mercredi 15 août 2012

la contemplation . 3

      contemplation dite infuse      








Le Dieu des philosophes reste naturel, origine plausible du créé, il offre en cadeau logique que l’humanité soit l’aboutissement de son œuvre et qu’à la fin-même de celle-ci, il y ait comme une communion cosmogonique. La contemplation chrétienne n’est pas visionnaire d’une fresque, elle est relationnelle et personnelle. Il y a donc autre chose. C’est bien d’autre chose qu’il s’agit.

Elle est un don, inreproductible. Elle est probablement l’expérience – extraordinaire – d’une irruption de l’éternité, de la totalité de l’être dans une conscience humaine qu’encagent le temps, la physiologie. Elle fait à proprement parler se perdre vis-à-vis de lui-même l’être humain qui en est gratifié, elle l’émancipe des conditionnements de sa culture, des circonstances-même du moment où elle est donnée, et pourtant elle n’ôte rien à la personnalité et aux constituants du contemplatif. L’homme s’éprouve sans raison, sans motif comblé par une situation dont il sait ineffablement l’origine, et c’est la prise de conscience de cette origine divine du bonheur et de la plénitude dont il est saisi qui, précisément, le transporte en action de grâces et le place vis-à-vis de son Créateur.

Cette forme de contemplation n’est pas assortie d’une vision qui pourrait être mémorisée ou se décrire ni non plus d’une sorte d’envoi en mission à titre de témoin ou d’acteur pourvu d’une expérience à transmettre. Elle est une situation où l’âme se trouve soudainement transportée. Cette âme sait où elle a été enlevée mais elle n’en sait ni la manière ni le moment selon la pérégrination et le temps humain : c’est une durée sans commencement et dont la fin n’est pas à redouter et ne sera pas douloureuse, désappropriante ou mutilante. A cette âme, à cet homme, à cette femme, peu importe qu’il n’y ait aucun repère humain. L’âme se trouve là où elle ressent qu’elle est au mieux, que c’est bien là qu’elle doit éternellement se trouver et que c’est sans doute de là qu’elle est venue. Elle est en Dieu et elle se sent au centre de l’humanité, de l’univers, de l’Histoire ; elle n’est ni subordonnée ni souveraine, elle est pleinement située, elle communie et elle se vit comme éminemment active et féconde. Elle s’aperçoit qu’elle loue le Créateur, qu’elle assemble en sa prière toutes les destinées de tous ses compagnons et compagnes de vie et de nature, et elle se retrouve soudain où elle était physiquement, l’instant d’avant, heureuse et reconnaissante de ce qu’elle vient de vivre, de cette nouvelle certitude de son identité et de sa nature spirituelles qui vient de lui être donnée. Pour la énième fois ou pour la toute première, ce qui ne change à aucun degré l’expérience. Les sens humains ont tous concouru à cette prise de conscience, au-delà de la jouissance, au-delà du savoureux, au-delà de toute connaissance, ils ont été accomplis davantage que subjugués. Avec ou sans son corps, écrit l’Apôtre.

Ce passage de l’extraordinaire dans une vie humaine peut se révéler fréquent. Sans qu’il soit l’objet d’une demande explicitement formulé dans l’intime de l’âme s’en venant à la prière, il est certainement le sceau suave, décisif et odorant que Dieu met non pour sceller une oraison, mais pour y ouvrir.

Les écrits évangéliques et la transcription par de nombreux saints de leur expérience en cette sorte-là de contemplation, permettent de caractériser ce qu’il y a de totalisant et de soudain dans cette grâce. Ils montrent surtout que la démarche scientifique, la quête philosophique, toutes les doctrines de vie intérieure parviennent ou même excellent à décrire la nécessité et le but de la contemplation mais échouent à vivre la contemplation, à vivre de contemplation…

Deux fondateurs, en particulier, ont lié l’institution ou la réforme de leur ordre religieux à une vocation toute personnelle, celle de l’union à Dieu.  En sorte que, recevant l’expression de la volonté de Dieu quant à ce qu’ils avaient à faire pour Sa gloire, ils en tirèrent – comme accessoirement – matière à une expérience transmissible, et qu’ils enseigneront. Fondant ainsi non seulement une institution mais une spiritualité.
 
  La grâce et la culture de l’expérience : Ignace de Loyola
  L’épreuve de la mystique : Thérèse d’Avila
  Amour sensoriel et contemplation
  Absolu et contemplation



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La grâce et la culture de l’expérience : Ignace de Loyola


Il y a quelque chose d’inné dans l’expérience mystique d’Ignace. Dès lors qu’il se convertit, tout lui advient, même si c’est pour voyager, tâtonner et passer précocement d’une jeunesse tumultueuse à une aura de fondateur et de chef. Autant d’autres mystiques, Thérèse d’Avila, Jean de la Croix, ses contemporains ou presque, se mettent en scène eux-mêmes et ont à guerroyer jusqu’à leur mort, autant le constituant de la Compagnie de Jésus est l’objet de multiples témoignages et fait intensément partie de l’histoire de son siècle. A cet égard, il tient de saint Bernard, avec la prudence en plus. Sans que cela soit sous sa plume mais la pédagogie des collèges jésuites l’atteste, c’est d’abord un homme d’équilibre, «  l’honnête homme » avant la lettre, l’idéal humain de la Renaissance et des débuts de l’ère classique qu’il présage. Et cet équilibre est tenu de Dieu, de la vie spirituelle.

J’ai aussi compris du même Père Ignace qu’il vit lui-même dans la contemplation et qu’il trouve Dieu chaque fois qu’il s’adonne  l’oraison ; et qu’on ne devait pas observer une règle et un ordre déterminés, mais qu’on devait pratiquer l’oraison de diverses manières, chercher Dieu par des méditations diverses. Si on commence à partir de la dernière grâce reçue dans l’oraison, il n’a pas condamné cela, mais il a dit que c’était le propre des débutants. Au début de sa conversion, le Père Ignace était porté à parler avec des personnes spirituelles de ce qui lui était spirituellement révélé. Ensuite, ce désir le quitta, et il s’engagea dans une autre voie en sorte qu’il traitait seul à seul avec Dieu. (Jérôme Nadal, op. cit. p. 68)

La manière de lire l’Ecriture. Quelqu’un lisait l’Ecriture et nourrissait ses affections par la seule considération de l’histoire, sans faire aucune recherche, mais en contemplant, comme si elles étaient présentes, les choses qui sont écrites. Il en tirait souvent des fruits qui n’étaient pas petits, surtout quand il contemplait le Christ faisant des miracles pendant sa vie sur la terre. Cette manière de faire est très simple, de telle sorte que, lorsque nous ne pouvons pas facilement faire travailler notre intelligence, il soit possible d’y recourir commodément même au temps de la maladie. (Jérôme Nadal, op. cit. p. 69)

Quelqu’un, alors qu’il avait été auparavant désolé, pendant toiute la journée du 18 Juillet 1557 et pendant les deux ou trois jours qui suivirent, ressentit une si grande consolation et joie spirituelle ainsi que le sens de la Compagnie, surtout de la fin de la Compagnie et de la substance même de l’Institut, qu’il ne put exprimer ce qu’il ressentait, alors que des larmes le manifestaient. En outre, il ne put ressentir aucune difficulté dans cette affaire, ni concevoir le plus petit sentiment de crainte. En effet, s’il voulait fixer son esprit sur les difficultés, les dangers et les craintes, rien de ces choses ne pouvait lui venir à l’esprit, mais au contraire une luière et quelque chose de beau et de suave. Et lui apparaissaient quelque chose comme un édifice de marbre très beau et très blanc, dont on ne voyait nettement ni le début, ni la fin, ni la forme. Mais il sentait dans son cœur que cette troisième chose était cachée avec le Christ en Dieu, à qui soit une gloire infinie pour l’éternité. Le même reçut pendant ces deux jours de grandes lumières,l’une sur les activités divines, qu’il ne peut expliquer ; par cette lumière, cependant, il ressentit une si grande confirmation sur ce sujet qu’il lui semblait que lui était ouvert le don d’intelligence. De plus, il sait comment l’Eucharistie st à la fois nourriture de l’âme et union des fidèles entre eux, etc. De plus encore, il eut une connaissance plus claire de ses péchés, surtout en recevant une pénitence pour ceux-ci, pénitence qui lui semblait très douce. Bref, c’était là une grande et puissante lumière sur toutes choses. (Jérôme Nadal, op. cit. p. 127)

C’est ce même homme – dont la vie a connu dépression, illumination, incertitude du dessein de Dieu sur soi puis sur ce qu’il a fondé - qui rédige, bien plus impératif et pratique qu’un traité, un manuel d’exercices, osant d’ailleurs les qualifier de spirituels, et admettant par conséquent l’objectivité et l’autonomie d’une forme ou d’un des aspects de la vie humaine. Le manuel s’adresse plus à un accompagnant qu’à un retraitant, d’une manière analogue à la divine institutions des sacrements qui dans l’Eglise sont administrés à des hommes par des hommes, on « donne les Exercices », on les « reçoit ». Et les conseils sont des plus concrets. Trois manières de prier. Règles pour sentir et reconnaître les diverses motions qui se produisent dans l’âme. Règles pour un plus grand discernement des esprits. Règle pour la distrubution des aumônes. Règle pour aider à sentir et à juger les scrupules. Règles pour avoir le sens vrai qui doit être le nôtre dans l’Eglise militante. (Ignace de Loyola, Exercices spirituels  op. cit. p. 230). La correspondance du directeur spirituel excelle à définir ces motions et à indiquer l’usage à en faire, qu’on les éprouve positivement ou qu’on en vive douloureusement le manque (Ignace de Loyola, Lettres, op. cit. p. 53). Il s’agit en principe de préparer et de disposer l’âme, pour écarter de soi tous les attachements désordonnées, puis, quand on les a écartés, chercher et trouver la volonté divine dans la disposition de sa vie, pour le bien de son âme, et si la spiritualité ignatienne passe pour une école de discernement et de liberté, pouvant rivaliser avec les « techniques » mentale et spirituelles les plus courues de notre époque, il apparaît vite que l’essentiel des recommandations est une invite, une aide à la contemplation. Deux facultés sont mises en œuvre : nous nous servons de l‘activté de l’intelligence pour penser et de celle de la volonté pour aimer. Remarquons donc que l’activité de la volonté, lorsque nous nous entretenons vocalement ou mentalement avec Dieu notre Seigneur ou avec ses saints, exige de notre part un plus grand respect que lorsque nous nous servons de l’intelligence pour comprendre. (Ignace de Loyola, Exercices spirituels  op. cit. p. 15)

On notera que, si l’on veut rester plus longtemps sur la Passion, il faut prendre dans chaque contemplation moins de mystères : dans la première contemplation, uniquement la Cène (…) et ainsi pour les autres contemplations et mystères. Egalement, une fois terminée la Passion, prendre pendant un jour entier la moitié de la Passion, le second jour l’autre moitié, et le troisième jour toute la Passion. Au contraire, si l’on veut passer plus vite sur la Passion, prendre la Cène, au matin le jardin, (…) De la sorte, en omettant les répétitions et l’application des sens, faire chaque cinq exercices différents, avec un mystère du Christ notre Seigneur en chacvun des exercices. Puis, ainsi achevée toute la Passion, on peut faire un autre jour tout l’ensemble de la Passion, en un ou plusieurs exercices, selon ce qui paraîtra pouvoir être profitable. (Ignace de Loyola, Exercices spirituels op. cit. p. 114)

