mardi 18 mai 2010

autrefois, quand un jeune homme s'interrogeait sur sa vocation sacerdotale ou pas


Un jeune homme d’autrefois s’interroge sur sa vocation sacerdotale ou pas.


J’ai aussi compris pendant ce mois d’Août que j’étais devant un véritable choix : devenir Saint, ou refuser de le devenir. Est-ce que je veux m’ouvrir à la Grâce de Dieu ou non. Est-ce que je veux être docile, à sa voix. Qu’est-ce que j’écoute. Mes désirs ou Lui. Voilà la première chose : je veux devenir un Saint, je veux suivre le Christ, lui faire don de moi-même, qu’il fasse de moi ce qu’Il veut. Je ne demande qu’une chose : être près de Lui, me sentir le plus souvent possible près de Lui, en Lui, environné de Son Amour, de Sa tendresse, de la joie paisible qui est signe de son passage.

Seigneur, je veux te suivre. Quoiqu’il arrive. Tout le reste est sans importance. Le chagrin que j’ai de quitter la Troupe scoute. Le concours à préparer. La vie quotidienne. Tout cela doit être sous ton regard. Ne doit pas me masquer ta Présence. Avec toi, je serai plus fort, je ne te fais pas assez confiance dans la vie quotidienne. J’essaie de me débrouiller tout seul. De porter seul mes chagrins, mes projets, mes déceptions, ma solitude, mon désir d’aimer, d’être aimé. Alors que tu frappes à la porte de mon cœur, pour prendre mon fardeau. Alors que je n’ai qu’à faire ce que tu me dis de faire.

Prêtre ou pas. Belle situation ou pas. Succès ou échec. Je veux que Tu sois l’essentiel de ma vie. je veux que Tu sois ma vie. Je veux être tien. Je veux T’aimer de plus en plus. Aide-moi, même lorsque je te renie, même lorsque je te lâche, tu sais qu’au fond de mon cœur, je continue de t’aimer. Tu m’as saisi depuis trois ou quatre ans, de façon encore plus trangible qu’avant. Je t’ai déjà trop rencontré, j’ai déjà trop goûté ta joie, je t’ai vu trop souvent à l’œuvre dans les autres, pour te renier. Fais, Seigneur, que je ne te renie jamais, que je te fasse toujours confiance au lieu d’avoir confiance en moi. Seigneur, protège-moi. Aide-moi. Augmente ma Foi, mon Espérance, mon Amour.

Apprends-moi à Te prier régulièrement pour Te connaître. Dévoile-moi Ta face à travers Ton évangile. Révèle-toi à moi. Apprends-moi à te prier.

Mardi 30 Août 1964




Si c’est cela qui m’attend tous les jours de ma vie, me plonger de tout mon esprit dans les problèmes de ce monde : politiques, économiques, sociaux. Sans penser à Dieu, sans avoir le temps de penser à Dieu. Sans pouvoir lui parler, lui dire mon amour. Et pourtant je fais mon devoir d’état. Mais cet état est-il destiné à être le mien. Si oui, Seigneur, donne-moi la grâce de ne pas me laisser envahir par toutes ces pensées, tous ces systèmes. Laisse-moi le souci de l’homme, de ton Royaume. Mais le Royaume n’est pas de ce monde. Laisse-moi y consacrer tout mon temps, dès ici-bas. Consacre-moi à ton service. Fais ce que tu veux. Exauce-moi. Donne-moi la force de te suivre où tu voudras. Equilibre-moi dans ton amour. Calme-moi dans ton amour. Fais-moi mûrir dans ton amour. Fais que je reconnaisse Ton amour.


Lundi 31 Août 1964







Christ, fais de moi ce que tu veux. Appelle-moi au sacerdoce. Mais s’il te plaît que je reste dans ce monde, je le ferais pour ton amour. Accorde-moi d’être chaque jour plus disponible à ton amour, sans préalable, si élevé soit-il. Que je sois la feuille d’automne, prête à se détacher et à suivre le courant d’air, que tu enverras au moment propîce. Apprends-moi à être disponible. Fais que je fasse le bien, du bien aux autres à travers le mal que je crois faire. Défends-moi contre le désespoir, et l’orgueil, contre les sentiments d’infériorité et de supériorité qui m’assaillent en même temps.

Appelle-moi à ton Amour. Fais que je ne te renie pas. Je t’aime, Seigneur. C’est bien vrai, je t’aime plus que tout. Tu le sais. Fais que je vive, ce que j’écris. Que mon calme, que ma Foi, que mon espérance demeurent. Que ma Joie grandisse.

Mardi 8 Septembre 1964






La femme m’est apparue deux fois aujourd’hui : sous son aspect anormal, au restaurant, ou plutôt mon regard est devenu celui d’un animal – sous son aspect plein de tendresse, de charme, de mystère : l’harmonie, la synthèse que représente pour moi V…, a revêcu quelques instants ce soir, sous les traits de Pascal Audret, dans le film Donnez-moi dix hommes désespérés, à la télévision.

Parfois, la pensée m’effleure que c’est folie que de bâtir sa vie, sour la vie intérieure, que c’est folie que de croire ce qui ne se voit pas, ce qui ne se touche pas, ce qui est invisible, ce qui est intouchable, ce qui n’existe pas. Ne pas me marier, ne pas aimer un autre être que moi, de chair et d’os. Ne pas me donner, ne pas recevoir de façon tangible. Ne pas goûter la joie du regard échangé, de l’étreinte passionnée, farouche, éternelle et qui pourtant ne dure qu’un instant, mais un instant qu’aucun temps ne connaît. Ne pas goûter le battement de cœur à la pensée de la silhouette fine et frêle qui tourne le coin de la rue. Ne pas goûter… Ignorer le baiser échangé. Ignorer la tendresse partagée. Ne pas voir les yeux bruns, noyés de larmes, noyés dans la buée de l’amour. Ne pas se sentir transfiguré, corps et âme parce que l’on aime et que l’on est aimé. Que l’on fait confiance, que l’on comprend et que l’on est compris. Que tout est donné, que l’on n’a plus rien à perdre, puisque tout est donné. Et qu’on ne fait plus qu’un puisque l’avenir est mis en commun, et que le passé ne compte plus, que le passé n’existe plus puisque l’on ne se connaissait pas.

Que tout commence, que tout finit. Que tout est vie, joie, bonheur, chanson, que l’on a trouvé puisque l’on s’est rencontré. Puis mes lèvres ont effleuré les tiennes. Puisque ma vie est à toi. Puisque je n’ai plus rien à te cacher, que je n’ai plus rien à te donner, que nous sommes à jamais silencieux, que nous sommes aveugles puisque nous sommes l’un près de l’autre, l’un dans l’autre. Que je t’aime et que tu m’aimes, que je te crois et que tu me crois. Que je veux ce que tu veux. Que la moindre parcelle de toi m’est plus précieuse que toutes les richesses du monde. Que je t’aime plus que je ne le sens. Et que cela est vrai, puisque c’est la première fois, et que le passé n’est plus. C’est le présent. Tu es mon présent. Tu te donnes. Je me donne. . Aujourd’hui, nous sommes à présent tous les deux, et à présent nous sommes à jamais.

Est-ce folie, Seigneur, que de renoncer à tout cela. Non, puisque tu le veux. Non, puisque tu existes. Non, puisque tu m’aimes. Non, puisque tu me donnes le désir, puisque tu me donnes la force de t’aimer. Non, puisque je te rencontre partout. Non, puisque tu es ma joie. Non, puisque tu es ma certitude. Non, puisque tu me fais dire : non.

Oui, Seigneur, je dis oui à ton amour, à ta volonté, à ton plan. Fais de moi ce que tu veux.

Ah ! sentir plus, pour pouvoir plus exprimer. Plus t’aimer, pour plus te dire que je t’aime. Seigneur, fais-moi t’aimer plus que moi-même, plus que cette feuille de papier, plus que ces paysages bleus et jaunes, plus que ce souvenir mélancolique et tenace, et fugace de V…, plus que mes projets, plus que ma joie, plus que mon inquiétude, plus que le sacerdoce. Seigneur, fais-moi t’aimer parce que tu es celui qui suis, parce que toi seul m’aime. Parce que tu es la lumière. Fais-moi t’aimer pour rien, parce que je ne suis rien, parce que tu es tout. Seigneur, je n’en peux plus. Forge-moi. Fais-moi ton outil.

Dimanche 4 Octobre 1964

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