mercredi 17 avril 2019

serait-ce moi, Seigneur ? - textes pour le mercredi Saint

pour un prochain message, je compile ce que j'ai reçu puis dialogué - avec vous, pas encore assez nombreux - pendant l'incendie de Notre Dame de Paris, puis à sa suite

mardi Saint 
 
08 heures 37 + Il n'y a pas de communauté internationale, ni solidarité ni respect ni vraie connaissance mutuelle des peules, des pays, des Etats, mais il y a une conscience universelle. Les signes se comprennent et se mémorisent. Leurs effets, nous ne les savons que très tard, ou jamais.

09 heures 28 + Notre fille, son humeur, ma chère femme : son billet nocturne auquel je réponds, son inquiétude si douloureuse pour notre chienne à la torture. - Avec fatalisme, tristesse et plus, j’attends et escompte le moment où Marguerite ne voudra plus être seule avec moi, ni faire avec moi, avec nous ce qu’elle préférera et fera avec d’autres, maintenant avec les filles de son âge, bientôt avec des garçons ? Sa présence naturelle, normale, communiante avec nous, ne sera plus la norme. Sa présence sera un cadeau, un cadeau rare. Ni elle ni ma chère femme, sa mère, ne s’apitoient, il n’y a que moi qui aurai pitié de moi-même, je ne veux pas la pitié, qui est la totale diminution, la mutilation dans le regard et l’esprit d’autrui. Sauf… quand l’autre nous relève. Il n’y a que le Christ qui le puisse parfaitement, car le mouvement du coeur ne suffit pas, il faut la puissance, l’effectivité, donc la Résurrection.
Téléphone avec Stéphanie RAVILLY, Lupa... pas de pronostic vital, Edith y passe pour quelques cachets. Les erreurs de transmission de la Sécu. Notre absorption par les tâches, mon papier oublié pour le Calame. Les restes de poulet enlevés par une dizaine de choucas, il en reste dans l’assiette mais au sol, attente de deux, que je vais satisfaire en allant disposer ce qu’il reste sur la rambarde du balcon.

09 heures 42 + Ce sont les événements qui nous réunissent, nous ne nous rencontrons les uns les autres, même en amour, que par les événements qui sont bien plus que des circonstances, qui ont leur personnalité, les circonstances ne sont que paramètres, ambiance parfois, notre bâti sensitif. C’est encore plus dans l’Histoire d’un peuple, d’une nation. La France est un modèle, sinon le modèle de cela. Nous sommes faits par les événements, plus que par des personnalités, si exceptionnelles et marquantes qu’elles soient : précisément, elles ne sont telles et ne marquent que par leur réponse aux événements.  – Je n’écris qu’inspiré, et n’ai jamais depuis mon enfance écrit qu’ainsi : mes narrations dont j’ai la mémoire, pas le texte, sur le cinéma, sur… la cathédrale, et aux « camps de Compiègne », le culte et l’amour des cathédrales qui nous furent donnés par le Père LAMANDE. En classe d’instruction religieuse, en 7ème, consigne de fermer, tous, les yeux quelques minutes. Exercice pendant lequel, au tableau, à la craie, à main levée, avec les couleurs, il dessinait la rosace d’une cathédrale, la rosace occidentale de toute cathédrale.

 10 heures 14 + Je travaille bien, assis le long du paysage des montagnes, abrité du froid par la vitre. Grâce, plus saisissante que la danse la plus parfaite qui suppose son, musique et couleur même si ce doit être le blanc : un skieur descendant la piste du slalom, application et plénitude des virages, rythme comme noté sur une portée, la limite de tout en dessin, en trajectoire, en vitesse sans excès que la répétition, comme une épousaille.  Papier pour la nouvelle ère mauritanienne qui ne durera pas, je rappelle l’origine et ce qu’était, ce que doit être le commandement politique là-bas où la capitale n’est plus sous tente, mais en béton bon marché, là où l’on n’était que cinq mille, que dix-douze milles : c’étaient aussi mon temps, mes vingt-cinq ans et Moktar Ould Daddah me reçut comme un étudiant, un jeune cadet à qui il accorda aussitôt et totalement sa confiance. Quand j’écris et travaille pour la Mauritanie, j’ai toujours cet âge, et – dans l’âme – le même partenaire et modèle.

