vendredi 13 juin 2014

le Seigneur n'était pas dans l'ouragan. le Seigneur n'était pas dans le tremblement de terre. le Seigneur n'était pas dans ce feu, et après ce feu, il y eut le murmure d'une brise légère. - textes du jour




Vendredi 13 Juin 2014

Hier… Marguerite, trop fatiguée après  sa journée de voile    pour que  nous puissions à la confier à « Jean-le-bon » et aller ensemble au « ciné-café » de l’Iris. Thème et synopsis qui m’avaient mobilisé [1]. L’histoire se raconte en deux mots, c’est une quête éperdue et crédule, fidéiste et solitaire d’amour, une quête qui ne se consomme pas, qui est vécue sans fatigue, à bord d’un camion ahurissant (les « trucks » surpeints et compliqués de desins, de couleurs les plus vives et corruscantes), dans un Pendjab où alternent des moments de clair-obscur, d’encombrements et de dénuements avec des immensités de paysages lacustres, aux lumières irréelles et sans source, sur fond de montagnes parfaites mais hors jeu. Cela se passe en quelques heures ou quelques jours. Il est que c’est une histoire vraie, dont on ne sait si elle a abouti, mais l’exceptionnel est que le héros n’est pas un professionnel de l’écran, qu’il est une rencontre par le couple de cinéastes, lui-même présent dans la salle pour commenter et exposer-expliquer le film. Et ce héros n’est ni transsexuel ni femme quoiqu’il en ait tout le visage et que contrairement à l’ensemble de la salle, je l’ai vu et pensé comme une femme qui se veut homme sans y parvenir vraiment. Et pour ajouter à l’onirisme d’’images fortement colorées quand elles sont d’intérieur, toujours suggérées et jamais soulignées ou explicitées, aucune scène n’est d’ailleurs ni érotique ni violente ni même voyeuse ni même vraiment présentée (l’assassinat put-être d’un violur par le héos n’est suggérée que par la lutte un instant présentée en ombre drrière un rideau et le mode opératoire par le regard du héros vers un miroir cassé qui va donc lui fournir, comprend le spectateur une arme accessible). D’une certaine manière, les images sont à peine un support qu’on oublie pour un récit entièrement mental et aboutissant à une sorte de leçon-tranmission de posture entre le héros enfin rencontré par une femme bien moins belle que lui, trapue, mais vêtue de blanc comme lui (il passe du rouge au blanc brusquement et abandonne sur le goudron d’une route sans environnement le paquet de ses vêtements du début) et celle-ci… j’ai dormi fréquemment en sorte que je n’ai saisi que quelques scènes et me suis fait à moi-même mon propre récit. Explications verbales de quelques-unes des habituées de ce ciné-café à la sortie : une castration à l’âge de huit ans par amour pour une femme…. – Thème intéressant en soi avec déjà ses deux entrées : ces sexualités choisies puis difficilement vécues-acceptées, la quête habituelle de la personne, de l’autre pour une vie entière, celle de soi… mais ce qui m’a passionné a été le couple des auteurs. Une Turque passionnée d’enregistrer pour conjurer le temps qui passe et vole tout, rencontrée par un Français dont rien ne se sait sinon le présent, elle de deux-trois ans plus âgée que lui, maintenant autour de 35-40 ans, sans enfant,chacun s’exprimant très bien, exprimant très bien le parcours ensemble et le couple s’étant constitué comme l’instrument décisif de son art-même, affinités et capacités dont le résultat est visible, original, exceptionnel pour de l’exception et de l’originalité : nouveau travail maintenant achevé, au Japon… Noor, premier long-métrage. Manière… sans scenario a priori, déambuler, vivre, remarquer, suivre, être accueilli, ne pas parler de film, écouter une histoire, longtemps et longuement, puis proposer de la raconter à l’écran. Jamais de préétabli, à peine un fil trouvé mais que sans cesse le hasard fait laisser, être prêt à accueillir et filmer ce qui se présente tandis qu’on avait commencé de filmer, ainsi l’imprévu d’une scène exceptionnelle de lamentation du 40ème jour d’un décès. Des personnages et des lieux qui sont d’amitié pour les auteurs, fréquents au Pakistan toujours en visa de touristes pour un mois et témoignant de ce que j’ai vécu pendant ma « carrière » diplomatique. Le pays tout autre si on le reçoit comme il est et comme il se veut et se sait, au lieu de l’apriori du diplomate et du journaliste. Ainsi un Pakistan attachant, retenant, accueillant, pas le moindre danger physique encouru en dix ans de crapahutages divers, tandis que les professionnels du rapport d‘information sont payés pour dire du taliban, des lapidations, des excès religieux, des anomalies sociologiques si possible horribles. Evocation aussi du héros, retourné à sa vie locale, ne parvenant pas à apprendre à lire et écrire, comblé s’il a seulement quelques ressources financières pour payer quelques mois ses loyers, révélation d’un talent de photographe qu’il a exploité ensuite quelque temps (les auteurs lui ayant offert un appareil) pour ensuite se placer dans une entreprise de billards. Entretemps, Cannes et la France… Evocation enfin des langues, des religions, de la relation Inde-Pakistan, un prodigieux vécu mais restitué avec la même simplicité qu'il fût existentiel.




