lundi 29 octobre 2012

il fallait la délivrer de ce lien - textes du jour

Lundi 29 Octobre 2012

Cette sensation fréquente quand je suis seul au volant, d’être dans l’irréalité, responsable encore de moi, de ma sécurité, pour moi-même mais surtout pour celles que j’aime, et en même temps d’être complètement le jouet de forces et de dialectiques inconnaissables. Devenu un objet. Quitté hier matin une grabataire, retrouvé hier soir un autre grabataire, tous deux bien vivants, mais quasiment muets, ne réagissant que par grognements et ne s‘exprimant que de gestes parfois impératifs mais vagues de la main gauche. Fin de vie : quels repères ? pas de signe ni de l’un ni de l’autre de vouloir en finir, ce qui signifierait être finis par autrui. La première cependant confie sa lassitude de la vie, le second a fait atteindre les siens, épouse et fils à l’ultime degré de la fatigue physique et morale… en quelques semaines de désertion de son aide-soignant habituel, lui-même épuisé ou tournant au dérangement mental. Là aussi l’irréel, mais par excès de présence, par l’étau des tâches à accomplir sans fin, la vie éternelle par reproduction permanente des astreintes : on est au-delà de la souffrance pour les administrants, on ne sait pas, on ne sait plus la conscience des administrés. Cela me donne le vertige. Vertige aussi des deux pays dont l’évolution m’anime intimement. La Mauritanie dont le chef, venu au pouvoir par la force, se fait descendre probablement pour une histoire de mœurs, erst-il déjà mort cliniquement, peut-il récupérer quoi que ce soit de santé ? le Parlement non renouvelé aux dates constitutionnelles échues depuis des mois, l’intérimaire éventuel lui aussi à Paris dans un état grave mais antérieurement à l’arrivée du dictateur dans nos hôpitaux dits militaires (que je fréquente moi-même, simple « pékin ») et enfin l’armée ne voulant plus s’impliquer… l’Etat décomposé, le nord Mali dont chacun voudrait qu’il soit reconquis par des tiers et lesquels est à la frontière mauritanienne, constituant un territoire faisant partie historiquement et géographiquement, ethniquement aussi de l’ensemeble mauritanien… vertige… Enfin, la France, le maire de Nantes handicapant le nouveau Premier ministre : l’affaire du nouvel aéroport qui ne se justifie en rien mais pour lequel Jean-Marc AYRAULT soutenu par le candidat au printemps dernier, venu même sur les lieux, se crispe, des centaines de CRS pour faire déguerpir les opposants… la droite sous MITTERRAND premier mandat avait trouvé les bataillons de l’école libre pour se refaire de la manifestation de plein air, elle va trouver ce genre d’objet cher aux écologistes pour mettre le parti-même de ceux-ci en porte-à-faux… et la bataille de communication est manifestement aussi l’expertise de cette droite qu’on a pourtant vu à l’œuvre (on dit aujourd’hui drôlement : à la manœuvre) pendant dix ans. Du matraquage fiscal à l’amateurisme des nouveaux gouvernants, le chef d’orchestre invisible ? répand bien la pensée unique. Il est servi par le vide. Les couvertures de Match ne sont plus des champs de bataille ou des catastrophes naturelles ou des visages nobélisés : seulement et inlassablement les compagnes abandonnées ou se refaisant leur chalandise… avec une notoriété inentamable. 
La réalité ? Vitry-le-François où nous nous arrêtons. En exploration pour y situer un ami cher qui y a installé bizarrement sa retraite alors qu’il continue – prestigieux médecin – de consulter en région paarisienne, une maîtresse aussi sèche que l’épouse à l’entendre en serait la raison quoique demeurant à trente kilomètres de là… vertige de ces non-vies affectives sans le moindre geste de tendresse que d’une décennie à l’autre l’aveu à un tiers d’un épuisement de l’âme. La ville est étonnante d’un artifice architectural impressionnant de cohérence, le damier, tout au carré, la place d’armes, la symétrie de la cathédrale classique, sauf ajout à l’intérieur d’une figuration de Thérèse de Lisieux à la manière des reliefs louis-quatorzien, chaire avec lui faisant face quelques bancs couverts de velours et en enceinte protégée pour les grands de ce monde, parc de l’hôtel de ville, bâtiment de celui-ci. Pas la moindre fioriture, fantaisie, diversification (sauf couché en interrogation du désir sensuel un couple nu, sans complaisance d'une rigoureuse jeunesse, vérité physique de la statuaire Belle-Epoque à l'écart du monument aux morts et d'une façade classique dans le jardin public) mais cette immobilité silencieuse que suggère un tel urbanisme donne soudain une forte accroche au temps, à l’espace. Voici la réalité. Hier soir et ce matin, promenade canine dans la Robertsau, avec surtout