jeudi 18 avril 2013

celui qui en mange ne mourra pas - textes du jour

Jeudi 18 Avril 2013

Hier
 
Moment du déjeuner tardif, j’y fais brûler la poêle aux pommes de terre qu’avait amoureusement préparée ma chère femme. Elle en est furieuse et désolée, vexée que je n’honore pas ce qu’elle me choisit. Tout le contraire, mais les faits, ma distraction chronique quand je travaille, sont contre moi. J’en suis triste, triste de sa tristesse. Fin d’après-midi plus belle : Bétahon avec Marguerite son amie Sarah, gentille mais apparemment promise à une beauté banale et fade, composée selon la mode des années 30. Nouveau motif de tristesse… Notre fille, au contraire, garde le secret de la femme qu’elle sera, mais ce soir, après qu’elle et Edith aient ramené l’amie chez les parents, à Rangliac, route d’Ambon à la 4xvoies où nous avions cherché Sinus, censément aperçu là plusieurs soirs de suite, elle aussi a le spleen, le coup de blues, interrogation sur ce que c’est. M’ayant d’abord mururé : j’ai plein de questions qui me trottent dans la tête. – La dérive française m’écrase, cf  blog. ce soir. Celle de la Mauritanie où les identités ethniques et sociales se crispent comme pas depuis très longtemps, aussi m’écrase. Puiss les non-considérations… Ma copie de documents diplomatiques français est reportée de publication. Ma réponse à appel à service pour des enseignements de rattrapage en expression françaose : pas d’accusé de réception. Mes notes de lecture pour le Monde diplomatique, pas d’accusé de réception. Ma participation au « forum des métiers » à Franklin pour la kermesse, inutile : mon rayonnement pas perçu, de même qu’il ne l’était pas dans mes affectations diplomatiques. Et ainsi de suite, mais à toucher ainsi le fond de la tristesse… la grosse tondeuse à gazon autoportée, grosse comme un tracteur, qu’actionne pachydermique notre bobo… le vertige que donne cet entretien frénétique depuis bientôt trois ans, pour compte de tiers, la fille qu’on ne voit autant dire jamais, les enfants et le mari encore moins, Singapour, l’Afrique du sud.et ici des horlogeries pour l’électricité et les volets roulants mimant l’habitation nocturne. Pour la première fois de notre vie, à chacun, problème aigu de voisinage. Une vie, un site, des investissements peuvent devenir en peu de temps invicables, exténuants rien que par la perception de l’hostilité, portée physiquement au plus proche de nous.
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Mais… rapprochement d’autant de Dieu… laissant sur la grève tous ces motifs, tous ces bagages de la tristesse, toutes les étiquettes que j’y colle ou … il me semble que je suis – tout simplement – accueilli. Je le ressens avec douceur. Il essuiera toute larme. Et nouvelle présentation de moi à la prière tandis que les deux petites filles jouaient et allaient-venaient sur la plage quasi-déserte, les cailloux faisant marées à eux seuls, et changés complètement par rapport à l’année dernière, d’autres couleurs et formes, d’autres textures, d’autres minéraux, ni saison, ni année, une autre espèce de cailloux, et devant le plat qui allait si loin que j’avais la sensation que cela remontait de la laisse de mer jusqu’à l’horizon, devant les étendues muettes, grises, aux reflets divers par grandes surfaces aux frontières parfois nettes, vase, eau, sable, ciel vers l’est et le sud, vers l’ouest, différent selon les azimuts, j’ai tenté comme hier matin de prier.
 
