps

 
 
Le site du Vatican donne tout depuis 1978 et en français notamment. Beaucoup sur Paul VI, un peu sur Jean XXIII mais de plus en plus rarement en français quand on remonte dans le temps. Le projet semble d'aller "jusqu'à" Léon XIII, mais c'est loin d'être fait et en sus de la numérisation, il y aura les traductions à mettre au point. J'ai envoyé à mes amis msulmans les trois audiences sur le Je crois en Dieu de Benoît XVI en arabe, j'aurais voulu en faire pour ses voeux aux ambassadeurs et aussi pour l'adresse aux gouvernants de Paul VI en clôture du concile, mais cela n'a pas été traduit...
 
 J'ai pris goût donc à y aller  www.vatican.va - l'an dernier sur la prière, le synode un peu, l'enseignement de Benoît XVI sur de grandes figures. Maintenant c'est lui que je cherche - et veux donc accompagner ces jours-ci puis ensuite - et la récurrence à ses trois prédécesseurs que j'ai beaucoup suivi en chrétien de base, mais aussi la messe des 80 ans de Paul VI, assez bien placé dans la basilique (le corps diplomatique) et surtout Jean Paul II quarante-huit heures marquantes et détendues : l'homme plus encore que le souverain pontife.
 
Voici la glâne de maintenant. Contraste : Jean Paul II commence avec la prudence... Paul VI termine avec la curiosité... et Jean Paul I en termes d'une simplicité et d'une quasi-adolescence de ton et de contenu - ne parle que d'amour et d'aimer à quelques heures de sa mort impromptue.



PAUL VI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 2 août 1978
Nous pensons qu'un désir très beau vous a poussés a cette rencontre, qu'une curiosité très noble vous a suggéré de tirer parti de cette occasion peu facile, non seulement de voir le Pape, mais encore et tout spécialement d'écouter sa parole, un peu comme à titre d'expérience (cf. Lc 2, 15) : "Voyons un peu ce que le Pape peut nous dire pour notre instruction et pour notre réconfort". Dans le monde où nous nous trouvons, le tintamarre des voix qui voudraient capter notre attention est tel qu'il n'est pas facile de comprendre quelles sont les voix vraiment dignes d'être entendues et, parmi celles écoutées, (grâce à la radio, à la presse, dans les milieux scolaires et ceux de la coexistence sociale, etc.) de distinguer les voix qui parviennent a un citoyen du monde pour le divertir, pour l'informer ou pour l'instruire. Quelles sont les voix que nous sommes obligés d'écouter, quelles sont celles qui méritent ou prétendent non seulement se faire connaître à nous, comme par exemple les voix de la culture, mais aussi qui exigent que nous les prenions comme guides de notre pensée, et surtout comme guides de notre vie ? Ces voix dominantes de notre vie, nous les appelons nos idées. Chacun a ses propres idées, et ce sont celles-ci qui classent les gens qui pensent et déterminent leur façon d'agir.
Nous savons tous à quel point, aujourd'hui, ce domaine est envahi d'une quantité d'idées qui peuvent être utiles à la culture ou à l'activité du monde social mais qui, en raison même de leur multiplicité, de leur versatilité et de la faiblesse intrinsèque de leur conformité à la vérité, engendrent une mentalité toujours incertaine et souvent superficielle. L'homme moderne s'est fortement développé dans ses connaissances, mais n'a pas toujours renforcé la solidité de sa pensée ni sa certitude de posséder la vérité. Par contre, voici l'élément caractéristique de l'enseignement de l'Eglise. L'Eglise professe et enseigne une doctrine stable et sûre. Mais, en même temps, nous devons tous nous rappeler qu'avant d'être docteur, l'Eglise est disciple. Elle enseigne une doctrine sûre, mais c'est une doctrine qu'elle même a dû apprendre. L'autorité de l'enseignement de l'Eglise ne découle pas de sa propre sagesse, ni du contrôle proprement scientifique et rationel de ce qu'elle prêche à ses fidèles ; mais du fait qu'elle annonce une Parole qui découle de la Pensée transcendante de Dieu. C'est cela, sa force et sa lumière. Comment s'appelle cette transmission incomparable de la Pensée, de la Parole de Dieu ? Elle s'appelle la foi.
