samedi 23 février 2013

Benoît XVI - la messe des Cendres et paroles du secrétaire d'Etat

                                La messe des Cendres est un autre moment d’adieu : Les circonstances ont suggéré de se rassembler dans la Basilique vaticane. Ce soir, nous sommes nombreux autour de la Tombe de l’apôtre Pierre, pour demander aussi son intercession pour la marche de l’Église en ce moment particulier, renouvelant notre foi dans le Pasteur Suprême, le Christ Seigneur. Pour moi, c’est une occasion propice pour vous remercier tous, spécialement les fidèles du Diocèse de Rome, tandis que je m’apprête à conclure mon ministère pétrinien, et pour demander un souvenir particulier dans la prière. Mais l’adresse du cardinal secrétaire d’Etat donne la réaction du Sacré collège et de l’Eglise-clergé à l’annonce, à la décision de la renonciation. Comparaison, après l’expression de l’affection, avec Moïse :notre chemin, même et surtout dans les moments où les nuages s’amoncelaient dans le ciel. Nous avons tous compris que c’est vraiment l’amour profond que Votre Sainteté a pour Dieu et pour l’Église qui vous a poussé à cet acte, en révélant cette pureté d’âme, cette foi robuste et exigeante, cette force de l’humilité et de la douceur, associées à un grand courage qui ont caractérisé chaque étape de votre vie et de votre ministère, et qui peuvent venir uniquement du fait d’être avec Dieu, d’être dans la lumière de la parole de Dieu, de gravir sans cesse la montagne de la rencontre avec Lui pour ensuite redescendre dans la Cité des hommes.

HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI
Basilique Vaticane
Mercredi des Cendres, 13 février 2013
Vénérés frères,
Chers frères et sœurs !

