samedi 3 septembre 2011

une lecture chrétienne du Coran - sourate 18 - La caverne ou La testée








Sourate XVIII . La caverne

lecture d’un chrétien






soir du dimanche 23 Janvier 2011

Je reprends le Coran, je sais que je vais m’y délasser, bien moins par dépaysement – ce qui fut l’expérience du début, doublée cependant de la confirmation que la communion est possible avec ce texte (pour moi, comme pour tout chrétien attentif et de bonne foi) puisque le sens, l’expérience de Dieu y sont patents, aussi l’expérience de l’homme dans la main de Dieu, ou de l’homme oublieux de Dieu. Me délasser parce que je reviens à l’essentiel et d’une manière moins familière, habituelle que par ma lecture quotidienne des textes de la messe catholique, c’est-à-dire de passages de la Bible.

J’ai choisi de lire la Sourate 18 . La caverne (MMB - Masson : L’épreuve – Chouraqui : La testée) au lieu de continuer dans l’ordre de la présentation actuelle, tout simplement parce qu’au hasard un verset m’a retenu : Celui que Dieu dirige est bien dirigé, mais tu ne trouveras pas de maître pour guider celui qu’il égare 17, et m’arrêtant j’ai reconnu la légende des sept dormants, illustrée notamment au tympan de la basilique de Vézelay. Le titre-même évoque un des textes les plus connus de Platon, le mythe de la caverne et la discussion faleuse sur le réel. J’ai vu aussi que je trouverai – là - la version musulmane de l’histoire et de la personnalité de Moïse. Convergence ? divergence ? avec les peuples de la Bible. Et aussitôt, la littéralité de la rupture avec le christianismse : ceux qui disent : « Dieu s’est donné un fils ! ». Ni eux ni leurs pères n’en savent rien. La parole qui sort de meurs bouches est monstrueuse. Ils ne profèrent qu’un mensonge 4 & 5.

soir du lundi 18 Avril 2011

Avec une résolution de régularité, plusieurs fois par semaine, et avec bonheur, je reprends le Coran. – Cela au début de ce que, dans mon Eglise une, sainte, catholique et apostolique, je vais vivre toute cette semaine, dite Semaine sainte. Je me suis donné en chrétien, cette semaine, de relire l’évangile de saint Jean pour y noter les étapes du complot politique contre Jésus, sous couvert de religion, et aussi de repérer dans les quatre récits des mêmes événements : procès, passion, mort, résurrection du Christ, les différences et les similitudes… afin de mieux prier et d’approfondir ma foi. Mais, en même temps, je veux rééinitier cette décisive lecture que j’ai entreprise du Coran. J’écrirai dans une note spéciale mais brève comment je vois – en croyant et en priant – la relation commune aux chrétiens et aux musulmans face à Dieu, et combien, selon ce que j’ai déjà lu du Coran – le Saint Livre d’amis qui me sont très chers, d’hommes que j’ai la grâce d’entrevoir prier, abandonnés, silencieux et vrais, tout différents des caricatures véhiculés par des images de prosternation de masse qui ne sont qu’une attitude et qu’un moment de la prière, peu compréhensible dans une autre civilisation, celle qui ne prie plus du tout. A terme, je prie Dieu, notre Seigneur à tous, de m’inspirer tranquillement de quoi synthétiser l’ensemble de cette lecture quand je l’aurai achevée et de quoi la présenter à mes frères dans la foi chrétienne et à mes frères d’un autre énoncé et d’une autre pratique de la foi en Dieu seul. Et unique. Amen.

Les « sept dormants » considérés dans la révélation prophétique comme une merveille parmi nos Signes 9 sont également honorés dans la chrétienté médiévale, même très postérieurement à l’Hégire. La légende des sept dormants d’Ephèse qui, endormis dans une caverne se réveillèrent deux ou trois siècles plus tard pour quelques heures, est sculpté au tympan de la basilique de Vézelay, celle-là même où fut prêchée la première croisade… Elle avait été recueillie (D. Masson, note pour la sourate XVIII éd. Pléiade de sa traduction du Coran, p. 874) au début du VIème siècle par l’auteur syrien Jacques de Sarouj et par Grégoire de Tours. Louis Massignon dans ses Opera minora, tome III, 1963, pp. 104 à 180.

