jeudi 21 mai 2009

évangile + méditation + circonstance + expérience

Jeudi de l'Ascension - 21 Mai 2009 ... suite


La messe laborieusement à Damgan, tandis que ma chère femme qui nous y a déposés, notre fille et moi, va aux courses alimentaires (viande des chiens extrêmement chère, « comment les gens font-ils ?»).
L’évangile de Marc, rappelle notre célébrant, se concluait originellement par la constatation du tombeau vide et le mutisme : Elles sortirent et s’enfuirent du tombeau, parce qu’elles étaient toutes tremblantes et hors d’elles-mêmes. Et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur… revenu à la Bible de Jérusalem, je constate la variété des versions données pour combler ce qui dût être une lacune originelle, un texte de Marc lui-même, perdu et dont aucune plume n’a su restituer ce qui avait été l’inspiration du disciple de Pierre, ou la dictée de celui-ci. Versions donnant dans ce style des apocryphes, aisément reconnaissable en ce qu’il est toujours plus compliqué que celui des écrits canoniques. Ce que nous lisons ce matin est attesté par Irénée de Lyon au IIème siècle et Tatien (que j’ignore), pour un critique, la page qui a autorité canonique est « une authentique relique de la première génération chrétienne ». Je l’aime beaucoup car elle concerne tout le vivant, toute la création, l’inanimé-même selon une décisive et très fondatrice intuition de l’Eglise originelle : nos chers animaux donc. Proclamez l’évangile à toute la création. François d’Assise donc… André Chouraqui, qui a traduit le Coran et produit un magistra Moïse rend, par sa manière, aux textes évangéliques une âpreté et parfois un hermétisme, quoique le style soit du coup bien plus direct, très proche du livre saint de l’Islam (l’appellation d’adhérent pour disciple…), ne prend pas position. J’y apprends, à l’instant, que Marc signifie en grec : marteau. Cette irritante manière actuelle de présenter le dire d’un intervenant : il a martelé ceci ou cela. On y est dans l’évangile… traductions plus fortes. Clamez l’annonce à toute la création. … Ils sortent et clament en tout lieu… Ceux qui l’avaient vu réveillé… La pierre tombale : oui, elle était immense. … Il s’est réveillé, il n’est pas ici… Ceux qui l’avaient vu réveillé, ils n’avaient pas adhéré. Et finalement : l’Adôn Iéshoua est enlevé au ciel. Le présent narratif, intensité du mouvement. C’est l’homme-Jésus qui est enlevé.