A propos d'un thème d'une si grande importance et d'une telle ampleur, nous ne nous attacherons qu'à trois points en ce moment. Le premier provient de la nature même de cette connaissance: elle est, non pas contraire, mais supérieure à la raison. Le Christ s'est fait notre Maître pour nous enseigner des Vérités qui, en soi, dépassent nos facultés d'intelligence. Seuls les humbles les acceptent et, ainsi, ils vivent dans un climat de sagesse d'ordre supérieur. Souvenez-vous des paroles de l'Evangile : "Je te bénis, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre, pour avoir caché ces choses aux savants et aux intelligents et les avoir révélées aux humbles" (Mt 11, 25).
Le second point concerne la nécessité de posséder et de confesser la foi : "Sans la foi, est-il écrit dans l'Epître aux Hébreux, il est impossible de plaire à Dieu" (Hb 4, 6). Et combien de fois l'Evangile fait l'apologie de la foi, que le Seigneur trouva rare même chez ses disciples: "Homme de peu de foi — dit le Seigneur à Pierre, sur le point de se noyer — pourquoi as-tu douté" (Mt 14, 31), et il le remit à flot.
Le troisième point est un champ immense d'expérience spirituelle: Saint Paul nous le rappelle : "La foi opère au moyen de la charité" (Ga 5, 6). Ce qui veut dire que dans la foi nous trouverons la plénitude de la vie chrétienne; que nous y trouverons la force, la joie, le réconfort de la vie divine qui nous est communiquée.
Qu'il en soit ainsi pour nous !
Avec notre bénédiction apostolique.
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A un groupe de Sierra Leone
Nous saluons avec affection paternelle nos fils et nos filles de Sierra Leone, venus en pèlerinage avec l'Archevêque de Libreville et Bo et l'Evêque de Makeni. Nous vous chargeons, à votre retour, de porter nos salutations à vos familles, à vos diocèses et à toute la population de votre pays. Le Pape aime la Sierra Leone.


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JEAN-PAUL Ier
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 27 septembre 1978
"Mon Dieu, je vous aime de tout mon cœur, par-dessus toute chose. Vous, Bien infini, notre bonheur éternel et, par amour pour Vous, j'aime mon prochain comme moi-même et je pardonne les offenses reçues, ô Seigneur, que je vous aime toujours plus !".
C'est une prière très connue, entrelacée de phrases bibliques. C'est ma maman qui me l'a apprise. Encore maintenant, je la récite plusieurs fois par jour, et je vais tenter de vous l'expliquer, mot par mot, comme le ferait un catéchiste de paroisse. Nous en sommes à la troisième "lampe de sanctification" du Pape Jean XXIII : la charité. J'aime. A la Faculté de philosophie, le professeur me disait : Tu connais le campanile de St-Marc ? Oui ? Cela signifie qu'il a, de quelque manière, pénétré dans ton esprit : physiquement il est resté où il était, mais dans ton for intérieur il a imprimé comme son image intellectuelle. Toi, d'autre part, tu aimes le Campanile de Saint-Marc ? Cela signifie que, de l'intérieur, cette image te pousse, t'incline, pour ainsi dire te porte, te fait aller avec l'esprit vers le campanile qui est à l'extérieur. En somme, aimer signifie voyager, courir avec le cœur vers l'objet aimé. "L'Imitation de Jésus-Christ nous dit : qui aime "currit, volat, laetatur", court, vole, jubile (I.III, c. V, n. 4). Aimer Dieu, c'est donc voyager vers Dieu, avec le cœur. Un voyage merveilleux. Enfant, je m'extasiais devant les voyages décrits par Jules Verne (Vingt mille lieux sous les mers ; De la terre à la lune ; Le tour du monde en quatre-vingts jours, etc). Mais les voyages de l'amour envers Dieu sont infiniment plus intéressants. On les lit dans la vie des Saints. Par exemple, Saint Vincent de Paul, dont nous célébrons la fête aujourd'hui, est un