mercredi 22 août 2018

n’est-ce pas pour les brebis qu’ils sont bergers ? - textes pour ce jour et réflexions de ce matin


Mercredi 22 Août 2018
 
09 heures 17 + Pis que le cafard ou le désespoir hier soir : l’expropriation de moi-même. Mais expérience salvifique de la dépression : c’est par la dépendance, l’école de l’espérance, de la prière aussi, d’une écriture peut-être. Emergence à la vie : les poissons de notre fille et l’instant où je verse leur nourriture, dans la pénombre encore de la cuisine, de leur aquarium, leçon de la liberté des prisonniers à vie et n’en sortir que mort, leur joie tout à l’heure. Le résultat de mes arrangements hier pour que mes livres me redeviennent accessibles, malgré l’arrivée ces derniers mois de tant d’acquisitions chez Emmaüs – chacune heureuse il est vrai. Ne pas peser sur qui j’aime. Le cafard est inracontable, indicible, impossible à écrire dans le moment où je le vis, à peine la petite page quadrillée de mon carnet (cinq cent peut-être depuis le premier, l’été de 1975). Tiré du gouffre, de la succion mortelle par le survivant de mes deux arbres (le possessif est-il encore possible ? m’est-il permis?) qui gratifie deux ramiers – ceux qui ont perdu leur nid avant-hier quand le lierre a été arraché de la façade côté soleil levant de cette maison-ci ? Qui ont voleté tout hier, mais qui selon ma chère femme en aurait un de rechange près de notre seconde longère ? Peut-être. Tout reprendre lentement et tranquillement dans l’ordre. Une mésange ? les a rejoint. Chacun sur sa branche, moment qui a duré. Mon journal – pas tenu ou presque depuis samedi après-midi – est à présent le fichier quotidien des photos numériques que je saisis. L’arbre était sans personne depuis un quart d’heure, voici qu’on y revient. Expérience de la poésie quel qu’en soit le mode, et peut-être même ou surtout si elle n’est ni écrite, ni photographiée, ni même retenue à son passage en nous ? en quelle partie de nous ? en quel temps de nous ?
Je veux retrouver cette page d’un aide-de-camp du Général décrivant le silence dans le bureau, l’agenda blanc pour tout l’après-midi, le regard passé par l’entrebaillement d’une des double-portes : l’homme du 18 Juin, astreint à la Cinquième République, est assis, dans la pénombre, ni lampe, ni papier, ni téléphone évidemment (on n’appelait par le général de GAULLE, et s’il voulait appeler, le combiné ui était apporté au bout de son fil sur un plateau (je ne sais la référence). Mais le fait de penser, nu, activement, plusieurs heures durant… rentrée dite politique, images télévisées en boucle, dès que notre récepteur devenu inerte et impraticable après des semaines de balbutiements a retrouvé verbe et vue – réglage de l’antenne par un homme de l’art, cinquante euros la décisive intervention et l’essai de chacun de nos « périphériques »… bain de foule, l’impétrant en bras de chemise, photos "selfies"… commentaires parlés : la liste des réformes, peut-être dix ou vingt. Réforme de… réforme de… Lettres numériques de ce matin : pourquoi la rentrée va-t-elle être difficile pour le gouvernement ? la faiblesse de la croissance complique les équations du gouvernement ? Pourquoi MACRON va-t-il rester en retrait ? Lui communiquer avec deux pages au maximum de mes propres suggestions ou refus à l’occasion de cette reprise du calendrier, lui communiquer ces lignes de l’aide-de-camp : un menhir dans le bureau présidentiel. La pensée fait retenir le souffle. Jean-Claude, l’homme de notre dépannage, sarzotin de naissance et d’habitat, d’emploi aussi, sobre au possible, chiffrage de la pose d’une nouvelle parabole, options selon la matière, fibre ou pas : au cas où ou quand notre ensemble télévisuel cafouillera de nouveau… le nouveau maire, conseiller départemental, manifeste ami d’EM puisqu’un yacht comme il n’en avait jamais vu a ancré à Saint-Jacques : le milliardaire présumé venu simplement faire une heure de vélo avec l’ambitieux sans limite, qui préside déjà l’Union cycliste internationale… Jean-Claude, à la suite du croquis, a du texte : nous avons dépassé le Danemark en tant que pays le plus taxant d’Europe, il a doubles rétroviseurs et n’a pas besoin de mon aide pour la marche arrière entre nos voitures et le fossé ; je le hèle, nous le verrons forcément. Chaque semaine davantage, les rencontres – visages, peu de mots ou un peu plus, regard – sont la richesse que je reçois et dont j’ai besoin : les formes en ont donc changé, ce sont maintenant des personnes. La vie de famille, le couple, l’enfant, les parentés par alliance, qu’il est difficile le chemin pour qu’ils soient aussi sensiblement gratifiants que la rencontre de hasard.

Les horreurs qui grandissent, le militarisme en Russie, en Chine, le syndrome WINSTEIN, celle qui l’a démontée, est abattue à son tour, il a une dizaine d’avocats rien que pour cela, analyse de la femme de pouvoir encore plus tyrannique que l’homme au pouvoir, mais : commentaire utile, l’Amérique (c’est-à-dire les Etats-Unis qui ont recélé tout un continent pour leur nom d’usage) est judiciarisée, le consentement sexuel n’est qu’à partir de 17 ans au lieu de nous à 15 ans. Personne n’évoque l’âge d’EM quand son professeur de français et de théâtre… 
 
Du travail pour les huit-dix jours, en plusieurs préalables chacun d’un genre très différent des autres, mais tous de même urgence avant de solliciter (et sans doute) recevoir la bénédiction d’écrire.

