lundi 1 août 2011

scandalisés par cette parole - pensées d'hier et une partie des textes pour aujourd'hui

Mardi 2 Août 2011


Pensées que m'adressent ces jours et ce qu’ils déversent avec le visage, l’histoire, l’apparence ou le cri d’autres (la violence et la douceur voulant le plus souvent dire leur exact contraire quand les regards s’affrontent ou se donnent). Fratrie n’est pas fraternité, elle suppose une manducation, un usage ensemble du socle qu’est le passé, le passé pas seulement souvenirs mais relations qui perdurent avec les personnes, celles de nos parents, celles de nos morts. La fratrie renvoit au langage, au sang, à l’éducation, c’est-à-dire bien moins au passé qu’à une manière de se construire et se maintenir, de se vouloir au présent et pour la suite – seul, à l’origine de tout, donc sans fratrie (et peut-être sans fraternité et en constante défense, y compris même vis-à-vis de ses enfants), ou au contraire en intense compagnie avec nos homologues prédécesseurs, connus d’amour. Avec mes sœurs et frères, je me heurte à ce manque que je leur crois et à la sensation que je leur donne d’un trop plein et d’une inquisition. J’ai cru qu’il me faut m’émanciper de cette demande de partage, il me semble qu’ils pétitionnent pour s’émanciper d’une façon de vivre qu’ils voient d’une manière à laquelle je ne peux rien, nous nous regardons donc, comme dans les miroirs du jardin d’acclimatation et n’avons plus même le partage en propos du café du Commerce. Le rapport au passé, soi-disant irréversiblement mort, m’est objecté aussi par mes camarades d’enfance, de collège qui, pour ne pas en communiquer, le jugent incommunicables aux tiers d’aujourd’hui, alors qu’il ne s’agit que de communiquer entre nous. Idée fausse de ce qu’il y a à partager. Plus ni table, ni chaise parce qu’on ne sait pas lire le menu. – Lecture passim comme d’un livre de sagesse, le roman vrai et pudique, surtout parce qu’il s’agit de plaisir reçu, de sexe, d’autres apparemment au pluriel mais se répétant dans la pauvreté ou dans le miracle, deux rebonds que l’autre nous procure et auxquels ni celui qui administre ni celui qui reçoit peut grand-chose, que la mise en présence. Catherine Meillat donc et La vie sexuelle de Catherine M.. Interrogée par le mensuel de Rue89, elel a la vraie sagesse de ne faire doctrine de rien et de sirtuer son expérience et son parcours dans sa seule génération, d’admettre que des autres, elle devine mais sait peu, elle sait dire que nous sommes aveugles quand nous extrapolons à partir de nous-mêmes, accessoirement elle montre que plaisir n’est pas amour, que corps n’est pas chair, que chair n’est pas corps, et que la jalousie est sexuelle, parce qu’elle est du registre de la prédation. – Hier, sur fond de mer, les définitions de Brasillach pour le golfe, plus encore que pour l’île, la relation entre le bonheur et le paysage, et sur fond d’un clocher au loin précédé d’un plan d’eau bordé du blanc intense et de la rumeur de centaines de mouettes que je sais bientôt s’envoler vers les rochers à mon dos tourné, dès qu’ils découvriront… notre fille récolte des « chatons » pour sa mère, silhouette sur des lumières, silhouette sur des couleurs, jeux des mains qui cueillent puis qui nouent d’une autre herbe, les tiges, harmonie des beiges et des douceurs, les doigts encore gonflés de la petite enfance, le dos des mains velouté comme les avant-bras. J’ai couru à la beauté, après la beauté pendant des décennies, je l’ai confondue avec l’absolu et avec le plaisir, j’ai cru que la fascination qu’elle exerçait sur moi par apparition ou par imagination se résolvait par la possession, j’ai seulement découvert puis compris puis accepté qu’elle est précaire, éphémère si je ne la vois qu’au visage d’autrui et se défaisant à ma vue, elle détruisait l’amour, le projet, le désir. Lentement, m’est apparue l’âme, par éclats me sont venues les projections intenses d’une vie, d’une sollicitude, de l’amour de qui m’aime, venues à mon regard, comme une main viendrait étreindre mon poignet, j’ai vu la beauté intérieure monter comme une marée au visage, au regard, au front, au sourire de qui m’aime, et j’ai regardé pour toujours la beauté-là. Et j’ai entendu en moi, c’était net hier matin comme la raison me faisant accepter des recommandations qu’autrefois j’eusse jugées initules, j’ai entendu que toujours je n’ai marché qu’à l’amour.


A nouveau dépourvu de mon livret Prions en Eglise, je reçois seulement l’évangile du jour. Il est l’autre expression – reçue – de la continuité de ma vie. [1] Mouvement d’une foule, mouvement collectif, Dieu cerné ? par nos questions, par nos intentions. Des pharisiens et des scribes venus de Jérusalem s'approchent de Jésus. Les partisans arrivent ensuite. Alors les disciples s'avancèrent. Chaque groupe dégoise. Les ennemis de Jésus au lieu d’argumenter sur les siens, auraient pu interroger ceux-ci… et ces derniers auraient pu répliquer aux premiers. Jésus est le centre, qu’on soit pour ou qu’on soit contre. La distraction contemporaine ne le tue pas, elle rend missionnaire. Pas à l’ancienne façon, mais par la prière interrogative : comment vivre et survivre sans Toi, Seigneur ? Comment font-ils, font-elles, ceux et celles qui passent, vivent selon toute apparence mais me semblent marcher sans avoir, vivre sans respirer, film muet des fantômes imaginés au bord du Styx. Ou bien fraternité et tendresse pour cette authenticité de ceux qui avouent n’avoir aucun repère, n’avoir même besoin d’aucun repère, ceux qui acceptent l’absence de tout, ceux qui vivent nus et me posent la question de la foi, de l’espérance, pas celle de la charité ni de l’amour. Cela reste universel, pratiqué ou non. Sais-tu que les pharisiens ont été scandalisés en entendant cette parole ? Jésus répond benoîtement : Laissez-les dire : ce sont des guides aveugles pour des aveugles. Si un aveugle guide un aveugle, ils tomberont tous les deux dans un trou. Il ne condamne ni les guides ni les ouailles. Appel paisible à la responsabilité de soi, à nos fonctionnements humains : ce qui sort de la bouche, voilà ce qui rend l’homme impur. La racine … en nous. Toute plante que mon Père du ciel n’a pas plantée sera arrachée. Le travail suprême est intime, et celui qui y pourvoit, notre Créateur, n’est évidemment pas nous. Le texte ne dit pas comment les disciples reçurent cette parole, après tant d’autres et avant la dénégation absolue de la passion et de la croix, auxquelles un seul d’entre eux assista. Ce fut un centurion qui – dans l’Histoire du salut, dans celle de l’humanité et de l’univers – crut le premier, Jean, ce ne fut que le matin du surlendemain, au vu du tombeau et du linceul, tombeau ouvert, linceul plié…

[1] - évangile selon saint Matthieu XV 1 à 14 passim

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