lundi 13 août 2012

Roms - statut-cadre proposé à l'Union européenne . 2007-2008

STATUT-CADRE
DU PEUPLE RROM
EN UNION EUROPEENNE

Document rédigé par le Réseau rrom
des activistes sur les questions juridiques et politiques (RANELPI)
Année 2000, revu en 2008

Bien qu’initialement prévu pour être adressé à l’Union européenne, le présent document est un guide précieux pour toutes les autorités nationales et internationales en Europe et il tombe à nouveau à point nommé. En effet, nous sommes en un moment crucial dans les développements européens. Les organisations intergouvernementales européennes (UE, CoE et OSCE) ont pris conscience que les questions rroms doivent être prises en considération sérieusement et traitées d’une manière efficace.
Dans ce contexte, le projet d’un Statut-cadre du peuple rrom en UE, rédigé il y a huit ans par un réseau d’activistes rroms et non-rroms et ayant reçu l’aval de spécialistes du droit international, vient comme une contribution interne. Sa plus grande caractéristique est la considération du peuple rrom comme un segment des réalités européennes et des Rroms comme des citoyens actifs et acteurs de ces réalités.
Il est vrai que la plupart des considérations exprimées dans ce Statut-cadre sont déjà mises en place en pratique dans plusieurs pays européens. Cependant, le but du présent document est de doter ces pratiques d’une forme juridique afin de faciliter les relations et les discussions entre partenaires, de réduire le risque de régression à des pratiques antérieures, moins propices aux Rroms et à promouvoir une harmonisation raisonnable des pratiques politiques ciblant les Rroms dans le domaine de l’Union européenne.


 

SommairePREAMBULE
PREMIERE PARTIE : PRINCIPES GENERAUX
Chapitre 1 — Définitions
§ 1 — Identités nationales en Europe
§ 2 — Citoyens et résidents
§ 3 — Identités nationales et nations-pivots
§ 4 — Harmonie entre les composantes nationales
Chapitre 2 — L'identité nationale rromani
§ 1 — Identités nationales sans territoire compact
§ 2 — Entrée en Union Européenne de nouvelles identités nationales sans territoire compact
§ 3 — Notion de "tsigane/Zigeuner" et "Gypsy"
§ 4 — La "nation rromani", telle qu'elle se définit
§ 5 — La "nation rromani", telle qu'elle ne se définit pas
§ 6 — La "nation rromani" en Union Europénne
§ 7 — Les notions de Rrom, Sinto et Kalo
§ 8 — Solidarités transversales
Chapitre 3 — Notion d'identité composite
§ 1 — Identité individuelle complexe et flexible
§ 2 — Identités nationales complexes et flexibles
§ 3 — La gnossodiversité
§ 4 — Synergies et conflits entre les systèmes culturels
DEUXIEME PARTIE : RESOLUTIONS PARTICULIERES D'ACTION
Chapitre 4 — Citoyenneté
Chapitre 5 — Education et recherche
§ 1 — Education à la connaissance et au respect mutuels
§ 2 — Education spécifique de la jeunesse rromani
§ 3 — Conditions de vie compatible avec la scolarisation
§ 4 — Préparation de cadres didactiques
§ 5 — Recherche
§ 6 – Financement
Chapitre 6 — Mobilité
§ 1 — Droit à la mobilité
§ 2 — Droit au stationnement
§ 3 — Droit à la reconnaissance d'un habitat mobile comme domicile
§ 4 — Droit au stationnement sur des parcelles privées
§ 5 — Droit à l'arrêt de la mobilité
§ 6 — Responsabilité des autorités du respect de ces droits
Chapitre 7 — Demandeurs d'asile, réfugiés et migrants
§ 1 — Mobilité et demande d'asile
§ 2 — Causes et caractère politique de l'exil
§ 3 — Travail en amont
§ 4 — Discernement et objectivité dans la compréhension de la question de l’asile
§ 5 — Valorisation de l'apport professionnel des réfugiés, des demandeurs d'asile et des migrants
§ 6 — Liberté du choix
§ 7 — Cas particuliers (ex-Yougoslavie)
§ 8 — Estimation de la sûreté des pays vis-à-vis des Rroms
§ 9 — Déterritorialisation des crimes racistes (cf. doc. de Louvain, 1998 – Section 3, art. 15)
§ 10 — Aide aux femmes, enfants et infirmes rroms en situation de détresse
§ 11 — Insertion des réfugiés et des migrants
§ 12 — Plan de relance de villages désertés de l'Union Européenne
Chapitre 8 — Politique générale de l'Union Européenne sur les Rroms
§ 1 — Observation de la situation des Rroms
§ 2 — Condition d'accession
§ 3 — Coopération
Chapitre 9 — Vie intellectuelle
§ 1 — Connaissance et documentation
§ 2 — Langue rromani
§ 3 — Racismologie
§ 4 — Financement
§ 5 — Egalité de traitement
Chapitre 10 — Travail, logement, hygiène, santé
§ 1 — Travail et environnement
§ 2 — Logement, hygiène et santé
§ 3 – Financement
Chapitre 11 — Représentativité, participation et autorité
§ 1 — Représentation actuelle
§ 2 — L'Union Rromani Internationale
§ 3 — Evolution de la représentativité
§ 4 — Qualités des représentants ; sectorialisation électorale
§ 5 — Primauté de l'action et de la participation sur la représentation
§ 6 — Droit coutumier
§ 7 — Parité hommes/femmes
Chapitre 12 — Symboles, couleurs etc...
§ 1 — Drapeau
§ 2 — Couleurs symboliques
§ 3 — Hymne
CONCLUSION

PREAMBULE

Le peuple rrom est depuis plus de six siècles un élément constitutif de l'Europe, à laquelle il n'a cessé d'apporter une précieuse contribution humaine, matérielle, artistique, économique, militaire et morale, trop souvent négligée. En ce début de XXIème siècle, s'appuyant sur l'héritage des siècles précédents (évolutions historiques et culturelles, persécutions, découvertes scientifiques etc...) et sur les principes de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme — Droits reconnus explicitement comme universels, il souhaite se positionner dans l'Union Européenne en s'inscrivant dans une dynamique résolument progressiste orientée vers l'intégration sociale, l'égalité des droits, le refus de l'exclusion et le respect mutuel vis-à-vis de toutes les identités et structures représentées en Europe. Il est donc souhaitable que ce Statut-Cadre soit agréé par l'Union Européenne, par ses Etats-membres et par les Etats en accession au sein de l'Union, chacun s'appuyant sur les principes généraux et les résolutions particulières d'action exposés ici pour définir avec plus de détails la position des Rroms dans son espace juridique.

PREMIERE PARTIE : PRINCIPES GENERAUX


Chapitre 1 — Définitions

§ 1 — Identités nationales en Europe

L'Union Européenne reconnaît sur l'ensemble du territoire de ses Etats-Membres l'existence de diverses identités nationales qui s'imbriquent entre elles en s'enrichissant mutuellement:
a) Il existe de toute évidence 27 identités correspondant aux 27 Etats-nations, auxquels les ressortissants sont attachés non seulement administrativement mais aussi émotionnellement, culturellement et spirituellement;
b) Il existe aussi un certain nombre d'identités qui ne correspondent pas aux limites tracées par les frontières des Etats et auxquelles les ressortissants sont attachés surtout d'un point de vue émotionnel, culturel et spirituel — dans certains Etats en outre, ces collectivités sont matérialisées d'un point de vue administratif (communautés autonomes, généralités, nationalités etc...).
c) Parmi ces identités ne correspondant pas aux limites tracées par les frontières des Etats, certaines sont dites à territoire compact (lorsque les personnes considérées constituent une partie substantielle, voire majoritaire, de la population totale dans une région de plusieurs communes) et d'autres sans territoire compact (lorsqu'il n'existe pas de région supérieure aux dimensions d'une commune où la population relevant de la dite identité constitue une partie notable de la population totale).
d) Parmi les populations relevant des identités sans territoire compact, certaines sont des diasporas d’identités avec un territoire compact situé quelque part ailleurs en Europe ou hors Europe, tandis que d’autres n’ont pas une telle référence
e) Parmi ces dernières, certaines suivent un mode de vie en partie mobile et d'autres sont entièrement sédentaires.

§ 2 — Citoyens et résidents

Les Etats-nations rassemblent dans une même administration et une même communauté d'intérêt matériel et moral non seulement leurs ressortissants (appelés citoyens) mais aussi leurs résidents habituels, qui sont étroitement liés à leurs citoyens par toute leur activité sociale et professionnelle.

§ 3 — Identités nationales et nations-pivots

Dans le cas des membres des nations qui constituent le pivot d'un Etat-nation (le plus souvent la population majoritaire), il y a coïncidence entre l'identité nationale d'Etat-nation et l'identité du groupe national qui en constitue l'axe. Lorsqu'un Etat est constitué de plusieurs nations [con]fédérées, les identités particulières sont en partie distinctes de l'identité confédérale sans qu'aucune ne coïncide pleinement avec elle, tout en convergeant vers l'unité d'intérêts matériels et moraux.