Pour le traducteur français et également fils de saint Ignace, contempler n’est pas tant de fixer l’imagination pour qu’elle ne trouble pas la prière que de nous en servir pour passer du visible où s’exprime le mystère, à la réalité invisible. (Ignace de Loyola, ibid. op. cit. p. 43 – note 3). La contemplation est à proprement dire un exercice. Ainsi de celle pour obtenir l’amour. Elle est exposée comme une médication. L’amour est d’abord défini en remarques préalables. Puis deux préambules sont indiqués, composition du lieu. Demanderce ce que je veux. Suivent alors quatre points : 1° me remettre en mémoire… 2° regarder comment Dieu… 3° considérer comment Dieu… 4° regarder comment tous les biens et tous les dons (…) Puis terminer en réfléchissant en moi-même, comme il est indiqué. Terminer par un colloque et un Pater noster. Le traducteur ajoute en note. Le quatrième point de la contemplation nous fait entrer dans la pleine familiarité divine : nous trouvons Dieu en toutes choses et toutes choses en Dieu, unifiant ainsi notre prière et notre action. (Ignace de Loyola, ibid. op. cit. pp. 127 à 130). La méthode ignatienne forme autant les formateurs – généralement desreligieux jésuites – que les laïcs. Propre, particulièrement dans notre époque, à structurer ceux qui veulent vivre chrétiennement sans avoir cependant ressenti l’appel à un état de vie religieux ou à une vocation sacerdotale, elle apprend ce que peut être dans la vie quotidienne la contemplation, et elle fait passer de l’acquis à l’infus, en ce sens que l’ « exercitant » a acquis un certain « flair » le portant à reconnaître, ce qui en lui, vient de Dieu. Nous pouvons dès lors intégrer nos vœux les plus profonds : désirs pur nous-mêmes et nos proches, souhaits pour la société et le monde où Fdieu nous a placés, aspiration enfin vers Dieu. La spiritualité ignatienne nous permet ainsi de progresser vers une unité plus profonde de la prière et de la vie, de changer et de croître à la lumière de l’évangile et sous la direction forte et créatrice de l’Esprit de Dieu à l’œuvre dans l’existence de chaque jour. (David Lonsdale, op. cit. p. 203).  C’est bien l’existence réconciliée. (titre de Pierre-Jean Labarrière, op. cit.). A tel point que les « Exercices » deviennent à leur tour la trame la plus appropriée, la dialectique toujours retrouvée de toute retraite, de toute lecture, de toute halte spirituelles, qu’ils sont vraiment une école de contemplation (ce dont témoigne l’entier de l’œuvre de Jean Laplace, fêtant en 2002 le jubilé de cinquante ans d’un ministère uniquement consacré à « donner les Exercices »). Car l’expérience ignatienne montre enfin que le retraitant crée lui-même une ligne d’interprêtation qui lui est propre et qui va constituer son originalité. (…) En même temps que le retraitant s’approprie le texte de saint Ignace, en le reconstruisant dans son propre cheminement, il fait apparaître, à travers les Exercices, des lignes de croissance spirituelle, ou plutôt une ligne qui est la sienne, parmi d’autres qui se dessinent mais sont spontanéament ou explicitement écartées. D’un stade à l’autre, d’une méditation à l’autre, d’une motion à l’autre, le retraitant retient une indication, une suggestion ; il garde du texte (sans que ce soit l’objet d’un choix délibéré) ce qui lui révèle à lui-même sa tendance, sa manière d’être, les conditions de sa réponse à la grâce. (Maurice Giuliani, op. cit. p. 195).

Quelle avait été l’expérience initiale d’Ignace ?

En ce temps-là, Dieu le traitait de la même manière qu’un maître d’école traite un enfant,savoir : en l’enseignant. Etait-ce bien à cause de sa rudesse et de son esprit grossier ou bien poarce qu’il n’avait personne qui l’enseignât ou à cause de la ferme volonté que Dieu même lui avait donnée pour le servir, - en tout cas il jugeait clairement, et toujours il a jugé, que Dieu le traitait en effet de cette manière-là et, bien mieux, s’il en doutait, il penserait offenser la Divine Majesté. On peut voir de tout cela un témoignage dans les cinq points qui vont suivre.
Premier point. Il avait beaucoup de dévotion envers la Très Sainte Trinité et chaque jour il faisait oraison aux trois Personnes, chacune priuse à part. Ert comme il priait aussi la Très Sainte Trinité dans son ensemble il lui venait une réflexion : comment ? Il faisait qutre oraisons à la Trinité ? Mais cette réflexion lui donnait peu de souci ou même aucun, tyelle une chose de peu d’importance. Et comme un jour il priait sur les marches de ce même monastère (de Saint Dominique), récitant les heures de Notre-Dame, son entendement se mit à s’élever, comme s’il voyait la Sainte Trinité sous la figure de trois touches d’orgue – et cela avec tant de larmes et tant de sanglots qu’il ne pouvait se mouvoir. Il prit part ce matin-là à une procession qui sortait du monastère et il ne put retenir ses larmes jusqu’au repas. Après avoir mangé, ilo ne pouvait plus parler d’autre chose que de la Sainte Trinité, à l’aide de comparaisons nombreuses et très diverses et avec beraucoup de joie et de consolation. Si bien que pendant touite sa vie, il lui erst resté cette iompression de sentir une très grtande dévotion toutes les fois qiu’il faisait son oraison  à la Très Sainte Trinité.
Second point. Une fois devint présente à son entendement, non sans une grande joie spirituelle la manière dont Dieu avait créé le monde. Il lui sembla voir une chose blanche d’où sortaient des rayons et avec laquelle Dieu faisait de la lumière. Mais ces choses il ne savait pas les expliquer et il ne se souvenait pas non plus tout à fait bien des connaissances spirituelles qu’en ce temps-là Dieu imprimait dans son âme.
Troisième point. Toujours à Manrèse, où il se trouvait depuis une année environ, après avoir commencé  d’être consolé par Dieu (…) et alors, comme il se trouvait dans cette bourgade, à l’église du monastère, et qu’il entendait dire la messe, un jour, il vit avec les yeux intérieurs, à l’élévation du Corpus Domini, certains rayons blancs qui venaient d’en haut. Et quoiqu’il ne puisse bien expliquer, après tant de tempps écoulé, cette vision, cependant, ce qu’il perçut avec clarté dans son entendement, ce fut la manière dont se trouvait dans ce très saint Sacrement, Jésus-Christ, notre Seigneur.
Quatrième point. A de nombreuses reprises et chaque fois pendant longtemps, il vit avec les yeux intérieurs, tandis qu’il se tenait en oraison, l’humanité du Christ. L’image qui lui apparaissait était comme un corps tout blanc ni très grand ni très petit mais dont il ne distinguait pas les membrers. Cela, il le vit à Manrèse beaucoup de fois : s’il disait vingt ou quarante il n’oserait pas juger que ce serait faux. Une autre fois il le vcit en étant à Jérusalem et une autre fois en allant à Padoue. Il vit également Notre-Dame sous une forme analogue mais sans distinguer non plus de parties dans cette forme. Toutes ces choses qu’il aperçut le raffermirent alors et lui donnèrent une si grande confirmation dans la foi que souvfent il se dit, au fond de soi : même s’il n’y avait pas l’écriture pour nous enseigner ces choses de la foi, il se déciderait s’il le fallait, à mourir pour elles, et seulement à cause de ce qu’il avait vu.
Cinquième point. (Ignace de Loyola, Autobiographie op. cit. pp.73 à 75)  L’illumination du Cardoner voir notice sur Ignace de Loyola par Dominique SALIN s.j..




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L’épreuve de la mystique : Thérèse d’Avila

L’expérience de Thérèse d’Avila se distingue à deux points de vue de celle d’Ignace. Elle ne se situe pas à l’orée d’une conversion, elle-même vécue relativement en début de vie, et elle porte à la défiance, à la sollicitation du conseil de tiers, celle qui en bénéficie. Mais elle a la même consonnance trinitaire que celle du fondateur des Jésuites, elle témoigne aussi de ce qu’avait naguère enseigné un autre grand réformateur, Bernard de Citeaux : Puisque ses voies sont aussi impénétrables, tu te demandes sans doute comment j’ai savoir qu’il était présent (…). Dès qu’il est entré, il a réveillé mon âme (…). Jamais il ne fit connaître son entrée par quelque indice ou par quelque démarche qui frappât mes sens (…) Ce fut seulement par le mouvement du cœur que je reconnus sa présence. (Bernard de Fontaines, cité par Jean Gouvernaire, op. cit. p. 23).

Je vois clairement que les Personnes sont distinctes, comme je vis hier Votre Gtrâce et le Provincial quand vous parliez ensemble, sauf que je n’en voie rien ; je n’entends rien non plus, comme je l’ai dit à Votre Grâce, mais j’ai une extraordinaire certitude de cette présence que les yeux de l’âme ne voient même pas, et si elle s’éloigne, j’ai le sentiment de son absence. Comment, je l’ignore mais je sais fort bien que ce n’est pas de l’imagination ; j’ai beau, plus tard, tout faire pour la retrouver, çà m’est impossible, et pourtant j’ai essayé ; il en est de même de tout ce que je dis ici, à ce que je sais, et cela dure depuis tant d’années que je puis dire avec assurance ce que j’ai vu. (Thérèse d’Avila, op. cit. pp. 864 & 865)

C’est d’abord en réformatrice, en fondatrice, en responsable d’institutions que Thérèse d’Avila enseigne ses filles. Mais elle produit son expérience personnelle ; avec audace malgré la constante apparence de s’en remettre au discernement masculin pourvu qu’il soit lettré, expérimenté, religieux ; sous ce couvert et en somme, elle restaure la prière contemplative dans la vie monastique.
Ici l’oraison est le principal exercice, et, comme je l’ai dit, il vous sera très utile de chercher à comprendre comment, et avec quelle persvérance, vous devez vous exercer à l’humilité, si nécessaire à toutes les personnes qui s’exercent à l’oraison, dont elle est une partie importante. Comment celui qui est vraiment pourra-t-il penser qu’il vaut bien ceux qui atteignent à la contemplation ? Il admettra, oui, que Dieu l’y conduira dans sa bonté et sa miséricorde ; mais je lui conseille, qu’il se mette toujours à la dernière place, comme le Seigneur nous l’a enseigné par ses paroles et par ses actes. Qu’il soit prêt, au cas où Dieu voudrait le conduite dans cette voie ; sinon, voici en quoi l’humilité est utile : cette âme trouvera sa joie à servir les servantes di Seigneur et à Le louer ; car alors qu’elle mériterait d’être la servante du démon en enfer Sa Majesté l’a introduite en leur compagnie.
(…)Dieu ne nous conduit pas toutes par le même chemin, il se peut même, d’aventure, que celui qui semble le plus soit le plus haut aqux yeux du Seigneur ; dans cette maison, donc où toutes recherchent l’oraison, il ne s’ensuit pas que toutes doivent être des contemplatives. C’est impossible, et celle qui ne l’est pas sera au désespoir si elle ne comprend pas cette vérité : c’est là un don deDieu ; et puisque ce n’est pas nécessaire à notre salut, et qu’Il ne l’exige pas de nous par- dessus tout le reste, elle ne doit point imaginer qu’on le demandera d’elle ; elle n’en sera pas moins parfaite, si elle fait ce que j’ai dit ; son mérite en sera peut-être accru, car elle se donnera plus de mal ; le Seigneur la traite en personne forte et réserve les jouissances qu’elle n’a pas ici-bas pour les lui donner toutes ensemble. Qu’elle ne flanche point, qu’elle n’abandonne pas l’oraison, qu’elle ne manque pas de tout faire comme les autres, car le Seigneur vient parfois sur le tard, il paie alors tout à la fois, et si bien, qu’il donne autant qu’aux autres en de nombreuses années.
J’ai passé plus de quatorze ans sans même pouvoir méditer autrement qu’avec un livre. Bien des persnnes, sans doute, en sont là, d’autres ne parviennent même pas à méditer une lecture, elles ne prient que vocalement. C’est le seul moyen de soutenir leur attention. Il est des pensées si vives qu’elles ne peuvent se fixer, toujours agitées, à tel point que si elles veulent s’arrêter sur Dieu, elles s’égarent en mille sottises, scrupules et doutes. Je connais une bien vieille personne, de fort bonne vie, pénitente, grande servante de Dieu, qui passe de nombreuses heures depuis de longues années à prier vocalement ; quant à la prière mentale, rien à faire ; au mieux a-t-elle réussi, peu à peu, à être attentive à ses prières vocales. Ces personnes-là sont fort nombreuses, et si elles sont humbles, je ne crois pas qu’elles soient à la fin les plus mal partagées, leur lot vaut bien les plus vifs plaisirs, et il est souvent plus  sûr ; car nous ne savons pas si les plaisirs viennent de Dieu ou du démon. S’ils ne viennent pas de Dieu, ils nous exposent à de plus grands dangers, car le démon travaille à nous inspirer de l’orgueil ; s’ils viennent de Dieu, il n’y a rien à craindre, ils apportent avec eux l’humilité, comme je l’ai écrit très longument dans l’autre livre. (Thérèse d’Avila, op. cit. pp. 418 & 419)

