samedi 19 septembre 2015

celui qui a des oreilles pour entendre, qu'il entende - textes du jour

Samedi 19 Septembre 2015

Méconnaissable d’un visage demeuré intact il y a encore un mois malgré qu’il fondait de corps – il disait : je pars en sucette… expression du pays natal ? – les narines pincées par le fil à oxygène, son répétitif de l’oppression, la peur de suffoquer, le sang bien oxygéné insiste-t-il mais la machine inspiration-respiration ne se faisant qu’en luttant. Il n’a plus sa casquette, il n’a jamais accepté sa calvitie. Mais il veut vivre. Et l’âme est lumineusement bienveillante et calme. Dieu n’existe pas, il ne le cherche pas, c’est lui, ses filles, nous en trinité le visitons. La chambre à deux : vide pour ce samedi et ce dimanche. Et moi je l’éveille avec la sensation du non-sensde m’être gaspillé à longueur de décennies de toute mon existence, aucun de ces mots : vie, existence ne rend compte de ce présent, de cette gratification, de cette immense responsabilité, avoir à faire quelque chose, quelqu’un de soi même si ce « soi » semble si entravé et si peu malléable. Ce ne sont pourtant pas des circonstances et les déterminismes qui nous lient mais bien nous-mêmes. Nous sommes certainement bien plus que ce que nous paraissons être et même bien plus que ce que nous vivons, instant par instant, ou de mémoire ce qui est bien différent, nous sommes dans le projet et le cœur de Dieu, et ce qui, en nous, y correspond le plus, ce sont bien ce que nous projetons, ce que nous aimons, qui nous voulons aimer, de qui nous avons la responsabilité à travers nous-mêmes. Je le dis mal et de façon compliquée. Mais c’est vrai – Hier, l’émerveillement de la cohérence entre les six ou sept enseignants de notre fille se succédant dans sa classe (Marguerite, seule enfant avec le charmant Jules qu’elle apprécie et qui est atteint de mucoviscidose) pour nous commenter leur travail avec nos enfants. Les plus convaincants, ceux d’histoire-géographie et d’éducation physique et sportive. Je n’ai pas vécu cela à âge égal, ou plutôt je ne crois pas que c’était aussi explicite. L’approche des mathématiques que je n’ai jamais ressentie ou qu’on ne m’a jamais donnée ainsi, l’histoire-chronologie enfin restaurée au moins partie, le français reste en revue de nos lettres nationales cette distribution découverte l’année dernière en soutien d’Alexis M. pour le bac : les genres, mais pour cette sixième il est plus encore lecture, écriture, compte-rendu, entretien, exposé, ce que nous ne faisions guère. Sans doute maintenant l’informatique, la calculatrice. L’ensemble me rassure d’autant que c’est censément l’exécution – aussi – des programmes de l’Education nationale. Il y a les misères dans l’investissement du bâti et de la ressource humaine que ma chère femme expérimentées en lycée pour l’économie et la gestion, et maintenant en collège pour l’allemand. Mais ce serait une mauvaise information que de condamner en bloc et cette administration et la pédagogie que nous tentons en France de mettre en œuvre. Il y a évidemment des erreurs fondamentales comme la suppression du grec et du latin, mais cela nous renvoie à cette déperdition de notre esprit français, à cette fascination pour l’anglo-saxon et l’étranger (le modèle ceci, l’excellence d’outre-Atlantique, l’économie allemande), l’exode et l’émigration mentale sinon physique, nos écoles principales écartées délibérément de leurs vocation respectives (Sciences-Po. Paris certainement, sur l’E.N.A., je n’ai plus d‘expérience actuellement. Le résultat de cette trahison des élites par individualisme et cupidité puisque le salaire devienne critère de hiérarchie dans la vie des entreprises, est évidemment la philosophie ambiante dans le gouvernement de la France et celui de l’Europe, face à la demande explicite des réfugiés et implicite de l’ensemble des relations internationales à qui l’Europe, donc la France, font défaut. – Ces enseignements que je vais assurer à Nantes dans une université privée émergente vont me faire rencontrer des 20-25 ans, je compte apprendre par eux la ressource française contemporaine. Sans doute la charge de travail sera grande, je n’en ai plus eue depuis 1995, sauf quatre-cinq ans, une soixantaine d’heures à enseigner l’Europe à Paris VIII. Ce changement de rythme devrait m’aider à être prolifique, précis et fécond pour ce que j’envisage de nécessaire et à ma portée – dans un registre proche de l’enseignement – mais pour une cause et des destinataires infiniment plus vastes et nombreux. Revenant encore à ce qui m’a tant impressionné hier après-midi : la succession des exposés et présentation donnés aux parents par les enseignants de notre fille : classe de sixième, je suis frappé de ce que les politiques non seulement n’ont aucune idée ni perception de la dérive de notre esprit national (la responsabilité qu’ils auront à assumer de la dilapidation de notre patrimoine matériel les en empêchent peut-être, ce qui serait un bon début de prise de conscience), mais surtout aucune expérience de ce dont ils parlent ou dont ils ont à décider ou à contre-proposer…