§ 4 — Harmonie entre les composantes nationales

Dans l'état normal des relations et dans un contexte de politique juste, il n'y a pas de conflit d'intérêt entre l'Etat-nation et les diverses identités nationales qui sont représentées en son sein; il y a au contraire convergence et complémentarité. Une telle situation ne peut être réalisée que par un dialogue honnête et raisonnable entre les représentants autorisés des structures de l'Etat-nation et ceux des diverses identités nationales. Ceci est vrai tant pour les identités nationales à territoire compact que pour celles qui n'ont pas de territoire compact (que leur mode de vie soit partiellement ou entièrement sédentaire). Le bien-fondé, la justesse et le degré de démocratie d'une politique nationale se reconnaissent à l'harmonie entre les composantes nationales et à l'absence de conflit, patent ou latent, entre elles.

Chapitre 2 — L'identité nationale rromani


§ 1 — Identités nationales sans territoire compact

L'Union Européenne reconnaît sur l'ensemble du territoire de ses Etats-Membres l'existence de diverses identités nationales sans territoire compact. D'un point de vue numérique, la principale est représentée par l'ensemble des Rroms, Sintés (ou Manouches) et Kalés (ou Gitans), qui ont tous une commune origine indienne, mais il en existe d'autres:
a) certaines, présents sur le sol européen depuis des temps immémoriaux, sont réputés d'origine européenne (les Travellers, d'origine irlandaise, les Yénisches, apparemment d'origine germanique, les Gourbetsya de Grèce, d'origine roumaine, les Balkano-Egyptiens de Grèce et d’Albanie, les Mercheros d'Espagne, les Camminanti d'Italie du sud etc...).
b) d'autres proviennent d'une immigration plus ou moins récente, comme les Arméniens occidentaux, les Berbères (Kabyles), les Juifs (locuteurs de yiddisch ou de ladino) etc... Il y a de bonnes raisons d'y ajouter les Arabes et les Amazighes, peut-être même les Moluquois et un certain nombre d'autres groupes, dont les membres sont nés depuis plusieurs générations sur le territoire d'un Etat-membre (quel qu'ait été le territoire à l'époque considérée). Parmi ceux-ci, certains ont un territoire de référence historique ou actuel à l'extérieur de l'Europe, d'autres en sont dépourvus.

§ 2 — Entrée en Union Européenne de nouvelles identités nationales sans territoire compact

L'accession à l'Union Européenne de nouveaux Etats doit prendre en compte que certains pays apporteront à la variété nationale européenne de nouvelles identités nationales avec et sans territoire compact; au nombre de ces derniers, il convient de prendre en considération les Beásh, aussi connus sous le nom de Rudars/Ludars (actuellement présents Roumanie, en Hongrie, Croatie et en Bulgarie, ainsi qu’en Amérique Latine), les Roudars, les Ashkalis ou Balkano-Egyptiens et les Aroumains du sud des Balkans etc...

§ 3 — Notion de "tsigane/Zigeuner" et "Gypsy"

Au cours de l'histoire, les mots "tsigane/Zigeuner", "Gypsy" et similaires ont été appliqués sans aucune ambition de rigueur par les gens simples  de divers pays à divers groupements humains d'origines très diverses et sans aucun rapport entre eux (une secte religieuse, certains groupes de Rroms, des communautés nomades, des communautés sédentaires, des groupes de pillards, des vagabonds ordinaires etc...). Ces mots, qui ne recouvrent aucune réalité nationale et/ou ethnique et ont pris dans un grand nombre de langues une connotation insultante, sont à proscrire du vocabulaire politique, sauf dans des contextes historiques et potentiellement racistes, dans lesquels ils portent une signification intentionnellement dépréciative.

§ 4 — La "nation rromani", telle qu'elle se définit

L'ensemble des Rroms, Sintés et Kalés s'est défini comme "nation rromani sans territoire compact et sans prétention à un tel territoire" lors du 5ème Congrès de l'Union Rromani Internationale (Prague, juillet 2000). La nation rromani se démarque des épithètes de "tsigane", "Gypsy" et similaires aussi bien pour elle-même que pour n'importe quelle autre identité, à moins qu'un groupe humain n’en revendique explicitement la qualité ; dans un tel cas, l’utilisation de ce mot sera limité aux personnes concernées.
Il n'existe pas de critères définitoires déterminant l'identité rromani, mais un faisceau de références dont les plus saillantes sont les suivantes :
a) une commune origine indienne du nord; en effet, les découvertes les plus récentes (notamment le Kitab al-Yamini, manuscrit du chroniqueur Al-'Utbi, XIème siècle, accessible depuis peu) ont permis de déterminer avec une vraisemblance très élevée la ville de Kannauj, capitale culturelle et spirituelle de l'Inde du nord à la fin du premier millénaire, comme étant le berceau d'origine de la nation rromani, et le 8 Shaban 409 de l'Hégire (20 décembre 1018) comme date de l'exode. Selon ce texte, les 53.000 habitants de Kannauj, essentiellement des notables, des artistes et des artisans, ont été déportés par le sultan Mahmud de Ghazni vers le Khorassan, où ils sont restés plusieurs décennies en captivité, avant de rejoindre l’empire byzantin et les Balkans.
b) une langue rromani commune, soit en usage effectif traditionnel, soit en souvenir que des ancêtres l'avaient pratiquée. Cette langue, du groupe des langues indiennes du nord, contient des éléments persans acquis pendant le séjour dans le Khorassan et en Asie Mineure, des éléments grecs et arméniens, acquis pendant le séjour dans l’empire byzantin, et des éléments empruntés aux diverses langues de contact en Europe. Malgré les emprunts européens, mineurs, mais bien visibles et donnant une impression erronée d'éclatement dialectal, le rromani constitue une seule et même langue dont l'unité est remarquable, même si certains groupes en ont perdu tout ou partie de l'usage.
c) un élément byzantin et balkanique important, à la fois culturel et linguistique, faisant des Balkans un second berceau de l'ethnogénèse rromani, d'où les Rroms ont rayonné dans toute l'Europe et au-delà.
d) un certain nombre de valeurs philosophiques et humaines communes, qui ont été exposées dans plusieurs documents (notamment la "déclaration de Caen" 1994, jointe en annexe) et demeurent une référence pour les Rroms attachés à la part constructive et effectivement admirable de la tradition rromani.
e) une intégration de degré variable, par le sang et/ou les alliances, au réseau des familles rromani en Europe.
f) enfin, une conscience d'appartenir avec fierté à une commune nation rromani, quels que soient les mots utilisés localement pour la nommer, les personnes n'appartenant pas à cette collectivité étant désignées traditionnellement sous divers noms dont le plus répandu est "gaʒo", féminin "gaʒi".

§ 5 — La "nation rromani", telle qu'elle ne se définit pas

Inversement, la nation rromani ne se reconnaît pas dans les diverses étiquettes qui lui ont été imposées par l'histoire, comme essentiellement nomade, comme caractérisée par telle ou telle couleur de peau, tel ou tel aspect, telle ou telle profession, telle ou telle confession etc... — encore moins espionne des Turcs, magicienne, délinquante, irresponsable, ignare et autres qualificatifs soit ouvertement racistes, soit déguisés en pseudo-valeurs  paternalistes.

§ 6 — La "nation rromani" en Union Europénne

a) L'Union Européenne reconnaît sur l'ensemble du territoire de ses Etats-Membres l'existence d'une nation rromani sans territoire compact, dont la définition est celle que celle-ci se donne elle-même dans les termes de la présente Charte. En conséquence, l'Union Européenne proclame la nation rromani vivant sur son territoire l'une des nations européennes constitutives de l'Europe en pleine égalité avec toutes les autres nations qui la constituent, indépendamment de leurs rapports à des Etats et à des territoires.
b) L'Union Européenne reconnaît qu'au cours de l'histoire la nation rromani a été victime de persécutions multiples, tant actives que passives, qu'à l'heure actuelle elle est encore très largement en bute à des manifestations, patentes ou latentes, de tsiganophobie et que toute politique la concernant doit prendre en considération les conséquences actuelles de la discrimination multiséculaire qui l'a frappée, réduisant certains sous-groupes de Rroms à des conditions d'exclusion et de détresse particulièrement tragiques.
c) L’Union européenne reconnait que pendant la Seconde Guerre Mondiale le peuple rrom fut victime d’un génocide, appelé en langue rromani « Samudaripen », pour lequel un certain nombre des gouvernements européens officiels de l’époque ont été responsables. Ce crime immense détruisit plus d’un demi million de vies rroms, des familles entières et une masse importante d’héritage culturel et matériel. Les survivants endurent jusqu’aujourd’hui le martyre corporel et émotionnel. Le Samudaripen n’a jamais été reconnu au niveau où il devrait l’être.
d) L'Union Européenne reconnaît qu'à côté des quelques groupes de Rroms précipités dans l’exclusion par suite de diverses circonstances historiques — ces groupes étant souvent hélas les plus visibles au regard sélectif de ceux qui ont intérêt à réduire la nation rromani à ces dits groupes, la grande majorité de la nation rromani constitue une part vivante, saine, originale et insigne de la population européenne, part qui concourt depuis des siècles à l'édification du génie européen.