Le Seigneur vous élève à la contemplation parfaite. Sa Majesté monre ainsi qu’elle entend qui lui parle, et Sa Grandeur lui parle à son tour, en suspndant son entendement et en arrêtant sa pensée ; Elle cueille, si on peut dire, les mots sur ses lèvres, car malgré qu’on le veuille on ne peut plus parler, si ce n’est avec beaucoup d’efforts. L’âme comprend que ce Maître Divin l’instruit sans bruit de paroles, suspendant les puissances, qui feraient plus de mal que de bien si elles agissaient. Lle jouit sans savoir comment elle jouit ; embrasée d’amour, l’âme ne sait comment elle aime ; elle sait qu’elle jouit dece qu’elle aime, et ne sait comment elle en jouit. Elle comprend bien que cette jouissance est telle que l’entendement ne saurait la désirer, elle l’enflamme d’amour sans qu’ellesache comment ; mais dès qu’elle peut comprendre quelque chose, elle voit que ce bien-là ne peut se mériter  sur terre même si on endurait toutes les épreuves possibles à la fois. C’est un don du Maître de la terre et du ciel, enfin, un don digne de Lui : voilà,mes filles, ce qu’est la contemplation parfaite.
Vous comprendrez maintenant en quoi elle diffère de l’oraison mentale, qui consiste en ce que je vous ai dit : penser à ce que nous dfisons, le comprendre, comprendre à qui nous parlons, et qui est celle qui oose ainsi parler à un si grand Seigneur (…) Dans ces deux formes d’oraison nous pouvons quelque chose, avec la grâce de Dieu. Dans la contemplation dont je viens de vous parler, nous ne pouvons rien ; c’est Sa Majesté qui fait tout, c’est son œuvre, elle surpasse notre nature.  (Thérèse d’Avila, op. cit. pp. 450 & 451)

Ce n’est pourtant qu’à soixante-sept ans que Thérèse d’Avila a la vision et reçoit la grâce du mariage spirituel. D’une certaine manière, l’expérience fondatrice est chez la Carmélite postérieure à tout son itinéraire, qu’elle semble sceller et authentifier rétrospectivement, tandis que celle d’Ignace lui avait été donnée en ouverture : jusqu’à la vingt-sixième année de sa vie, il fut adonné aux vanités du monbde et principalement il se délectait dans l’exercice des armes avec un grand et vain désir de gagner de l’honneur. (Ignace de Loyola, Autobiographie op. cit., p. 43).

Jean de la Croix rompit l’hostie pour en donner une partie à une autre sœur,Je pensai que ce n’était pas faute d’hosties, mais pour me mortifier : je lui avaius dit beaucoup aimer les grandes hosties, quoique sachant bien que le Seigneur est tout entier dans la moindre parcelle. Sa Majesté me doit : « Ne crains rien, ma fille, nul ne pourra te séparer de moi ». Il me fit entendre que cela n’importait point.
Alors il m’apparut en vision imaginaire, ainsi qu’il l’avait déjà fait, mais au plus profond de moi-même. Il me donna sa main droite, et me dit : « regarde ce clou : c’est la marque que dès aujourd’hui tu seras mon épouse. Jusqu’ici tu n’avais pas encore mértité de l’être ; désormais tu veilleras sur mon honneur non seulement parce que je suis ton Créateur et ton Roi, mais en tant que mon éposue véritable. Mon honneur est tien, ton honneur est mien. « 
Cette grâce agit si puissamment que je restai hors de moi-même. J’étais comme égarée, je demandai au Seigneur de dilater bma petitesse, ou de ne point mle faire une si immense faveur, ma faiblesse naturelle ne pouvait la supporter. Je opassai cette journée dans l’enivrement. Il en est résulté depuis de grands bienfaits, mais aussi un accroissement de confusion et d’affliction, car je ne sers pas autant que je devrais le faire après avoir reçu une si grande grâce.(Thérèse d’Avila, citée par sa biographe Marcelle Auclair, op. cit.  pp. 207 & 208)



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Amour sensoriel et contemplation


Thérèse d’Avila et Ignace de Loyola ne sont pas les premiers à rendre compte d’un état mystique. Le vocabulaire affectif, sensoriel, amoureux est davantage celui de la réformatrice que du fondateur. Deux siècles auparavant, plusieurs autres aspects du transport amoureux dans la contemplation, sont donnés par  Richard Rolle de Hampole.

J’étais assis dans une chapelle et tandis que j’éprouvais une joie intense dans la douceur de la prière ou méditation, je sentis soudainement en moi une chaleur inaccoutumée et joyeuse. Bien que d’abord je doutais d’où elle venait, j’éprouvais assez longuement qu’elle n’était pas de la créature, mais du Créateur, parce que plus fervente et plus joyeuse. Cette chaleur brûlante, sensible et douce au-delà de toute expression brûla jusqu’à  l’infusion et la perception d’un son céleste ou spirituel qui avait quelque chose d’un cantique d’éternelle louange et de la suavité d’une invisible mélodie que seul peut connaître et entendre celui qui la perçoit – purifié qu’il doit être et séparé de cette terre ; elle me submergea pendant un an, trois mois et quelques semaines… Ma pensée ne cessait de se transformer en mélodie et c’était comme un merveilleux chant que j’avais dans ma méditation et je disais mes prières et mes psaumes dans la même musique. J’éclatais intérieurement en chantant ce chant dont j’ai précédemment parlé, tant déferlait la suavité, mais secrètement devant mon Créateur. Ceux qui me voyaient n’en savaient rien, car s’ils l’avaient su, ils m’auraient loué au-delà de toute mesure et j’aurais ainsi perdu une partie de cette fleur si belle. J’étais stupéfait d’avoir été amené à une telle joie, moi être de l’exil, et parce que Dieu m’avait fait des dons que je n’étais même pas capable de demander et dont je ne pensais pas qu’ils puissent être faits à quiconque, même au plus saint en cette vie. C’est ce qui me fait penser que cela n’est jamais accordé aux mérites, mais gratuitement à qui le Christ veut le donner.Je crois pourtant que personne ne le recevra s’il n’aime spécialement le nom de Jésus et aussi s’il ne l’honore si hautement que jamais il ne permette que ce nom s’efface de sa mémoire, sauf durant le sommeil… (Richard Rolle de Hampole, chapitre XV de l’Incendium amoris  in op. cit. pp.  572 à 590)

J’étais plus étonné que je ne saurais dire, quand je sentis que mon cœur s’échauffait, de la manièredont cette ardeur avait jailli dans mon âme, n’ayant pas l’expérience d’une consolation si inhabituelle ; je tâtais souvent ma poitrine pour voir si cette chaleurne venait pas d’une cause extérieure. Et quand j’eus réalisé que cet incendie d’amour flambait de l’intérieur et non de mon corps et du désir dans lequel je me trouvais, qu’il était en fait un don du Créateur, je me liquéfiai dans la joie et dans le sentiment d’une plus grande dilection…Avant que cette chaleur consolante m’ait envahi,pleine de douceur et dedévotion, ej n’aurais jamais pensé qu’une si grande ardeur pût advenir à quelque vivant, exilé ici-bas, car elle enflammait mon âmecomme si c’était le feu matériel qui brûlait. Ce n’était pas comme certains disent que quelqu’un brûle de l’amour du Christ parce qu’ils le voient saisi par le zèle du service de Dieu et le mépris du monde. C’était juste comme si vous mettiez votre doigt dans le feu : on subit une brûlure sensible… Qui donc vivant en ce corps mortel pourrait continuellement supporter cet extrême degré de chaleur ? (Richard Rolle de Hampole, début de l’Incendium amoris ibid.)

On peut donc penser que bien des types de comparaisons et d’images, faisant appel à chacun des sens dans leur acception habituelle, sont loisibles et n’épuisent pas le tout de l’expérience mystique. Leur point commun reste l’analogie avec l’amour humain, et plus précisément charnel, émotif, sensible, sensuel. Ce qui peut tromper. Les nonnettes de l’Incarnation avaient grand besoin de sublimer ainsi leur conception de l’amour. Elles avaient, au début, fort agacé la Madre par leurs ricanements niais de filles mûres demeurées dans l’âge ingrat : «  Je me rappelle avoiur entendu un admirable sermon sur ces délectations de l’Epouse qui traite avec Dieu ; il y eut tant de rires et ce que dit le prédicateur fut si mal pris, parce qu’il parlait de l’amour, que j’en fus épouvantée. » (Thérèse d’Avila, op. cit. p. p. 207 & 208).

La philosophie est un effort de l’intelligence pour rendre compte d’autre chose que d’elle-même. L’intelligence connaît-elle d’ailleurs ses limites ? Elle ne peut ls connaître qu’en s’exerçant. Or la contemplation de l’Absolu a pour effet, plus que tout autre, de paraluser l’homme et de lui rendre non seulement inexplicable mais étranger le monde où il est condamné à vivre. Elle fait osciller l’homme entre une ivresse mystique qui le rend incapable d’agir et un fatalisme qui l’en dégoûte d’avance. L’ivresse mystique est un phénomène bien connu qui s’empare de l’homme chaque fois que celui-ci pense avec assez de force l’Absolu en dehors duquel rien n’existe. Ce n’est pas toujours de l’Esprit pur qu’il s’agit ou du Dieu personnel. Au contraire, ilentre un élément sensible – ne serait-ce que par allégorie – dans l’Absolu tel qu’il est glorifié. Cette ivresse ne peut pas rester uniquement spirituelle – elle devient facilement sensuelle ; elle aspire à travers un signe, un symbole, à toucher une réalité plus proche que cet Absolu incomparable qui recule àmesure qu’on voudrait se perdre en Lui. Aussi le glissement de la Vénus céleste à la Vénus terrestre – inverse de celui que souhaitaient les Platoniciens – s’est-il souvent produit dans l’histoire des philosophies et des religions les plus éprises d’absolu.  (Jean Grenier, op.cit. pp. 71 & 72)

Le Cantique des Cantiques est considéré comme la perle de l’Ancien Testament, sa dénomination est un superlatif voulu (le commentaire le plus accessible demeure celui de Blaise Arminjon, op. cit.). L’union de l’âme à Dieu, de l’Eglise au Christ a pour parabole le poème de la chair, du désir, de ses supens et de ses satisfactions. Poser que Dieu est personne impose la comparaison et donne la note. L’Islam est en cela semblable au christianisme quand celui-ci s’approprie le texte attribué à Salomon.