Réflexion sur l’art du documentaire (épuisement de nos histoires, de nos décors, de nos fabrications à l’instar de nos poliriques, de nos sociétés, de nos évolutions qui sont en fait des fixaions, du figé : le vrai, la vie, donc la liberté sont ailleurs). Cet art, par lequel commença GODARD et qui – me semble-t-il – va devenir le cinéma d’auteur de demain et dépasser la fiction, ou plutôt dire et reconnaître que la réalité, la vie, les gens, les rencontres sont une fiction, ou plus précisément encore que la fiction est bien plus réelle que les réalités que nous fabriquons à longueur de décennies maintenant par artifice en civilisations déviantes, celles que nous subissons, écrasés par nous-mêmes, des techniques et des impuissances, écrasés par la mode, les idées dominantes qui toutes nous libellent et nous exproprient. Dans cette sorte de vertige de synthèse et de lucidité, il m’est subitement et presque violemment apparu que depuis vingt ans, pendant lesquels je n’ai rien produit de ce que je m’étais donné à « faire » et à « être », livres, politiques, divers rôles et tant d’écriture dont je n’ai tenu et fait aucun… accaparé par mes instances judiciaires tenant toutes à ma placardisation et à mon exclusion socio-professionnelle, j’avais peut-être négligé ce qui me fut donné : aboutissant en apparence à la carrière que je voulais, la fonction d’ambassadeur, la fondation d’une ambassade dans un pays nouvellement ouvert et donc a priori inconnu, j’avais aussitôt été barré et renversé. Indication s’il en est d’une fausse route t d’avoir à trouver autre chose. Mais quoi ? recherche et découverte de moi ? nouvel itinéraire ? nouvelle façon en tout, y compris en activités ? Question qui m’est donc apparue plus explicite que depuis vingt ans. A soixante-dix ans, que faire de sa vie ? surtout dans cette sensation qui me tient de plus en plus d’avoir davantage d’avenir aujourd’hui qu’il y a vingt ou soixante ans… vie qui m’est donnée, inculqué et dont j’ai la sensation qu’elle peut seulement commencer maintenant, mais avec deux paramètres décisifs : mes aimées dont j’ai la responsabilité et qui sont l’équilibre et le sens de mon existence quotidienne, qui sont mon souci, que ma femme soit vraiment heureuse, qu’elle s’accomplisse, et que notre fille ait toutes chances…  et second paramètre, que symbolise et précise, cette tentative à deux reprises, à un jour d’intervalle d’obtenir par photomaton des photos d’identité. Je suis méconnaissable – pour moi – et risible pour mes aimées. Méconnaissable de vieillesse et d’expropriation des apparences qui furent miennes, souvent glorieuses. Images… rejoignant d’ailleurs un des thèmes de livre que je voudrais, cet été, écrire : d’une vieillesse à une jeunesse avec en couverture, tout simplement, la succession d’une vingtaine de photos d’identité depuis mes un an jusqu’à hier après-midi… Cela loin des projets d’écriture politique, quoique je doive les accomplir et en tenter le placement. Fin de cycle ou ancien talent que je me crus si longtemps depuis mes articles pour Le Monde jusqu’à de grandes rencontres quand il y avait encore des personnalités devenues personnages féconds pour le pays… Et puis ces paramètres intimes, déciifs pour la relation avec qui j’aime, avec autrui de hasard ou d’éventualité, avec moi-même…