§ 7 — Les notions de Rrom, Sinto et Kalo

La nation rromani, définie par référence aux éléments exposés au § 4, est composée essentiellement des éléments suivants, en étroite relation de parenté, mais que le cours de l'Histoire européenne et l'usage qu'il a occasionné ont conduit à distinguer :
a) des Rroms proprement dits, répandus dans pratiquement tout le continent européen, implantés depuis des siècles essentiellement dans les pays d'Europe centrale, orientale et balkanique, où ils sont pratiquement tous citoyens (leur nombre est en passe d'atteindre les dix millions);
b) des Sintés, localement appelés Manouches, qui se sont formés sur les territoires de langue allemande en se séparant dès le Moyen-Age du tronc rromani commun et qui sont présents dans de nombreux pays d'Europe (leur nombre est de plusieurs centaines de milliers).  Il faut remarquer qu’à l’origine, le mot sinto a eu une valeur plus générale mais, évoluant au cours de l’histoire, il désigne spécialement le groupe connu aujourd’hui avec ce nom.
c) des Kalés, plus connus sous le nom espagnol de "Gitanos" et ses dérivés, qui, séparés très tôt du tronc rromani commun, ont vécu des siècles dans la péninsule ibérique, où des persécutions particulièrement cruelles ont causé chez eux la perte de la compétence en langue rromani (ils sont environ un million — tous ces chiffres ne tiennent pas compte des populations rromani, sinti et kali des autres continents, notamment d'Amérique du nord et du sud).

§ 8 — Solidarités transversales

a) Le fait que la nation rromani se reconnaît dans les références citées au § 4 et non dans celles du § 5 ne signifie pas qu'elle rétracte toute solidarité avec des personnes ou groupes mentionnés au § 5. Au contraire, elle s'engage résolument pour oeuvrer à l'amélioration de l'ensemble de la société européenne, avec la conviction qu'une amélioration de la vie des Rroms est impossible sans amélioration d'ensemble de la société européenne et qu'une amélioration de la vie européenne est inconcevable sans amélioration de la totalité des segments qui la composent, notamment des Rroms et autres nations sans territoire compact.
b) En conséquence, la nation rromani déclare sa solidarité de principe et d'action pour l'amélioration de la vie de toutes les nations en Union Européenne, que leurs limites coïncident ou non avec des frontières d'Etats, mais insiste pour développer particulièrement sa solidarité avec les nations les plus vulnérables, c'est-à-dire les nations sans territoire compact et en situation de difficulté, voire de détresse sociale.

Chapitre 3 — Notion d'identité composite


§ 1 — Identité individuelle complexe et flexible

a) L'Union Européenne insiste sur le fait que l'identité nationale et ethnique n'est pas la seule identité d'un citoyen, mais qu'elle entre dans la composition d'un mécanisme fort complexe d'identités individuelles et collectives qui construisent la personnalité du citoyen et négocient en permanence sa place dans la société.
b) Par ailleurs, aucune identité (nationale, professionnelle, politique, confessionnelle, culturelle, familiale, sexuelle, générationnelle, régionale etc...) n'existe comme une catégorie immuable et définitive; au contraire elle est en renégociation permanente tout au long de la vie du citoyen, parfois de manière conflictuelle et/ou contradictoire, et ce n'est que dans ces conditions qu'elle peut constituer une articulation souple entre lui-même et une société flexible et ouverte.
c) L'identité est une question délicate et intime qui, quoique fondée sur des références collectives (par exemple familiales, régionales etc...), appartient en dernier ressort à la libre volonté du citoyen et nul ne peut imposer ou dénier une identité donnée, y compris une identité nationale, à un citoyen qui s'en réclame.
d) Quoiqu'individuelle, toute identité, y compris l'identité nationale, ouvre au citoyen des droits et des devoirs de type collectif, en excluant cependant toute forme de privilège, de quelque nature qu'elle soit.

§ 2 — Identités nationales complexes et flexibles

a) L'identité nationale est elle aussi complexe: en effet, outre les deux niveaux indiqués ci-dessus (appartenance à un Etat-nation et éventuellement à une nation ne correspondant pas aux limites tracées par les frontières des Etats), chaque citoyen se reconnaît dans plusieurs autres niveaux, qui vont de son quartier ou village à l'Europe et au monde, en passant par la région et divers niveaux qui ne correspondent pas forcément à un cadre géographique.
b) L'articulation entre ces divers niveaux, la primauté des uns sur les autres, sont elles même flexibles et susceptibles d'évolution au cours du temps au sein même de la perception qu'en a le citoyen.
c) Il n'existe pas pour ainsi dire d'Européen dépositaire d'une seule identité nationale, dans la mesure où les interactions entre les divers niveaux et entre les diverses identités en présence sont inéluctables, non seulement par l'appartenance pratiquement systématique de chaque individu aux divers niveaux mentionnés plus haut mais aussi en conséquence des divers trajets de vie: enfants issus de couples mixtes (légitimes ou non), personnes élevées dans un milieu multi-culturel différent du leur, basculement d'un milieu à un autre au cours de la vie, fréquentation de milieux différents, mariage hors-groupe, modification de la population en un lieu, etc... Ce caractère composite de l'identité va croissant avec l'évolution de la société européenne et les brassages qui en découlent.
d) Il est essentiel de reconnaître et de valoriser ce caractère composite de l'identité individuelle sans toutefois entrer dans un système de hiérarchisation des complexités identitaires, mais en reconnaissant que les identités sont compatibles, lorsqu'elles sont comprises dans une perspective de démocratie et de respect réciproque, et qu'en conséquence l'objectif d'une politique multiculturelle effectivement démocratique est de faciliter leur articulation mutuelle tant au niveau de l'individu qu'entre les diverses collectivités.
e) Il n'existe en conséquence aucune collectivité qui soit circonscrite, fermée, étanche ou isolée des autres par une solution de continuité avérée. Toute prétention à l'existence d'une telle collectivité est une fiction délétère, qui peut, dans certaines circonstances historiques, devenir criminelle. De même, toute prétention de pureté d'une collectivité et toute recherche de cette pureté relève du mensonge politique. En effet, toutes les collectivités sont en relation de continuité et d'échange étroit entre elles, non seulement par les multiples "personnes-ponts" qui les unissent mais aussi par les interactions sociales de tous niveaux, convergences mais aussi conflits, qui les font chaque jour davantage s'imbriquer entre elles. C'est seulement dans le sens des collectivités ouvertes et en remaniement permanent, telles qu'elles existent dans la réalité, que l'on peut accepter la notion de "collectivité".

§ 3 — La gnossodiversité

Il est reconnu de manière universelle qu'un des facteurs déterminants de la vigueur de la vie est la diversité. Appelé "biodiversité" en ce qui concerne les écosystèmes, ce facteur porte le nom de "gnossodiversité" lorsqu'il s'agit de la richesse en approches culturelles des réalités de la vie. Cette richesse découle de la coexistence de systèmes culturels divers ("sagesses"), avec toutes leurs interactions, et permet de multiplier les compétences mentales permettant de trouver des solutions aux problèmes se posant à l'individu et à la société. L'un des éléments essentiels de la gnossodiversité est la glottodiversité, ou diversité linguistique, qui n'a de valeur qu'en ceci qu'elle sous-tend, qu'elle convoie, qu'elle nourrit et qu'elle exprime la dite gnossodiversité.

§ 4 — Synergies et conflits entre les systèmes culturels

a) Tous les systèmes et approches culturels ne sont pas également pertinents, pour la totalité de leurs éléments constitutifs, à l'harmonie de la vie humaine, individuelle et sociale, notamment lorsque certains éléments sont en contradiction avec les Droits de l'Homme et les libertés fondamentales, explicitement réputés ici universels. En outre, il peut se trouver des situations où des systèmes culturels divers apportent des réponses contradictoires, voire conflictuelles entre elles, à une question donnée. Ce problème ne ressortit pas à la décision politique, mais à la réflexion la plus large, qui elle même doit contribuer à l'enrichissement mutuel de ces systèmes, toujours en devenir et en amélioration incessante.
b) Il est essentiel à cet égard que soit reconnue la perfectibilité de tout système culturel, y compris le système rromani, dans ses diverses variétés, comme cela a été mis en évidence dans le document de Louvain (Pavee Point et Conseil de l'Europe, 1998, § 26).

DEUXIEME PARTIE : RESOLUTIONS PARTICULIERES D'ACTION


Chapitre 4 — Citoyenneté

L'Union Européenne a constaté que dans certains de ses Etats-membres, la citoyenneté du pays est encore refusée, de manière directe ou indirecte, patente ou latente, administrative ou officieuse, à des résidents de nationalité rromani dont la famille vit et a vécu sur leur territoire parfois depuis des siècles (Fićìrǎ et Baćòrǎ de Grèce par exemple). Une telle situation s’est produite aussi récemment dans certains pays comme conséquences de la non-déclaration à temps de la naissance des enfants. L'Union Européenne exige de tous ses Etats-membres qu'il soit mis fin, dans un délai d'un an après la signature du présent document, à cette iniquité manifeste en dotant toutes ces personnes de la citoyenneté de leur pays de résidence habituelle et en les rattachant à la commune où ils se trouvent au moment de l'application de cette disposition. La naissance de l'un des deux parents sur le sol de l'Etat concerné devra suffire comme critère pour octroyer la citoyenneté et réduire ainsi ces cas d'apatridie.