Aujourd’hui, Mercredi des Cendres, nous commençons un nouveau chemin de Carême, un chemin qui se déroule pendant quarante jours et qui nous conduit à la joie de la Pâque du Seigneur, à la victoire de la Vie sur la mort. Suivant l’antique tradition romaine des stations de Carême, nous nous sommes réunis aujourd’hui pour la Célébration de l’Eucharistie. Cette tradition prévoit que la première statio ait lieu dans la Basilique Sainte Sabine sur la colline de l’Aventin. Les circonstances ont suggéré de se rassembler dans la Basilique vaticane. Ce soir, nous sommes nombreux autour de la Tombe de l’apôtre Pierre, pour demander aussi son intercession pour la marche de l’Église en ce moment particulier, renouvelant notre foi dans le Pasteur Suprême, le Christ Seigneur. Pour moi, c’est une occasion propice pour vous remercier tous, spécialement les fidèles du Diocèse de Rome, tandis que je m’apprête à conclure mon ministère pétrinien, et pour demander un souvenir particulier dans la prière.
Les lectures qui ont été proclamées nous offrent des aspects qu’avec la grâce de Dieu nous sommes appelés à faire devenir des attitudes et des comportements concrets au cours de ce Carême. L’Église nous propose à nouveau, surtout, le rappel fort que le prophète Joël adresse au peuple d’Israël : « Parole du Seigneur : revenez à moi de tout votre cœur, dans le jeûne les larmes et le deuil ! » (2,12). L’expression « de tout votre cœur » est soulignée. Elle signifie : du centre de nos pensées et sentiments, de la racine de nos décisions, de nos choix, de nos actions, dans un geste de liberté totale et radicale. Mais ce retour à Dieu est-il possible ? Oui, parce qu’il y a une force qui ne réside pas dans notre cœur, mais qui se dégage du cœur même de Dieu. C’est la force de sa miséricorde. Le prophète dit encore : « Revenez au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment » (v.13). Le retour au Seigneur est possible comme « grâce », parce qu’il est œuvre de Dieu et fruit de la foi que nous mettons dans sa miséricorde. Ce retour à Dieu devient réalité concrète dans notre vie seulement lorsque la grâce du Seigneur pénètre dans l’intime et le secoue, nous donnant la force de « déchirer notre cœur ». C’est encore le prophète qui fait résonner de la part de Dieu ces paroles : « Déchirez vos cœurs et non pas vos vêtements » (v. 13). En effet, de nos jours aussi, beaucoup sont prêts à « déchirer leurs vêtements » devant les scandales et les injustices – naturellement commis par les autres –, mais peu semblent disponibles à agir sur leur propre « cœur », sur leur propre conscience et sur leurs intentions, laissant au Seigneur de transformer, renouveler et convertir.
Ce « revenez à moi de tout votre cœur », ensuite, est un rappel qui implique non seulement chacun mais la communauté. Toujours dans la première lecture, nous avons écouté : « Sonnez de la trompette dans Jérusalem : prescrivez un jeûne sacré, annoncez une solennité, réunissez le peuple, tenez une assemblée sainte, rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ! Que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée quitte sa chambre ! » (v. 15.16). La dimension communautaire est un élément essentiel dans la foi et dans la vie chrétienne. Le Christ est venu « afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (cf. Jn 11,52). Le « Nous » de l’Église est la communauté dans laquelle Jésus nous réunit tous ensemble (cf. Jn 12,32) : la foi est nécessairement ecclésiale. Et il est important de le rappeler et de le vivre en ce temps du Carême : que chacun soit conscient qu’il n’affronte pas seul le chemin de pénitence, mais avec beaucoup de frères et de sœurs, dans l’Église.
Le prophète, enfin, s’arrête sur la prière des prêtres, qui, les larmes aux yeux, se tournent vers Dieu en disant : « N’expose pas ceux qui t’appartiennent à l’insulte et à la moquerie des païens ! Faudra-t-il qu’on dise : “Où donc est leur Dieu ?” » (v. 17). Cette prière nous fait réfléchir sur l’importance du témoignage de foi et de vie chrétienne de chacun de nous et de nos communautés pour manifester le visage de l’Église et comment ce visage est, parfois, défiguré. Je pense en particulier aux coups portés contre l’unité de l’Église, aux divisions dans le corps ecclésial. Vivre le Carême dans une plus intense et évidente communion ecclésiale, dépassant les individualismes et les rivalités, est un signe humble et précieux pour ceux qui sont loin de la foi ou indifférents.
« C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut ! » (2 Co 6,2). Les paroles de l’apôtre Paul aux chrétiens de Corinthe résonnent aussi pour nous avec une urgence qui n’admet ni absence ni inertie. Le terme “maintenant” répété plusieurs fois dit que ce moment ne peut être manqué, il nous est offert comme une occasion unique et qui ne se répète pas. Et le regard de l’Apôtre se concentre sur le partage par lequel le Christ a voulu caractériser son existence, assumant tout l’humain jusqu’à se charger du péché même des hommes. La phrase de saint Paul est très forte : Dieu « l’a fait péché pour nous ». Jésus, l’Innocent, le Saint, « Celui qui n’avait pas connu le péché » (2 Co 5,21), se charge du poids du péché en en partageant avec l’humanité l’issue de la mort, et de la mort de la croix. La réconciliation qui nous est offerte a eu un prix très élevé, celui de la croix élevée sur le Golgotha, où le Fils de Dieu fait homme a été suspendu. Dans cette immersion de Dieu dans la souffrance humaine et dans l’abime du mal se trouve la racine de notre justification. Le « revenir à Dieu de tout votre cœur », sur notre chemin de Carême, passe par la Croix, le fait de suivre le Christ sur la route qui conduit au Calvaire, au don total de soi. C’est un chemin sur lequel on apprend chaque jour à sortir toujours plus de notre égoïsme et de nos fermetures, pour faire place à Dieu qui ouvre et transforme le cœur. Et saint Paul rappelle comment l’annonce de la Croix résonne jusqu’à nous grâce à la prédication de la Parole dont l’Apôtre lui-même est ambassadeur ; un rappel pour nous afin que ce chemin de Carême soit caractérisé par une écoute plus attentive et assidue de la Parole de Dieu, lumière qui éclaire nos pas.
Dans la page de l’évangile de Matthieu, qui appartient à ce qu’on appelle le Discours sur la montagne, Jésus fait référence à trois pratiques fondamentales prévues par la Loi mosaïque : l’aumône, la prière et le jeûne ; ce sont aussi des indications traditionnelles du chemin de Carême pour répondre à l’invitation à « revenir à Dieu de tout son cœur ». Mais Jésus souligne comment c’est la qualité et la vérité du rapport à Dieu qui qualifie l’authenticité de chaque geste religieux. Par là il dénonce l’hypocrisie religieuse, le comportement qui veut paraître, les attitudes qui cherchent les applaudissements et l’approbation. Le vrai disciple ne sert pas lui-même ou le “public”, mais son Seigneur, dans la simplicité et la générosité : « Ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra » (Mt 6, 4.6.18). Alors, notre témoignage sera toujours d’autant plus incisif que nous rechercherons moins notre gloire et serons conscients que la récompense du juste est Dieu Lui-même, le fait d’être unis à Lui, ici-bas, sur le chemin de la foi, et, au terme de la vie, dans la paix et dans la lumière de la rencontre face à face avec Lui pour toujours (cf. 1 Co 13,12).
Chers frères et sœurs, commençons confiants et pleins de joie l’itinéraire du Carême. Que résonne en nous avec force l’invitation à la conversion, à « revenir à Dieu de tout notre cœur », en accueillant sa grâce qui fait de nous des hommes nouveaux, avec cette nouveauté surprenante qui est participation à la vie-même de Jésus. Qu’aucun de nous, donc, ne soit sourd à cet appel, qui nous est aussi adressé dans le rite austère, à la fois si simple et si suggestif, de l’imposition des cendres, que nous allons accomplir. Que durant ce temps la Vierge Marie, Mère de l’Église et modèle de chaque disciple authentique du Seigneur, nous accompagne. Amen !