Abu Nasr Abdallah b. Abi al-Sarraj al-Tusi, vivant au IVèmesiècle de l’Hégire dit que l’état d’amour divin apparaît chez le serviteur de Dieu lorsque celui-ci constate avec ses yeux les bienfaits dont Dieu l’a comblé ; qu’il prenne conscience dans son cœur de la proximité de Dieu, de l’intérêt qu’Il lui porte et de laprotection dont Il le fait bénéficier. Cet amour apparaît également lorsque le serviteur voit sa foi et par sa réelle conviction, l’attention et la guidance dont Dieu a fait preuve à son égard ainsi que la valeur de l’amour de Dieu pour lui ; aoors, à son tour, il aimera Dieu. Celui qui fut surnommé «  le paon des pauvres » distingue trois états dans l’amour (Joseph Elie Kahale, op. cit.p. 17). Le premier état est celui de l’amour général qui naît de la grâce de Dieu et de sa miséricorde envers le serviteur. Le deuxième état naît du sentiment du cœur face à la richesse de Dieu, à sa majesté, à sa grandeur, à sa science et à sa puissance. C’est amour est celui des serviteurs sincères et des soufis accomplis. Le troisième état de l’amour est celui des sincères et des gnostiques ; il naît de leur vision et de leur connaissance de l’amour onotologique deDieu sans défaut ; alors ils l’aiment sans résistance. Son cadet ‘Abd al-Rahman al-Sullami enseigne que l’amour divin est l’absence de distinction. L’amour est dit « amour » parce qu’il efface toute trace et n’est relié à aucun état. L’amoureux est celui dont l’essence est absorbée par l’amour divin et celui dont les attirbuts sont anéanti. Lorsqu’il envahit par sa flamme l’être, l’amour divin met celui-ci à nu, l’annéantit et le détourne de ce tout ce qui n’est pas l’amant. L’amour divin rend l’amoureux muet, incapable d’informer les autres de son état, ni de décrire son état. Notre contemporain, syrien d’Alep, ‘Abd al-Qadir ‘Isa, énumère dix causes de l’amour, autant de signes de l’amour et enfin, résumant l’enseignement des soufis, évoque dix rangs de l’amour. (Ibid. pp. 19 & 25).

La mystique chrétienne, à peu près à la même époque, au XIIème siècle aux Pays-Bas et en Brabant, ne s’exprime pas très différemment.

. . . si vous croyez de tout votre cœur que je suis aimée de Dieu et qu’il accomplit son œuvre en moi, secrète ou manifeste, et qu’il y renouvelle les merveilles d’autrefois, vous devez reconnaître en toute chose son opération, sans vous étonner que je sois pour les étrangers sujet d’étonnement et d’épouvante. Ils ne peuvent vivre en effet dans le domaine de l’amour car ils ne connaissent ni sa venue ni son déaprt. J’ai d’ailleurs pris très peu part aux mœurs des hommes, dans le manger, le boire ou le sommeil, je ne me suis ourvue ni d’habits, ni de couleurs, ni de parures à leur façon. Et de tout ce qui peut réjouir un cœur humain, de ce qu’il peut recevoir ou prendre, jamais je n’eus plaisir, mais seulement par brefs instants, de l’Amour qui vainc toute chose.
Ma raison illuminée, qui dès la première révélation de Dieu en elle-même a été mon guide, m’a montré ce qui manquait à ma perfection comme à celle des autres ; cette raison illuminée depuis son éveil m’a désigné une place, m’a conduite vers le lioeu où je dois jouir de mon Bien-Aimé, selon la noblesse de mon dépassement, dans l’unité.
Ce lieu de l’amour, que la raison illuminée m’a montré, est tellement au-dessus de toute pensée humaine que j’ai compris ne plus devoir jamais goûter bonheur ni peine en chose grande ou petite, sinon seulement en ceci : : que j’étais créature humaine et que j’éprouvais l’Amour – que je l’éprouvais dans mon cœur en aimant, mais sans pouvoir l’atteindre en sa Déité, sinon dans la privation de toute fruition.
Ce désir sans jouissance de la jouissance d’amour, que l’amour m’a inspiré sans cesse, a été mon tourment et ma blessure, dans la poitrine et dans le cœur, in armariolo et in antisma. Armariolo désigne l’artère du cœur la plus intérieure, avec laquelle on aime, et l’antisma est le plus intérieur des esprits par lesquels nous vivons, celui qui éprouve les plus profondes passions.
J’ai pourtant vécu avec les hommes en toutes les œuvres que je pouvais accomplir à leur service. Ils m’ont trouvée toujours prête en leurs nécessités, mais je regrette qu’on ait rendu ceci public. Vraiment, je fus avec eux en toute chose, deopuis que Dieu m’a fait goûter le tout de l’Amour, j’ai ressenti aussi les besoins de chaque créature humaine, selon son état. Avec sa Chariuté, j’ai senti et voué à chacun l’affection dont il avait besoin. Avec sa Sagesse, j’ai éorouvé sa miséricorde et j’ai compris combien il faut pardonner aux hommes,  comme ils tombent et se relèvent, comme Dieu donne et reprend, comme il frappe et guérit et se donne lui-même en tout cela gratuitement. Avec sa Sublimité, j’ai ressenti les fautes de tous ceux que j’ai entendu nommer ou que j’ai vus. Et c’est pourquoi j’ai toujours porté depuis lors avec Dieu les justes jugements, selon le fond de sa vérité, sur nous tous. Avec son Unité dans l’Amour enfin, j’ai toujours éprouvé depuis lors la perte bienheureuse (de moi-même) dans la fruition d’amour, ou la souffrance d’en être privée, et j’ai connu les voies du juste amour, les œuvres qu’il accomplit en Dieu et dans les hommes..
J’ai vécu selon tous ces états dans l’amour et j’ai agi avec justice envers les hommes, si gravement qu’ils me fissent tort. Mais si je possède toiut ceci dans l’amour par mon être éternel, je ne le possède pas encore dans la fruition en mon être propre. Et je reste créature humaine, qui doit souffruir en aimant avec le Christ jusqu’à la mort. Car celui qui vit dans l’amour éprouvera le mépris des étrangers jusqu’à ce que la Charité, croissaqnt en nous dans la plénitude de ses vertus, entre en la pure possession d’ellee-même, et que l’homme soit enfin un avec l’Amour. (Hadewicjch  - Lettres spirituelles in op. cit pp. 213 à 216 - active littérairement 1220 à 1240 et attestée par Jan van Leeuwen, cuisinier de Groenendal, dirigé par Ruusbroec au XIVème siècle)

La première manière est un désir actif de l’amour qui doit régner dans le cœur longtemps avant de vaincre tout obstacle…
Une autre manière d’amour est en ceci parfois que l’âme veut aimer de façon toute gratuite…
Pour la troisième manière d’aimer, l’âme de bonne volonté y passe par de grandes peines, car elle veut à tout prix contenter l’Amour et le satisfaire en tout honneur, en tout service, en toute obéissance d’amour…
Dans la quatrième manière d’amour, Notre Seigneur fait goûter à l’âme tour à tour de grands délices et de grandes peines…
Dans la cinquième manière, il arrive parfois que l’amour s’élève dans l’âme en tempête, avec grand bruit et excès délicieux en sorte que le cœur semble devoir se briser et l’âme sortir d’elle-même dans l’acte de l’amour et de la fruition…
En la sixième manière, lors que la Fiancée de Notre-Seigneur est plus haut et plus avant dans la piété, elle éprouve encore une autre forme de l’amour avec connaissance plus intime et plus élevée. Elle sent que l’amour a triomphé de ses défauts, qu’il domine ses sens, qu’il orne sa nature, qu’il dilate et exalte son être. Elle est maîtresse d’elle-même à présent et ne trouve plus de résistance…
L’âme bienheureuse connaît encore … La septième étape est le condensé des six premières et leur maintien dans la stabilité d’une vie accomplie. (Béatrice de Nazareth  Sept degrés d’amour in op. cit. pp. 233 à 249 passimcistercienne, née vers 1200 à Tirlemont, morte à Nazareth en Brabant en 1268 ) .

Ces degrés ou ces étapes dans l’amour divin sont légitimement très voisines d’une « carte du tendre », en tout cas ils rendent compte d’une communauté de vocabulaire que l’amant soit divin ou humain. Ce que dans la bouche d’Osée, malheureux en amour, Dieu met de prévenance, de tendresse et de passion pour une femme figurant le peuple choisi, ce que la tradition reconnaît de divin dans les échanges du Cantique des cantiques, légitiment que de l’érotisme à la mystique, il n’y ait, dans les mots, que peu ou pas de différence. Pour que l’énumération des qualités du corps féminin ne tombe ni dans le scabreux ni dans l’indécence anatomique il faut bien qu’elle soit soutenue par une langue érotique d’une exceptionnelle abondance métaphorique. Cette langue est une langue de célébration et de cantique. Elle implique une attitude d’adoration. (…) Mais l’idolâtrie païenne que voue Apollinaire au coprs de Lou ou de Madeleine est tout imprégnée de poésie biblique, au moins dans son langage. (…) C’est parce qu’il est nourri d’images que l’éternel dialogue de l’Epoux et de l’Epouse dans ce qu’il a de plus intime atteint à une exceptionnelle ivresse de langage. Cette ivresse revêt parfois un caractère authentiquement mystique, et Apollinaire ne le dissimule pas, lorsqu’il chante : Et justement un ver luisant palpite sous l’étoile nommée Lou et c’estde mon amour le corps spisituel et terrestre et l’âme mystique et céleste, ou lorsqu’il écrit : J’adore ta toison qui est le parfait triangle de la Divinité, mais justement comme l’exprimele début de cette suite de vers, c’est une conscience « adorante » qui s’y révèle surtout. Quad Guillaume clame ailleurs avec un élan d’une extraordinaire beauté : Je t’adore mon Lou et par moi tout t’adore, ou : Mon Lou je veux te reparler maintenant de l’Amour, il monte dans lon cœur comme le soleil sur le jour, il est certain que son chant d’amour a la force jaillissante d’une oraison. L’adoration n’est en fait ici que de ce don qu’Apollinaire possédait au plus haut degré et qui devait lui valoir d’emblée l’admiration des surréalistes : le don d’émerveillement. (Raymond Jean, op. cit. pp. 124 & 125).