Chapitre 5 — Education et recherche


§ 1 — Education à la connaissance et au respect mutuels

Dans la mesure où il est clair qu'un grand nombre de problèmes dans la relation entre Rroms et autres populations provient de la méconnaissance mutuelle entre eux, voire du mépris que les uns portent aux autres, il est indispensable de développer une politique qui insistera sur la valorisation de la culture rromani, sous ses diverses formes, aux yeux des autres populations, mais aussi sur la valorisation des diverses cultures gaƷikane aux yeux de tous les Rroms, par les moyens suivants:
a) mise à jour sérieuse dans les encyclopédies, dictionnaires et autres publications didactiques, y compris les sites internet et les CD-Roms, de tous les articles ayant trait à la nation rromani; cette opération devra s'appuyer sur une documentation sérieuse et éprouvée et non sur des anecdotes sensationnelles ou orientées émotivement;
b) l'introduction dans les programmes scolaires et les livres qui les accompagnent d'informations sur la participation de la nation rromani à la construction du génie européen; il serait important, chaque fois que cela est possible, de présenter ces éléments en articulation avec la thématique du programme et non comme une annexe au cours; cette opération devra répondre aux mêmes critères de rigueur que celle visée en a).
c) la diffusion régulière, par tous les moyens d'éducation de masse, notamment les mass-médias, d'une information allant dans le même sens que celle visée ci-dessus et répondant aux mêmes critères de rigueur; il sera occasionnellement fait appel à la parodie, l'ironie et le sarcasme pour combattre la tsiganophobie.
Il est entendu qu'il n'est pas question dans ces informations de brosser une image angélique de la population rromani, mais de tenter d'exposer, sans langue de bois, les différents mécanismes historiques, sociaux, culturels et psychologiques qui ont conduit à la situation présente, dans ses aspects positifs aussi bien que négatifs, et de préparer mentalement les citoyens à oeuvrer pour une amélioration constante des divers types de relation entre les Rroms et les autres populations. Il sera opportun, dans le cadre de ces informations, d'insister sur les aspects exposés plus haut au chapitre 3.
d) il est également essentiel de mieux faire connaître les valeurs et les acquis des cultures gaʒikane auprès des Rroms pour éviter le dénigrement et le rejet de ces valeurs et de ces acquis (gaʒophobie) afin de permettre une meilleure compréhension mutuelle, conduisant à un respect mutuel véritable entre les collectivités, ancré au plus profond de la conscience européenne des personnes considérées.

§ 2 — Education spécifique de la jeunesse rromani

Réfutant catégoriquement l'assertion selon laquelle l'ignorance serait un patrimoine, quelle que soit la forme détournée sous laquelle est déguisée cette assertion, l'Union Européenne s'engage à étudier différents modes d'éducation pour les adapter aux diverses situations présentées par ses ressortissants et notamment la jeunesse rromani, afin de l'aider à la fois à recevoir le patrimoine culturel rromani transmis par les aînés (sachant que cette transmission a besoin, dans les conditions de la société actuelle, d'un appui institutionnel volontariste pour passer aux jeunes générations) et à accéder aux connaissances formelles et scolaires de la manière la plus agréable et la plus efficace possible. Dans cette perspective, il est indispensable de réfléchir sur le contenu des programmes scolaires, les approches didactiques proposées, le rôle de la langue rromani à l'école (en priorité pour les nombreux groupes qui l'utilisent effectivement), les conditions matérielles de vie et de travail scolaire des enfants etc... Il est exclu de créer des programmes scolaires "au rabais"; au contraire c'est une meilleure assimilation et une optimalisation des programmes qui est recherchée.

§ 3 — Conditions de vie compatible avec la scolarisation

Un effort doit être fait pour offrir aux enfants rroms, notamment ceux issus de familles en situation de détresse sociale, des havres de paix où ils peuvent trouver la tranquillité nécessaire à l'étude individuelle. Un personnel d'accompagnement, composé d'enseignants mais aussi de parents, sera présent pour assurer un support didactique et psychologique. Il est rappelé que l’obligation scolaire est universelle sur tout le territoire de l’Union Européenne et que dans ces conditions il est impératif que, quel que soit le statut légal des parents des mineurs considérés, cette obligation soit systématiquement appliquée dans l’ensemble des Etats-membres. Comme corollaire à cette obligation générale dans ces pays, les aides à la scolarité doivent l’être de la même façon, notamment des parts de bourses doivent être assurées pour les enfants en difficulté. Un effort particulier sera fait en faveur des groupes humains à mode de vie mobile, qu'ils appartiennent ou non à la nation rromani, afin de faciliter la scolarisation de leurs enfants et d'améliorer leurs résultats scolaires; cet effort portera sur l'examen critique des programmes, sur le développement d'unités scolaires mobiles, sur le développement d'enseignement et de soutien scolaire à distance, sur la formation et l'embauche de personnel didactique (présentiel et à distance) issus ou non des milieux rroms et sur toute forme d'innovation contribuant à améliorer la qualité des services pédagogiques offerts aux enfants.

§ 4 — Préparation de cadres didactiques

Dans l'état actuel des choses, un handicap majeur à l'évolution et à la modernisation de la nation rromani est causé par son déficit marqué en cadres didactiques; ce déficit ne vient en aucun cas d'une volonté de la nation rromani mais d'une situation discriminatoire séculaire. Une action sera menée pour identifier les jeunes souhaitant poursuivre une carrière pédagogique (présentielle ou à distance), pour les aider d'un point de vue scolaire, matériel (bourses) et moral (entretiens informels), pour leur permettre d'acquérir une formation supérieure adéquate et pour les insérer dans le programme visé à ce chapitre comme enseignants, concepteurs de programmes scolaires, soutiens locaux, inspecteurs, médiateurs, animateurs etc...  Un budget ad hoc devra être voté pour leurs besoins respectifs dans ce sens par l'Union, ses Etats, les régions et les communes concernées (possiblement aussi des fonds privés).

§ 5 — Recherche

L'Union Européenne constate le retard impressionnant des recherches scientifiques en domaine rromani, ceci quel que soit le pays d'Europe et la discipline considérés: histoire, sociologie, ethnologie, politologie, racismologie, critique littéraire, linguistique etc... Ce retard est dû à l'incompréhension qui a longtemps prévalu vis-à-vis de ces disciplines de la part des Rroms, réduits par l'histoire aux classes les plus défavorisées de la population, mais surtout au mépris des scientifiques vis-à-vis des thématiques liées aux Rroms. En même temps, ce retard est en partie responsable de la méconnaissance de la nation rromani non seulement aux yeux des autres populations mais aussi à ses propres yeux, situation qui s'entretient et s'aggrave ainsi d'elle-même. Dans ces conditions, il est indispensable de créer des postes de chercheurs dans les diverses institutions scientifiques d'Europe dont le profil est pertinent à ces recherches, d'octroyer des bourses aux étudiants et aux chercheurs, surtout rroms, mais aussi non-rroms, engagés dans ces recherches et de leur donner la possibilité de diffuser les résultats de leurs recherches afin de rattraper progressivement le retard accumulé depuis des siècles. Il sera fait un effort tout particulier pendant une période initiale pour créer de tels postes afin de contribuer à combler ce retard et de combattre la méconnaissance qu'il génère dans la société. Les chercheurs concernés pourront être réunis dans une structure transversale que l'on appellera "Rromani Akadèmia".

§ 6 – Financement

Il est clair que le programme présenté ci-dessus nécessite un financement adéquat, fait qui ne doit pas faire obstacle à sa réalisation, dans la mesure où les Rroms (avec les Sintés et les Kalés) représentent plus de 2 % de l’ensemble de la population de l’Union Européenne et apportent leur contribution par leur travail et les impôts, selon les règles spécifiques des divers Etats-membres.  

Chapitre 6 — Mobilité


§ 1 — Droit à la mobilité

a) Même si la mobilité n'est pas une référence essentielle de la nation rromani, une partie de celle-ci, mineure certes mais non moins existante, partage avec plusieurs autres collectivités un mode de vie en partie ou en totalité mobile. Cette mobilité est un droit imprescriptible, aux termes de l'art. 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Or, pour exercer un droit, il ne suffit pas qu'il soit rédigé dans un document, il faut que les conditions de sa réalisation existent dans la réalité.
b) Une information sur les provisions juridiques européennes et locales ayant trait à la mobilité sera diffusée à la fois parmi les populations mobiles et majoritaires pour leur permettre de mieux comprendre l'ensemble de la problématique considérée.
c) Il sera veillé à ce que les papiers d'identité exigés des populations à mode de vie mobile ne constituent pas une discrimination par rapport aux papiers d'identité des populations non-mobiles.

