dimanche 23 mai 2010

lecture du Coran - sourate XXVIII - Le récit 1 à 25

à reformater


soir du dimanche 23 Mai 2010

Je prends la sourate suivant les deux précédentes. Il me semble que cela se tient bien. Plus j’avance dans cette lecture, plus je me sens solidaire d’amis et de relations aux prises avec une destinée très difficile et malchanceuse pour leur pays, plus je sens que l’Islam n’est pas identitaire ni enfermant ses fidèles, qu’il n’est pas non plus un principe nationaliste, qu’il ne répond pas à l’image que beaucoup – hors ses fidèles et parfois chez ses fidèles – s’en font. Il me paraît universaliste, ouvert, intellectuellement très exigeant et pourtant accessible. Il prend directement à témoin celui qui pénètre dans le Coran. J’en suis là, et – sans doute parce que je suis de plus en plus chrétien de culture et de façon de prier – je trouve à chaque moment de lecture, d’étude et de méditation autant de plaisir que de gravité. Plaisir de l’intelligence, mais bonheur aussi d’un chemin vers Dieu, d’une description, d’une approche, d’un témoignage. Mahomet est authentique et il écrit bien... il a quelque chose à dire, qu’il ne peut retenir. Et par là, il attache.

Sourate 28 . Le récit 1 à 25

Nous te racontons, en toute vérité, à l’intention d’un peuple qui croit, l’histoire de Moïse et de Pharaon. 3 La manière de raconter Moïse et Pharaon, très différente, de celle des deux sourates précédents, qui avaient surtout une portée spirituelle. C’est écrit comme par cette Italienne paraphrasant les évangiles en dix volumes et réussissant, sans suspense, à écrire assez intuitivement et juste. La marque de Mahomet demeure : donner les pensées et arrière-pensées que la Bible suppose mais ne donne pas explicitement. Récit vivant, à relire en famille pour édifier les enfants, avec cependant les éléments du suspense : ils ne pressentaient rien 9. Le cœur de la mère de Moïse se vida. Elle aurait risqué de le montrer si nous n’avions pas raffermi son cœur pour qu’elle reste au nombre de croyants 10. Le texte suit exactement la Bible Exode ch. II mais, mieux que factuel, il donne les paroles, en plus des images, et il commente au spirituel. Ainsi, à la suite de son crime : Il dit : ‘Voici une œuvre du démon : c’est un ennemi qui égare les hommes’. Il dit : ‘Mon Seigneur ! je me suis fait tort à moi-même’. Dieu lui pardonna. Il est, en vérité, celui qui pardonne, il est le Miséricordieux. Moïse dit : ‘Mon Seigneur ! Grâce aux bienfaits dont tu m’as comblé, je ne serai jamais l’allié des criminels’. 15 . 16 . 17 Psychologie et spiritualité, dialectique du pardon et d’une certaine innocence.

Le récit me frappe par quelque chose qui est peut-être décisif. Les Hébreux, les Israëlites, les Juifs ne sont pas identifiés en tant que tels, pas désignés comme tels. Pharaon était hautain sur la terre. Il avait réparti les habitants en sections ; il cherchait à affaiblir un groupe d’entre eux 4 . Dieu lui-même dit son dessein, mais n’identifie pas et ne donne pas de nom à ce peuple, celui-ci d’ailleurs n’est pas non plus présenté comme un peuple. Nous voulions favoriser ceux qui avaient été humiliés sur la terre ; nous voulions en faire des chefs, des héritiers, nous voulions les établir sur la terre 5.6. Alors que la Bible écrit que Moïse vit aussi un Egyptien qui frappait un Hébreu, un de ses frères Exode II 11, le Coran raconte que Moïse y trouva deux hommes qui se battaient : un de ses partisans et un de ses adversaires. Celui qui était de son parti demanda son aide contre celui qui était au nombre de ses ennemis 13. D’une certaine manière, de l’anonymat religieux et ethnique. Le Coran met en scène des situations hors du temps, hors des circonstances, hors de l’histoire. Il n’est pas question non plus de la généalogie des patriarches, au moins dans ce récit des débuts de Moïse. Elliptique pour les identités, le texte est prolixe dans les dialogues, on est presque dans celui d’une pièce de théâtre ou à prendre connaissance d’un scenario de film. Génie littéraire. Là où la Bible écrit : elles vinrent puiser et remplir les auges pour abreuver le petit bétail de leur père. Des bergers survinrent et les chassèrent. Moïse se leva, vint à leur secours et abreuva le petit bétail. Exode II 16.17, le Coran raconte : Il y trouva aussi deux femmes qui se tenaient à l’écart et qui retenaient leurs bêtes. Il dit : ‘Que faites-vous, vous deux ?’. Elles dirent : ‘Nous n’abreuverons pas nos troupeaux tant que ces bergers ne seront pas partis, car notre père est très âgé’. Moïse abreuva leurs bêtes … 23.24. Ce choix du dialogue au lieu de la description ou du récit (malgré le titre de la sourate) permet d’introduire deux voix supplémentaires : celle de Dieu, et celle du priant. Les dialogues faisant évoluer la situation, le dessein de Dieu, la prière de l’homme, dessein et prière respectivement dits par Dieu et par Moïse. … puis il se retira à l’ombre. Il dit : ‘Mon Seigneur ! J’ai grand besoin du bien que tu feras descendre sur moi !’ 24. C’est du grand art et cela permet aussi la leçon spirituelle. Le Coran n’a sans doute pas les psaumes – joyau de la littérature ujniverselle et specimen décisif de psychologie humaine, version créature et version seigneur des mondes – mais il a ces paroles dans la bouche de Dieu ou dans celle des croyants. Car Moïse est tout simplement un croyant, mais Mahomet est aussi un conteur exceptionnel : une des femmes vint à lui en s’approchant timidement. 25

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