géant de la charité : il a aimé Dieu mieux encore qu'un père et une mère. Il a été lui-même un père pour les prisonniers, les malades, les orphelins et les pauvres. Saint Pierre Claver, se consacrant tout à Dieu, signait comme suit : Pierre, esclave des nègres pour toujours. Le Voyage comporte également des sacrifices, mais ceci ne doit pas nous arrêter. Jésus est en croix : tu veux l'embrasser ? tu ne peux faire moins que de te pencher sur la croix et te laisser piquer par quelqu'épine de la couronne qui se trouve sur la tête du Seigneur (cf. St François de Sales, Œuvres, Annecy T. XXI, p. 153). Tu ne peux pas faire piètre figure comme le bon Saint Pierre qui savait bien crier "Vive Jésus" sur le Mont Thabor, là où régnait la joie, mais qui ne s'est même pas laissé voir aux côtés de Jésus, sur le Mont-Calvaire, où il y avait le risque et la douleur (cf. Fr. de Sales, Œuvres, T. XV, p. 140). L'amour pour Dieu est également un voyage mystérieux c'est-à-dire que je ne me mets pas en route, si Dieu ne prend pas d'abord l'initiative. "Nul ne peut venir à moi — a dit Jésus — si le Père ne l'attire (Jn 6, 44). Saint Augustin se demandait : mais alors, la liberté humaine ? c'est que Dieu, qui a voulu et édifié cette liberté, sait, Lui, comment la respecter, tout en amenant les cœurs au point qu'il a envisagé : parum est voluntate, etiam voluptate traheris ; Dieu ne t'attire pas seulement de la manière que tu voudrais, mais même de manière que tu savoures d'être attiré (Augustinus, In Jo. Evang. Tr., 26, 4). De tout mon cœur je souligne ici le terme "tout". Dans la politique le totalitarisme est déplorable. Mais dans la religion, par contre, notre totalitarisme à l'égard de Dieu va très bien. Il est écrit : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur , de toute ton âme, de toutes tes forces. Ces préceptes qu'aujourd'hui je te donne, tiens les fermes dans ton cœur ; tu les répéteras à tes fils ; tu en parleras quand tu seras assis chez toi, quand tu iras par les chemins, quand tu te coucheras et quand tu te tèveras. Tu les attacheras comme un signe sur ta main et ils serviront de fronteau entre tes yeux ; tu les inscriras sur le seuil de ta maison et sur les portes" (Deut 6, 5-9). Ce "tout" répété et soumis à la pratique avec tant d'insistance est vraiment l'étendard du christianisme maximum. Et c'est juste : Dieu est trop grand, il mérite trop de nous pour que nous puissions lui jeter, comme à un pauvre Lazzare quelques miettes de notre temps et de notre cœur. Dieu est un bien infini et il sera notre félicité éternelle : l'argent, les plaisirs, les succès de ce monde, comparés à Lui, sont à peine, des fragments de bien, de fugages moments de bonheur. Il ne serait pas sage de donner beaucoup de nous à ces choses et peu de nous à Jésus. Par-dessus toute chose. On en vient maintenant à une confrontation directe entre Dieu et l'homme, entre Dieu et le monde. Il ne serait pas juste de dire : "Ou Dieu ou l'homme". On doit aimer et Dieu, et l'homme, ce dernier, toutefois, jamais plus que Dieu ou contre Dieu ou autant que Dieu. En d'autres mots : si l'amour de Dieu doit prévaloir, il n'est pas cependant, exclusif. La Bible déclare au sujet de Jacob qu'il est un saint (Dn 3) et qu'il est aimé de Dieu (Ma 1, 2; Rm 9, 13), elle le montre engagé dans sept années de labeur pour conquérir Rachel, pour en faire son épouse ; "et elles lui semblèrent seulement quelques journées, ces années, si grand était son amour pour elle" (Gn 29, 20). François de Sales nous offre quelque commentaire à cet égard : "Jacob, écrit-il, aimait Rachel de toutes ses forces, et de toutes ses forces, il aimait Dieu ; mais, pour autant, il n'aimait pas Rachel comme il aimait Dieu, ni Dieu comme il aimait Rachel. Il aimait Dieu comme son Dieu, pardessus