Le texte, la « fête » d’aujourd’hui, la proposition de méditation. L’universalité du message évangélique, du salut. Intuition de l’Eglise originelle, fidélité à son fondateur, insistance et comportement des disciples, des Apôtres. On y va, on ne fait que plus que çà. Un message, une révélation dont le ressort est en germe dans l’Ancien Testament, le petit reste certes, donc Israël des Hébreux, mais l’envoi au plus loin d’Abraham, de Jonas et sans cesse Jésus y revient, Pierre le justifie et Paul le pratique. Le message juif à l’origine éclate dans tout le paganisme indo-européen de l’époque. Double leçon : l’Israël moderne, le judaïsme depuis le Christ, enfermés en eux-mêmes ? rétrécis ? n’ayant pas su accompagner l’universel ? ce serait vrai théologiquement ? je n’en sais rien, mais c’est évidemment aussi vrai que faux aujourd’hui, humainement. En politique, c’est l’enfermement de la politique de l’Etat actuel d’Israël jusqu’au refus, enfin avoué, de tout Etat palestinien. Mais démographiquement et culturellement, c’est une expansion extraordinaire et une influence souvent décisive dans la vie culturelle, politique, économique et sociale des grandes nations d’origine gréco-romaine et européenne. L’Eglise elle-même, la catholique-romaine ? s’est-elle elle aussi enfermée ? Elle en donne toutes les apparences ces années-ci. La pléiade des théologiens de l’ouverture, du dialogue, de la considération pour toute morale et pour toute voie spirituelle, religieuse, révélée ou seulement sapientiale n’a pas produit une génération de successeurs, du moins à ma connaissance. On ratiocine les récollections, on revient à des directions spirituelles aujourd’hui ressenties comme un abus d’une profession qui a supplanté un des talents de l’ancien clergé : psychothérapie et conduite de la vie. On s’est alarmé, projection des courbes démographiques, de la crise des vocations religieuses ou sacerdotales, on n’a pas vu qu’elle n’était que la conséquence ou l’annonce de la chute vertigineuse de la présence dominicale à l’église, en très peu d’années, vers les années 1970 – il semble que cela se soit mesuré dans un rapport de 10 à 1 pour beaucoup de paroisses en Bretagne en 1972-1973. Universelle ? d’esprit ? d’élan vers autrui ? Nous avons certainement à repartir sous de tout autres formes, dans l’Eglise d’Europe occidentale, et d’abord à connaître les autres chrétientés : Amérique latine, Afrique, Inde et Extrême-Orient, et à apprendre d’elles. Le gouvernement de l’Eglise et les plans missionnaires, les fondations, selon les Actes des Apôtres : nous en sommes si loin. Ce qui est vrai pour nous est éprouvé par certains musulmans de mes amis, proches. Ils attendent une résurrection de la théologie musulmane qui, accessoirement, aurait raison des intégrismes, des prétextes terroristes si propices aux simplismes des « Occidentaux », et qui surtout refonderait la communauté des croyants et la société politique. Les notions d’Etat, de démocratie, les grandes références dont a besoin le réformisme. Tant en Islam l’attendent alors que les évolutions sont désastreuses vers des systèmes d’hérédité politique ou d’intolérance à la libération féminine. Tranquillité de l’universalité quand elle a son fondement.

Méditation ainsi pendant l’homélie et la suite de la messe : l’Ascension. Maguerite ; on ne fait pas d’église aujourd’hui ? sa question d’agenda et évidemment pour ne pas sy rendre. C’était un samedi, et de fait nous n’allâmes qu’aux agrès et à la plage voisine. Maintenant, son refus d’entrer, malgré ma prière et aussi ma crainte d’un enlèvement, la parabole du « petit chaperon rouge ». Directement, la question : pourquoi cela ne l’attire pas ? pourquoi son refus ? elle aime chanter mais dit que les chants lui cassent les oreilles, versatilité et contradiction que nous avons d’un enfant de quatre ans ou quatre ans et demi, mais… de fait. Elle aurait quelque chose à faire ou serait employée manifestement : les aubes, le service de l’autel, la chorale ? je ne sais et nous n’en aurons sans doute pas l’expérience. Nos églises sont vides d’enfants, sauf en périodes de vacances avec les touristes… Tolérance, ne pas m’énerver, la caresser au front, aux cheveux, lui ménager le passage dans les bancs. Les voisins sont, eux aussi, tolérants. La leçon va plus loin, vie de couple, éducation des enfants certes, mais en couple, la relation avec autrui. L’amour est tolérance. La perfection, le bonheur ne sont pas immédiats, ils sont conséquences, ils sont instants. La perfection, je la rencontre – tardivement dans une vie tout entière résumable par la posture de l’attente, attente indistincte de tout – je la rencontre, je l’ai rencontrée dans l’imperfection, après avoir souvent vu l’imperfection surgir de la perfection. Parabole insistante de la beauté, la beauté toujours évanescente quand je la crois objective (beauté féminine plus précaire que la beauté enfantine, plus précaire d’un instant à l’autre, apparemment plus solide à l’échelle de quelques années, puis tout est rattrapé par la fatigue quotidienne et la sculpture, l’affaissement des années). C’est par surprise – combien de fois l’ai-je vêcu depuis notre mariage – surprise qui provoque notre émerveillement et notre action de grâces, que nous recevons la perception de la beauté de qui nous aimons, ou que nous ressentons l’amour et la sollicitude qu’autrui a pour nous. La beauté, selon l’ancienne approche, continue de se rencontrer, elle ne blesse plus, le démon de l’envie et de la prédation a été dompté par la nouvelle approche, par le mariage, la paternité, la vie.

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