lundi 9 janvier 2012

de la mer à la mer et du fleuve au bout de la terre - textes du jour

Dimanche 8 Janvier 2011



Hier… les rencontres… Mustapha, photographe au bas des pistes, franco-marocain, qui n’attend rien des réformes dans son pays de naissance, près d’Oudjda, et qui analyse la monarchie comme une dictature, surtout celle d’Hassan II… en prenant un téléski, un couple, une langue pouvant être de l’arabe mais avec de l’accent français, la fille est jolie, entièrement en noir, les cheveux noirs, franco-tunisienne, le français enseigné et appris selon les programmes tunisiens en même temps que l’arabe et elle travaillle à notre ambassade, mariée à un Français, mon évocation élogieuse pour Bourguiba, son appréciation de l’ambassadeur qui fut viré inopinément pour erreur de prévision sur la chute de Ben Ali : un homme de cœur… une camarade de cours de ski pour notre fille, elle a manqué, elle, la « seconde étoile », son père, né au Caire, son père admirateur de Farouk alors que ce dernier avait confisqué une partie des biens familiaux, établi et marié à Genève… facilité de ces contacts, francophonie ambiante… l’autre voisinage plus périlleux : comme depuis plusieurs années, beaucoup de Russes avec leurs enfants, pas de communication, rudesse selon les Mégevans qui leur voient à tous le visage de Poutine, pas de beauté ravageuse… enfin, en pose de longue durée devant le magasin, haut-lieu du village prestigieux (Allard), un photographe, manifestement haut-le-pied, caricaturant ses confrères des pistes, des « filmeurs » payés à la bobine, lui-même de Cassis, plongée et photo sous-marine mais rien d’édité que quelques cartes postales, la déontologie lui interdit de nous donner un téléphone, il ne pratique pas l’internet, la conversation a commencé (je l’ai facile, ce que me reproche en permanence ma chère femme, perte de temps, d’énergie, risques éventuels, oubli chronique de quelque chose en fin d’échange) quand Marguerite tente d’escalader une sculpture enneigée, la danseuse de flamenco peut-être… télévision, l’école des fans… Arielle Dombasle, puis Pascal Obispo, je n’ai pas eu envie de continuer, ma femme non plus, quand François Bayrou a a été annoncé avec un crédit de trente minutes selon le CSA, l’émission de Rouquier et sans doute beaucoup du genre, changent complètement quand on en a regardé l’imitation-dérision par Laurent Guerra. – J’apprends toujours bien plus par ces rapides échanges que selon beaucoup d’écrits, mais il faut les trois : le télévisuel tel que l’enquête sur le « suicide » de Pierre Bérégovoy (un témoignage nez-gorge-oreilles porte plus que son verbatim imprimé), l’empathie débutant par une silhouette, un visage et produisant une information ressentie et un quotidien pratiqué de longue date (pour moi Le Monde dont je conserve la collection au jour le jour depuis Septembre 1960). Constellations intellectuelles, affectives que nous constituons par nos rencontres, passagères ou débutantes. Nourritures mentales, les paysages qui en montagne sont si mouvants, nuages et météo., la provocation de nos sentiments, de nos émotions et pourtant notre identité digestive, notre manière de chanter ou les pentes de nos attristements, la commune et extraordinaire diversité qu’autour de nous produit sans cesse la vie à laquelle nous participons du dedans de nous-mêmes, précaires et continus. L’arrêt sur image est la tendresse entre nous, le cri d’admiration, les deux ensemble pour nous humains donnent la prière, la demande, le recueillement dans une dépendance qui n’est pas subordination mais champ de la liberté… aucun de ces visages n’était trahi par sa voix, j’étais accueilli bien plus que je ne questionnais et mon interrogation était plus globale que les mots de l’un à l’autre : le partage nous caractérise, il n’y a pas besoin de se dire mutuellement, l’ouverture de l’un suffit à l’autre et le signifie en retour. Accueil pas tant l’un de l’autre, que de la généralité du genre humain, il y a bien plus d’analogie que de diversité ou de différence, d’antagonisme. J’ai surtout rencontré plusieurs civilisations. Un jour, je saurai quelle est la mienne. La rencontre amoureuse, elle, nous renseigne sur nous-mêmes. Pas inépuisablement, mais répétitivement, tandis que les rencontres du type de celles d’hier, sans suite, enseigne l’autre, donc tout. S’oublier, c’est être accueilli par celui que j’amène à s’exposer et qui y consent, le temps d’un regard et d’une demi-phrase.