Prier… [2] je porte ces questions et ces constats à Dieu ce matin, qui me les donne pour aller à Lui et à moi, tout ensemble, puisque je me reçois de Lui. Textes du jour, justment le thème de l’amour, du corps, de la fidélité qui habitait ce film hier, qui m’habite intensément depuis des mois, relations d‘amour de corps, d’âme, d’histoire avec ma chère femme qui lentement s’ouvre à me raconter ce qui fait sa mémoire d’enfance. C’est dit par le Christ en termes d’exigence et d’une légalité suprêmes. C’est en même temps de la plus grande justesse psychologique et sensuelle… tout homme qui regarde une femme et la désire a déjà commis l’adultère avec elle dans son coeur… Tout homme qui renvoie sa femme, sauf en cas d’union illégitime, la pousse à l’adultère, et si quelqu’un épouse une femme renvoyée, il est adultère. … Vous avez appris qu’il a été dit… Eh bien moi, je vous dis… L’évangile, le Christ ne mettent en cause que des hommes, que le masculin faiseur de société, de normes, de châtiments et de rites. La femme n’est jamais condamnée ou apostrophée par Jésus, elle est au contraire la personne de dialogue et d’exemple, la Samaraitaine, la femme adultère, Marie-Madeleine, Marthe et Marie. Elle est rencontre, les hommes sont adverses ou appelés, rôles ou vocations. Les femmes sont rencontrées, admises sans que cela soit indiqué comme manière ou comme structure, elles sont présences, constamment. Jusqu’au calvaire et au tombeau. L’Ancien Testament dit la beauté des femmes et des hommes. Le Nouveau jamais. Présence, appel, rencontre. La  femme maîtresse et exemple de respect, d’amour, d’écoute, de service. Elle n’est pas non plus présentée principalement comme mère, avec une vocation structurante et qui l’instrumente, l’oublie comme personne et ne la considère qu comme fonction rétrécie et décrétée par l’homme – la crispation sinon le rictus de ce qui produisit le débat acharné l’an dernier de la manif. pour tous et des premières expressions du cardinal primat des Gaules – la maternité n’est pas une vocation, elle est subie comme un rang ou une marque ou une opprobre sociale (la stérilité humiliante et catastrophique, la veuve et l’orphelin). La maternité est le vœu, le souhait de la femme elle-même, ces destinées de Sarah mère d’Isaac, d’Anne mère de Samuel : elle est reçue de Dieu, non de l’homme. La maternité qui n’entrait pas dans les plans de vie de la jeune vierge de Nazareth, et qui lui est donnée pour le plus haut rôle, le service décisif qu’elle va rendre à l‘humanité et à … Dieu Lui-même. Souplesse et vérité : la femme selon l’évangile, la femme regardée par Jésus, Dieu fait homme, et dont il n’est pas dit qu’Il en ait aimé une en particulier, comme Il aima l’un de ses disciples en particulier, ce qui est explicitement et si souvent rappelé par Jean, se présentant lui-même et uniquement selon sa relation au Christ, ou plutôt selon la relation que Jésus voulut et eut avec lui. Laquelle ? selon la chair ? belles questions. Mais inutiles. Car Dieu aime chacun de nous en totalité de ce que, vivant et créé, il est : chair, corps, âme, péché et splendeur, enfance et vieillesse, parcours et gisant prêt pour la résurrection. Exigence alors si nous sommes ainsi aimés, respectés. Le respect de Jésus pour la femme, intense et décisif, mieux et plus que tout amour de geste ou de parole. Expérience cependant des instincts de femme, de mère : les répliques de Jésus à sa propre mère ou à Marie-Madeleine. Jésus se laisse approcher mais pas saisir ni immobiliser. Il est, à ses douze ans, au Temple, de son propre chef et ressuscité, Il ne peut être retenu par nous. Noli me tangere…  C’est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face. Réponse… que fais-tu là, Elie ? … Je suis le seul à être resté et ils cherchent à me tuer… J’éprouve une ardeur jalouse pour toi, Seigneur… Elie, notre maître spirituel selon un itinéraire commenté par un de nos plus grands écrivains contemporaines, Paul COELHO…  le Seigneur n’était pas dans l’ouragan… le Seigneur n’était pas dans le tremblement de terre… le Seigneur n’était pas dans ce feu, et après ce feu, il y eut le murmure d’une brise légère…  + 06 heures 35


[1] - NOOR . 2012. France / Pakistan. 1h18 - drame de Çagla Zencirci et Guillaume Giovanetti avec Noor, Uzma Ali... Inspiré de l'histoire vraie de son acteur principal, un parcours initiatique à la croisée du conte, du road-movie et du documentaire, dans les paysages grandioses d’un Pakistan méconnu. Noor veut être un homme. Il ne fait plus partie des Kushras, la communauté des transgenres du Pakistan. Et il a définitivement tourné la page de l’histoire d’amour quil a eue avec l’un d’entre eux. Désormais, il a un travail d’homme dans un centre de décoration de camions, et il sait ce quil veut : trouver une femme qui l’acceptera tel quil est...

[2] - 1er Rois XIX 9 à 16 ; psaume XXVII ; évangile selon saint Matthieu V 27 à 32

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