 
 
Ce matin
 
Hier, l’excellent éditorial du Monde (daté du mardi 16 : Mariage gay : radicalisation contre débat démocratique, exactement mon courriel à l’Elysée du même jour, mais sans l’avoir lu)sur l’ambiance du dernier vote sur la loi TAUBIRA tands que je reçois de Civitas puis de PCD des messages et des affirmations : « on ne lâche rien, jamais… », les deux arguments sur lesquels j’ai constamment écrit. La droite, depuis 1981, depuis qu’elle a perdu une première fois le pouvoir, a toujours considéré la gauche comme illégitime quand celle-ci l’exerce à son tour, et incapable. Pour moi,  les deux côtés sont à égalité, la légitimité ne tient pas, en l’occurrence, à l’acteur, mais au processus de son accès aux manettes. Ce qui fait le péché et l’aveuglement de la droite, c’est sa haine. Cela l’empêche même de penser, taureau dans l’arêne, tournant et écumant, sans la moindre méditation. Le second sur le projet-même, l’évidence que cela n’enlève rien à personne, et à ceux qui avaient moins, cela donne l’égalité. Les hostiles disposent pour autrui, imposent leur point de vue au nom d’un droit naturel qui est en réalité une pétition théocratique. – La réponse sur le fond est de COCTEAU [1] : j’ai pensé depuis le début que l’hostilité passionnée était en réalité un malaise intime et personnel vis à-vis du sexe, malaise qui embarrasse beaucoup, et en particulier l’Eglise menée par des hommes seulement et censément célibataires et à la chasteté « choisie ». La peur du sexe n’est pas peur de l’autre, mais peur de soi. COCTEAU l’écrit avec le rythme et la sagacité de RACINE : et pour aimer la femme il faut qu’on lui ressemble, l’alexandrin… Prier… Philippe et l’Ethiopien, grâce insigne pour chacun, la rencontre du catéchiste et du catéchisé [2] : ils desendirent dans l’eau tous les deux, et Philippe baptisa l’eunuque. Quand ils furent remontés de l’eau, l’Esprit du Seigneur emporta Philippe ; l’eunuque ne le voyait plus, mais il poursuivait sa route tout joyeux. Le baptême, l’eau et l’Esprit, l’apôtre comme Elie perdu de vue par Elisée, la joie. Le Nouveau Testament accomplissant l’Ancien, et l’Ancien dépourvu de sens si la promesse, la rédemption ne sont pas tenues, et celles-ci, pour les contemporains et pour nous, n’ayant leur explication et donc s’offrant à notre complète perception que dans la référence constante aux prophètes, à ceux qui attendaient. Les générations de l’espérance, celles de la fidélité ensuite, nos pères et nous. Jésus : personne ne peut venir à moi, si le Père qui l’a envoyé ne l’attire vers moi… clé et leçon de tout « apostolat » ou « zèle des âmes » (obsession des années 1850 à 1950), rythme de ma vie quotidienne, instant par instant, être attiré et accueillir. Ils srront instruits par Dieu lui-même. Jésus pas seulement la révélation, la parole (majuscules) divines faites homme, mais tout bonnement maître de vie spirituel, psychologue au possible, et la « fine pointe » du psychologique c’est le spirituel. Garantie, promesse, nous sommes dans nos vies selon les époques et les heures, à l’étape de l’Ancien Testament, espérer, croire, attendre : et moi, je le ressusciterai au dernier jour (alignement des croix blanches, en bois, toutes semblables sauf celles de pierre et plus grandes de la « hiérarchie » à Kergonan, le cimetière des moines, puis dans le Nouveau, toujours contemporain alors de Jésus-Christ : celui qui croit en moi a la vie éternelle…je suis le pain vivant qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Et cette décisive concrétude qui fait l’absolu du mystère chrétien (pas la révélation de Dieu et de son essence, le musulman et le juif en savent et en vivent autant que nous, mais le moyen, le lien, la relation). Le pain que je donnerai, c’est ma chair donnée pour que le monde ait la vie.


[1] -  Devant sa vérité souvent l’homme recule
Qui donc ose avouer qu’il voudrait qu’on l’encule ?
Et pourtant il n’est pas toujours efféminé
Celui qui veut la force et aime se donner
Les héros ont voulu faire l’amour ensemble
Et pour aimer la femme il faut qu’on lui ressemble
La femme doit avoir un corps humble et fécond
Mais l’homme par amour peut d’un cul faire un con.
in Pléiade, Œuvres poétiques complètes, p. 1021

[2] - Actes des Apôtres VIII 26 à 40 ; psaume LXVI ; évangile selon saint Jean VI 44 à 51

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