lundi 25 janvier 2016

Michel Delpech qui m'est inconnu - et que je reçois doublement d'une amie chère et de ma chère feemme


Le 26/01/2016 06:45, Bertrand Fessard de Foucault a écrit :
Donc, même post mortem, il faut que je le rencontre. Vous vous êtes mises à deux...   Merci.
Le 25/01/2016 23:12, Ed Wolff a écrit :
oui effectivement
j'ai été bouleversée par cet homme
l'hommage de samedi m'a beaucoup émue
la fin d'une époque mon enfance aussi tant de souvenirs magnifiques ; ces années 60/70 ; où tout semblait plus simple

j'avais déjà entendu son témoignage sur le voyage à Jérusalem et cette chaleur qui l'envahit
oui c'était un homme magnifique
je crois qu'il a écrit un livre

à bientôt chère Marie Odile
edith
 
Le 25/01/2016 21:42, Bertrand Fessard de Foucault a écrit :

Oui, chère Marie-Odile, Edith a regardé la rétrospective et les hommages. Quant à moi, je n'en avais aucune idée et n'en ai toujours aucune. Il semble qu'il était très bien, à tous égards.

Comment allez-vous ? et vos fils.

Affection chaleureuse.


Le 25/01/2016 20:03, marie_odile a écrit :

TROP BIEN et ai envie de partager !

 à partager le plus possible


Michel Delpech, magnifique chanteur.

Voici l'un de ses messages exceptionnels, le dernier peut-être,  pour et à
cause du témoignage de sa rencontre avec le Christ.

Au-delà du charme et de la beauté de ses chansons, voici le message profond,
étonnant, lumineux, rafraichissant, vivifiant, apaisant, doux, réconfortant
que Michel Delpech nous laisse en rejoignant le Ciel.

Parole d'homme, parole d'artiste, parole de chrétien. Un cadeau !

« J'ai cru guérir de ce cancer de la langue qui m'a touché en février 2013.
Je me suis trompé. Il est revenu. Il y a une guerre au fond de ma gorge.
Je me bats, je travaille à guérir. Pour un chanteur, perdre sa voix, c'est
la pire épreuve. Depuis l'âge de 18 ans, la chanson est toute ma vie. Deux
cents chansons en cinquante ans de carrière, dont trente "tubes".

Curieusement, alors que je vis pour ma voix et par ma voix, je n'ai pas
interpellé Dieu, je ne me suis jamais dit que ce qui m'arrivait était
injuste. Peut-être parce que je commence à vivre non plus par ma voix, mais
par la foi ? Pour parodier le titre d'une mes chansons – "Le Loir et
Cher" –, je dis aujourd'hui : "La foi m'est chère".

Mon premier cancer avait mis ma vie spirituelle en veilleuse. Je ne
pouvais plus lire, ni me nourrir intellectuellement, moi qui suis féru de
théologie. Cette rechute me révèle que la vie spirituelle ne se loge pas
dans l'intellect, mais qu'elle est la VIE même – la vie de Dieu qui
irradie tout l'être, et pas seulement la tête.

Je suis profondément croyant. J'ai vécu un jour un "choc religieux" à
Jérusalem, où j'ai rencontré le Christ. Je visitai le Saint-Sépulcre avec
ma femme, et là, pressé pourtant par de nombreux pèlerins, soudain, devant
le Tombeau, je m'agenouille et me voilà chrétien. Un peu comme Frossard,
Claudel, Clavel – d'un coup. En l'espace d'un instant, Jésus est entré
dans ma vie, dans mon cœur. C'était très doux. J'ai immédiatement eu la
sensation que j'étais sauvé. Tout ce qui m'était arrivé auparavant
devenait caduc. La seule chose que je ne remette jamais en doute, c'est
l'existence de Dieu.