le commentaire de chaque maison et jardinet par ma chère femme, tel ami ou parent de son père, tel commerce, tel maraîchage, telle échoppe ou boulangerie, les toits sont de tuiles, jamais plus de trois niveaux, les murs sont peints vivement, jamais de même couleur, les ruelles se cassent, s’élargissent, se rétrécissent, dédale très familier où les amies de classe ont vécu. Une rélaité idéale… de chair, de souvenir, de visage, de vies, de morts et de mariages, récit que j’écoute tandis que notre fille est dans la parabole quotidienne des Simpson. Mais le lien avec la réalité, il est si simple. La grabataire d’hier matin, mère de ma chère collaboratrice au Kazakhstan, me reconnaît et observe que nous voyageons bien matinalement, alors que lumière allumée avec l’intensité de plusieurs projecteurs dans sa chambre, elle ne distingue plus d’ordinaire la nuit du jour en sorte quye la gouvernante passe ses nuits en conversavtion avec elle. La réalité efface le vertige parce qu’il y a dialogue et communion. A notre passage précédent, un de nos jeunes chiens s’installa sur le lit à côté du corps d’apparence mortuaire, n’en décolla pas, la main si déformée, si inhabituelle, caricaturale qu’elle en devient belle lissa une oreille soyeuse comme le revers d’un smoking et ne s’en sépara plus. Ma femme, ma jumelle m’apporte les DNA : le directeur du cabinet de Claude GUEANT nommé préfet de la région Alsace. Quand je cherchais à être recasé à l’arrivée de JOSPIN aux manettes il y a quinze ans, il n’était question que de trouver un emploi à Henri GUAINO, et le conseiller diplomatique à Matignon n’avait d’anecdote à donner que la venue vers lui à travers l’un des principaux salons de l’Elysée, du CHIRAC que venait de défaire, par surprise, la gauche , son employeuse du moment ce qui lui fit une carrière obscure pour le parterre, exceptionnelle ou au moins belle pour la gent diplomatique… On retombe alors dans l’irréalité et la sensation de vertuge de nouveau…
Le Christ dût souvent l’éprouver [1] : Il y a six jours pour travailler ; venez donc vous faire guérir ces jours-là, et non pas le jour du sabbat. – Esprits faux que vous êtes ! N’est-il pas vrai que le jour du sabbat chacun de vous détache de la mangeoire son bœuf ou son âne pour le mener à boire ? Et cette femme, une fille d’Abraham, que Satan avait liée il y a dix-huit ans, n’est-il pas vrai que le jour du sabbat, il fallait la délivrer de ce lien ?   La foule est, sur le moment, du côté de Jésus. Elle sera reprise par ses hiérarques religieux et rituels lors d’un autre dialogue, celui apparemment mené par Pilate, mais Jésus alors est muet. L’enseignement est ici sociologique au premier degré, mais l’événement principal n’est pas la confrontation entre le novateur et le chef de la synagogue, il est la guérison de cette femme. Celle-ci n’a rien demandé et ne dit rien ni avant ni après sa guérison. Il y avait là une femme, possédée par un esprit mauvais qui la rendait infirme depuis dix-huit ans : elle était toute courbée et absolument incapable de se redrssser. Quand Jésus la vit, il l’interpella : « Femme, te voilà délivrée de ton infirmité ». Puis, il lui imposa les mains ; à l’instant même, elle se trouva toute droite, et elle rendait glore à Dieu. Miracle que Jésus accomplit spontanément. Il a embrassé du regard l’assistance, tandis qu’il parlait, il a aperçu cette handicapée. Ailleurs, dans l’évangile, ses sentiments sont dits – vérifier si c’est le cas de tous les évangélistes ou si l’un d’eux est « spécialiste » de cette psychologie intime du Christ – mais ici ils ne le sont pas. Jésus va droit à la guérison et donc à la confrontation. Ne laissez personne vous égarer par des paroles creuses. Ce que je vis est de cet ordre : ce sont les situations, nos situations qui sont « creuses ». Combien nous avons besoin de redressements ! Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt…
« Mes » grabataires, mes deux pays… nous tous. Indication de cet évangile, les animaux liés à leur mangeoire, dépendants, la femme déliée de son infirmité, quelle piste est donnée là ? les textes de nos Ecritures ne se lisent ni ne se comprennent pas d'un seul trait, il faudrait la pensée docile d'une journée pour ces tête-à-queues du spirituel dont Jésus est familier, si souvent, presque toujours surprenant, de son vivant selon les évangélistes et ses disciples, maintenant dans nos âmes et dans le cours des histoires particulières à chacun et de la succession des époques humaines. Prier pour comprendre et alors servir au bien de tous.


[1] - Paul aux Ephésiens IV 32 à V 8 ; psaume I ; évangile selon saint Luc XIII 10 à 17

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