toute chose et plus que lui-même ; il aimait Rachel comme son épouse, par-dessus toutes les autres femmes et comme lui-même. Il aimait Dieu d'un amour absolument et souverainement suprême et Rachel d'un amour marital suprême ; de ces amours, il n'en est pas un qui soit contraire à l'autre parce que celui pour Rachel ne viole pas la suprématie de l'amour pour Dieu" (Œuvr T. V, p. 175). Et par amour pour Vous, j'aime mon prochain. Nous sommes en présence ici de deux amours qui sont des "frères jumeaux" et inséparables. Certaines personnes, il est facile de les aimer ; pour d'autres, c'est difficile ; elles nous sont peu sympathiques, elles nous ont offensés, ou fait du mal ; ce n'est que si j'aime Dieu vraiment, sérieusement, que je parviendrai à les aimer en tant que fils de Dieu, et parce que Celui-ci me le demande. Jésus a également établi la manière d'aimer le prochain : pas seulement avec sentiment, mais avec les faits. Voici comment, a-t-il dit : Je vous demanderai : J'avais faim dans la personne de mes frères les plus humbles, m'avez-vous donné à manger ? M'avez-vous rendu visite, quand j'étais malade ? (cf. Mt 25, 34 et sv.).
Le catéchisme traduit ces paroles de la Bible et d'autres dans la double liste des sept œuvres de miséricorde et des sept œuvres spirituelles. La liste n'est pas complète, et elle a besoin d'être remise à jour. Par exemple, pour les affamés, il n'est plus seulement question aujourd'hui de tel ou tel individu ; il s'agit de peuples entiers.
Nous nous souvenons tous des nobles déclarations du Pape Paul VI : "Les peuples de la faim interpellent aujourd'hui, de manière dramatique, les peuples de l'opulence. L'Eglise tressaille devant ce cri d'angoisse et appelle chacun à répondre avec amour à son propre frère (Populorum Progressio, n. 3). A ce point-là, à la charité vient s'ajouter la justice, car — disait encore Paul VI — "la propriété privée ne constitue pas un droit inconditionnel et absolu pour quiconque. Personne n'est autorisé à réserver à son usage exclusif ce qui dépasse ses besoins, alors que d'autres manquent du nécessaire" (Populorum Progressio, n. 22). Par conséquent, "toute course exténuante aux armements, devient un intolérable scandale" (Populorum Progressio, n. 53).
A la lumière de ces vigoureuses expressions, on voit combien nous sommes, individus et peuples, encore bien loin d'aimer autrui "comme nous mêmes", ce qui est le commandement de Jésus.
Un autre commandement : "Je pardonne les offenses que j'ai reçues". Il semble presque que le Seigneur donne la préséance au pardon sur le culte : "Quand donc tu présentes ton offrande à l'autel, si tu te souviens d'un grief que ton frère a contre toi, laisse-là ton offrande devant l'autel, et vas d'abord te réconcilier avec ton frère ; puis reviens, et présente ton offrande" (Mt 5, 23).
Les dernières paroles de la prière sont : Seigneur, que je vous aime de plus en plus. Il s'agit ici également de l'obéissance à un commandement de Dieu qui, dans notre cœur, a mis la soif du progrès. Des palafittes, des cavernes et des premières cabanes, nous sommes passés aux maisons, aux palais, aux gratte-ciel ; des voyages à pied, à dos de mulet, ou de chameaux, aux carosses, aux trains, aux avions. Et l'on désire progresser encore, avoir des moyens toujours plus rapides, rejoindre des objectifs toujours plus éloignés. Mais — nous l'avons vu — aimer Dieu, cela aussi est un voyage : Dieu veut qu'il soit toujours plus intense, plus parfait. Il a dit à tous les siens : "Vous êtes la lumière du monde, le sel de la terre" (Mt 5, 8) ; "soyez parfaits comme est parfait votre Père céleste" (Mt 5, 48).
Cela signifie aimer Dieu, non pas un peu, mais beaucoup, ne pas s'arrêter là où on est arrivé mais, avec Son aide, progresser dans l'amour.