§ 2 — Droit au stationnement

a) L'art. 13 de la DUDH lie intimement le droit à la circulation et le droit au stationnement, lequel est encore trop souvent limité dans les Etats de l'Union européenne. Il est donc urgent de développer des aires de stationnement dignes de ce nom et dignes du nom de l'Union Européenne partout où l'expérience a montré qu'elles sont souhaitables, ceci en concertation entre les populations mobiles, les populations locales et des juristes compétents en la matière; les diverses populations seront systématiquement et largement représentées chaque fois que c'est possible dans ces négociations pour éviter les accords en décalage avec la démocratie effective.
b) Une information sur les provisions juridiques européennes et locales ayant trait au stationnement sera diffusée à la fois parmi les populations mobiles et locales pour leur permettre de mieux comprendre l'ensemble de la problématique considérée.
c) L'ouverture d'aires de stationnement ne mettra pas les populations qui les utilisent à l'écart de la vie locale, des services de la commune et du contact humain, mais au contraire seront toujours construites dans un esprit d'intégration fraternelle entre les diverses populations.

§ 3 — Droit à la reconnaissance d'un habitat mobile comme domicile

 Il découle de l'art. 13 de la DUDH qu'une caravane, une tente ou toute autre forme d'habitat mobile qui pourrait se rencontrer, doivent être considérés comme un domicile dans la mesure où ils sont effectivement le domicile habituel (plus de trois mois par an) d'un individu ou d'une famille. Dans ces conditions, ce domicile doit bénéficier de toutes les prérogatives attachées à un "domicile en dur": inviolabilité sans mandat, allocations logement, aide au crédit pour l'achat etc...

§ 4 — Droit au stationnement sur des parcelles privées

Dans la mesure où un habitat mobile est reconnu comme domicile en application de l'art. 13 de la DUDH, sa présence doit être autorisée sur tout terrain privé appartenant à son propriétaire ou loué par celui-ci selon les mêmes critères que les "domiciles en dur": plan d'occupation, permis de stationner (remplaçant le permis de construire), certificat de viabilité etc... selon les Etats.

§ 5 — Droit à l'arrêt de la mobilité

a) Toujours en accord avec l'art. 13 de la DUDH, tout individu ou famille à mode de vie mobile souhaitant se stabiliser par l'achat ou la location d'un terrain, d'une maison ou d'un appartement, doit pouvoir le faire, sans qu'aucune mesure directe ou indirecte, administrative ou officieuse, ne le prive de ce droit, quelles que soient les pressions exercées sur les autorités, lesquelles doivent être le garant de ce droit.
b) Cette même mesure est valable en cas d'héritage d'un bien immobilier.
c) La jouissance de ce droit s'étend à toute personne d'une nation sans territoire compact qui souhaite s'implanter en un lieu donné, étant entendu qu'elle dispose des moyens financiers et juridiques de le faire, en toute égalité avec les personnes des autres nations.

§ 6 — Responsabilité des autorités du respect de ces droits

Les autorités qui, par électoralisme ou par mépris d'une partie de la population, auraient échappé à leurs obligations dans ce sens devront répondre de leurs actes et/ou de leurs omissions devant une institution dont le profil reste à définir.

Chapitre 7 — Demandeurs d'asile, réfugiés et migrants

§ 1 — Mobilité et demande d'asile

L'Union Européenne constate que le problème des réfugiés, des demandeurs d'asile et des migrants rroms continue, malgré une certaine stabilisation, à être central pour la nation rromani et dans une certaine mesure pour les Etats-membres. Elle constate aussi que les personnes déplacées au titre de réfugiés et/ou demandeurs d'asile ne le font pas dans le cadre d'une mobilité relevant du style traditionnel de vie, mais qu'elles sont poussées à l'exil, le plus souvent des pays d'Europe Centrale, Orientale et Balkanique vers les pays de l’Ouest, où la démocratie et la sécurité individuelle, ainsi que l’accès aux droits fondamentaux et notamment à la scolarisation, sont assurées avec davantage de rigueur et de stabilité que chez eux, surtout en ce qui concerne les Rroms.

§ 2 — Causes et caractère politique de l'exil

a) L'Union Européenne observe que dans la majorité des cas, ces personnes ont quitté à contre-coeur leur pays, qui était depuis des générations la patrie de leurs ancêtres, abandonnant tous leurs biens, sous la pression de la guerre, des violences les plus diverses, des persécutions physiques, administratives et économiques, ceci devant la passivité complaisante des autorités locales et bien souvent des prétendus "représentants" rroms. Il en ressort que ces persécutions directes contre les Rroms relèvent bien de la persécution politique et ethnique d'Etats, et qu'à ce double titre elles sont doublement pertinentes à la Convention de Genève.
b) Dans la mesure où ces personnes ont dans leur pays des possibilités bien plus limitées que la majorité ethnique, vivant souvent dans la faim, à la rue, en mendiant et/ou de manières indignes des démocraties modernes, sans réel accès à l’éducation et à une vie stable, en raison d’un réseau complexe constitué de forces racistes, d'autorités complaisantes vis-à-vis de ces forces racistes, de représentants fictifs de la population rromani et de porte-parole officiels minimisant ou niant purement et simplement les discriminations dont ces personnes sont victimes, le tout intégré dans le système politique du pays, le caractère politique des causes de l'exil est patent. A ce titre, les réfugiés et demandeurs d'asile victimes de ces persécutions indirectes relèvent de la Convention de Genève à la fois au chef de victimes de discriminations ethniques et au chef de victimes d'une politique d'Etat discriminatoire, même si, dans ce mécanisme, l'Etat ne fait que couvrir par sa passivité ou nier ouvertement les dites persécutions indirectes.

§ 3 — Travail en amont

Dans la mesure où l'exil constitue la dernière chance de survie pour les réfugiés, les demandeurs d'asile et les migrants, qui vivent leur déplacement souvent de manière dramatique, l'Union Européenne insiste sur la nécessité de changements radicaux en amont de ces mouvements de personnes, c'est-à-dire dans les pays d'origine des réfugiés et demandeurs d'asile. Ceci doit se faire à travers une politique européenne commune à laquelle un chapitre est consacré plus bas.

§ 4 — Discernement et objectivité dans la compréhension de la question de l’asile

a) Lors du traitement des dossiers de demandeurs d'asile rroms ou de membres d'autres groupes sans territoire compact, il est indispensable d'améliorer les capacités de discernement des autorités responsables de la reconnaissance du statut de réfugié, dans la mesure où ces demandeurs sont dans une position bien plus vulnérable que les demandeurs appartenant soit à la population majoritaire d'un Etat, soit à une minorité possédant à l'étranger un Etat-nation de même identité qu'eux et qui puisse intervenir par négociation et/ou pressions dans le sens de leur protection lors d'entretiens bilatéraux avec leur Etat de résidence. La vulnérabilité des demandeurs membres de minorités sans territoire compact et sans Etat-nation de même identité qu'eux doit être prise en considération et favoriser la délivrance du statut de réfugié.
b) C'est aussi au regard de la qualification des Etats comme "sûrs et démocratiques" qu'il faut renforcer le discernement, car un Etat peut être sûr et démocratique pour sa population majoritaire en termes de démocratie formelle (élections au suffrage universel etc...) sans l'être du tout pour sa ou ses minorités (l'Allemagne nazi en a été un exemple). Il faut donc, dans le contexte du traitement des demandes d'asile de membre de minorités, que les dits pays puissent être qualifiés avec un bien-fondé sans faille de "sûrs et démocratiques, y compris vis-à-vis de leurs minorités avec et sans territoire compact".

§ 5 — Valorisation de l'apport professionnel des réfugiés, des demandeurs d'asile et des migrants

La plupart des Rroms demandeurs d'asile en Union Européenne ont acquis dans leur pays d'origine des compétences professionnelles, linguistiques et culturelles non négligeables. Il est important de reconnaître celles-ci, de les développer et de les utiliser pour le bien de l'Etat qui les reçoit et des collectivités rromani y résidant habituellement. Dans le contexte de l’élargissement de l’Union européenne, la même reconnaissance est nécessaire pour les migrants rroms, qui souvent apportent aux pays d’accueil une main d’œuvre et un savoir faire appréciables.

§ 6 — Liberté du choix

Un travail parallèle doit être mené en amont (v. ci-dessous) et dans le pays hôte pour qu'à terme les réfugiés rroms puissent avoir la liberté de choisir entre le retour dans leur pays de résidence traditionnelle ou l'implantation dans leur pays d'accueil; de telles conditions ne peuvent être réalisées qu'au prix d'une coopération étroite entre les Etats-membres de l'Union européenne et les pays d’origine des réfugiés d'une part et, à l'intérieur de chaque pays, des différents ministères en relation avec la problématique rromani (Education, Santé, Travail, Culture, Intérieur, Affaires étrangères etc...). En tout état de cause, le retour ne pourra être effectué que dans un climat de liberté et de confiance, sur demande expresse des intéressés.