Prier… dès que je suis au volant, signe de croix et Je vous salue, Marie ! à répéter, réciter, devenir chambre d’écho, lumière et évidence arrivent : paisibles. La création qui avait mal tourné : le couple dont l’homme avait réclamé l’aide et la gratification s’était manqué, avait eu peur dès que l’envie, la prédation l’avaient déçu, mis nu. Voici qu’exprès, nominalement, une descendante, apparemment quelconque, est exemptée de ce péché d’origine (humaine) : elle est comblée de grâce, donc, et Dieu a plaisir en sa compagnie. Le Seigneur est avec vous. Elle est bénie pour elle-même, et, Dieu le voulant, Jésus est béni parce qu’Il est le fruit de ses entrailles. Bonheur enfin assouvi du Créateur. Mais à compter de cette seconde conception miraculeuse (la première ayant été chronologiquement celle de la Vierge, sans péché), le Christ, par « l’opération du Saint Esprit », tout reste à faire et à vivre. Et depuis Jésus, nous avons tout à continuer, ainsi ce matin dans le travail et la prière (Benoît de Nursie : ora et labora).
Après le portrait-charge du roi de Tyr, lu hier, type-même du tout puissant s’enivrant lui-même de cette puissance et de ses trésors : condamné… aujourd’hui celui des bergers se repaissant de leurs bêtes : condamnés aussi… en regard, la bonté que vit le psalmiste jusqu’à la tendresse, jusqu’à la délicatesse de la table mise pour l’homme par Dieu, son Seigneur… la bonté souveraine et attentive, juste pour tous, selon la parabole des ouvriers de la onzième heure 1
 
12 heures 14 + Cet ordinateur pour chacune de mes aimées… réarrangement de mes bibliothèques essayé et réussi, soleil à pic, l’arbre n’appelle plus. Trouver comment faire se reconstruire notre couple de ramiers. Témoigner sans fard de la vie, qui est d’abord de ne pas mourir, de lutter contre la mort et de vouloir l’éternité. Celle-ci se donne à nous, à moi, à celles et ceux que j’ai tant aimés, à celles et ceux que je rencontre à peine et aux milliards de milliards d’humains, de créatures dont l’Apocalypse tente de nous donner quelques figures, autant qu’Ezéchiel a vu les relevailles et résurrections des morts de toute une vallée d’ossements quand l’Esprit leur revint. En attendant, qui sommes-nous, sinon ces aimées de Dieu… Elles se sont dispersées, faute de berger (un mauvais berger n’est tout simplement pas un berger, de mauvais gouvernants, même légaux, ne sont pas légitimes : vous n’êtes pas bergers pour le troupeau), pour devenir la proie de toutes les bêtes sauvages. Constat et condamnation. Mon troupeau s’égare sur toutes les montagnes et les collines élevées (pas en terrain plat ni en prairies) ; mes brebis sont dispersées dans tout le pays, personne ne les cherche, personne ne part à leur recherche. Faute que l’homme, ses institutions, ses manières remplissent la mission donnée dès l’Eden et à l’instant de la Création, Dieu s’en charge : voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis et je veillerai sur elles… Il me mène vers les aux tranquilles et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom. Pourtant, tous appelés à travailler pour le Royaume, ainsi que nous est promise la vie éternelle, la participation, le goût de la participation et la simple bonne volonté, la disponibilité faute d’être autrement employés, nous recevons la même gratification, le bonheur qui n’est jamais quantité. Logique et délicatesse suprême : ton regard est-il mauvais parce que moi, je suis bon ? L’autre, les autres dans nos vies, dans la mienne, le trouble que je subis, mais que je leur inflige peut-être, sans doute… je ne suis pas injuste envers toi. N’as-tu pas été d’accord avec moi… La prière d’hier, le consentement, la confiance, et – parce que le vent souffle, dur, en moi, entouré mais solitaire – j’abandonne la vie, et son goût, c’est-à-dire les dons de Dieu ? Non, je dois revenir. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi, ton bâton me guide et me rassure. Tu prépares la table… tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante.
 
J’étais nié, exproprié, dépossédé physiquement, mentalement, juridiquement, historiquement, rétrospectivement et en tout avenir concevable – du moins, le ressentais-je – et comment dire à qui, au pluriel mais selon des degrés et intensités différents, serait dans ma logique et mon enfermement, le bourreau ou la cause… l’autre qui manque à ma demande d’amour, de considération, de dialogue et de communion… comment dire une souffrance qu’il n’attribuera qu’à moi-même et à mon recroquevillement ? Le silence et la compréhension sont à mon initiative, n’ai-je pas plus de prise sur moi-même que sur autrui ? Et sur qui j’aime, qu’ai-je comme droit ? Sinon la responsabilité intense, mais à ne jamais faire peser, de rendre heureux, de permettre la respiration, puis le regard… la parole très tard, et en conclusion, seulement, presque superflue puisque la communion, qui n’est pas sensibilité, aura… sera… Responsabilité aussi de me mettre à jour de l’attente et du souhait d’autrui.

1- Ezéchiel XXXIV 1 à 11 ; psaume XXIII ; évangile selon saint Matthieu XX 1 à 16

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