Divagation ou bilan m’amenant quotidiennement au prie-Dieu … non des conversions mais des rencontres avec Dieu que je souhaite et prie pour d’autres, très précis et vivants dans mon esprit : deux camarades de mon collège jésuite, notre ami peut-être mourant et celui que nous considérons comme un frère entre son handicap et sa douleur physique permanente, et le divorce qui lui est cruellement imposé… la semence c’est la parole de Dieu. Il y a ceux qui sont au bord du chemin… il y a ceux qui sont dans les pierres… et ce qui est tombé dans la bonne terre … [1] Je suis partout (sans que ce soit le titre de cet hebdomadaire qui emmena plusieurs des talents les plus vrais au poteau d’exécution en 1945) au bord du chemin… dans les pierres… au milieu des ronces… dans la bonne terre… ou plutôt la semence tombe partout et à profusion du même geste divin, mais je suis, nous sommes tous les sols et sans doute cette pluralité de nos accueils, de nos possibles, de notre relation au devoir, aux valeurs, à l’autre, tous appels et repères de Dieu, font notre condition humaine. Nous ne sommes pas «  tout faits ». Qu’est-ce que la semence dans nos vies : tout, tout ce qu’il nous arrive, tout ce qui nous entoure et celles et ceux que nous rencontrons, que nous aimons, et même aussi ceux que nous détestons ou dont toute la relation avec nous semble être de nous nuire ou de nous mésestimer. Nous sommes l’objet d’un débat : le « diable », nous-mêmes à combattre Dieu en nous, arrivé en nous (et il a habité parmi nous). Ceux-là ont entendu, puis le diable survient et il enlève de leur cœur la Parole, pour les empêcher de croire et d’être sauvés… lorsqu’ils entendent, ils accueillent la Parole avec joie mais ils n’ont pas de racines, ils croient pour un moment et, au moment de l’épreuve, ils abandonnent… les gens qui ont entendu, mais qui sont étouffés, chemin faisant, par les soucis, la richesse et les plaisirs de la vie et ne parviennent pas à maturité… Imagée et explicite, la parabole du semeur est en réalité très difficile, car où est la liberté, notre ambiance intime semble toute faite : chemin, pierres, ronces, bonne terre… pourquoi et comment ? changerons-nous ? de pierre devenir humus ? Il y a aussi cette dogmatique ambiante de notre Eglise depuis deux millénaires : la foi… ne pas croire, c’est le malheur (je le veux  bien, cela a sa vérité psychologique pour notre vie terrestre, le vide d’une âme et d’une intelligence privée de foi, se détournant de la foi… il est vrai aussi que la prière de tout être humain parce que tous nous vivons la souffrance et le besoin, peut tenir lieu de foi, et même de désir de Dieu jusqu’à « l’article de la mort »). La parabole va de la condamnation à la constatation. Je crois que c’est à nous de la continuer et aussi de considérer que cette pluralité des terrains où tombe la semence, la Parole divine, Son appel, c’est notre pluralité à chacun. Un cœur bon et généreux… de naissance ? par grâce ? un jour enfin ? je crois et veux croire que c’est le fond de toute personne mais cela s’étouffe ou est empêché. L’Eglise nous propose aujourd’hui un rapprochement singulier entre l’icône paulinienne et ce geste du semeur : lui seul possède l’immortalité, habite une lumière inaccessible, aucun homme ne l’a jamais vu, et nul ne peut le voir. Abondance de ce matin dans ces textes, abondance de ce que je reçois, notamment par les autres, ma chère femme, notre fille, le grand malade que nous visitons, le frère dans la peine, la perplexité, la douleur physique et chacun avec des joies et des fulgurances. Le métier de vivre, l’échange sur notre métier de vivant… Jésus nous a parlé du Sien, Lui le semeur à travers toute la Palestine, en un temps précis, pour ensemencer tous les temps et lieux, nous tous, chacun.  


[1] - 1ère lettre de Paul à Timothée VI 13 à 16 ; psaume C ; évangile selon saint Luc VIII 4 à 15

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