Avec la bénédiction apostolique.

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JEAN-PAUL II
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 25 octobre 1978 

Lorsque, le mercredi 27 septembre, le Saint-Père Jean-Paul Ier s’est adressé à ceux qui participaient à l’audience générale, personne ne pouvait imaginer que ce serait la dernière fois. Sa mort, après trente-trois jours de pontificat, a surpris et a rempli tout le monde d’une profonde tristesse. Lui qui avait donné à l’Église une si grande joie et aux hommes une si grande espérance, a en si peu de temps accompli et achevé sa mission. Sa mort a confirmé cette parole de l’Évangile si souvent répétée : « Tenez-vous prêts, car c’est à l’heure que vous ignorez que le Fils de l’homme va venir. » (Mt 24, 44.) Jean-Paul Ier veillait toujours. L’appel du Seigneur ne l’a pas surpris. Il l’a suivi avec la même joie tremblante que le 27 août lorsqu’il avait accepté son élection au siège de Pierre.
Aujourd’hui, c’est Jean-Paul II qui, pour la première fois, se présente à vous. Quatre semaines après cette audience générale, il désire vous saluer et vous parler. Il désire donner suite aux thèmes déjà commencés par Jean-Paul Ier. Nous nous souvenons qu’il a parlé des trois vertus théologales : la foi, l’espérance et la charité. Il a fini par la charité. Celle-ci qui a fait l’objet de son dernier enseignement est la vertu la plus grande sur cette terre, comme l’enseigne saint Paul (1 Co 13, 13). Elle franchit le seuil entre la vie et la mort. Lorsque le temps de la foi et de l’espérance est terminé, en effet, celui de l’amour continue. Jean-Paul Ier est déjà passé par le temps de la foi, de l’espérance et de la charité, si magnifiquement exprimée sur cette terre, et dont la plénitude ne se révèle que dans l’éternité. Aujourd’hui, nous devons parler d’une autre vertu, parce que les notes du Pape défunt m’ont appris qu’il avait l’intention de parler non seulement des trois vertus théologales, la foi, l’espérance et la charité, mais aussi des quatre vertus dites cardinales. Jean-Paul Ier voulait parler des « sept lampes » de la vie chrétienne, comme les appelait le Pape Jean XXIII.
Eh bien ! maintenant je veux poursuivre ce plan qu’avait préparé le Pape disparu, et je vous parlerai brièvement de la vertu de prudence. Les anciens, déjà, en ont beaucoup parlé, et nous leur en devons une reconnaissance et une gratitude profondes. D’une certaine manière, ils nous ont enseigné que la valeur de l’homme doit être mesurée en fonction du bien moral qu’il réalise dans sa vie. Et c’est précisément cela qui met au premier rang la vertu de prudence. L’homme prudent, qui recherche tout ce qui est vraiment bon, s’efforce de mesurer toute chose, toute situation et toute son activité en fonction du bien moral. Est donc prudent non pas celui qui, comme on le pense souvent, sait se débrouiller dans la vie et en tirer le meilleur profit, mais celui qui sait construire toute sa vie en se conformant à ce que lui dicte sa conscience droite et en répondant aux exigences de la juste morale.
La prudence constitue ainsi la clé pour la réalisation de la tâche fondamentale que chacun de nous a reçue de Dieu. Cette tâche est la perfection de l’homme. Dieu a donné à chacun de nous son humanité. Il est nécessaire que nous répondions à cette tâche en la programmant comme il se doit.
Mais le chrétien a le droit et le devoir de considérer la vertu de prudence également dans une autre perspective. Elle est comme l’image et la ressemblance de la Providence de Dieu lui-même dans les dimensions de l’homme concret. Parce que l’homme — le livre de la Genèse nous le dit — a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Et Dieu réalise son plan dans l’histoire de la création, et surtout dans l’histoire de l’humanité. L’objectif de ce plan, comme l’enseigne saint Thomas, est le bien ultime de l’univers. Dans l’histoire de l’humanité, ce même plan devient tout simplement le plan du salut, le plan qui nous concerne tous. Au centre de sa réalisation, il y a Jésus-Christ, dans lequel se sont exprimés l’éternel amour et la sollicitude de Dieu le Père pour le salut de l’homme. C’est là, en même temps, l’expression plénière de la divine Providence.