Nouvelles… Jacques Attali, barbe à l’italienne qui lui va bien, gris-noir, hostilité que je partage pour les lois mémorielles (Gayssot sur la shoah, et maintenant sur l’Arménie), Jack Lang plébiscité par les militants socialistes des Vosges (ces assemblées de circonscription à trente ou quarante « camarades » que j’ai pratiquées à Pontarlier puis à Vannes) aura un appartement localement mais « ne quittera pas Paris ». La place de Paris hostile à un cavalier seul de la France sur la taxation des transactions financières. La BNP de Georges Pébereau, pourtant conseiller aulique de l’Elysée, avait donné cette position la première : le gouvernement d’un soliste ne concertant ni ne délibérant fait de l’affichage pas de l’efficacité.



Prier… [1] la messe hier soir au village, celle des familles, une homélie [2]lue mais qui captive et retient (j’en ai félicité le prêtre qui vient d’un autre village, faisant face au Mont Blanc), deux marques liturgiques : à la mention de chacun des défunts pour l’âme de qui nous sommes invités à nous recueillir, un réel temps de silence, et un finalement de même densité en fin de litanie étendue à l’univers, et remise nominative d’un livre de catéchèse aux enfants se préparant à la « première communion ». On sent une équipe de femmes catéchistes équilibrées et heureuses, les hommes à la guitare, à la flûte, à l’harmonium et le célébrant ayant le sens du sacré qui n’est ni théâtre ni lenteur excessive. L’église dédiée à Jean-Baptiste avec une dehors une crèche en glace, les calèches à chevaux, des magasins de luxe sans doute mais la pénombre nivelle et force un certain silence. Pour une fois le dehors fait bien écho à ce qu’il se passe à l’intérieur : l’église est « pleine » et notre fille tient, comme le vendredi 6 à payer de sa tirelire une veilleuse devant la crèche. Ils virent l’enfant avec Marie sa mère. Pas plus de dialogue qu’avec les bergers. Les dialogues sont factuels, ils sont entre grands de ce monde, ceux qui cherchent avec méthode : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui. Ils ne s’adressent qu’aux passants, aux habitants quelconques, ils ne sont pas venus vers les autorités politiques ni religieuses, ils disent aussi bien ce qu’ils cherchent, que l’indice qui les mis en mouvement, et surtout que leur intention. La sobriété caractéristique des évangiles est de nous laisser poursuivre mentalement, spirituellement ce qu’ils suggèrent par un seul fait la mention seule d’une attitude. Ces mages attendaient depuis toujours, et bien plus qu’un roi d’une nationalité qui n’est pas la leur. Nous n’avons pas fini d’être questionnés par ces trois personnages… ils me font penser ce matin à ces trois voyageurs que la tradition et Roublev identifient comme les trois personnes de la Trinité. Dieu nous apprendrait lui-même qui Il est, les mages – qui seraient Lui – viendraient entourer le Fils et lui apporter tout ce quee l’homme peut apporter à l’homme, tout en sachant qu’il est Dieu… ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. … Tous les gens de Saba viendront, apportant l’or et l’encens et proclamant les louanges du Seigneur… Les rois de Tarsis et des Îles apporteront des présents, les rois de Saba et de Seba feront leur offrande. Tous les rois se prosterneront devant lui, tous les pays le serviront. [3] Abraham courait faire préparer un repas et la naissance de son fils lui était précisée, en présence discrète de sa femme. Les rois mages au contraire s’empressent autour du nouveau-né, ce sont eux les hôtes de l’enfant-roi au nom du monde entier. Hérode a autant d’indices que les mages mais il ne s’associe pas à eux. Il ne se commettrait pourtant pas : avertissez-moi pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. Les desseins ne sont pas les mêmes… Le prophète que citent tous les chefs des prêtres et tous les scribes d’Israël n’évoque pas un roi, mais reprend les psaumes et anticipe les paraboles décisives du Christ : un chef, qui sera le berger d’Israël mon peuple. Prosopopée de Dieu, pouvoir et rôle d’une autre nature, relation de Dieu et d’un peuple. Or les mages ne sont pas Juifs, en tout cas le texte qui les fait arriver d’Orient – de la diaspora juive demeurée à Babylone ? – n’oblige pas à le supposer… Leur démarche est donc bien spirituelle. L’histoire du peuple choisi, d’Israël bascule, c’est la fin d’une histoire temporelle, politique, économique, liturgique, humaine et le début d’une histoire spirituelle, relationnelle. Sans doute, la première a sa portée spirituelle si explicite que la seconde en provient, mais ceux qui s’en sont nourri ont oublié sa fin. Les prêtres et scribes surveilleront et condamneront Jésus, ils ne forment pas cortège à la suite des mages. Paul lui-même reconnaît qu’il y a de quoi être perplexe : ce mystère, c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Evangile. – Théologie des villes : ce sont des personnes dans la Bible… des psaumes à Isaïe et jusqu’à l’Apocalypse, on les présente, on s’adresse à elles : resplendis…regarde… alors tu verras, tu seras radieuse, ton cœur frémira et se dilatera…