§ 7 — Cas particuliers (ex-Yougoslavie)

a) Il apparaît actuellement impossible de prévoir raisonnablement le retour des réfugiés rroms originaires de Cossovie (Kosovo, Dardanie) dans leur pays en raison du climat de violence, d'insécurité et de tsiganophobie qui y règne comme conséquence de l’absence de volonté politique de le combattre, ceci malgré la présence de forces étrangères chargées du maintien de la paix.
b) Le maintien de pratiques racistes arbitraires et brutales en Serbie, malgré le changement apparent de pouvoir, quelques déclarations de circonstances et quelques décrets purement formels, met ce pays au rang des plus dangereux qui soient actuellement en Europe pour ses minorités nationales, notamment pour les Rroms. Le maintien en Union Européenne des demandeurs d'asile rroms originaires de ce pays s'impose donc comme une mesure de justice, tant que la situation n'aura pas changé radicalement dans le pays.

§ 8 — Estimation de la sûreté des pays vis-à-vis des Rroms

Les estimations portant sur la normalisation de la situation des Rroms dans les divers pays d'origine des demandeurs d'asile, des réfugiés et des migrants rroms devront être établies sur la base d'indices fiables et de rapports circonstanciés établis par des ONG rromani et non-rromani travaillant sur le monitoring des Droits de l'Homme dans le pays, mais aussi par la police communale des divers districts sur la base des statistiques de criminalité (lesquelles devront avoir été établies selon des indices élaborés dès maintenant pour pouvoir répondre année après année aux besoins estimatifs – c’est-à-dire mieux prendre en compte l’éventuelle motivation raciste), par des délégués d'institutions et d'organisations internationales et supranationales spécialisées ayant travaillé sur le terrain, par des délégations d'experts indépendants connaissant à fond la mentalité des populations considérées et enfin, dans le cas de la Cossovie, par les autorités administratives et militaires étrangères en mission intérimaire — tout cela centralisé, recoupé, synthétisé et mis régulièrement à jour pour que foi leur soit accordée. Il serait vain de se contenter de déclarations de chancellerie ou d'impressions de diplomates en poste. Les informations recueillies auprès d'associations rromani ne sont pas non plus fiables, si elles sont isolées, car ces associations sont l'enjeu de manipulations des plus invraisemblables. Il est important que des jeunes Rroms soient formés et entraînés à ce type d'expertise indépendante et une ligne budgétaire doit permettre de leur attribuer des bourses d'études dans les domaines qui les prépareront le mieux à cette tâche.

 § 9 — Déterritorialisation des crimes racistes (cf. doc. de Louvain, 1998 – Section 3, art. 15)

a) Les autorités policières de l'Union Européenne examineront les modalités permettant d'arriver à une déterritorialisation des crimes racistes, de la même manière que sont déterritorialisés les crimes de terrorisme et de narcotrafic. Une telle mesure permettrait d'impliquer la police des pays d'origine des demandeurs d'asile dans la répression des crimes racistes et d'éviter sa complaisance vis-à-vis des criminels, de faciliter l'obtention du statut de réfugié aux demandeurs identifiés comme légitimes grâce à l'enquête transnationale et de mieux identifier et débouter les demandeurs illégitimes.
b) Au nombre des crimes racistes doivent être inscrites toutes les discriminations conduisant des ressortissants d'une minorité persécutée à être exclus entièrement du système socio-économique de leur pays de résidence (refus de crédits, refus d'embauche, exclusion de l'enseignement normal, des lieux de socialisation, etc...), ce qui les conduit par force à la misère, la faim, la mendicité, la déchéance et/ou la délinquance et finalement l'exil.

§ 10 — Aide aux femmes, enfants et infirmes rroms en situation de détresse

Un certain nombre de femmes, d'enfants et d'infirmes rroms ont été conduits par ruse ou par force en Union Européenne, à la suite de transactions commerciales et ils y sont exploités pour la mendicité et/ou diverses formes de délinquance sans pouvoir se libérer de leurs négriers. Diverses structures d'accueil devront être organisées de toute urgence pour les soutenir, les libérer de leur esclavage et leur permettre une insertion acceptable dans la société où ils souhaitent vivre, notamment par l'éducation et la formation.

§ 11 — Insertion des réfugiés et des migrants

a) Il est important que les individus et familles rromani ayant obtenu le statut de réfugiés, compte tenu des problèmes spécifiques à chacun des pays d'origine, puissent assez rapidement bénéficier de toutes les aides liées à ce statut, notamment l'accès à des logements convenables, et que ces mesures concordent avec la disparition des camps de stationnement en caravanes hors circulation, lesquelles n'ont jamais correspondu aux vœux de leurs occupants mais leur ont été imposées contre leur volonté  et où il sont exposés à des expulsions récurrentes et parfois violentes (il s'agit en effet de populations qui ont toujours vécu traditionnellement dans des maisons en dur avant leur arrivée en Union Européenne).
b) Il est indispensable que des conditions d’accueil décentes soient réservées aux demandeurs d'asile et aux migrants dès leur arrivée dans le pays-hôte, dans la mesure où il est démontré qu'un accueil non respectueux de la dignité des personnes ne constitue pas un élément permettant d'endiguer les mouvements de population et que la déterritorialisation des crimes racistes, telle qu'elle est prévue ci-dessus permet de les réguler avec bien-fondé et donc efficacité.
c) Des cours de la langue officielle ou nationale du pays (et éventuellement de la langue régionale de la région d'insertion) seront mis à disposition de ces réfugiés, demandeurs d’asile et migrants, ainsi qu'un suivi psychologique permettant de déterminer leurs compétences et d'en tirer profit au maximum, tant dans leur propre intérêt que dans celui de la société hôte. Tous les efforts seront fait pour leur permettre d'envisager sereinement un retour dans leur pays d'origine (notamment des contacts suivis avec ce pays et des informations régulières sur l'avancement du "travail en amont" mentionné au § 3 du présent chapitre), sans qu'aucune pression ne soit faite dans ce sens.

§ 12 — Plan de relance de villages désertés de l'Union Européenne

Il pourra être opportun d'entamer un dialogue avec les autorités locales et régionales des zones rurales en dépeuplement aigu afin de proposer l'insertion de réfugiés individuels ou familiaux dans les villages et hameaux considérés, qui constituent, bien plus que les villes et banlieues où ils sont le plus souvent concentrés, un habitat comparable à celui dans lequel ils étaient traditionnellement intégrés. Ceci diminuera le stress urbain auquel ils ne sont pas habitués, facilitera leur intégration et permettra de dynamiser les divers plans de relance rurale qui sont en cours de réalisation dans plusieurs Etats-membres de l'Union Européenne. En outre, il pourra être proposé à certaines familles d’aider les personnes âgées et retraitées ou les personnes handicapées, de développer des activités culturelles avec elles et plus largement de participer à leur accompagnement quotidien.

Chapitre 8 — Politique générale de l'Union Européenne sur les Rroms


§ 1 — Observation de la situation des Rroms

Des solutions satisfaisantes et durables aux problèmes auxquels sont confrontés les Rroms dans les pays extra-communautaires ainsi que dans les Etats membres ne pourront être envisagées que dans la mesure où la situation dans ces pays sera bien connue et analysée, où les mécanismes de discrimination de fait auront été identifiés pour sortir de la langue de bois souverainiste et exercer une véritable pression politique de l'U.E. sur les régimes hypocrites qui continuent à persécuter, par l'intermédiaire d'organismes fantoches dits d'autogestion, leurs minorités les plus vulnérables et notamment les Rroms. Pour ce faire, il est important que l'Union Européenne prévoie un support destiné à financer les bourses d'études pour de jeunes Rroms susceptibles de devenir des experts dans l'estimation du degré de démocratie de ces pays, notamment vis-à-vis de leurs Rroms. Ceci permettra de dégager les mécanismes profonds (historiques, locaux, économiques, politiques, psychologiques, clanaux, etc...) qui maintiennent la tsiganophobie et de mieux lutter contre celle-ci.

§ 2 — Condition d'accession

Rappelons que le "code de bonne conduite" vis-à-vis des minorités, et en particulier des Rroms, par les pays candidats devrait être une des conditions à leur accession à l'Union Européenne. Il convient de confirmer et renforcer ce dispositif, afin que toute l'attention requise soit accordée à ce critère, aussi bien de la part du pays candidat que de l'Union Européenne, ceci dans un contexte de transparence et de clairvoyance découlant du § 1 du présent chapitre, de sorte à assurer plus de justice aux Rroms grâce à cette coopération dans les Etats candidats mais aussi dans les Etats membres. 