Réciproquement, dans son Carmel de Lisieux, Thérèse peut essayer d’expliquer que que c’est qu’être attiré, ou, très précisément, « demander d’être attiré » : « Qu’est-ce donc de demander d’être attiré, sinon de s’unir d’une manière intime à l’objet qui captive le cœur ? (…) Si le feu et le fer avaient la raison et que ce denier disait à l’autre : Attire-moi, ne prouverait-il pas qu’il désire s’identifier au feu de manière qu’il le pénètre et l’imbibe de sa brûlante substance et ne semble faire qu’un avec lui ? » Ele conclut : « Mère bien aimée, voici ma prière, je demande à Jésus de m’attirer dans ls flammes de son amour, de m’unir si étroitement à Lui, qu’il vive et agisse en moi. » Au moment le plus fort de son désir d’être unie, par Jésus lui-même, leplus étroitement à Lui, Thérèse garde raison spirituelle ; elle ne parle pas de fusion ; aucune trace chez elle du panthéisme où beaucoup d’âmes religieuses plongent. (…) Les mystiques qui ont eu recours au Cantique des cantiques, qui est d’abord un chant d’amour profane, ont employé avant Téhrèse cette même comparaison. Pourquoi faudrait-il en rougir ? La littérature, y compris érotique, peut nous aider à saisir ce qui se passe dans les profondeurs de la vie mystique, dans ces cœurs d’amoureux comme Thérèse. Au point où elle en est arrivée, elle dit clairement : « Je sens bien que je n’ai rien à craindre, maintenant. » (…) On pourrait penser qu’il y a à craindre deceFeu qui va vous emporter, craindre d’être totalement pris et saisi par lui ; le mystique comme celui qui est possédé par l’amour physique, n’a plus aucune crainte, au contraire. On l’a vu : sœur Geneviève (sa sœur Céline) dit de Thérèse qu’elle est malade d’amour ; son autre sœur, Marie du Sacré Cœur, recevant de Thérèse son texte du 8 Septembre1896, ne sait plus que dire pour exprimer, le 17 Septebre, son sentiment après avoir lu ces « pages brûlantes d’amour pour Jésus », « ces lignes qui ne sont pas de la terre mais un écho du Cœur de Dieu ». Elle trouve alors cette comparaison qui semble chez elle un sommet : «  Voulez-vous que je vous dise ? Eh bien, vous êtes possédée par le bon Dieu, mais possédée ce qui s’appelle… absolument, comme les méchants le sont du vilain ! ». Puisque Marie parle du diable, n’est-il pas permis de faire référence à l’amour humain qui a été créé par Dieu même ? (Jean-François Six, op. cit. pp. 184 à 187 passim) . Le texte du 8 Septembre, initiant une retraite privée de dix jours, dit ainsi : O mon Bien-Aimé !  cette grâce n’était que le prélude de grâces plus grandes dont tu voulais me combler, laise moi, mon unique Amour, te les rappeler aujourd’hui … aujourd’hui, lesixième anniversaire de notre union… Ah ! pardonne-moi Jésus, si je déraisonne en voulant redire mes désirs,  mes espérances qui touchent à l’infini, pardodnne-moi et guéris mon âme en lui donnant ce qu’elle espère ! ! ! (Thérèse de Lisieux par elle-même, prés. Jean-François Six, op. cit. pp. 69-70).

L’amour dont est pénétrée Thérèse à Lisieux est bien celui qui transperce Thérèse d’Avila. L’image est aussi crûe. Une autre forme d’oraison fort fréquente est une sorte de blessure, l’âme croit sentir comme une flèche s’enfoncer dans son cœur, ou en elle-même. Cela provoque une grande douleur qui la fait gémir, mais elle est si savoureuse que l’âme voudrait qu’elle ne cesse jamais. Cette douleur n’est pas perceptible aux sens, ce n’est pas non plus une blessure matérielle, mais à l’intérieur de l’âme, sans que se manifeste une douleur corporelle ; il est impossible de faire comprendre cela autrement qu’à l’aide de comparaisons, toutes en l’occurrence, sont grossières, mais je ne puis en parler autrement. C’est pourquoi ces choses-là ne peuvent être écrites, ni dites, seuls ceux qui en ont l’expérience sont aptes à les comprendre, je parle de l’ampleur de cette peine, car les peines de l’esprit diffèrent totalement de celles d’ici-bas. J’en déduis que les âmes souffrent beaucoup plus en enfer et au purgatoire que nous ne pouvons l’imaginer d’après ces peines corporelles.
D’autres fois, cette blessure de l’amour semble provenir du plus intime de l’âme ; les effets en sont grands ; quand le Seigneur n’accorde pas cette faveur, il est inutile de la rechercher, pour beaucoup qu’on fasse, comme il est inutile de la refuser quand Il veut bien nous la donner. C’est comme un désir de Dieu si vif et si subtil qu’il est inexprimable ; l’âme, se voyant ligotée, incapable de jouir de Dieu comme elle le voudrait, est prise d’une haine violente pour le corps, il lui apparaît comme un gros mur qui empêcherait son âme de jouir de ce qu’il lui semble déjà connaître, et dont elle jouit intimement sans que le corps fasse obstacle. Elle conçoit alors tout le mal que nous a fait le péché d’Adam, en nous privant de cette liberté.
Cette oraison précéda les extases et les grands transports dont j’ai parlé. J’ai oublié de dire que ces grands tranbsports ne se terminent presque jamais sans une extase et de grandes douceurs prodiguées par le Seigneur, il console l’âme, et l’encourage à vivre pour Lui.
Rien de ce qui vient d’être dit ne peut être le fruit de l’imagination pour plusieurs raisons qu’il serait trop long d’expliquer. Si c’est bon ou non, le Seigneur le sait. On ne peut manquer d’en constater les effets et les profits qu’en tire l’âme, à ce que je crois.  (Thérèse d’Avila, op. cit. pp. 864 & 865)

La contre-épreuve est faite avec Friedrich Nietzsche : comment à partir d’un même élément biblique et selon des tempéraments de feu et de passion, deux poétiques de la modernité aboutissent l’une à l’impasse et à la solitude, l’autre à la communion amoureuse ? Chez Nietzsche, la Bible est prétexte, au même titre que d’autres traditions religieuses, à l’effusion d’une oarole toujours reprise, que la magie du verbe vient sans cesse montrer. On ne sait ce qui séduit le plus, en ce monde aérien, de la danse du sens ou des jeux de la langue, et sans doute est-ce la composition dyonisiaque de cette double beauté. Mais (…) sous ces oripeaux, la liberté s’anéantit en son impuissance, et Dieu n’est plus que l’ombre de l’Hébreu Jésus. L’image voulue sans consistance s’offre à toute délesure, et le texte destitué se livre à son inversion même, pour se trouver finalement controuvé : on aura reconnu nos réflexions sur l’image de Jésus et la rupture opérée entre l’sprit et la parole. Chez Téhrèse, l’Ecriture est le signe, présent et agissant, du devenir spirituel (…) L’épreuve contre la foi et l’approche de la mort conjoignnet plus que jamais l’esprit qui pâtit et les mots révélés au point que Thérèse reprend, en son nom et comme son propre testament, la prière sacerdotale de Jésus passant au Père. L’Esprit ne cesse de donner la Parole dans l’histoire. (…)
L’amour chez Frédéric Nietzsche reçoit le traitement de tout ce qui est chrétien : il est moqué et trahi, rejeté et retourné, bref, transvalué comme toutes les valeurs. Cette dénégation, courante, s’accompagne ici du refus plus foncier de tout ce qui pourraiut affecter. Non que Nietzsche recule devant la souffrance, il l’exalte au contraire, et parvient même à l’assimiler. Mais le retrait est absolu dès lors qu’il s’agit de souffrir par et pour autrui. Ce qui nous semble repoussé, et avec emphase, c’est la possibilité pour l’amour d’exister comme passion, c’est-à-dire à la fois comme ce qui impose la douleur et peut la convertir en joie. Car l’amour maîtrisé, l’amour du seul vouloir, l’amour qui ne veut que soi-même, n’a pas, n’a plus, le cœur de vouloir le prochain pour lui-même, et il ne peut même concevoir que cela soit humain. Le surhomme accomplit la révolution solipsiste du devenir des meilleurs. Mais l’homme a renoncé à vivre autrement qu’en survivant de ses désirs. L’enstase est entière, envers et contre tous les courants fraternels.
Thérèse a montré qu’il est possible de concevoir l’amour autrement qu’au rebours des destinées humaines et comment l’engagement à l’égard de tous, du plus proche au plus lointain, du plus grand au plus petit, conduit en définitive à l’oiverture sans réserve à autrui comme à soi-même, en raison de la proximité du Tout-Aimant. Ce que la mort ne défait pas, mais que l’amour appelle, c’est bien ce repos de toute la puissance du cœur dans l’Amour qui l’attire, et c’est finalement la fécondité qui est propre aux abandons sans retour. Thérèse se sait voulue dans l’Amour, et jamais elle ne cèdera au vertige du doute, car elle conçoit l’Amour comme extase et dépassement de tous les cœurs aimants. (Noëlle Hausman, op. cit. pp. 188 à 191)

            La parenté de vocabulaire, parce qu’il semble bien qu’il n’y en est qu’un en matière amoureuse, et croirait-on l’analogie de sensations, avec l’amour humain, entre deux êtres humains, d’un être humain pour une personne humaine, peuvent faire voir une similitude d’expérience. L’irruption ou la visitation de Dieu dans une âme (Jean Gouvernaire, op. cit.), soit pour la simple visite, soit pour la résolution complète d’une existence qui s’en trouve en tout modifiée, trajectoire et consistance (le chemin de Damas, le coup de foudre) auraient leur figure dans l’expérience amoureuse. Regard d’une infinie brièveté, mais qui fut le grain de pollen minuscule, tout chargé de forces inconnues, d’où naquit mon plus grand amour. (André Maurois, op. cit. p. 34)

. . . ce qui dans la consolation sans cause, vient de Dieu seul n’est rien d’autre que ce mouvement, cet élan du désir, cette ardeur de l’âme qui se hâte d’amour vers celui qui a creusé en elle ce vide, laissant tout au fond, pour qu’elle en garde la nostalgie, l’empreinte discrète de sa ressemblance. Un tel désir tire toute sa force de l’attirance de celui qu’il espère. Ainsi, il n’appartient qu’à Dieu d’attirer en son amour, sans initiative étrangère ; et rien ne saurait être mensonger dans ce qiui conduitle désir fondamental de l’homme à son terme. (…) L’essentiel de la consolation sans cause est donc l’élan de l’âme en l’amour, qui ne va point sans une connaissance plus vive du Créateur et Seigneur ; amour et connaissance où se réalise, s’épanouit et s’avive le désir qu’a fait lever l’attraction divine de l’instant, sans recourir à l’initiative préalable du sujet. (Jean Gouvernaire, op. cit. pp. 136 & 137)

Qu’Alissa Buccolin fût jolie, c’est ce dont je ne savais m’apercevoir encore ; j’étais requis et rtenu près d’elle par un charme autre que celui de la simple beauté. Sas doute, elle ressemblait beaucoup à sa mère ; mais son regard était d’expression si différent que je ne m’avisai de cetteressemblance que plus tard. Je ne puis décrire un visage ; les traits m’échappent, et jusqu’à la couleur des yeux ; je ne revois que l’expression presque triste déjà de son sourire et que la ligne de sessourcils, si extraordinairement relevés au-dessus des yeux, écartés de l’œil en grand cercle. Je n’ai vu les pareils nulle part… si pourtant : dans une statuette florentine de l’époque du Dante ; et je me figure volontiers que Béatrix enfant avait dessourcils très largement arqués comme ceux-là. Ils donnaient au regard, à tout l’être, une expression d’interrogation à la fois anxieuse et confiante, - oui, d’interrogation passionnée. Tout, en elle, n’était que question et qu’attente… Je vous dirai comment cette interrogation s’empara de moi, fit ma vie. (André Gide, op. cit. p. 501 )