Je suis donc devant un fait, commun au christianisme et à l’Islam. Ce dernier en fait un signe, donc un instrument de conversion : tu vas peut-être, s’ils ne croient pas à ce récit, te consumer sur leur façon d’agir 6 . Je suis aussi devant un exemple, non marqué par les divergences dogmatiques entre chrétiens et musulmans, de traitement d’un fonds commun.

Enoncé de la thèse : dans la caverne, nous avons frappé de surdité leurs oreilles pour de nombreuses années. Nous les avons ressuscités afin de savoir quel est celui des deux groupes qui avait le mieux calculé la durée de leur séjour 11.12. Enseignement direct ou indirect non seulement sur la résurrection, mais sur la mort-même et ce qu’il advient concrètement entre celle-ci et la résurrection. Nature et conscience du temps : Combien de temps êtes vous restés ici ? … Votre Seigneur sait parfaitement combien de temps vous êtes restés ici 19. En réalité, l’enseignement vise tout autre chose

Autant que la Bible (ainsi le livre des Proverbes) mais d’une manière souvent plus péremptoire, le Coran sait caractériser la relation de l’homme, même au plus quotidien, à Dieu en forme de portrait : Celui que Dieu dirige est bien dirigé, mais tu ne trouveras pas de maître pour guider celui qu’il égare 17 (à rapprocher par exemple du psaume I : ).

soir du lundi 1er Août 2011

Je reprends le grand texte, comme promis à mes compatriotes mauritaniens d’adoption : les accompagner dans ce Ramadan. Essayer de poursuivre plus régulièrement et assidûment la lecture du saint Livre de tant de millions de gens. Façon aussi d’éprouver si le Coran peut soutenir une prière-discernement-approfondissement de plusieurs jours et à longueur de journée : une retraite, le Coran s’y prête-t-il ? Je suis convaincu que nous pouvons prier ensemble ce Dieu unique et miséricordieux qui nous a été révélé à tous, pas ensemble à l'origine, mais certainement ensemble dans la perspective du Jugement, de la Résurrection et dès aujourd'hui de la prière.

Présentation de l’énigme. : tu les aurais crus éveillés, alors qu’ils dormaient… si tu les avais aperçus, tu aurais sûrement pris la fuite, tu aurais été rempli de frayeur. Nous les avons ressuscités pour leur permettre de s’interroger mutuellement. 18 . 19

soir du jeudi 11 Août 2011

Je ne savais encore si un chrétien peut prier avec le Coran. Je le crois maintenant puisqu’il s’agit pour moi d’être uni à un très grand ami – un homme d’Etat, un homme fraternel et paternel, un surdoué de l’empathie et de l’indignation, de la conviction, du dévouement – Abdoul Aziz SALL entré dans ma vie quand j’arrivai pour la première fois et un séjour de dix-huit mois à Nouakchott (Février 1965-Avril 1966). Il dirigeait le cabinet du Président. Le retrouvant en Mars 2002, après une vingtaine d’années d’interruption dans une relation très confiante et vive, je le vis intact mais entrais aussi dans sa piété musulmane, simple, assortie à tout et surtout à son humilité de quelqu’un qui a œuvré. Ce soir, je reprends ma lecture, demandant à Dieu de comprendre bien cette sourate et d’aller jusqu’à la fin de son texte.

