mercredi 24 juillet 2013

Dieu peut-il apprêter une table au désert ?... Dieu contentait leur envie - textes du jour

Mercredi 24 Juillet 2013

Hier
 

23 heures 32 + La promenade, la première qu’ait faite notre fille en « montagne ». Un kilomètre ou à peine plus de semi-goudron, d’herbages, mais à mi-pente de la montée des prés d’alpage au bas de la falaise et des sapins de Rochebrune, quelques deux fermes encore, l’une affichant son année de commencement : 1886, altitude 1203 mètres. – Plus tard, revenus de chez les L., promenade qu’elle souhaite faire, la descente du pré devant « chez nous », passé le rideau de sapins et de bouleaux. A nouveau les limaces, mais récit d’un cauchemar sans doute initiateur de cette peur maintenant : jambes et pieds nus, assaillis de limaces dont une très grosse sous sa main. Un étang ou une retenue d'eau pour les roseaux, des grenouilles, si c'en sont ? plus petites qu'un ongle d'enfant. Rencontres ? peu. Voisins en villégiature comme nous, mais sans aucun échange de parole, sauf par chance le nom du chien : Gordon, de la race des Ric et Rac, taille crayon. Deux maçons et conducteurs d'engin, construction en contrebas, assainissement et terres-plains : on ne compte pas chez ces anonymes absents. Un éleveur, le lait est pour le reblochon, nous ne pouvons dépasser la simple articulation des deux syllabes du "bon jour". Le paysage pour son ensemble, avec les châlets, tous posés, immobiles et cette façon de regard tranquille, canins, des niches d'où l'on voit et où l'on dort, semble une miniature, celle que parcourent répétivement les petits trains électriques d'antan. Sensation de petitesse de tout sauf l'immuable et la grandeur de "la" montagne ,e le peuple vivant de ses reliefs, de ses inventions. Et puis il y les saisons. A plus de mille mètres, c'est la sensibilité décisive.
Certains de ces châlets, neufs ou très récents, impressionnent. Assortis aux anciens mais dédaignant la route, cherchant la vue qui est ici celle du Charvin comme nous l’avions à notre 3 S 17. Succession de plans, variétés des arbres, peu de fleurs, traitement en gazon ou en prairie, quelques vaches plus haut. Deux réflexions, l’une morose : je n’ai pas de bien, ni en héritage ni par investissement et les biens de ma femme, fruits de son travail, ont été engloutis… je n’aurai donc jamais ce dont je rêve, un endroit ici en propre, un appartement parisien., nous léguerons quand même pas mal de bien à notre fille alors qu’en fratrie nous n’avons hérité que des personnalités de nos parents, le spirituel, le souvenir, l’histoire, des meubles mais ni lieux, ni murs, ni relation avec l’investissement (celle que je n’ai d’ailleurs jamais su bâtir et n’ai pas souhaitée à temps… l’autre de certitude : la montagne… la mer… puissantes à nous faire nous arrêter à leur seuil, en leur sein presque et nous y asseoir, reposer. Contemplation mais habitat ? trop vovantes par l’ensemble cohérent et dominant qu’elles forment chacune, elles nous échappent, elles sont trop fortes pour nous. La ville, la campagne, l’ambiance parisienne, notre maison de Reniac, au contraire sont construits par nous, à nos échelles donc. C’est du moins ce que je ressens. Marguerite n’est que joie, petit sac au dos, signe que nous nous asseyons sur un banc, elle a amené bouteille d’eau et biscuits, elle photographie. Elle itinère et vit manifestement une première. Je suis intensément à l'accompagner, la suivre, elle m'appelle de toute son enfance, de tout son avenir, de tout le bonheur dont nous sommes sûrement capables puisque nous le vivons. Sur ce banc, l'émancipation vis-à-vis de tout, et il y a quelsues minutes le chox d'images qu'elle faisait, si juste.

Quelques thèmes m’habitent et se développent en moi.