De même, la complaisance de l’âme arrêtée sur une façon d’image intérieure de la divinité aurait sa ressemblance dans la contemplation mutuelle de deux amants surtout si l’étreinte est plus mystique et fusionnelle que physiquement accomplie. Les trois nuits que Tobie et Sara donnent à la prière avant de consommer leur mariage ont des échos en littérature. Et au cinéma : le dernier plan de L’éternel retour de Jean Cocteau.
Patrice et Catherine étaient bien étendus l’un à côté de l’autre, vêtus et immobiles. La porte n’était pas fermée. Mlle Agathe et M. Sénèque entrèrent dans la chambre, en s’excusant à haute voix. Les jeunes gens ne bougèrent pas. On s’approcha, et l’on vit qu’ils étaient évanouis.
Il fut très difficile, lorsqu’on les eût réveillés, de savoir ce qui s’était passé. A la fin de la journée, Catherine avait suivi Patrice dans sa chambre, et ilss’étaient étendus l’un à côté de l’autre. Ils ne s’étaient point touchés. Mais longuement ils étaient restés ainsi, immobiles, tremblant un peu, sans même approcher leurs mains l’un de l’autre. Leurs yeux étaient fermés. Elle ne savait rien du trouble qui l’avait envahie et qui la possédait, à se tenir ainsi tout près de ce garçon qui ne voulait d’elle rien autre que sa présence. Il ne savait même pas ce qu’il pouvait en attendre, et l luttait de toutes ses forces contre le désir de s’approcher d’elle, de sentir sa chaleur, fût-ce à travers ses vêtements, d’apaiser et de fondre sa propre fièvre. Il serait vain de croire qu’il ne pensait point à davantage, mais il ne voulait pas céder. Dans l’approche de deux corps vêtus, il y a quelque chose de magique et d’inséparable des premiers moments de l’amour : la résistance, la tentation, la honte, le regret, l’espoir se mêlent dans cette étreinte factice et proviosire, où les obstacles légers symbolisent tant de barrières plus irréductibles. Et comme elle était pure, elle ne devina point quand il bougea un peu, et se détendit, qu’il avait atteint au plus fort de son désir, qu’il l’avait prise en songe, et qu’il s’apaisait. Au-dessus d’eux-mêmes, tournoyaient, en un nuage, leurs tentations, et ils fermaient les yeux, et ils étaient rouges. Et si tendus étaient-ils pour s’approcher sans se toucher, pour se fondre sans s’atteindre, plus séparés par ce peu d’air entre eux que par l’épée de pureté de la légende, que soudain, au même instant, quelque chose se rompit en eux-mêmes, et que, comme l’avait deviné le vieux fou, ils ne furent plus présents.
Patrice devait souvent songer que, vécût-il cent ans, et eût-il plus d’aventures que l’homme aux mille et trois, jamais il n’atteindrait plus complètement la réalisaton du rêve masculin qu’en ces minutes d’anéantissement total, cette possession dans la pureté. (Robert Brasillach, op. cit. p. 379)

Or, cette nuit-là, ils ne firent pas l’amour. Elle resta pourtant chez lui, ils couchèrent pourtant dans le lit en forme de navire, nus l’un et l’autre,enlacés l’un àl’autre,mais au moment où Laurent la vit, étendue près de lui, confiante et consentante, une sorte de respect l’envahit, il n’avait jamais rien éprouvé de tel, il était ébloui par la nudité limpide de Tina et par ce que cette nudité provoquait en lui, il avait envie d’elle, mais une vie en quelque sorte immatérielle, ou il se sentait indigne de la toucher. Les yeux grands ouverts, elle le regardait aussi, qui se penchait au-dessus d’elle, et elle ressentait le même respect pour ce corps qu’elle allait recevoir, et il se penchait lentement, nu et doré, il se penchait elle, elle aussi nue et dorée, l’été encore proche dont ils conservaient le charme, et il la regardait dans les yeux et il lui souriait et il se penchait toujours et il s’étendait sur elle, se posait doucement sur elle, et tous les deux, ils laissaient le respect les submerger, ils ne s’étonnaient mêmepas, elle était prête à le recevoir, il était prêt à venir en elle, ls ne bougeaient ni l’un ni l’autre, ils se savaent à la mesure l’un de l’autre, ils n’avaient pas besoin de le vérifier, le contact de la peau leur suffisait, et ils lisaient dans le regard l’un de l’autre le désir et l’ultra-désir, lisaient que ce n’était pas la peine et aussi lapromesse qu’il y aurait tant de nuits et tant de jours où ils le feraient, il devenait elle, elle devenait lui, elle ouvrait les bras, il ouvrait les bras le long des siens, ils se crucifiaient, mais au-delà d’eux-mêmes, croisaient l’ineffable de leurs sens, ils ne bougeaient toujours pas, puis il renversa la tête, ses yeux se voilèrent, et sa bouche s’ouvrit, et ses reins frissonnèrent, il aurait voulu que cela ne lui fût pas possible, il avait honte, et elle le sentit se répandre sur elle, fougueux et violent malgré lui, il voulu lui lâcher les mains, se détacher d’elle, mais elle l’en empêcha, et elle le regardait en souriant, sereine et consolante, il avait froid et tremblait sur elle, elle le regardait toujours, lui souriait toujours, et elle lui lâcha enfin les mains et elle referma les bras autour de lui et elle effaça la honte, et il la regarda de nouveau, presque méprisant, mais pour lui, et elle le savait, pas pour elle, surtout pas pour elle qui, à présent, bougeait sans hâte et le berçait du mouvement de son corps. (Alexandre Kalda, op. cit. pp. 123-124) . Publié dès son adolescence, l’auteur à l’érotisme brûlant et cosmogonique, est aujourd’hui moine bénédictin.

Cette rêverie  avait quelque chose de lent et de solennel. Sa lenteur la faisait aller au même rythme que le temps réel. Quant à sa solennité, lle tenait à la nature des sentiments d’Alexandre. Respect et vénération ! Il imaginait, étendue à ses côtés, la plus sacrée des créatures  la Bacchante qui avait dansé dans le ruisseau lors de leur première rencontre, la déesse qui s’était échappée des colonnes du temps le soir de la réception. Il gardait encore un peu de la chaleur de leur étreinte. Dans ses veines courait le feu qu’ils avaient ensemble allumé, comme dux bâtons que l’on frotte pour en faire jaillirl’étincelle. Ce pouvoir de deux corps d’engendrer l’extase l’avait ébloui. Ce qu’il avait cru ne pouvoir obtenir que de la seule méditation, il venait de le cueillir grâce au plus profond des sentiments humains.Parfait amour, qui vous transporte dans des contrées où le temps ne court plus !
Alexandre ne se sentait plus écartelé. Son triomphe lui avait fait recouvrer  son unité… « Triomphe ? » Oui, triomphe, car aux yeux des hommes, sa victoire était totale. «  L’amour partagé, c’est le bonheur ! » avait-il entendu dire un jour par sa mère, une nature sensible, qui était morte sans avoir connu le bonheur. C’était d’elle qu’il avait hérité la passion de l’absolu, la nostalgie du nombre parfait. Et maintenant c’était l’âme de sa mère disparaue qui se réjouissait au tréfonds de son être. Une bizarrerie du hasard avait comblé les désirs des deux générations – deux seulement ? La grâce était parfaite. Divine ! Oui, son bonheur était d’origine divine, et il s’agissait bien d’une grâce. Il ne l’avait ni préparé ni mérité. Tout au contraire, il avait fait tout son possible pour le détournr, aveuglé qu’il était par des « idées ».
Les idées ! Ce sont elles qui rendent l’homme indifférent à la jouissance que sait goûter le plus insignifiant des insectes. Elles encore qui refoulent, étouffent le désir primitif. En se faisant leur champion, Alexandre avait sacrifié son bonheur, prêt à donner sa vie pour elles… O folie ! La sagesse humaine ne peut donc égaler l’instinct de l’insecte ? … Alexandre avait la vision de papillons et d’oiseaux se pourchassant en plein ciel ; des serpents sifflaient, inextricablement enchevêtrés ; des hommes et des femmes en transe parcouraient les flancs du Kithairon aux cris d’Evohé Evan !… (Pandélis Prévélakis, op. cit. pp. 132-133)

Ces analogies sont brèves, car elles mettent en regard la reproduction littéraire d’une mémoire ou d’une imagination. La contemplation parfaite n’a ni image, ni vis-à-vis qu’on puisse appréhender par les sens, elle est être et état à la fois, inépuisable dans l’instant et employant toutes les facultés du contemplant dans une concentration qui met sans doute en jeu d’autres facultés dont lui-même n’a pas d’habitude l’usage. Et si l’amour humain peut « faire penser » à l’amour divin, d’autant que celui-ci dans la Bible comme dans les écrits mystiques est exprimé avec les mêmes mots, pour l’un comme pour l’autre, une lecture « naturaliste » soutenue serait bien difficile, (préface d’Henri de Lubac à Blaise Arminjon, op. cit.) et l’expérience du couple humain, à longueur d’existence ou dans l’un de ses paroxysmes qu’est l’étreinte, montre la finitude et l’inassouvissement résiduel d’une « lecture » qui ne serait qu’ainsi.

Les écrivains qui ont le mieux parlé de l’amour ignoraient l’amour. Les amants fameux étaient séarés, et ils nt laissé comme témoignages des ettres brûlantes ou une légende tragique. Aussi l’amour est tenu pour une chimère, ou, plutôt, pour ne aspiration qu’il est imprudent de contenter.
Si dans le mariage, une seule fois, la présence, l’intimité, les années n’ont pas éteint l’amour, c’est qu’il existe vraiment sur terre. Je pense que plus d’une fois l’amour fit le bonheur de deux êtres qui ont vécu longtemps endemble sous lemême toit. Et,même, il n’y a as d’autre amour. Il est de susbtance inaltérable ; ou bien on s’est mépris  à l’origine. L’amour est, par son essence, unique, constant, indéfectible. Ce sont les hommes qui le trahissent. L’amour persiste dans le mariage, à condition d’être romanesque ; c’est-à-dire, à condition d’incarner l’émotion première, l’étonnement que vous réserve toujours un être à votre convenance.
Chacun se modifie sous l’influence de la vie, et nous devons sans cesse adapter notre vision à un objet changeant.Parfois, c’est par un long chemin à travers la vie que nous rejoignons notre rêve. Deux amoureux se connaissent toujours mutuellement et par une qui pénètre profondément en soi pour atteindre l’autre.Mais tous deux sont des êtres vivants, inachevés, inexplorés, infinis. Aussi, l’amour peut durer ; il s’instruit sans cesse.Il faut beaucoup d’années pour apprendre certains mots d’amour. (…)
Qu’est-ce que l’amour ? Presque rien… un rien de plus vivant dans une femme… un air de surprise… une joie dans les yeux, que l’on discerne à peine, mais qui sont inimitables. (Jean Chardonne, op. cit. pp. 36 à 39)