Je suis d'un naturel plutôt ténébreux, un hypersensible qui s'en fait pour
un rien. Je crois savoir où est la sagesse à force de lectures et de
rencontres, mais je ne l'ai pas encore trouvée. Or, dans cette chambre
d'hôpital, depuis des mois, curieusement, je n'ai jamais été aussi apaisé.
Ce "re-cancer" ne m'a pas brisé : je crois qu'il me grandit.

Dans l'épreuve, quelles sont mes consolations ? D'une part, l'amitié. Je
n'avais pas réalisé que j'avais autant d'amis. Dans le tourbillon de la
vie "du dehors", la vie quotidienne, nous ne trouvons jamais le temps de
nous arrêter pour voir ceux qui nous sont chers, et les années passent,
les liens se distendent... Trop bête ! C'est quand ça ne va pas que
l'essentiel resurgit. Et l'amitié fait partie de l'essentiel.

J'ai été soutenu physiquement et psychologiquement par la bienveillance
 qui m'entoure. L'amour de ma femme, de mes enfants, la tendresse et la
 compétence du personnel médical et infirmier. On guérit plus vite quand on
 aime et qu'on est aimé, j'essaierai de ne pas l'oublier.

Curieusement, moi qui suis un gourmand invétéré, je n'ai plus de
consolation culinaire. Je n'ai même plus le désir d'une bonne entrecôte
avec un verre de Saint-Émilion ! On me nourrit avec des sondes et des
pipettes. Pourtant, l'autre jour, le goût m'est un peu revenu en absorbant
une cuillerée de glace au café. Elle m'a irrésistiblement évoqué La
Première Gorgée de bière de Philippe Delerm ! Depuis, je suis plus ouvert
aux toutes petites choses de la vie, ces surprises discrètes qui émaillent
l'existence et peuvent nous passer sous le nez sans même qu'on les
remarque.

Je goûte aussi des consolations plus spirituelles. Ainsi, celle de la
patience. Le cancer est l'une de ces épreuves qui vous enseignent cette
vertu. Vous pouvez fulminer, vous morfondre, crier, pleurer, cela ne
changera rien. N'allez pas croire que je suis un saint homme ! Au
quotidien, face aux mini-tracas, je peux être sanguin, colérique, râleur.
J'ai tous les défauts de la terre pour les petits soucis. Mais là, c'est
autre chose : il y a un "vrai" combat à mener. Ai-je reçu une grâce de
Dieu pour cela ? Je le crois. Je sais qu'Il est à mes côtés.

Patience quand j'articule mal, que je suis inaudible. Patience quand la
douleur se réveille et me contraint au silence. Patience face aux
régressions inévitables, aux déceptions inhérentes, parce que les
traitements semblent inefficaces. Patience quand je me fatigue très vite.
Patience devant la mélancolie qui m'est familière...

J'étais jeune, j'avais du succès, la vie me souriait, lorsqu'une profonde
dépression m'a mis à terre. J'ai plongé très bas. La maladie m'a tenu
éloigné de la scène pendant dix ans. J'ai fait une rechute dépressive
après mon premier cancer. J'ai survécu au jour le jour, les petites
victoires se sont accumulées ; finalement, je me suis retrouvé à quai,
quand patatras, le cancer est revenu.

Durant cette plongée dans les ténèbres de la dépression, j'ai connu le
chaos. J'ai cherché à en sortir par le "haut", en tâtant du bouddhisme, de
l'hindouisme, en essayant la méditation transcendantale... Mais je me suis
rendu compte, progressivement, que tout cela n'était pas un chemin fécond
pour moi. J'étais en train de me perdre. J'ai commencé simultanément à
m'intéresser à cette part de mon identité que je refusais jusqu'alors de
regarder : la religion chrétienne. Et j'ai osé... le christianisme ! Je ne
sais si j'aurais eu cette hardiesse sans la dépression, je ne sais pas si
je serais allé aussi loin dans cette voie. Une chose est sûre : depuis,
Dieu reste l'objet incessant de ma quête.