Le masculin/féminin n’est ni fondateur social, ni identité personnelle. Suis-je à rejoindre la « théorie du genre »  ou du « gender » (je ne sais comment on dit) que je ne connais toujours pas même si j’ai collationné quelques articles sur internet ? non, car je ne crois pas non plus à un genre choisi. Ce qui met d’ailleurs en porte-à-faux, je crois, les porteurs de cette thèse quand il faut l’appliquer au mariage des homosexuels. Celui-ci se justifie selon moi par justice et parce que personne ne peut être pénalisé pour une origine sociale ou une inclination sexuelle de naissance. Je le relie et le développe selon une sensation que j’ai de plus en plus forte : ne pas être défini par mon corps ni mon parcours existentiel, même et surtout si j’en suis responsable. Je ne suis pas la copie d’un auteur et l’auteur que je suis censé être peut mal réussir sa copie et surtout ne pas se connaître vraiment, d’autant qu’en réalité je ne me sens pas mon auteur du tout. Je ne coincide avec aucune de mes apparences ni aucun de mes traits de caractèren et pourtant j’existe et puis être connu – par les autres, principalement par Dieu, mon créateur, mon « auteur », mon aimant – et guère par moi. Il me semble qu’en sociologie, c’est l’aboutissement de la pétition féministe, de la revendication d’égalité et des politiques de parité : des mouvements collectifs forts frappant d’interdit les contestataires ou les quant-à-soi. Mais sil le résultat est l’auto-création à tous égards, nous n’avons que le destin de Prométhée. L’identité est reçue, consentie et alors cultivée. Le sexe et la procréation sont effets de l’amour, non créateurs par eux-mêmes de l’union par attrait des âmes, des personnes, des visages et corps d’éternité. A creuser et développer… un couple, d’amants ? elle plus baraquée que lui, tous deux sertis de collants, buste et bassins qui montaient et descendaient notre route, plus semblabvles que différents, au moins dans leur course et leurs goûts. J’ai raisonné à partir d’eux. Avec aussi cette expérience récurrente en relations intimes des sexes masculin et féminin, qu’au tréfonds la relation au plaisir, la relation de dépendance et d’attention à l’autre est bien la même pour l’homme, pour la femme, chez l’un.et chez l’autre. Ce qui compte et comble est bien l’union, des prémices et du goût de commencer à tous achèvements de repos, de sourire, de reconnaissance et des mains qui tâtonnant se reprennent pour des suites qui ne sont plus l’acmée mais l’éternité gratifiée.
L’Eglise doit se vivre et s’organiser tout autrement. La logorrhée à tous niveaux du clergé, la liturgie ne signifient plus même – dans nos vies, nos cultures, nos civilisations – la louange et la reconnaissance fondamental du Créateur et Rédempteur. Nous récitons un passé qui fut inventif mais dont nous n’avons plus ni les circonstances ni la sève. Innover complètement en institutions, en modes de vie, en engagement pour que le monde change et que justice soit faite, n’est rien trahir mais tout approfondir. Certainement, la liberté de se marier pour le clergé, et plus encore de travailler, d’être rémunéré pas seulement et plus ou moins « honteusement » en honoraires pour certains sacrements ou services, ce qui nous a fait vivre pendant des siècles en simonie (me semble-t-il). Un clergé inséré et en fait un magistère et un ministère bien plus diffusé dans le « peuple » et exercé collectivement. Evidemment, les femmes – s’il est un cas non de parité mais d’égalité pour la vocation et le suivi d’une inspiration, de goûts profonds, cf. Thérèse de Lisieux et le ministère sacerdotal explicitement revendiqué, c’est bien celui-là… En revanche, toutes les grandes identifications des deux derniers siècles en dogmatique sont d’heureux acquis et de bonnes explicitations, y compris l’infaillibilité pontificale puisqu’elle exprime, selon l’Esprit, une constatation collective, un approfondissement de génération en génération de la richesse de ce qui nous a été textuellement et exemplairement donné, montré il y a deux mille ans et plus, en aboutissement d’autres temps spirituels mais dont la répétition ailleurs se fait peut-être (énigme historique mais non spirituelle de l’Islam, parce qu’il est a-chronologique). Le circonstanciel n’est pas notre maître ni pour relire le passé en textes et en événements, ni pour nous donner de nouvelles institutions. Il est notre pied d’œuvre, du matériau. L’Eglise au regard des siècles à venir, des millénaires peut-être, est sans doute encore en train de naître. Naturellement, en organisation concrète entre liberté, nécessité et civilisqtion du moment, les Actes des Apôtres, lus et travaillés, sereinement dans l’optique d’y trouver nos chemins et manières pour aujourd’hui, ni pour demain ni pour hie, sont évidemment un creuset.Le creuset. Pour le moment, sauf en pensée et en prière, chacun, et parfois tous en tel moment de la planète (Rio…) ou d’une institution, d’une géographie, nous en sommes ensemble bien loin. Mais rien que la certitude d’être ensemble, d’avoir responsabilité et devoir dans ce monde-ci, et que l’Esprit nous habite et nous parle si nous nous taisons… nous mènera où il faut pour notre temps et nos vies particulières.