Je reprends d’abord cette compassion divine pour le prophète, qui est autant biblique que coranique : Tu vas peut-être, s’ils ne croient pas à ce récit, te consumer de chagrin sur leur façon d’agir. 6 Les dormants, bercés par Dieu : nous les retournions vers la droite et vers la gauche, tandis que leur chien se tenait sur le seuil, les pattes de devant étendues 18. Les dormants, réveillés, sont isolés dans un contexte religieux différent du leur et ils se savent un moyen de preuve divine : Si ces gens vous apercevaient, ils vous lapideraient ou bien ils vous ramèneraient à leur religion, et vous ne seriez plus jamais heureux 20. Mais à l’inverse, si tu les avais aperçus, tu aurais sûrement pris la fuite, tu aurais été rempli de frayeur 18. Le récit très scénique a son récitant, son « chorifè ». Dis : 22.26.29. Récit cependant suspendu pour que soient données des instructions de fond et de forme. De fond : Récite ce qui t’a été révélé du Livre de ton Seigneur – il n’y a pas de changement dans sa Patrole – Tu ne trouveras pas de refuge en dehors de lui 27 Et de forme, la conduite de la vie, stricte proposition d’une vocation monastique : Reste en la compagnie de ceux qui, matin et soir, invoquent leur Seigneur en désirant sa Face. Que tes yeux ne se détachent pas d’eux en convoitant le clinquant de la vie de ce monde 28 Maxime qu’illustre la jolie parabole des deux hommes, chacun possesseur d’une vigne. Les deux jardins donnaient leur récolte, sans que rien n’y manquât et nous avions fait jaillir un ruisseau entre les deux jardins 33. Forte explication de la conception musulmane de l’unicité et de l’absolu de Dieu, mais elle me convient très bien et le chrétien n’a rien à y redire. L’un des deux a « déifié » son bien et de plus s’est persuadé qu’il ne sera pas jugé : Je ne pense pas que ceci périsse jamais ; je ne pense pas que l’Heure se dresse. Cependant si je suis ramené vers mon Seigneur, je ne trouverai certainement rien en échange qui soit préférable à ce jardin 35.36 Ainsi, le matérialisme, pour l’Islam, serait le polythéisme ; le péché de ce présomptueux est tout simplement dans la dénégation de sa dépendance, de sa relation à Dieu : si tu avais dit en entrant dans ton jardin : « Telle est la volonté de Dieu ! Il n’y a de puissance qu’en Dieu ! » 39 Punition et traduction qui fait revenir à lui le pauvre homme : Sa récolte fut ravagée… Il dit : « Malheur à moi ! je n’aurais jamais dû associer personne à mon Seigneur ! » 42 Conclusion : Aucun parti ne le secourut contre Dieu et il ne fut pas secouru. La protection, en pareil cas, ne dépend que de Dieu. 43.44


soir du vendredi 12 Août 2011

Deux affirmations encadrent une énième présentation du jugement, mais celle-ci est très développée. Dieu est puissant sur toute chose 45 L’homme est cependant, le plus querelleur des êtres 53. Obstacle à la foi : il est bien observé en ce qu’il est indirect, la perte de vue qu’il y ait jamais un jugement, des comptes à rendre, une échelle de valeurs : leur refus d’admettre que le sort traditionnel réservé aux Anciens, les atteindra, ou que le châtiment les touchera de face 55. Une autonomie proclamée vis-à-vis de toute règle, vis-à-vis de Dieu. Fondamentalement, le refus de la foi serait une proclamation naïve de la modernité, de l’absence de tout précédent pour ce que nous vivons. Ils se moquent de mes signes et de ce dont ils ont été avertis. Qui donc est plus injuste que celui qui se détourne des signes de son Seigneur après que ceux-ci lui ont été rappelés, et qui oublie ce que ses mains ont accompli ? 57. Même nos oeuvres nous sont données. La foi a fortiori. Pourquoi Dieu refuse-t-Il de la donner ? Le Coran le donne comme un fait qui ne saurait provoquer d’interrogation. Il décrit Dieu tel qu’Il est sans dialogue ni objections de la part des hommes. Dieu s’impose, pas seulement par Son être propre, incommensurable, mais par comportement : Nous avons placé un voile épais sur leurs cœurs afin qu’ils ne comprennent pas et nous avons rendu leurs oreilles pesantes. Ils ne seront donc jamais dirigés, même si tu les appelais dans la voie droite 57.
Le Coran n’est ni un récit événementiel, ni un dialogue entre Dieu et sa créature, entre Dieu et son Prophète ; il est une déclaration d’identité appelant de l’homme une semblable déclaration, qui est la foi ; il est aussi une discussion des résultats obtenus ou à obtenir par le travail du Prophète. Il est donc doublement une direction spirituelle, au sens moderne, voire ignatien de cette manière de faire (manière plutôt que concept puisque tout est dans la pratique).