[1] - Isaïe LX 1 à 6 ; psaume LXXII ; Paul aux Ephésiens III 2 à 6 ; évangile selon saint Matthieu II 1 à 12

[2] - les trois rois mages, beaucoup de légendes, décaper. Les trois âges de la vie, les trois couleurs de races, les prénoms donnés au Moyen-Age. Les textes les plus connus sont à lire le plus attentivement. Débroussailler, couronnes, gateaux, astrologie. En réalité, les premiers pélerins chrétiens en Terre sainte, un signe du ciel suffisamment impérieux pour qu’ils se soient mis en route. A tâtons, éclipses de l’étoile, changements d’itinéraire, ils nous préparent au chemin de la foi. – Matthieu souligne que cela se passe au temps d’Hérode le grand, les mages portent le défi à celui-ci : où est le roi des Juifs, ce n’est donc pas lui, qui est heurté de front. Duplicité d’Hérode, son dessein : faire disparaître un concurrent. Apparition au contraire d’une royauté étrange, celle d’un enfant. L’évangéliste ne s’attendrit pas sur la crèche mais sur ce roi caché dans un village pour échapper à l’autorité d’un faux roi, son pouvoir sera de donner sa vie par amour. Les mages savent ce qu’ils cherchent, il savent qu’un sauveur est né. Les sages d’Israël sont bien moins avancés : nous savons que… les mages se doutent de quelque chose, ils « se bougent » comme Abraham : va, quitte ton pays… comme Moïse quand le Seigneur lui apparaît : va triouver Pharaon. D’autres, à Jérusalem pourtant distante de quelques kilomètres, ne « se bougent pas », ils savent les Ecritures mais la peur les empêche de marcher quelques kilomètres. Dans la nuit de Noël, les bergers ne savaient pas grand-chose, ils se sont réjouis de cette naissance. Un jour, Jésus aura cette prièren valable dès le premier jour : Père, je te rends grâce d’avoir caché ces choses aux sages et de les avoir révélées aux petits. Les mages nous aident à marcher vers Dieu, avec Dieu. – La première lecture, espérance des mages et de tout un peuple, Bethléem juste à côté de Jérusalem. La seconde, lettre aux Ephésiens, les païens sont associés au même héritage, il n’rest pas le Dieu d’un petit peuple, il est le Dieu de l’univers, il aime l’humanité tout entière parce qu’elle est tout entière sa création. S’il s’est choisi un peuple avec lequel il a entretenu des rapports particuliers, c’est pour qu’il soit un phare. Les mages n’ont pas fini de nous faire faire ce chemin, ils ont de multiples visages, se renouvellent de génération en génération, ils sont identifiés à des gens venus d’ailleurs, quelqu’un attend qu’ils rejoignent. Benoît XVI : la vie est un voyage dans l’histoire, dans notre histoire, les étoiles sont les autres, tous témoins d’espérance. noté sans certitude de relecture…

[3] - L’en-tête de ce psaume permet de l’attribuer à Salomon lui-même. Et comme la préoccupation majeure de ce roi a été la justice, on comprend qu’il supplie Dieu de lui accorder ce pouvoir. Cela recoupe d’ailleurs sa fameuse prière rapportée dans le premier livre des Rois (I R III 6 à 9). Cela n’empêche pas d’en appliquer le contenu à un tout autre roi d’Israël, car il dit ce que doit être son rôle et comment exercer cette dignité d’origine divine. Juger le peuple avec équité, défendre les pauvres et les opprimés, instaurer la paix dans le pays, pratiquer la charité.. Parler au peuple, l’écouter et lui apprendre à craindre Dieu, à marcher dans ses voies. C’est à cette conditions qu’il pourra étendre son royaume, soumettred ‘autres rois et faire prospérer son peuple. L’expression … signifie que son renom s’amplifie pour toujours. Le midrach voit dans … le nom du Messie – rabbin Claude BRAHAMI, doc. cit..

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