Eh bien ! l’homme, qui est image de Dieu, doit être d’une certaine manière providence, comme l’enseigne encore saint Thomas, mais à la mesure de sa vie. Il peut participer à ce grand cheminement de toutes les créatures vers le but qui est le bien de la création. Il doit, pour nous exprimer encore davantage dans le langage de la foi, participer au plan divin de salut. Il doit cheminer vers le salut et aider les autres à se sauver. En aidant les autres, il se sauve lui-même.
A ceux qui m’écoutent, je demande que, dans cette perspective, ils pensent à leur propre vie. Suis-je prudent ? Suis-je conséquent avec moi-même et responsable ? Mon programme sert-il le vrai bien ? Sert-il le salut que le Christ et l’Église veulent pour nous ? Si un étudiant ou une étudiante, un garçon ou une fille m’écoute aujourd’hui, qu’il considère dans cette lumière son travail scolaire, ses lectures, ses intérêts ses loisirs, le milieu de ses amis et de ses amies. Si un père ou une mère de famille m’écoute, qu’il pense un peu à ses devoirs d’époux et de parent. Si un ministre ou un homme d’État m’écoute, qu’il considère le champ de ses devoirs et de ses responsabilités. Cherche-t-il le vrai bien de la société, de son pays de l’humanité, ou seulement à satisfaire des intérêts particuliers et partiels ? Si un journaliste, un écrivain ou un homme qui exerce de l’influence sur l’opinion publique m’écoute, qu’il réfléchisse sur la valeur et sur la finalité de son influence.
Et moi aussi qui vous parle, moi le Pape, que dois-je faire pour agir en homme prudent ? Je pense à la lettre d’Albino Luciani, alors patriarche de Venise, à saint Bernard. Dans sa réponse au cardinal Luciani, l’abbé de Clairvaux, qui était docteur de l’Église, rappelle avec insistance que celui qui gouverne doit être « prudent ». Alors, que doit faire le nouveau Pape pour agir avec prudence ? Il doit certainement faire beaucoup dans ce sens. Il doit toujours apprendre et méditer sur ces problèmes. Mais en dehors de cela, que peut-il faire ? Il doit prier et travailler pour avoir ce don de l’Esprit-Saint qui s’appelle le don de conseil. Que tous ceux qui souhaitent que le nouveau Pape soit le pasteur prudent de l’Église implorent pour lui le don de conseil. Et qu’ils demandent aussi ce don pour eux-mêmes par l’intercession particulière de la Mère du bon conseil. Il est en effet si souhaitable que tous les hommes se comportent avec prudence et que ceux qui détiennent le pouvoir agissent avec une vraie prudence. Et que l’Église — prudemment, affermie par les dons de l’Esprit-Saint, et en particulier le don de conseil — participe efficacement à ce grand cheminement vers le bien de tous, qu’elle montre à tous le chemin du salut éternel !

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BENOÎT XVI
ANGÉLUS
Place Saint-Pierre
Dimanche 10 février 2013

Chers frères et sœurs,
Dans la liturgie de ce jour, l’Évangile selon Luc présente le récit de l’appel des premiers disciples, avec une version originale par rapport aux deux autres Synoptiques, Matthieu et Marc (cf. Mt 4, 18-22 ; Mc 1, 16-20). L’appel, en effet, est précédé de l’enseignement de Jésus à la foule et d’une pêche miraculeuse, accomplie par la volonté du Seigneur (Lc 5, 1-6). En effet, tandis que la foule se presse sur la rive du lac de Génésareth pour écouter Jésus, Il voit Simon qui est découragé car il n’a rien pêché de toute la nuit. Il lui demande d’abord de pouvoir monter sur sa barque pour prêcher à la foule en se tenant à peu de distance de la rive ; puis, une fois la prédication terminée, il lui ordonne d’avancer en eau profonde avec ses compagnons et de jeter les filets (cf. v. 5). Simon obéit, et ils pêchent une quantité incroyable de poissons. De cette façon, l’évangéliste montre comment les premiers disciples ont suivi Jésus en se fiant à Lui, en s’appuyant sur sa Parole, accompagnée aussi par des signes prodigieux. Nous observons que, avant ce signe, Simon s’adresse à Jésus en l’appelant « Maître » (v. 5), tandis qu’ensuite, il l’appelle « Seigneur » (v. 7). C’est la pédagogie de l’appel de Dieu, qui ne regarde pas tant les qualités des élus, mais leur foi, comme celle de Simon qui dit : « Sur ta parole je vais lâcher les filets » (v. 5).