Quel est le jugement, en quoi consiste-t-il ? puisqu’il est la pierre de touche d’une foi en Dieu. Ce qui est décrit n’a rien de philosophique : tout est visuel, les circonstances, la hantise de chacun, dialectique du collectif et du personnel : Ils seront présentés en rang devant ton Seigneur 48 Un rendez-vous a été fixé à chacun et nul ne peut y échapper 58 Pas de description ni de la félicité ni du drame, critère de jugement : Ils trouveront, présent devant eux, tout ce qu’ils auront fait 49 La notion d’éternité, celle de vie si insistante dans les évangiles, les promesses dès ici-bas telles qu’une terre ou une descendance, ne sont pas l’enseignement du Coran : je n’en ai pas encore rencontré l’évocation ou l’instrumentation. En revanche, le fond de Dieu est dit à peu près comme dans la Bible : Ton Seigneur est celui qui pardonne : il est le maître de la miséricorde 58. Le monde attributif me semble rare dans le Cora, alors qu’il est commun dans la Bible

soir du mercredi 31 Août 2011

Au lendemain de l’Aïd El Fitr, terminer la lecture de cette sourate et sans autre ambition que de vivre et prier, d’apprendre ce qui est dit de Dieu par d’autres voix que les miennes de naissance.

Histoire d’un Moïse qui n’est pas celui de la Bible et dont les aventures pourraient avoir été tirées d’un récit de voyage : celui accompli par un rabbin célèbre du IIIème siècle Yoshua Ben Lévi, en compagnie du prohète Elie, et que compile un Nissim Ben Jacob vivant à Kairouan au XIème siècle (Pleiade Masson p. 876 – Chouraqui ne commente pas , sauf pour la généralité de la sourate qui avec les quatre autres XVII, XIX, XX et XXI esquissent une histoire spirituelle de l’homm – Mohamed El Moktar Ould Bah, pp. 435 et suivantes, est polarisé par le récit de l’initiation de Moïse). Donc un initiateur, découvert grâce à un poisson, providentiellement oublié : Il a repris son chemin dans la mer. Quelle étrange chose ! Moïse dit : « Voilà bien ce que nous cherchions ! » puis ils revinrent exactement sur leurs pas. 63 Double leçon, discernement de ce Moïse, recherche de quelque chose ou de quelqu’un…

soir du jeudi 1er Septembre 2011

Moïse sait voir et reconnaître, mais ne sait pas se conduire. Il cherche un maître. Dialogue totalement inédit et qui ne se prête pas, a priori, à une lecture spirituelle. Le personnage de cet « initiateur » est secondaire : il est voulu de ieu et enseigné explicitement par celui-ci. Un de nos serviteurs à qui nous avions accordé une miséricorde venue de nous et à qui nous avions conféré une science émanant de nous 65. A ce personnage sans nom ni fonction précisés par le texte, Moïse s’adresse (l’homonymie avec le patriarche de la Bible et de l’Exode, est-elle voulue ?) : Moïse lui dit : « Puis-je te suivre pour que tu m’enseignes ce qu’on t’a appris concernant une voie droite ? ». Il dit : « Tu ne saurais être patient avec moi. Comment serais-tu patient alors que tu ne comprends pas ? ». Moïse dit : « Tu me trouveras patient, si Dieu le veut, et je ne désobéirai à aucun de tes ordres ». 66 à 69 La condition mise par le Serviteur (appellation paradoxale, puisqu’il est le maître de ce disciple…) est apparemment aisée à remplir : Le Serviteur dit : « Si tu m’accompagnes, ne m’interroge sur rien avant que je t’en donne l’explication ». 70 En réalité, c’est d’une confiance qu’il s’agit, mais d’ordre seulement intellectuel. Et c’est l’échec : quatre anecdotes, quatre chances (le bateau, le jeune homme tué, l’inhospitalité, un mur à relever), trois observations de bon sens mais intempestives. Dialogues : Ne t’avais-je pas dit que tu ne saurais être patient avec moi ? 72.75 … Ne me reproche pas mon oubli ; ne m’impose pas une chose trop difficile ! … Si désormais, je t’interroge sur quoi que ce soit, ne me considère plus comme ton compagnon ; reçois mes excuses 73.76 Le sens est donné, qui tient à un contexte, à une vue d’ensemble que Moïse ne pouvait avoir par lui-même : Voilà venu le moment de notre séparation ; je vais te donner l’explication que tu n’as pas eu la patience d’attendre. 78.82 Mais le Serviteur, mystérieux, révèle surtout sa propre démarche : Je n’ai pas fait tout cela de ma propre initiative 82. Leçon qui n’est qu’implicite, la relation entre tout enseigné et enseignant.