Je me suis formé tout seul. J'ai beaucoup lu. Des livres qui ne sont pas
tous "modernes" : Isaac le Syrien et Thomas Merton, saint Jean de la Croix
et les Pères du désert, saint Augustin et l'Introduction à la vie dévote
de François de Sales ; Urs von Balthasar et Thérèse d'Avila dont je
retiens cette phrase : "Seigneur, si Tu n'existes pas, ça n'a pas
d'importance. Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait pour Toi".

Je suis un homme de peu de foi. Telle est ma tragédie. Ma foi n'est pas un
long fleuve tranquille : elle est dans la torture, dans la complexité.
J'en suis parfois épuisé. Pourtant, je plains ceux qui n'ont pas la chance
de connaître ce tumulte-là. Il fait vivre jusque dans l'Au-delà ! Je ne
pense pas que le Ciel se soit mêlé de mon cancer, mais je lui demande de
m'aider à avoir la force de le surmonter, de me plier à la discipline
indispensable, de faire ce qu'il m'est exigé de faire. Je n'ai jamais prié
pour guérir, j'ai plus souvent pensé : "Que ta volonté soit faite".

Autre consolation que permet le repos qu'impose la maladie, c'est une
relecture apaisée de l'existence, même si je n'aime pas trop regarder en
arrière. J'en ai fait des bêtises ! La fiesta, les filles, quelques drogues,
étaient intimement liées à l'univers de la chanson, surtout dans les années
1960 et 1970. J'ai été un oiseau de nuit. Mais je crois en la miséricorde et
au pardon – qui sont les plus grandes consolations qui soient.

Mais il n'y a pas que le pardon de Dieu qui console, il y a aussi... le
foot. Je passe du coq à l'âne. J'ai une passion pour le foot. Quand j'ai
fini de regarder KTO, que j'apprécie beaucoup, voir un bon match à la télé
me fait oublier mes tracas. Après le foot – revenons au spirituel, quand
même ! – il y a l'oraison. C'est une forme de prière méditative, une
prière du cœur, plus proche de la contemplation que de l'imploration.
Sainte Thérèse d'Avila, pour qui j'ai une tendresse particulière, en donne
une jolie définition : "L'oraison est un échange d'amitié où l'on
s'entretient souvent seul à seul avec Dieu dont on se sent aimé". Si je ne
prie pas, si je ne me livre pas à l'oraison, en quoi consistent ces plages
de silence qui me font tellement de bien, au corps et au cœur ?

Un philosophe me console aussi, c'est Gustave Thibon. Je suis fasciné par
la vérité et la force spirituelle du verbe de ce génie autodidacte qui a
révélé Simone Weil. Je l'ai convié à une émission de télévision à laquelle
j'étais invité. Il est venu et a subjugué l'auditoire. Nous sommes devenus
amis. Je suis allé le voir plusieurs fois chez lui, en Ardèche. Je fais
mienne cette phrase de lui : "Je croyais en Dieu, et maintenant je ne
crois plus qu'en Dieu". Et cette autre : "Dieu ne te délivrera pas de
toi-même ; Il te délivrera de la lassitude et du dégoût de toi-même".

La maladie vous dépossède. Elle vous dénude. Elle vous contraint à vous
interroger sur les vraies valeurs. Nous voulons une plus grande maison,
une plus puissante voiture, plus d'argent, mais en serons-nous plus
heureux ? Je constate souvent chez ceux qui possèdent moins un sourire
plus radieux que chez ceux qui ont tout.

"Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se
charge de sa croix et qu'il me suive", dit Jésus (Mt 16, 24). Alors je
porte ma croix et je découvre que c'est le secret de la joie. Je réalise
aussi que Dieu est là afin de m'aider à la porter. Pour la première fois
de ma vie, je n'envisage pas une solution à une épreuve que j'affronte. Je
sais aujourd'hui que je risque fort de ne plus pouvoir chanter. Ma
confiance la plus totale, c'est en Dieu que je la place : "Que ta volonté
soit faite Seigneur ! Sans Toi, je suis perdu.

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