mardi 10 mars 2009

oui, discutons, Seigneur ! - textes du jour



Mardi 10 Mars 2009


08 heures 33 + Messagerie : chronophagie ? ma chère femme, notre petite fille, presqu’en route pour Saint-André, notre solidarité trinitaire. – Prier… évocation par « mon » recteur de ces obsèques hier soir d’un pilier d’Emmaüs en Bretagne, tombé en dépression, devenu violent les dernières semaines, messe en salle communale, sept prêtres, son épouse avait dû se séparer de lui, les dernières semaines pour sa propre sécurité. Suicide… comment est-il arrivé à cela ? itinéraire du désespoir pour quelle cause, ou bien tout autre chose que nous ne savons pas, et sa femme n’a rien pu faire.. aimante et intelligente certainement puisqu’au verre d’amitié auquel elle invite, elle demande que pendant ce moment chacun aborde une personne qu’il ne connaît pas encore. Trois enfants adoptés, pendant la messe, l’un deux, maladie le faisant ressembler aux possédés de l’évangile, se levant, remuant, criant.

09 heures 15 + Plus qu’un drame, un tournant de notre vie : mort inopinée, insuffisance cardiaque, notre Raissa, ma femme, ma chère femme, submergée de chagrin. Et il y aura sa tombe à creuser à mon retour.

09 heures 27 + Je n’en peux plus de chagrin. – Prier donc… le chagrin, l’horreur de la mort, le vide, les regards qui se sont croisés, notre chienne, toute de divination, de partage, d’intelligence, de sobriété et de classe, pas exhubérante, fière et personnelle, mais appréciant la tendresse, sa joie retenue à mes retours de longtemps ou d’une heure, la passion que ma femme a eue pour elle, dès leur rencontre, petit animal de trois semaines attachée sur un banc, cordelette que nous avons gardée, Beaubourg, des loubards attendant une cliente, jolie petite pitt-bull, assoiffée et affamée, elle serait tombée du banc, se serait pendue. Retard de la riche cliente, échange de téléphones portables entre ma future femme et moi, les gamins s’enfuient la lui laissant : si tu la veux, nous l’adoptons, des candidates intéressées l’auraient mise à la production de chiots de combat en banlieue. L’accident en 2002 voulu par ce fermier jaloux de jouir de mon « domaine » gratuitement et la culbutant en camionnette. Les derniers moments de la semaine dernière, sans le moindre pressentiment. Fatiguée, souffrant mais nous pensions que c’était son arthrose. La mort… que le temps fait oublier, la distraction de la vie… la mort nous concentre… l’au-delà, l’ailleurs, l’autrement vite… s’il n’y avait notre petite fille. La collection d’épreuves, de disgrâces, d’injustices flagrantes, l’énorme poids

Ma femme en fantôme, notre petite fille ? la meute … foi en la vie, en LA vie, mais que le chemin est dur qui semble tellement celui de la mort. Et nos impuissances, nos imprévisions.

Prier… son regard, le regard de notre chienne, un regard qui semblait venir de bien plus profond qu’elle-même, passeur d’âmes, s’intitulent certains ou certaines, souvent laids et banaux, elle au contraire, tellement transparente à son regard qui étaut tout autre que de la bonté, qui était de l’attention. Ils aiment les places d’honneur dans les repas, les premiers rangs dans les synagogues, les salutations sur les places publiques, ils aiment recevoir des gens le titre de Rabi. Notre monde, notre société : ainsi ! à vomir, si souvent. Ne donnez à personne sur terre le nom de Père… ne vous faites pas non plus appeler maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ… eh oui, je prie pour notre chienne, pour son âme, pour son bonheur éternel, pour sa communion de neuf ans avec nous. Je n’ai guère la force de lire les textes de ce jour : venez et discutons, dit le Seigneur. Si vos péchés sont comme l’écarlate, ils deviendront blancs comme neige. Mais de péché, que de n’avoir pas discerné, su faire ce qu’il y avait sans doute ou peut-être à faire, pour éviter, pour que change la route de la destinée et des événements, carrefour que nous n’aurions pas même vu ou pressenti si l’autre direction, naturelle telle que nous la voyons maintenant parce que nous ne l’avons pas prise. Les deuils déjà vêcus d’ « êtres chers », mes vénérés parents… sont tout autres et moins douloureux, on a fait ce que l’on a pu, regret de ce qui n’a pas été échangé, questionné, partagé, mais l’âme tranquille et communiante. Celui qui manque, c’est celui dont nous pensons que nous avons quelque responsbailité – par omission – dans sa mort : le suicide ( ?) de mon si cher Michel T. de P. dont l’absence dans ma vie s’alourdit et me pèse chaque année davantage. Sans doute trente ans depuis notre dernier revoir – raté, et vingt-trois ou vingt-quatre depuis sa mort censément accidentelle, beau temps, Juin, l’avion de tourisme ou d’aéroclub s’écrase au commencement des Cévennes, second mariage quinze jours avant, après un divorce qui lui avait été imposé, et une sortie de la Compagnie de Jésus avant le sacerdoce faute d’y avoir été compris, aimé, aidé. Je lie notre petite bête, admirable, attentive et organisée, jamais, jamais violente ni agressive, douce, belle, longtemps puissante, particulièrement racée, avec le destin lumineux et pourtant tragique, avorté de mon ami de débuts de vie. Oui, discutons, Seigneur ! Penses-tu que je suis comme toi ? Oui, vous l’êtes Seigneur, quand nous souffrons et quand nous mourons, de cette mort qui est apparemment celle des autres, et qui est profondément la nôtre. [1]

[1] - Isaïe I 10 à 20 passim ; psaume L ; évangile selon saint Matthieu XXIII 1 à 12

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