J’ai suivi la traduction de Masson. Chouraqui est éclairant, au lieu de patience il donne : persévérance, et au lieu d’explication, il rend : différence, interprétation. Et ce qui est expliqué n’est pas le sens de chacune des aventures, mais ce pourquoi à l’avance le disciple a été averti par le maître qu’il s’était trouvé. Voilà toute notre différence ! Que je t’explique ce qui t’empêchait de persévérer ! … Voilà l’interprétation de : « Tu ne persévéreras pas auprès de moi ». 78.82 Et le savant traducteur, juif de culture et de naissance (en Algérie française…), et qui l’est aussi de la Bible, commente : La philosophie de cet exemple est transparente : la sagesse d’Allah est insondable, et l’homme, immergé dans son mystère, ne peut ni ne doit que persévérer. La parabole met en cause Mûssa pour souligner que les prophètes eux-mêmes ne sont pas à l’abri de la faute d’impatience. Mohamed El Moktar Ould Bah introduit mieux que les deux précédents : Comment pourrais-tu être patient devant certaines choses que tu n’arriveras pas à t’expliquer ? 68 alors que Chouraqui traduisait : Comment persévèrerais-tu en ce que tu n’embrasses pas pleinement ?Et notre savant mauritanien souligne : Je t’expliquerai les faits qui t’ont paru insupportables… Voilà l’explication des faits que tu n’as pu supporter. 78.82. Plusieurs lectures sont donc loisibles, l’une centrée sur les faits, l’autre sur le comportement du disciple. Point commun : le Serviteur, en fait le maître, Dieu-même. J’y vois aussi – objet de ma recherche de lecteur de ce saint et vénérable Coran – que Dieu, quel que soit le chemin qu’Il nous donne ou propose pour aller à Lui, est intangible, y compris dans le reflet qu’Il permet à l’esprit humain d’avoir de Lui. En ce sens, la foi en un Dieu trinitaire ou le refus de croire en l’incarnation du Christ car celle-ci serait la voie du polythéisme ou de la négation-même de Dieu, me paraissent peu substantiels. Le musulman insiste sur l’unicité de Dieu, le chrétien en est d’accord. Le chrétien propose, depuis deux mille ans, ce qu’il considère comme un fait, qui n’est pas de l’ordre de la foi ni de la révélation à proprement parler, qui est transmis par des témoins dont a été recueillie la tradition, et non des prophètes. Le fait est l’incarnation du Fils de Dieu, incarnation qui révèle par elle-même la trinité, la « forme » de Dieu, trois personnes, incarnation qui se développe en passion et mise à mort, divinité (et rapport au Père) qui se manifeste en résurrection et ascension, envoi de l’Esprit saint. Je pense que non seulement la prière ensemble est possible, mais qu’intellectuellement beaucoup est soluble, compatible. Reste le rapport personnel de chaque croyant ou agnostique à Dieu, à lui-même, aux autres. Ce rapport ne me paraît pas essentiellement différer d’un musulman à un chrétien, et réciproquement… synchrétisme ? non, mais dans cette sourate XVIII il y a tant d’éléments, non directement scipturaires que chrétiens au Moyen-Age et musulmans à leur origine empruntent au même fond judaïque. Ce qui autorise une méditation non étiquetée d’avance par quelque appartenance religieuse que ce soit.
après-midi du dimanche 4 Septembre 2011