PAROLES DU CARD. TARCISIO BERTONE, SECRÉTAIRE D'ÉTAT,
AU PAPE BENOÎT XVI
À LA FIN DE LA MESSE DES CENDRES
Basilique vaticaneMercredi des Cendres, 13 février 2013
Très Saint-Père,
C’est avec une grande émotion et un profond respect que non seulement l’Église mais le monde entier ont appris la nouvelle de votre décision de renoncer au ministère d’Évêque de Rome, Successeur de l’Apôtre Pierre.
Nous ne serions pas sincères, Votre Sainteté, si nous ne vous disions pas qu’il y a ce soir un voile de tristesse sur notre cœur. Au cours de toutes ces années, votre Magistère a été une fenêtre ouverte sur l’Église et sur le monde, qui a fait filtrer les rayons de la vérité et de l’amour de Dieu, pour apporter lumière et chaleur à notre chemin, même et surtout dans les moments où les nuages s’amoncelaient dans le ciel.
Nous avons tous compris que c’est vraiment l’amour profond que Votre Sainteté a pour Dieu et pour l’Église qui vous a poussé à cet acte, en révélant cette pureté d’âme, cette foi robuste et exigeante, cette force de l’humilité et de la douceur, associées à un grand courage qui ont caractérisé chaque étape de votre vie et de votre ministère, et qui peuvent venir uniquement du fait d’être avec Dieu, d’être dans la lumière de la parole de Dieu, de gravir sans cesse la montagne de la rencontre avec Lui pour ensuite redescendre dans la Cité des hommes.
Très Saint-Père, il y a quelques jours, avec les séminaristes de votre diocèse de Rome, vous nous avez offert une leçon particulière, vous avez dit qu’étant chrétiens, nous savons que l’avenir nous appartient, l’avenir appartient à Dieu, et que l’arbre de l’Église croît toujours à nouveau. L’Église se renouvelle toujours, elle renaît toujours. Servir l’Église dans la ferme conscience qu’elle ne nous appartient pas, mais qu’elle appartient à Dieu, que ce n’est pas nous qui la construisons, mais que c’est Lui ; pouvoir prononcer à notre tour avec vérité la parole évangélique : « Nous sommes des serviteurs inutiles ; nous avons fait ce que nous devions faire » (Lc 17, 10), en nous en remettant totalement au Seigneur, est un grand enseignement que, également à travers cette décision difficile, vous nous offrez non seulement à nous, pasteurs de l’Église, mais à tout le Peuple de Dieu.
L’Eucharistie est une action de grâce à Dieu. Ce soir, nous voulons rendre grâce au Seigneur pour le chemin que toute l’Église a accompli sous la conduite de Votre Sainteté et nous voulons vous dire du plus profond de notre cœur, avec beaucoup d’affection, d’émotion et d’admiration : merci de nous avoir offert l’exemple lumineux d’un ouvrier humble et simple dans la vigne du Seigneur, un ouvrier toutefois qui a su à chaque instant réaliser ce qui est le plus important: conduire Dieu aux hommes et conduire les hommes à Dieu. Merci !


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