dimanche 15 juin 2008

sacrements - un baptême, le baptême - ART

Baptême


Notre paroisse – censément – mais depuis que celui qui y fut notre dernier recteur résidant, a été affecté une dizaine d’années après ce ministère dans la paroisse voisine : Denis M., nous allons aux messes qu’il y célèbre.

Retour ce matin car nous sommes invités à assister au baptême du petit Noah – camarade d’initiation musicale de notre fille – ravissante tête blonde et regard pur et bleu d’un enfant nain. Très tendre. Sa mère naine, son père pas, la grand-mère très proche de son petit-fils.

La messe qui précède : remise de croix aux enfants qui se préparent pour l’an prochain ce que – de mon temps – on appelait la communion privée. Des rites ou des éléments nouveaux, la plupart bienvenus : celui du baiser de paix avant la communion, en prolongement du Notre Père, récité ensemble mains ouvertes au ciel, même si beaucoup répugnent à quelque toucher physique que ce soit, et d’autres tendent la main mais détournent le visage (état sensible de notre société, dans sa version censément chrétienne…) ; la remise de cette croix, par exemple, depuis quelques années, en certains diocèses, avec aussi une telle remise pour les enfants de chœur (aujourd’hui, indifféremment garçons ou filles, et une messe a autre allure quand le prêtre n’a pas à tout faire lui-même et à quitter en quelque sorte la scène, notamment au Lavabo).

Une homélie de Michel LP. L’homme est rigoureux de visage, de poil noir, de regard surveillant les points de discipline ; encore jeune, arrivé, il y a quelques années maintenant d’un diocèse de la région parisienne pour des raisons non dites mais induisant un départ forcé, il aurait la réputation intégriste et ses messes de village auraient une chalandise dépassant notre petit territoire entre océan et campagne bretonne : de fait, des foulards Hermès aux anses de sac de beau cuir et des lunettes de soleil, en serre-tête et les maris aux crânes presque rasés, familles nombreuses et chrétiennes. Je caricature car ce peuple est moins présent maintenant – en tout cas, pas aujourd’hui – qu’aux débuts de notre prêtre. Intégrisme ? parce qu’il commence la célébration en disant : préparons-nous à célébrer les saints mystères, qu’il fait en conclusion prier pour les vocations, qu’il n’appelle pas à l’échange du baiser de paix. Il lit les textes vite comme s’il en voyait peu le sens et que le fait de lire, supplée à les comprendre. Il est trop pris, à des échéances qu’il ne précise pas, pour nous accorder un repas, mais – de loin – nous nous connaissons, j’ai parfois droit à un sourire qui est exceptionnel, parce qu’il est rare et parce qu’il est beau, vraiment de la lumière. Il nous a sans difficulté accordé la délocalisation du baptême de notre fille, dont nous voulions qu’elle le reçoive chez ses grands-parents, ce qui fut. Robe de baptême familiale depuis plusieurs générations, refusée par qui – dans ma fratrie – en a la garde. Nous en fîmes faire une, la coutûrière s’appelle Madame Lux, sans e, comme la lumière. A mon anniversaire, mes 61 ans juste, le baptême de notre fille.

Aujourd’hui, homélie. Le signe de croix est le plus beau geste qui soit, ne pas en faire chasse-mouche. Une trentaine d’enfants « animent » la « célébration », chants et lecture, procession d’offertoire. Ce cistercien, initialement frère instituteur, auteur, à quelques années de sa mort, d’un excellent propos sur le bonheur, dialogué avec un psychiâtre, avait coûtume de pédagogue de faire mémoriser ses explications ou intuitions par des lettres majuscules, écrites en encres de couleur différente sur des cartes de très petit format. Aujourd’hui, homélie sur l’ART. Les deux bras de la croix, le vertical, l’amour de Dieu et pour Dieu, l’horzontal, celui du prochain. L’amour. Mais aussi la révélation, la trinité qu’est Dieu. Et enfin l’hbitation en nos âmes et nos cœurs : le temple divin, c’est nous depuis notre baptême. Amour-révélation-temple. Je veux le noter sur mon « carnet de terrain », ma fille me réclame stylo et page vierge, trace et répète trait sur trait, la première lettre de son nom, qui est aussi celle de Marie. Elle graffitise puis soudain à une autre page, nettement, une croix. Quelques minutes de calme puis de dissipation, réclamation du carnet, nouvelle croix plus fantaisiste, presque une silhouette, au pied de la principale. L’histoire n’est pas finie, car à la bénédiction finale des petites croix à passer au cou des futurs communiants, elle sort de rang, et seule, dans lallée de la nef, brandit le carnet, replié pour ne présenter que la page des deux croix, au geste du prêtre. J’encadrerai et daterai le papier. Notre fille marchait depuis trois mois à peine quand dans la procession de communion, à la cathédrale, elle me prit la main et c’est elle qui m’entraînait, j’ai vu cette marche à l’autel un jour pour son mariage ou sa consécration religieuse, moi, lui tenant la main et la menant.

L’enfant blond reçoit de notre fille la petite croix peinte aux Philippines. Noah… sur le bois couleur bleu ciel, procession des animaux vers l’arche de Noé. Il tient notre modeste présent à la main jusqu’aux fonds baptismaux. Les dialogues avec parents et parain-marraine évoquent pour finir notre répudiation de Satan, nommément. Les mystiques – les vrais, notre frère spirituel, en ce moment cloué sur son lit post-opératoire – reconnaissent Satan, « Toto » pour notre frère spirituel, ses rafûts et mauvaise humeur quand l’âme, particulièrement gratifiée, s’oriente vers une verticale d’effusion et d’abandon. Une nuit, des pas, au-dessus de sa cellule. Or, à l’étage supérieur, il ne peut y avoir, en pleine nuit, personne. Comment ces pas ? un phraseur les aurait décrits. Lui, pas. C’était surnaturel, j’ai reconnu que c’était surnaturel. Pas de commentaire.

Noah – près de cinq ans – couché dans les bras de son père. Bien plus significativement que le nouveau-né avec la traîne de sa robe blanche. Remise du cierge, son regard d’enfant illuminé par la flamme qu’il n’a pas quitté des yeux, d’en bas où il était, et où – à vie – il semble qu’il sera, par rapport aux autres. Et pourtant, je sais qu’il est déjà contagieux de joie. Le rite se clôt : un jour, parmi ses frères les chrétiens, il donnera à Dieu le nom de Père.
Ainsi soit-il ! Que demandez-vous pour votre enfant ? La foi.

A la sacristie, où l’on déclenche la sonnerie des cloches, les portraits jumeaux de notre évêque, barbe noire, vêtements liturgiques décalés, superflus mais que trouver de mieux pour distinguer et faire que nous tous autour du célébrant vivons que c’est digne et que cela nous dépasse ? et de notre pape actuel. Les mains jointes et paysannes : le plus souvent, les gens de pensée ont des mains fortes. Et Benoît XVI, brocardé, parfois présenté en image désuète, a la bonté au visage. J’ai proposé au recteur de payer à la paroisse l’encadrement – amovible – des deux images fixées par papier collant sur l’armoire vitrée. Noah comme notre fille sont entrés dans cette Eglise, qui n’a de majuscule à son nom, que surnaturellement, car chaque jour… +




Surzur – matin du dimanche 15 Juin 2008

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