mercredi 19 novembre 2014

monte jusqu'ici, et je te ferai voir ce qui doit arriver par la suite - textes du jour


Mercredi 19 Novembre 2014






Notre déliquescence – à nous, France, en ce moment – par  rapport au possible et par rapport au passé. Le possible, ce sont nos acquis mentaux, technologiques, le miracle des intégrations de nos diverses strates démographiques et ethniques, le génie de nos enfants pour assimiler et utiliser la modernité – je le vis tous les jours avec notre fille pour les médias de maintenant. Le passé, c’est une extraordinaire et constante capacité d’être grand, de risquer l’aventure, de tout dire et fort bien : les présentations avec Laurent Delahousse de la geste mitterrandienne vécue selon Mazarine, et avec Stéphane Bern celle de Napoléon selon la reine Hortense. C’est de même facture, c’est donc bien nous puisqu’à deux siècles de distance, la tension, le nerf sont les mêmes et que l’histoire des personnes fait notre Histoire nationale. La médiocrité nous est interdite à peine de mort, or nous y sommes. Le coup de pied de l’âne hier donné à François Hollande par un obscur secrétaire d’Etat à la Fonction publique ne donnant de chance à la gauche pour le second tour qu’en organisant les primaires les plus larges possible (la panacée de cette époque pour des partis-machine, la CGT ayant elle aussi attrapé cette maladie avec la corruption et le recel qui caractérisent les chefs quand la dégénérescence atteint le cœur des organisations, chacun la main dans le plat). Et avant-hier, le haro sur Sarkozy à propos d’une loi que l’UMP vomissait quand elle s’élabora, et la semaine dernière un ancien Premier ministre chargeant des tiers de tuer celui qui l’avait nommé et maintenu cinq ans. Plus rien n’est appelé par son nom, ainsi notre élection présidentielle devient à un tour et à la majorité relative, puisque c’est le premier tour qui décide de tout, le second après Marine Le Pen ayant toute chance de l’emporter… Plus aucun repère, une Europe dérivant le ventre à l’air, la Calédonie en referendum d’indépendance pour que tout notre domaine pacifique passe aux Etats-Unis, et ainsi de suit… il est entendu qu’on ne parle plus de crise puisque tout hoquet ou spasme finit ne plus avoir de réplique, on dit «  grande dépression ». Aucun diagnostic ni national ni mondial, tout le monde au lit, la main tendue pour mendier, ou pour que le bras suive et que nous acclamions des dictatures. Les actuelles ne revendiquant pas d’étiquette n’appellent pas la fête, mais le silence. – Je suis convaincu de l’insurrection par l’espérance et l’imagination. Il y a dans l’humain, dans chacun des peuples la certitude du possible, de l’alternative. Le silence français périme le présent inutile et amorphe, et prépare tout autre chose.
Prier… que votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. L’Eglise, tranquille – j’ai cette nuit rêvé que je dialogue avec le pape François, celui-ci à son tour  a résigné sa tâche, il s’assied près de moi, qui reste debout, une sorte de pliant en bois improvisé, nous parlons des nécessités et de la forme du témoignage, nous sommes paisibles, nous communions familièrement l’un avec l’autre, c’est angélique – l’Eglise revient sur la parabole des talents [1] mais la met en scène autrement que selon saint Matthieu, le personnage du maître est plus précis, ce qui explique le comportement du troisième qui avait argumenté par le caractère de son maître le fait de n’avoir rien produit avec la somme confiée. Il s’agit ici d’un autre concours, dix serviteurs, chacun une pièce, les rapports sont beaucoup plus élevés mais l’histoire que raconte Jésus s’arrête au troisième, qui dans la version de Luc a le même comportement que celui présenté pa Matthieu : j’avais peur de toi. L’histoire a maintenant deux dimensions. Il y a les gestions domestiques : celui qui a recevra encore, celui qui n’a rien se fera enlever ce qu’il a, même leçon, mais il y a la grande politique, un royaume qui s’organise, l’enjeu est immense.  Le premier serviteur qui d’une pièce d’or, en a produit dix, reçoit l’autorité sur dix villes. Le maître, malgré l’opposition de ses sujets, revenait d’un pays lointain pour se faire nommer roi et rentrer chez lui… mais ses concitoyens le détestaient et ils envoyèrent derrière lui une délégation chargée de dire : « Nous ne voulons pas qu’il règne sur nous ». L’ensemble est étrange, puisque le justicier ne semble pas sans reproche. Comme s’il manque au texte, quelque chose. En revanche, les circonstances dans lesquels le Christ donne la parabole sont marquantes… il était près de Jérsusalem et ses auditeurs pensaient voir le royaume de Dieu se manifester à l’instant même. Et Jésus leur répond par tous les détours que prend l’histoire de notre rédemption, l’histoire des hommes qui la réalise, car la rédemption est la seule dialectique rendant complètement de l’histoire et justifiant nos incoercibles espérances, d’une certaine manière nos révolutions et nos gloires et nos chutes tant nous voulons aboutir à plus et meilleur que ce que nous sommes et ce que nous vivons. Nos maladresses ? nos efforts ? les talents, les pièces d’or, la seule évaluation qui compte, c’est celle de Dieu nous appelant afain de savoir comment chacun fait fructifier… c’est de ce point de vue, celui de la foi, celui de la prière, que tout s’agit et se comprend finalement : monte jusqu’ici, et je te ferai voir ce qui doit arriver par la suite. Amen. C’est au présent que Dieu nous appelle, que Dieu m’appelle, présent de nos astreintes, présent de notre petite fille : toute ma vie, j’ai redouté d’avoir dix ans… présent de l’amour conjugal qui nous est donné. Présent et grâce de ce partage chaque matin avec ceux dont les visages me viennent, nombreux et simples, regards et âmes.


[1] - Apocalypse de Jean IV 1 à 11 ; psaume CL ; évangile selon saint Luc XIX 11 à 28


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