mardi 26 novembre 2013

début de réflexion : l'Eglise en France est-elle missionnaire ?




Réflexion commencée d’être rédigée avant de
participer à une troisième rencontre à la paroisse cathédrale de Vannes sur le rôle des laïcs dans l’Eglise
&
apprendre la publication d’ Evangelii gaudium et de la parcourir

Réflexion pour une Eglise présente au monde et à elle-même
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L’Eglise en France est-elle missionnaire ?


C’est une intuition d’adolescence, de demi-nuits devant le tabernacle à Notre-Dame de Grâce de Passy, rue de l’Annonciation à Paris, quand, en « clan » scout, nous terminions notre adoration-oraison-philosophie récapitulative et amoureuse de ntre foi et de notre disponibilité – du don de nous-mêmes, je crois, pour l’époque – par un petit déjeuner au café voisin en payant en petites pièces à cinq ou six, au grand effroi du « garçon » nous ayant vu partir sans avoir compté la monnaie…
Dès les années 1950, quand toute la hiérarchie catholique dans les empires coloniaux est de naissance européenne et que la christianisation a marché le plus souvent de pair avec une pénétration militaire et une administration étrangère, tandis que « l’Eglise du silence » si chère à Pie XII est broyée par les systèmes totalitaires contre lesquels il y a sans doute le « réarmement moral », il m’est apparu que c’était dans le milieu où je vivais, nominalement chrétien, dans les quartiers très favorisés de l’ouest parisien que la Parole et surtout l’exemple devaient être donnés. A l’initiative de ma mère, j’ai « fait » du patronage à Bezons, où le tout à l’égoût – début des années 1960 – n’était pas encore arrivé. Aujourd’hui, dans la classe de notre fille de neuf ans juste – CM 1 d’une école diocésaine – sur trente élèves, près de la moitié de parents divorcés : à chaque rentrée son lot de quatre ou cinq. Sur quelques six-cent enfants du primaire dans mon village, pas dix aux messes dominicales. Entretemps, trois vocations religieuses dans ma promotion 1960 de l’Ecole Saint-Louis-de-Gonzague des Pères Jésuites à Paris, ont fait fiasco. La statistique vaut d’ailleurs même pour le mariage civil. La moitié des naissances aujourd’hui se font hors mariage en France. La société et l’Eglise se constituent donc autrement. Fonder une pastorale sur une chalandise de la liturgie et des sacrements est une illusion. Se réjouir du « réveil du bon peuple de France » parce qu’il y a des centaines de milliers de gens pas âgés et pour beaucoup chrétiens, dans la rue, à manifester contre la loi Taubira, c’est se tromper de cause. L’avenir n’est pas à la théocratie chez nous ni aux différentes phobies : passéisme et peurs n’enfanteront pas la nécssaire réévangélisation.

De moins en moins nombreux, de plus en plus âgés, les clergés diocésains ne sont plus dans la vie courante des personnes à qui faire rencontrer – en eux-mêmes – le Sauveur. Les propositions de « formations » diverses, après la profusion des années 1930 aux années 1990 des « retraites » et autres récollections, au mieux entretiennent des ferveurs anciennes peu contagieuses et pas exemplaires pour aujourd’hui. La place publique et le porte-à-porte sont négligés. Les partis et les entreprises ne savent d’ailleurs, pas plus que l’Eglise, placer leurs produits, recruter des adhérents.

C’est l’implosion. Ce qui en économie et en politique signifie la jungle, le chômage, l’extremisme et tous les simplismes ou exploitations possibles, se manifeste dans l’Eglise de France par des participations hésitantes à la vie collective et par la perte d’une communication et d’une communion de foi entre chrétiens, sinon même entre clercs.

Il y a des exceptions très heureuses. Quelques évêques savent – comme toujours – dire l’homme et sa foi dans des circonstances graves : ainsi ceux en charge de la pastorale des migrants face à des pouvoirs publics, aux étiquettes successives mais également irrespectueux des droits de l’homme. Des personnalités charismatiques ont maintenu ouverts le plein air de la charité. Mais les pastorales sectorielles (selon les âges, les sexes et les professions) et celles de territoires : la paroisse, sont en défaut. Soit routinières, soit crispées, soit même inexistantes hors liturgie et déclinante administration des sacrements.

L’Eglise catholique, longtemps structure en France de l’Etat, de l’instruction, de la santé, voire même de la fiscalité nationales, doit s’inventer une tout autre forme de présence : elle ne donne pas la sensation d’en avoir pris conscience. Elle croit bénéficier de quelques événements de grand retentissement médiatique, telles les présences de Jean XXIII et de Jean Paul II, ou la renonciation de Benoît XVI, mais elle pâtit des combats ressassés jusqu’à des appels à la désobéissance civile en matière bioéthique et de morale sexuelle. L’image est mauvaise pour le dehors, elle n’aide pas au-dedans à discerner l’essentiel de la vie et de la mission chrétiennes. Les fidèles ne le sont plus par convention sociale ou mimétisme. Le clergé ne peut plus les attendre. Il doit aller à eux. En majorité, les chrétiens de naissance ne persévèrent plus et les nouveaux : convertis ou recommençants ont un enthousiasme fragile. D’ailleurs, nous ne savons plus entre chrétiens apprendre de l’autre ni le monde ni chacun de nous. Alors comment propager la foi ? qu’annoncer, de quoi témoigner ? que proposer au partage ?






             
Bertrand Fessard de Foucault – mardi 26 Novembre 2013


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