§ 3 — Coopération

L'Union Européenne investira également dans l'aide au développement aux communautés locales avec surveillance stricte de l'accès des Rroms à ces investissements. Chaque fois que l'analyse en révèlera l'utilité, des aides plus spécifiques pourront être accordées à des collectivités rromani, mais il sera toujours procédé à des contrôles croisés pour que des caciques, qu'ils soient Rroms ou non, ne puissent monopoliser l'aide uniquement à leur profit, voire l'utiliser — comme cela a souvent été le cas — de manière destructrice vis-à-vis de tel ou tel segment de la population. Il faudra là encore former des experts de terrain dépositaires d'une compétence pointue en ethno-psychologie spécifique de chacun des pays et des collectivités considérés. L'investissement dans ces analyses et la formation de ces experts permettra un gain considérable en terme de rentabilité des aides ainsi octroyées. Certains des Rroms d'ores et déjà résidents en Union Européenne, à l'issue d'une formation spécifique, pourront servir d'interface et d'experts.
§ 4 — Education, contacts et échanges
L'éducation devra représenter le volet principal de cette aide aux collectivités rromani, et ceci de diverses manières:
a) aide directe par parts de bourses d'études pour les scolaires en difficulté (des contrôles locaux directs devront être organisés régulièrement),
b) aide à la formation, dans les pays de l'Union Européenne, aux niveaux scolaire et universitaire à des éléments particulièrement talentueux de tous les pays européens et de l’extérieur (la formation commencée très jeune permet l'éducation à des valeurs morales qui ne sont que formellement dispensées dans beaucoup de pays, sans qu'elles fassent partie de la culture de base de la population),
c) constitution, à partir des jeunes ainsi formés, de centres de formation permettant de relayer sur place cet enseignement et cette éducation,
d) ouverture d'enseignement à distance permettant de compléter l'enseignement reçu sur place et de l'améliorer par un soutien didactique à distance personnalisé, ce que les technologies modernes permettent à très bas prix, le budget débloqué pour ce projet devant donc couvrir seulement le travail des enseignants à distance,
e) enseignement effectué de manière substantielle en rromani, d'abord en matières d'éveil, puis dans des cours personnalisés, car cette condition est impérative pour que les enfants, une fois grandis, transmettent le rromani à leurs propres enfants (dans les conditions de la vie contemporaine, on transmet à ses enfants la langue que l'on a acquise à l'école),
f) mise à disposition d'activités éducatives et distrayantes en ligne et en langue rromani pour maintenir un niveau suffisant d'échange dans cette langue, y compris pour les personnes de familles isolées, afin de les désenclaver du simple niveau domestique d'usage langagier,
g) diffusion par des émissions de radio en diverses langues, notamment en rromani, d'une véritable éducation à la démocratie et aux Droits de l'Homme,
h) système de stages professionnels rémunérés de un an ou deux pour des jeunes Rroms des pays d'Europe orientale, centrale et balkanique invités et encadrés en Union Européenne, selon un schéma qui existe déjà notamment en Allemagne pour les jeunes de certains pays d'Europe orientale et au cours desquels les jeunes peuvent acquérir des compétences professionnelles de très bon niveau, un petit capital destiné à être réinvesti dans leur pays et une nouvelle perception de la société (des rencontres de formation à la compréhension des mécanismes sociaux devraient accompagner ces stages); en même temps, ils pourront contribuer à renflouer les connaissances linguistiques et culturelles rromani de ceux des Rroms, Sintés et Kalés d'Union Européenne qui ont perdu ce patrimoine et qui les hébergeraient durant leur séjour en Union Européenne.

Chapitre 9 — Vie intellectuelle

§ 1 — Connaissance et documentation

Il a été relevé plus haut qu'une connaissance plus juste des Rroms était nécessaire à une meilleure harmonie des populations en Europe. Des efforts de recherche, de financement d'études (bourses scolaires et universitaires), d'édition et publication, notamment en langue rromani, de traduction, de diffusion des connaissances, de développement des mass-médias etc... devront être effectivement engagés pour que la connaissance des Rroms et une perception juste de cette nation fasse partie de la culture élémentaire de tout citoyen européen.

§ 2 — Langue rromani

Il existe une langue rromani commune, appelée "rromani moderne" ou "langue du rassemblement": sa matière remonte à l'Inde médiévale, enrichie d'éléments persans, byzantins, caucasiens et européens, ses variantes se trouvent un peu partout en Europe, ses principes ont été définis au premier Congrès des Rroms à Londres en 1971 (égalité de valeur des divers dialectes, nécessité d'une convergence vers une langue commune et moderne, alphabet commun etc...), sa codification (alphabet et fonctionnement polylectal de cet alphabet) a été approuvée par le 4ème Congrès des Rroms à Varsovie en 1990 et sa normalisation se poursuit de manière très satisfaisante. Le Congrès de Varsovie a également défini le rromani comme étant "la langue nationale du peuple rrom". L'Union Européenne reconnaît cette langue comme une des langues de culture de l'Europe moderne, elle en encourage l'usage dans tous les niveaux de la vie quotidienne (enseignement, presse, radio et télévision, édition, vie artistique et littéraire etc...) à égalité avec les autres langues d'Europe, elle reconnaît le principe polylectal qui préside à son usage (respect de tous les dialectes en tous leurs éléments à la seule exception des éléments qui font obstacle à l'intercompréhension et au fonctionnement facile comme langue de communication moderne) et elle s'engage à contribuer à sa promotion pour que cette égalité soit atteinte de fait, notamment dans les domaines visés au chapitre 8.

§ 3 — Racismologie

Le racisme et la tsiganophobie prenant des formes de plus en plus variées, de plus en plus complexes (mêlées à la corruption, à la démagogie, à divers trafics, à des luttes de pouvoir etc...) et de plus en plus inattendues, il est indispensable que des recherches scientifiques soient orientées vers l'identification de ces phénomènes, vers le recueil et l'analyse de données concrètes et vers la réflexion pour arriver à une compréhension à la fois intime et globale des mécanismes considérés, ceci en comparaison avec d'autres formes de racisme et débouchant autant qu'on peut l'espérer sur des solutions qui permettent de réduire le racisme et la tsiganophobie et d'en prévenir les manifestations chaque fois que c'est possible. Cette expérience sera bien entendu à partager avec toutes les autres collectivités en situation similaire.

§ 4 — Financement

L'Union Européenne vérifiera avec soin que les financements pour ces diverses initiatives ne puissent tomber dans le monopole d'une personne ou d'un petit groupe de personnes mais que la conception, le financement, la réalisation et les contrôles soient publics, transparents et répartis entre les mains de groupes différents qui auront fait leurs preuves. En tout état de cause, le pluralisme sera un des principes de fonctionnement et des contrôles rigoureux sur les rendements des aides et investissements permettront d'identifier assez rapidement quels sont les intervenant fiables et ceux qui ne le sont pas. Une écoute sage sera accordée à tous les intervenants pour qu'une compréhension effective, et non simplement formelle, de leurs difficultés et de leurs réalisations soient atteinte. La formation d'une nouvelle génération de Rroms, grâce à des bourses d'études, devrait permettre l'arrivée sur la scène européenne d'un nombre important de nouveaux intervenants compétents, dévoués à la cause commune (à la fois des Rroms et de la société dans son ensemble) et d'une probité exemplaire.

§ 5 — Egalité de traitement

Dans toute activité, les rémunérations seront les mêmes à travail et compétences égaux; il ne sera pas fait appel à la notion de "motivation ethnique" pour justifier que l'on demande du travail bénévole à des Rroms, tandis que les non-Rroms sont rétribués. Inversement, lorsque des non-Rroms effectueront du travail bénévole ou en partie bénévole, il sera demandé à ce que des Rroms vivant dans des conditions similaires investissent eux aussi dans le travail bénévole ou semi-bénévole.

Chapitre 10 — Travail, logement, hygiène, santé


§ 1 — Travail et environnement

L'accent mis sur l'éducation et la formation réduira à  progressivement mais substantiellement terme les problèmes de sous-emploi qui affecte de manière dramatique la population rromani. Un meilleur niveau de préparation fera revivre le sentiment de "projet" individuel et collectif, ainsi que la volonté d'entreprendre. Une aide particulière sera apportée à la réhabilitation de métiers traditionnels où les Rroms avaient acquis un savoir faire de très haute qualité et qui risque de se perdre, notamment certains formes du travail des métaux, qui à nouveau s'avèrent utiles, les métiers de l'environnement (récupération, entretien des bois et des rivières etc...), l'art et les divertissements etc... Bien entendu, chaque fois que cela sera exprimé, l'aide sera aussi orientée sur la réalisation dans d'autres domaines de l'activité professionnelle — il ne s'agit en rien de cantonner une population dans un ghetto professionnel.

§ 2 — Logement, hygiène et santé

La réalisation des conditions de base énoncées plus haut permettra ipso facto aux Rroms d'accéder à des habitats tels qu'ils les souhaitent, y compris de rester dans des caravanes ou des tentes si tel est le vœu de telle ou telle génération ou famille. Dans tous les cas, les aspirations à l'hygiène des populations concernées devront être satisfaites de plein droit, de telle sorte qu'elles puissent sans entraves accéder à un niveau de santé et de suivi médical correct.

§ 3 – Financement

Il est clair que le programme présenté ci-dessus nécessite un financement adéquat, fait qui ne doit pas faire obstacle à sa réalisation, dans la mesure où les Rroms (avec les Sintés et les Kalés) représentent presque 1 % de l’ensemble de la population de l’Union Européenne et apportent leur contribution par leur travail et les impôts, selon les règles spécifiques des divers Etats-membres.  