Qu’est-ce que l’amour ? C’est ce que personne ne sait ; mais qu’est-ce que personne ? C’est chacun de nous dans le secret de sa vie engloutie. L’amour s’adresse en nous au plus intime, à ce qui dans le plus intime de nous, est sans visage, sans forme et sans nom : personne. (…) On le donne pour savoir ce que c’est. (Christian Bobin, op. cit. pp. 77 & 104)

La contemplation produit l’union à Dieu ; ni doute ou approximation, ni paroxysme, indépendante de toute durée, totalement livrée  au partenaire, elle est certitude. L’amour humain, étreinte d’âme et de corps, peut en être un pressentiment. L’unicité du vocabulaire montre en tout cas qu’il s’agit bien de cette même hantise humaine d’approcher la totalité de l’être, mais seul le spirituel y fait accéder parce que dans son ordre englobant tous les autres, l’objet divin a toute puissance d’attraction, d’épanouissement et de surpassement de l’homme en l’épousant et le suscitant parfaitement : en le créant. Mais surtout parce que la contemplation annéantit jusqu’à la racine le dualisme et tout ce qui dans l’étreinte et dans la communion de deux personnes humaines reste possession et repli sur soi. Seule l’ingénuité du cœur permet au désir qui rencontre son objet de ne pas l’enfermer dans sa possession. La vérité de la prière, comme celle de l’amour, est au prix de cet incessant dépassement de soi, au prix d’une ignorance de soi qui laisse Dieu exister au centre de notre être. Voulant aimer, je crois atteindre l’amour parce que j’en fais les œuvres. Il me faudrait reconnaître que l’amour n’opère en moi que si, dans ces œuvres, j’en reconnais la source. La prière vraie est cette remontée perpétuelle à la source pour laisser en nous s’écouler l’abondance des eaux. (Jean LAPLACE - La prière, désir et rencontre op. cit. pp. 136-137)




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Absolu et contemplation


Relation amoureuse et contemplation ont un autre point commun, l’absolu, mais la première le pressent, voudrait en être la parabole indéfiniment ré-évoquée tandis que la seconde le prend directement pour objet, s’y adonne, ambitionne de s’unir à lui.

Le vouloir véritable et divin du créé s’eexprime dans sa soif de l’Absolu, son désir de la libération hors de toutes limites, sa recherche du seul Vrai et du seul Réel. C’est l’Infini même qui Se recherche à travers le fini. (Léo Schaya, op. cit. p. 178)

Mais qu’est l’absolu pour le contemplatif, de quelque obédience qu’il soit, quel que soit le chemin qui lui est donné ou dont il a la pratique ?

La vraie mémoire est celle du cœur, parce qu’elle émane d’une relation de qualité au cosmos. (…) Etre relié dans la qualité au Cosmos pour mettre fin à notre chaos intérieur. Retour aux sources de l’Univers pour faire renaître en nous l’ordre : un ordre non suspect parce qu’inspiré par un Tout, vibrant de cohérence.   (Daniel Pons, op. cit. pp. 76  & 77)

L’esprit tendant vers l’Unité, il convient de se demander si cette Unité n’est qu’une forme vide, une simple catégorie de l’esprit, ou si elle estsatisfaite par un objet. Bien entendu ce ne peut pas être un objet comme les autres ; tous les malentendus viennent de là. Comment veut-on qu’une réalité spirituelle soit de même ordre qu’une réalité matérielle ? A toute force, la Réalité que nous cherchcons ne peut être que l’inverse desréalités qui nous sont données.Les principales erreurs de la philosophie ont consisté à objectiver des pensées et à les traiter comme si elles étaient des sensations, mais plus vraies que ces dernières ; or les pensées sont d’un autre ordre, elles sont même, en tant que pensées, des propriétés du sujet, non des extraits ou des abstraits (nominalisme) et non plus  des réalités pareilles à des objets.
Seules quelques époques ont probablement connu la vraie nature de l’esprit. Le vrai spiritualisme est comme la vraie morale et l’art vrai : il ne parle jamais de lui-même ; il s’éprouve par ses effets, il se vérifie à ses conséquences  ( op. cit. p. 36)
L’Absolu nous paraît donc bien nommé parce qu’il a un nom négatif : ce qui est délié, ce qui est délivré. Nous pouvons y atteindre, mais seulement dans un état d’exception et nous ne pouvons le connaître que par une négation. De là sans doute que les monismes les plus approfondis se présentent comme des non-dualismes.  (Jean Grenier, op. cit. p. 44)

       Le transport en un autre état ou en d’autres dimensions ou en une forme dans laquelle l’intégralité du monde est intériorisée et comprise d’un seul trait, en un unique mouvement qui n’est cependant pas un mouvement mais une situation a pu faire croire que l’expérience bouddhique est le pendant de ce que vit le chrétien dans la contemplation parfaite, qu’il n’est donc d’une seule sorte d’extase, qu’une seule connaissance de la totalité. Ce serait se méprendre, pas tant sur l’expérience dans son déroulement et dans la mesure où elle requiert l’être entier du contemplant ou de l’exercitant, que sur la totalité qu’il appréhende. Dans l’extase orientale, c’est la confusion entre le plein et le néant qui s’opère, certes sans que soit commise l’erreur de Narcisse qu’aspire son reflet (Louis Lavelle, L’erreur de Narcisse, op. cit.). Le mystique de Dieu ne cherche pas un état, il ne va vers aucune appropriation, il est saisi et possédé par Qui est sa fin et Qui l’accomplit. Le vide est un manque qui dessine déjà la silhouette de Celui qui vient, la nuit appelle la lumière, devient la lumière – selon le chemin de Thérèse de Lisieux et de Jean de la Croix – parce qu’il y a deux personnes en jeu, la divine autant que l’humaine. Siddharta n’apprend à Govinda que le monde encore et sans doute un peu l’amour, mais d’un homme fût-il sage. Ce n’est pas la fascination du néant ou une réflexion qui s’abîme et perd sa distinction en s’absorbant dans l’un ou l’autre des éléments (Gaston Bachelard, op. cit.), mais une attraction personnelle et caractérisée, l’activité et la participation humaines portée à leur acmée. Et ce n’est pas non plus l’extase par le truchement d’un autre qui n’est cependant pas lui-même l’objet. L’anticipation, dans la contemplation parfaite, du Corps mystique et de la vie éternelle en Dieu ne sont ni une dissolution ni une déperdition, alors que toutes limites et toutes contraintes sont annéanties, rien n’est davantage précis et nécessaire.

Analyser le monde, l’expliquer, le mépriser, cela peut être l’affaire des grands penseurs. Mais pour moi il n’y a qu’une chose qui importe, c’est de pouvoir l’aimer, de ne pas le mépriser, de ne le point haïr tout ne ne me haïssant pas moi-même, de pouvoir unir dans mon amour, dans mon admiration et dans mon respect, tous les êtres de la terre sans m’en exclure.
- Je comprends, fit Govinda. Mais c’est justement ce que le Sublime appelait un leurre. Il proclame la bienveillance, la tolérance, la pitié, la patience, mais point l’amour ; il nous défendait d’attacher nos cœurs à tout ce qui est terrestre. (…) Attiré par l’amour, il s’nclina encore une fois, profondément, devant Siddharta qui demeurait assis, immobile.
- Siddharta, dit-il, nous sommes tous deux des vieillards. Il est peu probable que nous nous revoyions jamais sous une forme humaine. Je vois, très cher ami, que tu as trouvé la paix et je confesse que, moi, je ne l’ai pas trouvée.
Dis-moi, ô Vénérable, encore un mot, quelque chose que je puisse emporter, que je puisse comprendre ! Donne-moi cela pour la route que j’ai encore à parcourir. Elle est souvent bien pénible, ma route, bien sombre ô Siddharta !
Siddharta se taisait, le regardant avec son sourire toujours égal, toujours tranquille. Govinda, le cœur plein d’angoisse et de désir, regardaut fixement Siddharta, et dans ses yeux se lisaient la souffrance, l’éternelle et vaine recherche.
Siddharta vit cela et sourit.
- Penche-toi vers moi, lui dit-il tout bas à l’oreille. Penche-toi encore davantage. Comme cela, encore plus près ! Tout près ! Embrasse-moi sur le front, Govinda !
Govinda s’étonna ; mais attiré par l’amour et par une sorte de pressentiment il obéit à ces paroles, s’inclina vers lui et toucha son front de ses lèvres. Il se produisit alors en lui une chose singulière. Tandis que ses pensées s’attardaient encore aux étranges paroles de Siddharta, qu’il s’efforçait encore et non sans que son esprit protestât, à s’abstraire du temps par la pensée, à se représenter leNirvana et le Sansara comme ne faisant qu’un, tandis que l’immense amour et la vénération qu’il éprouvait pour l’ami étaient encore aux prises avec cette sorte de dédain que lui avaient inspiré ses paroles, il lui arriva ceci :
Le visage de son ami Siddharta disparaît à ses regards ; mais à sa place il vit d’autres visages, une multitude de visages, descentaines, des milliers ; ils passaient comme les ondes d’un fleuve, s’évanouissaient, réapparaissaient tous en même temps, se modifiaient, se renouvelaient sans cesse et tous ces visages étaient pourtant Siddharta. Il vit celui d’un poisson, d’une carpe, dont la bouche ouverte exprimait l’infinie douleur d’un poisson mourrant, dont les yeux s’éteignaient… Il vit le visage rouge et ridé d’un nouveau-né, sur le point de pleurer… Il vit celui d’un meurtrier, il vit comme il plongeait un couteau dans le corps d’un homme… Il vit, au même instant, ce meurtrier s’agenouiller avec ses entraves et le bourreau lui trancher la tête d’un seul coup de son glaive… Il vit des corps d’hommes et de femmes nus dans les positions et les luttes de l’amour le plus effréné… Il vit des cadavres allongés, rigides, froids, vidés… Il vit des têtes d’animaux, de sangliers, de crocodiles, d’éléphants, de taureaux, d’oiseaux… Il vit des dieux : Krischna, Agni… Il vit toutes ces figures et tous ces corps unis de mille façons les uns aux autres, chacun d’eux venant en aide à l’autre, l’aimant, le haïssant, le détruisant, procréant de nouveau ; dans chacun se mpanifestaient la volonté de mourir, l’aveu passionnément douloureux de sa fragilité et malgré cela aucun d’eux ne mourait ; mais se transformait, renaissait toujours, prenait toujours un nouvel aspect sans que pourtant entre la première et la seconde forme se pût mettre un espace de temps… Et toutes ces formes, tous ces visages reposaient, s’écoulaient, procréaient, flottaient, se fondaient ensemble ; au-dessus d’eux planait quelque chose de mince, d’irréel, semblable à une feuille de verre ou de glace, sorte de peau transparente, valve, moule ou masque liquide, et ce masque souriait, ce masque c’était la figure souriante de Siddharta, que lui, Govinda, venait juste à ce moment de toucher de ses lèvres. Et c’est ainsi que Govinda vit ce sourire du masque, ce sourire de l’Unité du flot des figures, ce sourire de la simultanéité, au-dessus des milliers de naissances et de décès. Le sourire de Siddharta ressemblait exactement au sourire calme, délicat, impnénétrable, peut-être un peu débonnaire et un peu moqueur de Gotama ; c’était le sourire des mille petites rides de Bouddha, tel que lui-même l’avait si souvent contemplé avec respect. C’était bien ainsi, Govinda le savait, que souriaient les Etres parfaits.
Ayant perdu toute notion du temps, ne sachant plus si cette vision avait duré une seconde ou un siècle, ne sachant plus s’il y avait au monde un Siddharta et un Govinda, si le Moi et le Toi existaient ; le cœur comme transpercé d’une flèche divine et saignant d’une douce blessure, l’âme fondue dans un charme indicible, Govinda demeura encore un instant penché sur le visage impassible de Siddharta, qu’il venait de baiser et qui avait été le théâtre de toutes cestransformations, de tout le Devenir, de tout l’être. Ce visage n’avait point changé après que les mille petits sillons creusés par les rides se furent refermés. Il avait repris son sourire immuable, discret et doux, peut-être très débonnaire, peut-être railleur, exactement semblavble à celui de l’Etre parfait. (Hermann Hesse, Siddharta, op. cit. pp. 194 à 199)

