dimanche 11 octobre 2009

tout est nu devant elle, dominé par son regard - textes du jour

Dimanche 11 Octobre 2009


Hier soir…
Une chapelle de petit port, la mer en estuaire, le miroir de l’eau au soleil déclinant, notre recteur que nous aimons, l’église est petite, l’assemblée, clairsemée. Le côté ex-évangile quand la messe se disait dos au peuple, est vide. Nous nous y installons, notre fille et moi. Remuante, exploratrice, les bougies votives, les statues, deux de la Vierge (Lourdes conventionnelle et à l’enfant, pas plus jolie, sainte Anne et sa propre fille, un Christ couronné d’épines), l’homélie. Qy’est-ce que çà veut dire disciple ? comment elle s’appelle la mère de Marie ? c’est le portrait de Jésus. Marguerite veut traverser la nef pour aller embrasser une amie qui m’est chère, réelle co-parcourante, je la rattrape, scandale d’une âme pieuse de premier rang, elle n’est pas bien sage votre petite-fille ! Vous verriez, madame, si elle ne l’était pas.Baiser de paix partout, pourtant, et surtout de mon amie à notre fille. Amie qui me dit, à l’issue de la liturgie, j’ai connu des gens, enfance chez les Jésuites, j’ai eu la messe pour toute ma vie, ils n’y vont plus. Elle n’a que cinq ans… non, quatre ans et onze mois. Presque chaque dimanche ou ce soir pour la « messe anticipée », discussion pour qu’elle m’accompagne, prière que sa mère se joigne à nous, la perte d’un chien, l’injustice du monde, le scandale des pauvretés humaines dans l’Eglise, notre fille ne se décide qu’au dernier instant, par affection pour moi, il y a ensuite les agrès, la plage. La prière du soir ou prier, si souvent, elle assure : c’est mon cœur qui prie, et elle ne veut aucun exercice explicite. Je suis en plein dans l’expérience de transmission de la foi où nous ne sommes les uns pour les autres qu’un des truchements possibles. – Mon ami, notre recteur-curé, son homélie, l’homme riche, l’Ecriture est parole, lire et plus encore dire, donne le pas franchi entre une partition et l’exécution. Il accourt, il se prosterne, un enseignement assez banal, rappel du catéchisme de l’époque, puis l’initiative de Dieu qui se prend à l’aimer, regard posé sur lui, appel, vocation mais en rupture de vie, refus et tristesse. Denis M. conclut : il eût été des Apôtres, peut-être un des plus grands. – Je reprends ce matin les textes ainsi lus et commentés. Tant de contextes pour chacun, je donne à mes communiants de cette heure, le visage de notre fille et les images de notre trinité, ces années-ci, au risque d’être indiscret pour autrui en imposant ce contexte-là, il y a aussi la rumeur, pour l’instant solitaire, d’un oiseau, du ciel, des arbres, de l’eau, il y a le silence et l’isolement, il y a le passé, ce combat pour la fidélité et la mémoire, mes deux soleils en histoire contmporaine, France et Mauritanie [1], plus que jamais analogues dans leur fond et leur chute actuelle, il y a tout le monde, et je sais que chacun est ainsi, ce couple hier soir, à la tombée de la nuit et leur Antonin, de quelques mois à peine plus âgé que notre fille, pas le prénom de l’empereur romain, mais l’écho, inconscient au moment du choix, d’Antonin Artaud, génie, fou, simple, violent, rencontre me faisant aller dans ma bibliothèque « blanche », y trouver peu de lui et me plonger dans les Lettres à une amie 1923-1929 de Clemenceau. M’agenouiller maintenant, empli et accompagné ainsi pour attendre, entendre, n’être que prière. Halte dans le travail et un début de grippe. Jésus se mettait en route quand un homme accourut. Le mauvais moment donc… Posant alors son regard sur lui, Jésus se mit à l’aimer … alors Jésus regarde autour de lui et dit à ses disciples… Jésus les regarde et répond… Dans l’épisode de cet homme qui avait pris l’initiative et qui la perd, par sa faute ? lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, du moins dans le temps du récit car son chagrin qui va durer, est de bon augure, le combat fut peut-être intérieurement gagné : il n’y a que saint Jean, à part lui, qui, explicitement, ait été ainsi humainement aimé… dans cet épisode, l’attention est généralement appelé sur cette vocation manquée, il y a beaucoup de texte. Depuis longtemps, je suis au contraire attiré par ce regard – insistant, ici – du Christ. Ailleurs, dans une assemblée qui devient hostile, Jésus promène son regard et s’afflige. Ailleurs, encore, au Temple, pas loin du tronc du trésor où défilent les dévots, il regarde. Soutenir le regard de Dieu ? l’amour le permet, quand j’y serai, sans aucun doute ma vie changera. Papa, tu ne veux pas faire plaisir à ta petite fille ? et quand, après délibération fondée sur l’affection, elle accepte de m’accompagner (à la messe) : bon… d’accord ! je reçois la parabole, nous ne sommes pas annexés de force par un Dieu total, tout demeure notre consentement. Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu : car tout est possible à Dieu. Jésus parle en connaissance de cause… l’Incarnation, la Passion, la Mort, la Résurrection. Que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? alors que depuis Adam et Eve, notre héritage est le péché, la mort, l’envie, la peur. Elle est vivante, la parole de Dieu, énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle pénètre au plus profond de l’âme, jusqu’aux jointures et jusqu’aux moelles, elle juge des intentions et des pensées du cœur…. Je l’ai préférée aux trônes et aux sceptres ; à côté d’elle, j’ai tenu pour rien la richesse… je l’ai choisie de préférence à la lumière, parce que sa clarté ne s’éteint pas. Tous les biens me sont venus avec elle, et par ses mains une richesse incalculable. Si je meurs aujourd’hui, que ce soient les textes accompagnant mon inhumation et ornant-rappelant ensuite désormais mon souvenir dans le cœur de ceux qui me survivront quelque temps. Amen. Tout est nu devant elle, dominé par son regard. [2]

[1] - le général de Gaulle, le président Moktar Ould Daddah, personne et œuvre se confondant

[2] - Sagesse VII 7 à 11 ; psaume XC ; lettre aux Hébreux IV 12.13 ; évangile selon saint Marc X 17 à 30

Aucun commentaire: