mardi 24 décembre 2013

Mgr. Francis Deniau - Noël à l'hôpital en toutes incertitudes mais la joie de l'Evangile



14 décembre 2013
Francis Deniau
évêque émérite de Nevers
Foyer de La Solitude
27 rue Minard
92130  ISSY LES MOULINEAUX
06 61 75 76 72
01 55 95 04 62


Chers Amis,


Les communes multiplient les lumières, les magasins et les sites internet regorgent de cadeaux possibles : nous sommes entrés dans le cycle des fêtes de fin d'année. On en oublie la crise. Pourquoi pas si c'est un signe d'espérance ? Mais ce ne le sera que si nous n'oublions pas celles et ceux qui vont rester en marge de ces réjouissances à cause de leur situation matérielle ou parce qu'ils sont trop isolés et que ces fêtes les renvoie à leur solitude...

L'attention à l'autre, dans les gestes quotidiens comme dans les enjeux sociaux et économiques,c'est une des insistances du pape François dans le texte que je viens de lire et qu'il a intitulé « la joie de l'Évangile ». On y retrouve cette joie et cette simplicité que beaucoup ont noté depuis son élection, sa manière bien à lui d'aller à l'essentiel, à la joie qui nait du regard aimant et espérant que Jésus pose sur chacun, en laissant de côté ce qui encombre trop souvent le langage de l'Église. J'ai lu beaucoup de passages comme s'ils m'étaient adressés personnellement ; ils m'ont encouragé dans ce que je vis aujourd'hui : l'emprise de la maladie et l'invitation à me laisser travailler de l'intérieur, non plus dans les activités et les responsabilités, mais dans les passivités et les limites qu'impose la maladie, le traitement, et leurs conséquences.

Je touche cela dans mon livre grâce à un beau texte de Teilhard de Chardin, qui m'accompagne depuis longtemps, mais qui prend un sens nouveau dans ce que je vis aujourd'hui.

Et je me suis laissé encourager par ce passage : « ...nous avons besoin de certitude intérieure, c'est-à-dire de la conviction que Dieu peut agir en toutes circonstances, même au milieu des échecs apparents, car « nous tenons ce trésor en des vases d'argile (2 Co 4,7). Cette certitude s'appelle « sens du mystère ». C'est savoir avec certitude que celui qui se donne et s'en remet à Dieu par amour sera certainement fécond (cf. Jean 15,5). Cette fécondité est souvent invisible, insaisissable, elle ne peut être comptée. La personne sait bien que sa vie donnera du fruit, mais sans prétendre connaître comment, ni où, ni quand. Elle est sûre qu'aucune de ses œuvres faites avec amour ne sera perdue, ni aucune de ses préoccupations sincères pour les autres, ni aucun de ses actes d'amour envers Dieu, ni aucune fatigue généreuse, ni aucune patience douloureuse. » (n° 279)

Mais il y a aussi les limites et les échecs, les fermetures et le péché... Il n'y a pas de bilan à faire. La fécondité d'une vie est le don de Dieu et le secret de Dieu. Ce que je peux faire est simplement de m'en remettre à lui de tout. J'essaie de me laisser entraîner par lui dans cette voie.

*

La grande nouvelle, vous le savez, c'est la sortie du livre, Chemins de vie, chemins de Dieu, dans lequel j'ai mis ce que je désirais exprimer depuis onze ans, mais qui n'avait pas jusque là trouvé sa forme. La forme comporte bien des imperfections, mais j'y ai mis tout ce que j'ai pu de moi-même, de ce qui m'a guidé dans ma vie, de ce qui me guide aujourd'hui. Comme une sorte de testament spirituel, dont j'espère qu'avec mon expérience il rejoindra l'expérience de ceux qui me feront le cadeau de me lire, et leur parlera dans leur propre chemin.

« “Voici quel est à présent mon chemin, où est le vôtre ?” disais-je à ceux qui me demandaient LE chemin, car LE chemin n'existe pas ». J'ai fait mien ce mot de Nietzsche, en cherchant à le conjuguer avec la parole de Jésus : « Je suis le chemin, la vérité, la vie ». C'est une des dimensions de mon livre...

Édité par Desclée de Brouwer (DDB), il sera dans les librairies en janvier. Vous me rendrez service, ainsi qu'à votre libraire, en le lui demandant plutôt qu'en le faisant venir par internet...

*

Vous savez les autres nouvelles : le traitement semble efficace, non pas pour éliminer la maladie, mais pour la contenir et l'empêcher de se répandre. J'ai rendez-vous fin janvier avec la cancérologue, après de nouveaux examens. Trois semaines en Allemagne chez des amis m'ont revigoré et fait beaucoup de bien. Je suis bien accueilli et à l'aise dans la maison de La Solitude à Issy les Moulineaux. Mais ces jours-ci j'expérimente comme une érosion de mon état de santé, avec une grande fatigue et, à nouveau, des œdèmes qui me handicapent. Passage momentané ou tendance durable ? L'avenir le dira, et m'indiquera aussi si je pourrai ou non assumer les engagements que j'avais pris pour 2014... Peut-être me faudra-t-il accepter que la maladie m'impose des limites plus étroites que celles que j'imaginais jusqu'ici ?

Dans le diocèse de Nanterre, nous sommes très marqués par l'enlèvement au Nord-Cameroun du père Georges Vandenbeusch. Nous demeurons avec lui dans une solidarité qui n'a pas de moyens d'agir mais reste attentive et veille dans la prière. Et avec lui, les autres otages.

Dans tout ce contexte de notre monde plein de contradictions, de douleurs et d'espérance, je vous souhaite un bonne fête de Noël. Pour ceux d'entre nous qui sommes chrétiens, nous accueillons le don de Dieu qui nous rejoint dans la pauvreté et la précarité de notre humanité, et nous enveloppe de son amour. Pour tous, la naissance d'un enfant est un renouveau dans notre humanité et nos relations, comme je l'expérimente avec les deux petites-nièces nées en 2012 et 2013...

Bonne fête de Noël et bonne route en 2014

avec mes amitiés




Francis Deniau

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