L’inconnu n’est pas synonyme d’inconnaissable, et si nous nous dirigeons sans complaisance vers les pôles les plus avancés de la recherche (matière-esprit) en excluant tout dogme, nous débouchons inéluctablement sur des dynamismes organisateurs et régénérateurs, en notre propre intériorité. Chacun de nous s’est posé inconsciemment un masque pour se protéger de l’inconnu. Or, le propre du travail intérieur est de gommer ce mlasque avec patience et persévérance, car il se reconstitue inlassablement. Tant qu’il n’aura pas reconnu son esclavage imposé par les hôtes invisibles (pensées négatives, désirs insatisfaits, angoisses, peurs, etc.) qui envahissent son personnage habituel et gouvernent toutes ses réactions, l’homme ne pourra faire allégeance à l’Etre qui habite son ultime profondeur et attend son « retournement », c’est-à-dire son Eveil. (Jeanne Guesné, op. cit. pp. 200 à 202)

Parler de dissolution relève d’une mauvaise compréhension. Quand nous parlons de l’Eveil total, nous faisons référence à la réalisation de la vacuité. La signiifcation profonde est la suivante : l’esprit est alors libre d’élaboration conceptuelle ainsi que de la moindre distraction, de la moindre perturbation, de la plus infime trace karmique. Il n’existe plus en lui la moindretrace d’obscurcissement. L’esprit est totalement éveillé, illuminé. Il expérimente sa nature essentielle, sa nature ultime, synonyme de totale ouverture et de totaleclarté. C’est ce que nous appelons également le nirvana. Nous disons alors qu’il n’y a plus de « soi », qui, en l’occurrence, est synonyme d’ego. Mais cette disparition de l’ego, qui est produit de l’ignorance, ne supprime pas l’esprit lui-même ! C’est le fonctionnement illusoire de l’esprit qui s’est dissipé. (…) Dans l’état ordinaire, nous somes sous l’influence de la saisie égotique, nous déchffrons le monde et notre expérience à travers les concepts produits par notre conscience duelle. Nous sommes dans la vérité conventionnelle ou relative, et nous pouvons certes, dans ce cadre, discerner et identifier de manière valide la nature de nos perceptions, apprécier et distinguer ce que sont les qualités et les défauts, etc. Cependant, lors que nous parlons de l’état de parfaite clarté de l’esprit, au-delà des concepts et libre de toute saisie, nous visons la vérité absolue, que nous n’expérimentons pas à l’heure actuelle et que nous ne connaissons que par inférence. La nature et les qualités de l’Eveil sont décrites avec les concepts qui nous sont accessibles, mais ce dont il s’agit vraiment, nous ne pouvons réellement l’appréhender. C’est pourquoi l’enseignement recourt souvent aux images et aux métaphores qui ont l’avantage de pointer cette « réalité » non perceptible sans la figer. Mais nous ne ferons l’expérience complète et directe de la vérité absolue qu’au jour de l’Eveil. (Lama Jigmé Rimpoche, op. cit. pp. 191.192 ) 

Lorsque les voiles de l’esprit ont disparu, la conscience expérimente sa vraie nature, la dimension de vacuité et de sagesse de l’esprit. Lorsque l’esprit atteint l’Eveil, il s’établit dans la dimension du dharmakaya (…) Dans cette hypothèse, je suis toujours sous la même apparence physique, car mon corps, lui, ne s’est pas transformé (…). Maintenant quand un Bouddha meurt, l’enveloppe physique se désagrège, tout comme la nôtre, mais l'’sprit, lui, demeure dans une dimension parfaite et limpide, symbolisée dans la tradition par le bleu de l’espace, parfaitement clair et sans limites, qui se réfère à l’essence de vacuité de l'esprit. Mais cette vacuité n’est pas un vide, elle a pour nature propre la sagesse. On pourrait dire que cette vacuité «  pleine de sagesse » contient toutes les qualités infinies inhérentes à l’esprit pur. Depuis cette dimension ultime et totalement pure, le Bouddha a la capacité de se manifester à nouveau sous de multiples formes, et œuvre continuellement par le corps, la parole et l’esprit au bien des êtres (…)
Lorqu’un être atteint à la réalisation suprême à l’état de Bouddha, sa « personnalité » se trouve portée à son point d’excellence, c’est-à-dire qu’elle s’exprime en relation avec toutes les qualités infinies de l’Eveil telles que l’omniscience, l’amour compatissant, le pouvoir de « donner refuge » aux êtres et de déployer une activité éveillée sans limites. La personnalité est disponible pour être utilisée comme un médium de l’activité des Bouddhas, comme le moyen d’expression de leur compassion illimitée envers tous les êtres. Quand on dit que la personne est illuminée, on veut signifier par là qu’elle n’a pas de réalité intrinsèque, d’existence autonome, mais, une fois libéré du carcan de l’ego, des conditionnements karmiques et des fonctionnements émotionnels ordinaires, l’être éveillé agit de manière illimitée et spontanée pour venir en aide aux êtres sensibles. Alors les qualités de sa « personnalité » deviennent des qualités éveillées qui rayonnent pour le bien des êtres. La connaissance de la sagesse qui m’appartient en propre et par laquelle je réalise mon propre bienfait est alors parachevée, et je puis ensuite agir, manifester une activité en accord avec les souhaits spirituels qui m’ont guidé et accompagné tout au long du chemin. Ainsi, chaque Bouddha se différencie des autres par un type d’activité, un type de manifestation qui lui est propre, fruit du cheminement spirituel particulier qu’il a entrepris et mené à bien. Cela signifie que tout au long de mon parcours spirituel, j’ai mis en œuvre des efforts, desactions, des souhaits altruistes. Ayant atteint l’Eveil, je déploie naturellement, continuellement et sans effort une activité bienfaisante qui s’étend à tous les êtres, qui est dans la continuité de mes souhaits antérieurs, qui est l’expression dorénavant spontanée et infinie de ces souhaits. (Lama Jigmé Rimpoche, op. cit. pp. 193-194 )

Plus nous percevons clairement les fonctionnements et conditionnements de notre esprit, plus nous sommes à même d’adopter une attitude juste et bénéfique dans nos actes, dans toutes les situations que nous rencontrons au quotidien. (Lama Jigmé Rimpoche,   op. cit.p. 65). Mais comment s’accomplit ce parcours, comment atteint-on ces stades du perfectionnement de soi ? Le chrétien semble répondre plus aisément. Ne rien ometttre de ce qui développe en lui la perfection humaine. La grâce a besoin de l’effort de l’homme pour conduire celui-ci au-delà des capacités de sa nature (…) Par rapport à cette perfection que l’homme laissé à lui-même enviusage, la sainteté est d’un autrre ordre. Elle en est l’accomplissement inattendu et gratuit. Pour mettre en œuvre son désir de perfection, le chrétien apprend à tout recevoir de Dieu. (…) Ainsi, selon l’Evangile, l’ascèse met le cœur dans la vérité, l’allégresse et l’amour (…) L’équilibre, qui à travers ces pratiques, s’instaure, n’est pas celui d’un homme rendu léger par la fuite de ce qui l’encombre ou l’alourdit, mais celui d’un être saisi par l’amour et pour qui rien en lui ne doit échapper au désir de l’Esprit. (Jean Laplace,  La vie consacrée, une existence transfigurée, op. cit. 88). De là à chercher un maître, une école, un cadre, un lieu, il suffira d’un appel.

De même que la contemplation acquise est toute tendue par son espérance de l’infuse, de même celle-ci revient avec sagesse aux moyens qu’a su discerner la lignée des maîtres et des disciples, depuis les révélations fondatrices. Ici, parce qu’au terme, se creuse soudainement la différence entre ces deux manières de la contemplation qui n’est pas celle du reçu par rapport à celle du mérité ou du conséquent. La contemplation infuse, parce qu’elle est l’irruption d’un Autre en nous, dénude l’homme de ses deux limites existentielles, l’espace et le temps ; elle est probablement l’expérience la plus intime et la plus instantanée qui soit d’une sorte de simultanéité entre les premières phases de la Genèse et l’appel ultime qui clôt, en l’Apocalypse de saint Jean, le livre des monothéistes. Tandis que la contemplation acquise est le fruit de la lutte toute humaine, dans le temps, dans tous les conditionnements de l’espace, de la biologie, de la culture et de l’histoire, d’êtres situés que font se rencontrer et se séparer entre eux et avec leur idéal des capacités et des lacunes de toutes sortes. Ainsi l’humanité apte à tout, au salut comme à l’enfer, à la divinisation comme à l’errance.



Bertrand Fessard de Foucault, diplomate








Orientation bibliographique 

La Mystique et les mystiques (Desclée de Brouwer . Septembre 1965 . 1123 pages) sous la direction d’André Ravier et préfacé par Henri de Lubac
en sus du classique Dictionnaire de spiritualité (tome II . 2ème partie - pp. 1643 à 2193) présentant une enquête historique de la Bible à nos jours, et une enquête doctrinale synthétisant les écoles carmélitaine, dominicaine, ignatienne, bénédictine et sulpicienne et distinguant – le volume date de 1949-1953 – celles nommément de NNSS Waffelaert et Saudreau


Blaise Arminjon La cantate de l’amour (Desclée de Brouwer coll. Christus. Juin 1991 . 154 pages – préface de Henri de Lubac))
Thérèse d’Avila Œuvres complètes (Desclée de Brouwer . Août 1974 . 1177 pages)
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Vital LehodeyLe saint abandon (rééd. Juillet 1976 N.D.de Grâce de Bricquebec . 275 pages)
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Thérèse Martin (Thérèse de Lisieux ou Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte face)Œuvres complètes (Cerf & Desclée de Brouwer . Juillet 1992 . 1599 pages)
sous la direction d’Evelyne-Sarah MercierLa mort transfigurée . recherches sur les expériences vécues aux approches de la mort  (L’âge du verseau . Octobre 1992 . 526 pages)
André Maurois - Climats  (éd. Deux rives ill. Touchagues . Novembre 1949 . 329 pages) 
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André Nicolas - Jean Piaget  (Seghers . Janvier 1976 . 230 pages)    
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Anne-Marie SchimmelLe soufisme ou les dimensions mystiques de l’Islam
Gershom G. Scholem Major trends in Jewish Mysticism, trad. Française 1950 Les grands courants de la mystique juive
Jean-François Six, Lumière de la nuit, les 18 derniers mois de Thérèse de Lisieux (Seuil . Septembre 1995 . 272 pages)  & Thérèse de Lisieux par elle-même . *** L’épreuve et la grâce  Tous ses écrits de Pâques 1896 (5 Avril) à sa mort (30 Septembre 1897) (Grasset . Desclée de Brouwer . Juillet 1997 . 395 pages)
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