L’image de la pêche renvoie à la mission de l’Église. Saint Augustin commente à ce propos : « Deux fois les disciples se mirent à pêcher sur commandement du Seigneur : une première fois avant la passion et une autre après la résurrection. Dans les deux pêches est représentée l’Église entière : l’Église comme elle est aujourd’hui et comme elle sera après la résurrection des morts. Aujourd’hui, elle accueille une multitude impossible à dénombrer, qui inclut les bons et les mauvais ; après la résurrection elle n’inclura que les bons » (Discours 248, 1). L’expérience de Pierre, assurément singulière, est également représentative de l’appel de chaque apôtre de l’Évangile, qui ne doit jamais se décourager d’annoncer le Christ à tous les hommes, jusqu’aux extrémités du monde. En outre, le texte d’aujourd’hui fait réfléchir sur la vocation au sacerdoce et à la vie consacrée. Celle-ci est l’œuvre de Dieu. L’homme n’est pas l’auteur de sa propre vocation, mais il répond à la proposition divine ; et la faiblesse humaine ne doit pas faire peur si Dieu appelle. Il faut avoir confiance dans sa force qui agit justement dans notre pauvreté ; il faut avoir toujours plus confiance dans la puissance de sa miséricorde, qui transforme et renouvelle.
Chers frères et sœurs, que cette Parole de Dieu ravive aussi en nous et dans nos communautés chrétiennes le courage, la confiance et l’élan pour annoncer et témoigner de l’Évangile. Que les échecs et les difficultés ne conduisent pas au découragement : c’est à nous qu’il revient de jeter les filets avec foi, le Seigneur fait le reste. Confions-nous aussi à l’intercession de la Vierge Marie, Reine des Apôtres. Elle répondit avec une confiance totale à l’appel du Seigneur, bien consciente de sa petitesse : « Me voici ». Avec son soutien maternel, renouvelons notre disponibilité à suivre Jésus, Maître et Seigneur.

À l’issue de l’Angélus
Aujourd’hui, différents peuples de l’Extrême-Orient fêtent le nouvel an lunaire. Paix, harmonie et action de grâce au ciel sont les valeurs universelles célébrées en cette joyeuse circonstance, des valeurs désirées par tous pour construire sa famille, la société et la nation. Je souhaite que puissent s’accomplir pour ces peuples les aspirations à une vie heureuse et prospère. J’adresse un salut spécial aux catholiques de ces pays, afin qu’en cette Année de la foi, ils se laissent guider par la sagesse du Christ.
Demain, mémoire liturgique de la bienheureuse Vierge Marie de Lourdes, sera célébrée la Journée mondiale du malade. La célébration solennelle aura lieu au Sanctuaire marial d’Altötting, en Bavière. Par la prière et par l’affection, je suis proche de tous les malades et je m’unis spirituellement à ceux qui se rendront dans ce sanctuaire, qui m’est particulièrement cher.
Chers pèlerins francophones, la Journée mondiale du malade célébrée demain nous invite à être attentifs aux personnes qui souffrent. Par l’affection et l’aide que nous leur apportons, elles peuvent retrouver l’espérance et la confiance en Dieu qui les aime. Jésus nous a demandé de visiter les malades (cf. Mt 25,36). Profitons de l’Année de la foi pour approfondir le sens véritable de ce geste qui ne sépare pas la foi de la charité ! Que la Vierge Marie, Notre Dame de Lourdes, nous accompagne durant le Carême qui va commencer. Bon dimanche à tous !

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