Maintenant l’histoire de Dhou al Qarnaïm, que Masson et Chouraqui identifient comme Alexandre. A nouveau un fonds emprunté à des légendes très antérieures au prophète de l’Islam. Qu’en fait celui-ci ? Succession de chemins, vers l’ouest, vers l’est ou entre deux (montagnes) qui mènent à la rencontre de peuples très différents : un peuple auprès de cette source bouillante (fontaine de vie, selon un Jacques de Sarouj, cité par l’auteur d’une histoire d’Alexandre complilée d’un pseudo-Callisthène en 1889, cf. Masson, Pléiade, p. 877) 86, un peuple auquel nous n’avions pas donné d’abri pour s’en protéger 90, un peuple qui pouvait à peine comprendre une parole 93. Récit d’une œuvre politique : la séparation physique de deux peuples, et conclusion spirituelle, quand viendra l’accomplissement de la promesse de mon Seigneur, il rasera ce rempart. Nous laisserons, ce Jour-là, les hommes s’agiter et fondre les uns sur les autres comme des vagues. On soufflera dans la trompette, puis, nous les réunirons ensemble 98.99. Le jugement mais avec l’affirmation développée que c’est la foi qui fait la qualité des œuvres : Vous ferai-je connaître ceux dont les actes sont les plus inutiles ? et ceux dont l’effort se perd dans la vie de ce monde alors qu’ils pensent avoir bien agi ? 103.104 par opposition à ceux qui auront cru et qui auront accompli des œuvres bonnes 107.

Deux conclusions pour cette sourate qui en contient, en fait, plusieurs, si je m’en tiens aux habitudes françaises d’exposer. La première est un poème d’inspiration exceptionnelle, disant autrement cette affirmation de Jean l’évangéliste sur l’abondance du message et de la biographie du Christ [1] et celles aussi des écoles rabbiniques [2] sur l’intangibilité de sa parole. Si la mer était une encre pour écrire les paroles de mon Seigneur ; la mer serait assurément tarie avant que ne tarissent les paroles de mon Seigneur, même si nous apportions encore une quantité d’encre égale à la première. 109 La seconde conclusion est fréquente, c’est le cachet, la signature-même du Prophète : je ne suis qu’un mortel semblable à vous. Il m’est révélé que votre Dieu est un Dieu unique et que celui qui espère la rencontre de son Seigneur doit accomplir de bonnes actions et n’associer personne dans l’adoration de son Seigneur. 110 Comment ne pas retenir l’apostrophe à celui qui espère la rencontre de son Seigneur ? Mohamed El Moktar Ould Bah traduit : Que quiconque espère la rencontre de son Maître… et Chouraqui : qui est à vouloir la rencontre de son Rab. L’espérance, une volonté ! Oui. Certainement pas une passivité ou quelque fatalisme.

Le concept ou l’intuition de l’éternité : juste. Ils demeureront immortels sans désirer aucun changement 108 (Masson) … Là, en permanence, ils ne voudront rien changer (Chouraqui) … où ils vivront pour toujours sans jamais vouloir le quitter (Mohamed El Moktar Ould Bah).

J’essaierai de commencer de lire-méditer demain La vache (sourate II ou 2) car je trouve – hasard ? – des correspondances avec ce que je viens de terminer de lire ; le rapport à l’argent, à l’usure ; le développement de la foi et ce qu’il advient du croyant : Ceux qui croient, ceux qui font le bien, ceux qui s’acquittent de la prière, ceux qui font l’aumône : voilà ceux qui trouveront leur récompense auprès de leur Seigneur. Ils n’éprouveront plus alors aucune crainte ; ils ne seront pas affligés. II 277 Je me sens d’avance à l’aise dans ce grand texte. Grâce…

[1] - Il y a encore bien d’autres choses qu’a faites Jésus. Si on les mettait par écrit une à une, je pense que le monde lui-même ne suffirait pas à contenir les livres qu’on en écrirait. Jean XXI 25

[2] - Si tous les cieux étaient du parchemin, tous les arbres des calames et tous les océans de l’encre, tout cela ne suffirait point pour enregistrer mon savoir que j’ai appris de mes maîtres. Cf. Massekhet Soferim XVI 7 et Aboth de Rabbi Nathan XIV in fine – indiqués par Masson en note Pléiade p. 878


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