De plus en plus notre époque se caractérise par un désarroi fondamental tenant à l’absence d’autorités morales, de grandes œuvres, et par un refus de la démocratie, aussi bien par les dirigeants et tous les cooptés. Je « tombe » ici sur MARCUSE, il y a eu HUTTINGTON, émule pour les débuts de notre temps de GOBINEAU pour ceux dont nous ne sommes cependant pas sortis. Françoise L. mentionne BEAUVOIR après m’avoir exposé de façon évocatrice « la théorie du genre ». Les grands littérateurs, même les agitateurs ou fondateurs politiques, manquent. Ou bien les empêchons-nous aussi efficacement que nos tolérances et résignations légitiment les oppressions ? ou bien est-ce moi qui n'écoute ni ne vois plus, et ne lis pas assez en essais et en romans ? Mes années 50 à 70, forts des années 30 et même des débuts du XXème, étaient mouvementées en passion écrite ou plastique d'une Pleïade aussi fantastique qu'attirante et accueillante. J'y fus avec bonheur tandis que tant de dialectiques nationales et internationales suscitaient des journalistes et des politiques qui paraissaient normaux et quotidiens, et dont nous reconnaissons aujourd'hui que c'étaient des géants. Une époque et son expression, là est le mélange : abattement ou insurrection. Le moutonnement ne serait pas négatif et n’est pas destructeur ni empêchement en soi. Je crois plutôt que c’est l’enfermement dans des dogmes économiques et des abandons d’acquis sociaux, érigés par calcul ou par tolérance du fait d’un petit nombre qui nous asphyxie. Il n’y a pas de révolution mondiale, il y a un piétinement et une occultation mondiale, une exhortation à la docilité et au mimétisme sous l’apparence de volontarisme, d’ambition : ces individualismes et ces réussites pour le regard des autres produisent de la copie, de la langue de bois, pas du bonheur. Les médias ne sont pas des outils mais une propagande pour l’aboulie. – A développer, éventuellement, quoique ce soit si banal.

0 heure 49 + Notre fille (à table) ce soir… raconte-moi une histoire : inventée. Sec ? toujours ta réponse ! Invente, commence sans savoir la suite. Quand je danse ou que je compose une histoire, c’est comme çà que je fais, je ne sais pas ce que je vais faire. Tu vois ? Je vois.
 
Ce matin
 
08 heures 12 + Eveillé depuis deux heures. Sonnailles se rapprochant, me suis levé : une vingtaine de vaches descendant notre route, sans doute celles de nos alentours, si agréables et vivantes à entendre depuis notre arrivée. Abri en cas de pluie, car l’hiver est encore bien loin ? Envie de me m… sexe qui revient, envie de ma chère femme. Je le lui courielle. Problème encore de messagerie. Tandis que Marguerite continue sa nuit et que j’ai tiré les rideaux : le troupeau ne l’a pas éveillée par son passage mais moi à mon second lever, son salut doux puis son rendormissement. Elle avait été blottie toute la nuit contre moi. Je n’aime pas ces visages angéliques du sommeil, il me semble ceux de la mort d’un ange, d’un gisant, la mort et l’extrême jeunesse ont une étrange parenté. – Programme d’aujourd’hui, les buts de notre venue : la prospection immobilière et une enquête sur nos deux affaires, le Père VESIN et surtout Club-Hôtel. Du journal, celui de notre fille, celui d’un septuagénaire.
Prier… chaque matin, sortir du tombeau, secouer la cendre dont je serai fait ? retrouver (recevoir à nouveau comme le souffle et l’esprit) le sens de la vie, le goût de la vie, le bonheur de vivre : seul socle, rocher, prise de pied, de main, seul sourire possible pour le visage qui est celui que j’ai… l’amour, ma femme, notre fille, d’autres très proches et intérieurs aussi mais moins dépendants de moi, et cet amour, je le sais donné par Dieu, issu de Lui et signe que nous participons déjà à Sa propre vie, Lui qui est la Vie. VieDieu contentait leur envie… Ils s’en prenaient à Dieu et demandaient : « Dieu peut-il apprêter une table au désert ? » Car ils n’avaient pas foi en Dieu, ils ne croyaient pas qu’ils les sauveraient… Ils mangèrent, ils se sont rassasiés. Dieu contentait leur envie. … Sur eux il fit pleuvoir la manne, il leur donna le froment du ciel… Sur eux, il fit pleuvoir une nuée d’oiseaux, autant de viande que de sable au bord de la mer… Dieu contentait leur envie. [1] Récit : des récriminations à la récolte naturelle mais de venue miraculeuse. Israël au désert. Nous, moi, au désert, mais je ne récrimine pas, ou plutôt la récrimination qui pour le peuple hébreu est encore acte de foi en une existence de Dieu, qui est encore dialogue mais déjà doute sur la nature et le caractère de Dieu, tandis que la nôtre est de céder à nos pentes dépressives et mortifères, à notre préférence pour la mort contre la vie qui nous insupporte. Ils se tournèrent du côté du désert, et voici que la Gloire du Seigneur apparut dans la nuée.  … Jésus était sorti de la maison, et il était assis au bord du lac. Une foule immense se rassembla auprès de lui, si bien qu’il monta dans une barque où il s’assit ; toute la foule se tenait sur le rivage. Parabole du semeur. Est-elle prédestination de chacun ? est-elle la revue des comportements et accueils possibles. Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! Prier.

08 heures 54 + De plus en plus nettement (grâce !), Dieu m’appelle, me protège. Tous mes projets, tout mon souhait de fécondité intellectuelle et phsyiologque sont archi-secondaires et même dérisoires. Ceux de Dieu les surpassent tant pour moi et pour mes aimées. A fortiori pour un monde que je crois bien plus en attente et en disponibilité que beaucoup de générations avant les nôtres.



[1] - Exode XVI 1 à 15 ; psaume LXXVIII ; évangile selon saint Matthieu XIII 1 à 9

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