Chapitre 11 — Représentativité, participation et autorité

§ 1 — Représentation actuelle

a) Historiquement les Rroms ont eu des représentants coutumiers de deux types: les uns détenteurs d'une autorité de décision dans la collectivité, les autres destinés surtout à servir de porte-parole et/ou de médiateurs avec les autorités locales. Parfois les deux fonctions étaient remplies par la même personne, qui portait des noms différents selon les régions (Patriarche, Gitano de Repeto, Śero-Rrom, Voïvode, Vajda, Bulibash, voire Prince ou Roi etc...). Ces fonctions étaient parfois héréditaires. En outre, l'accession à une telle fonction dans le groupe n'était pas toujours motivée par les qualités personnelles de l'intéressé, mais aussi très souvent par sa richesse et son pouvoir économique (contrôle des activités de commerce et de services).
b) Tout au long de l'Histoire, des Rroms (et même parfois des non-Rroms) ont été placés, par les autorités locales elles-mêmes, dans des fonctions de représentativité des collectivités rromani, qui en général ne pouvaient que les accepter.
c) Depuis quelques années, il est apparu un certain nombre de leaders charismatiques à rayonnement local et souvent éphémère.
d) Quant aux dirigeants élus démocratiquement, les conditions de vie dispersée des Rroms en plusieurs dizaines d'Etats, les difficultés de contact entre Rroms de divers pays, la fréquente dénégation par les autorités de l'existence même d'une nation rromani, son manque de préparation politique et divers autres obstacles objectifs n'ont pas encore permis leur véritable avènement.

§ 2 — L'Union Rromani Internationale

Toutes les représentations mentionnées ci-dessus sont locales et relativement fragiles. Dans une perspective à la fois européenne et démocratique, le corps qui, en ce début de 21ème siècle, reste le plus représentatif de la nation rromani est l'Union Rromani Internationale, fondée en 1971 à son premier Congrès à Londres et qui est une ONG de catégorie 2 à l'ONU (avec un représentant à l'Assemblée Générale).

§ 3 — Evolution de la représentativité

a) Sans qu'il faille surestimer la valeur morale de la représentation démocratique fondée sur des décomptes de suffrages, il est vivement souhaitable que cette forme de représentation se développe au sein du peuple rrom, parallèlement à une éducation citoyenne et démocratique à l'intérêt commun, tant celui de la collectivité rromani que celui de la société européenne en général. Chaque fois que cela sera possible, l'exercice de l'autorité sera collégial (au moins trois personnes) et s'appuiera sur une participation maximale des intéressés, lesquels auront droit d'information sur les décisions et activité de leurs autorités ainsi que de réaction à celles-ci, ceci jusqu'à révocation selon des procédures qui seront établies en temps et lieu opportuns.
b) En outre, il peut être souhaitable dans certains cas qu'une certaine autorité coutumière subsiste, en articulation et complémentarité avec l'autorité démocratique, ceci dans les formes locales des divers groupes. Un exercice raisonnable et sage de ces autorités et représentations maintient l'harmonie entre le démocratique et le coutumier; en cas de contradiction forte entre les deux, et s'il est impossible d'arriver à une entente (par exemple compromis), c'est le démocratique qui, en principe, prévaut. Il sera fait une attention particulière de ne pas permettre aux représentants politiques de créer une caste politique isolée vivant séparée du peuple rrom.

§ 4 — Qualités des représentants ; sectorialisation électorale

Quatre qualités fondamentales seront requises : la compétence (au sens large du terme) et l'honnêteté (qui comprend aussi le dévouement au bien de la collectivité rromani et à celui de la société européenne en général), ainsi que l'appui populaire (exprimé par des suffrages ou non) et l'appartenance à la collectivité rromani (sous quelque forme que ce soit). Les deux premières priment sur les deux dernières. En aucun cas l'identité ethnique ou le soutien populaire ne pourront être à eux seuls des critères de désignation de représentants, en l'absence de compétence et d'honnêteté avérées. Ces deux qualités, aussi difficiles qu'elles soient à établir (comme dans toute collectivité), resteront les critères fondamentaux d'accession à des responsabilités formelles qui restent à définir en temps et lieu opportuns.
La sectorisation électorale pour l’élection de représentants sera opérée sur la base de communes ou de petites régions, conformément à un nouveau système encore à élaborer, éventuellement selon des critères non-géographiques, et en principe sans rapport avec les frontières.

§ 5 — Primauté de l'action et de la participation sur la représentation

Un effort d'éducation tout particulier sera fait pour faire abandonner les perceptions, héritées de divers régimes locaux, qui comprennent l'exercice de l'autorité et/ou de la représentation comme une prérogative de despote, une fonction honorifique ou un instrument de convenance personnelle. L’idée de large participation de tous les Rroms aux discussions, décisions et activités sera systématiquement encouragée par le biais d’une éducation appropriée, en commençant dès le plus jeune âge. De nouvelles formes, plus efficaces, de participation seront recherchées. Un certain devoir de résultat sera imposé aux représentants ainsi qu'un devoir de rendre des comptes, pouvant être sanctionné par la révocation mentionnée ci-dessus.

§ 6 — Droit coutumier

L'exercice du Droit coutumier rrom (rromani kris) sera respecté avec son idéologie propre, qui est la priorité de la réconciliation sur la justice formelle, mais ses domaines d'activités seront définis de telle sorte qu'ils n'entrent pas en conflit avec les Droits de l'Homme et les Libertés Fondamentales. En outre, une décision ne sera exécutoire qu'avec le libre accord des parties en dissension, chacune d'elle ayant le droit inaliénable de faire appel à une autre juridiction si elle le souhaite.

§ 7 — Parité hommes/femmes

La parité hommes/femmes n'est pas une fin en soi, car il n'y a pas de lien direct entre elle et la justesse des décisions, mais un effort permanent et systématique sera fait pour s'en rapprocher dans tous les organes de représentation et d'autorité, y compris le droit coutumier, ceci non par décisions ponctuelles mais par éducation et efforts constants de persuasion.

Chapitre 12 — Symboles, couleurs etc...


§ 1 — Drapeau

Le Congrès de Londres de l'Union Rromani Internationale en 1971 a défini le drapeau du peuple rrom comme une roue de charrette rouge, reprenant toute la symbolique indienne de la roue, centrée sur fond bicolore : moitié supérieure bleue, symbolisant le Ciel, père infini de l'Humanité, et moitié inférieure verte, symbolisant la Terre, mère féconde l'Humanité. Ce drapeau peut être hissé dans les fêtes et événements divers, toujours accompagné des couleurs du pays concerné et du drapeau européen — tous ces drapeaux étant de taille et de visibilité équivalentes. Il est souhaitable que figurent aussi les drapeaux des autres collectivités de voisinage. Les représentations stylisées, artistiques et réinterprétées du drapeau rromani seront toujours préférées aux représentations ne varietur.

§ 2 — Couleurs symboliques

La tradition rromani reconnaît comme couleurs symboliques les couleurs chaudes (rouge, jaune et orangé essentiellement) tandis que le vert et le bleu, couleurs du drapeau, se rattachent à la conscience politique rromani émergente.

§ 3 — Hymne

a) Le chant Gelem, gelem, dont la musique est un mélodie populaire du Banat et les paroles ont été composée par Jarko Jovanović lors de sa visite au Struthof, est devenu spontanément au cours des années et par sa popularité, l'hymne national du peuple rrom. Il a été consacré dans ce rôle par le Congrès de Genève en 1978 et le Congrès de Varsovie en 1990 en a publié les paroles officielles en quatre strophes.
b) A la différence des hymnes de la plupart des nations, l'hymne rromani Gelem, gelem peut être interprété selon tous les styles de musique rromani traditionnelle ou de création (oriental, romance, flamenco, rumba etc...), dans la mesure où son caractère de dignité (les strophes 2 et 3 évoquent le Samudaripen, le génocide nazi contre les Rroms) est respecté. Cette liberté d'interprétation exprime la richesse des traditions culturelles des Rroms et le respect mutuel des groupes les uns pour les autres. En revanche, la ligne mélodique et les paroles sont fixes.

CONCLUSION


L'Union Européenne reconnaît que le travail à fournir est très vaste, qu'il implique une coopération sérieuse et raisonnée de tous les Etats-membres, que divers secteurs de chacun des Etats-membres doivent coopérer en concertation suivie, qu'un travail effectif et non formel, hors de toute langue de bois et idée préconçue (qu'elle passe pour favorable ou défavorable aux Rroms) doit être entrepris de manière radicale mais que malgré les difficultés que personne ne nie, il en va du devenir même et de la crédibilité de la démocratie et de la stabilité du continent que la nation rromani puisse s'intégrer avec dignité et dans le respect de sa richesse culturelle dans la famille des nations européennes. Des efforts budgétaires et diplomatiques devront être faits, les premiers surtout pour financer des bourses d'études à des jeunes Rroms, les seconds pour que les Etats réalisent effectivement un changement radical dans la situation des collectivités de Rroms citoyens des dits Etats, afin qu'ils parviennent à la position de bien-être et de dignité à laquelle tout citoyen et toute collectivité européens sont en droit de prétendre.
L'Union Européenne lance un appel aux Rroms et à leurs structures pour que ceux-ci s'engagent activement dans une participation effective au programme exposé par le présent document, élaboré de manière conjointe par le Réseau rrom des activistes sur les questions juridiques et politiques (RANELPI) et l'Union Européenne.

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