14 heures 20 + Flot de condoléances et de textes, chacun beau et intéressant. Accord sur le fait que la croix au-desssus du maître-autel ne soit pas tombée, est décisif. Accord général sur l’union, le consensus, la ferveur que produit ce drame. Reconnaissance que le monument-cathédrale est ce qui, en tout siècle, y compris le nôtre si incroyant, si cynique vis-à-vis de l’Église, si laïc, si peu humaniste, dit (encore davantage que : signifie) le plus la France, notre pays. Honneur que notre pays à chacun soit la France. Et que celle-ci garde les promesses de son baptême, mais sans plus en faire obligation civique. Hier soir, est une preuve de ce que nous sommes, foi et peuple. – Salut, l’archer ! Marguerite reçoit la fléchette, le slalom d’hier après-midi. Maintenant de flèche en flèche. Brouillard par endroits et moments. Le ciel blanc comme la montagne. Notre trésor repartie pour ce second cours du jour : achat de bonbons, anniversaire du « mono. ».
Dialogue au téléphone avec ma femme précieuse. Lupa et son martyre. Pas question de laisser tomber, reprendre probablement tous les examens. Comment allons-nous tenir : 800 euros pour l’aspergillose qui a repris, parallèlement à ces terribles démangeaisons.
Progrès ! l’an dernier, maison de Val-Thorens et des guides : internet gratuit et illimité. Cette année, un quart d’heure seulement de gratuit. Sous-traitance à une société. La puissance publique en s’absentant réduit et renchérit la satisfaction des besoins. En l’occurrence, ici, cela ne fonctionne pas.
Fatigué : je m’octroie une sieste. Ce que je veux écrire, une nouvelle lettre (à suite) pour notre fille. Ces jours-ci… Leur fils va venir, s’enrichissant et que je porte chaque jour. . . . Je tombe de sommeil, le temps n’empire pas.
EM a reçu hier soir une très, très grande chance. Il doit refondre, reprendre totalement son texte, oubliant toute manœuvre combinée depuis des semaines. Une phrase d’actualité à ce qui était prêt et sans doute enregistré à l’instant même où prit le feu, ne suscitera aucune empathie. Or, il la lui faut. Il ne l’eût (son adolescence de théâtre et le couple-structure qui s’en suivit) qu’en « animant » les obsèques de Johnny HALLIDAY. Il ne s’agit pas de son programmes, recélant à son habitude de tout prendre, le « grand débat national », mais de nous, des Français qui doivent enfin avoir prise sur lui. Et mériter la France qui n’est pas à transformer ou adapter. Son image a de nouveau été saluée par le monde entier.

21 heures 45 + Marguerite, côte-à-côte sur le canapé, me demande le nombre de vues de mes blogs, je n’en sais et m’interroge sur les fichiers blancs que je crée. Elle : 462 abonnés sur instagram  Elle consulte les programmes de Cinéville à Vannes, deux séances le lundi de notre retour, le bonheur... Un bon lit devant l’écran géant, les acteurs à côté de moi, l’auteur aussi, de la nourriture. Tes camarades au collège ? J’ai créé une religion, elles m’ont suivi, on en a marre de ne pas comprendre ce qu’elle raconte, on va lire les bouquins. Je vais l’accompagner, la voiturer mais il m’est interdit de voir le film, même assis éloigné d’elle. Même de jamais le voir. Mécanisme mental ? Tintin, ma génération et l’inimitié avec Spirou, avec les lecteurs de Spirou : quelle méconnaissance, alors ! autant que celle Scouts de France pour les Coeurs vaillants. Nos années 50, les siennes : Harry Potter et After.

 22 heures 18 + Pendant deux mois, j’interrogeais systématiquement : vous participez au « grand débat national » ? Aujourd’hui et je continuerai quelque temps, c’est Notre Dame. Marguerite : on n’en parle pas en cours. Edith me rapporte que le débat écarte le religieux. Insoutenable, EM, selon les lettres quotidiennes que je reçois de la presse française : comment sortir du grand débat, projets pour la démocratie (donc octroyée et à l’échelle qu’il décide, souverainement). Insensé, n’ ayant plus que trois ans de mandat, affirmer : nous rebâtirons, tâche de plusieurs décennies.


mercredi Saint

07 heures 17 + Couchés à minuit à peine passée, éveillé puis rendormi avant six heures, le temps de nouveau au beau, j’irai à la remontée mécanique la moins difficile à atteindre, pour avoir une vue générale, au mois une fois pendant notre séjour. Les tâches et les projets. Tâches, Malick. Projets, écrire ma lettre à Marguerite, ce que je nore et vis avec elle.Textes du jour, la version de Matthieu pour la rencontre de Judas avec son destin. Et Isaïe anticipe le procès de Jésus. Demain, la messe chrismale, le sacerdoce tellement en question dans son état pratique de vie, et dans le péché d’addiction de certains de ceux qui en sont revêtus. Notre Dame de Paris incendiée et sauvée en plus grande partie – héroïsme e savoir-faire de nos pompiers – va-t-elle rester au centre de nos pesés et les éclairer. Le cours quotidien centré sur EM pour notre vie nationale va-t-il reprendre ? tandis qu’inexorablement avec le brexit et ces élections européennes dévoyées, nous verrons couler une Europe réduite à sa seule organisation et à son seul moulinage de textes : squelette rongé par les huis-clos gouvernementaux et la seule capacité actuelle des Etats : réglementation, ce qui n’imagine ni ne protège rien. Désespérer ? Oui, à court terme, mais à log terme, ce qui est évident, nécessaire, indispensable ne peut pas ne pas se réaliser, se faire et déjà s’ambitionner.

10 heures 19 + Marguerite depuis plus d’une heure sur les pentes, nouvelles pistes à chaque cours, ressource de Val Thorens. Les choucas nourris, nombreux, solidaires, aucune bataille et appel au repas par l’un d’eux. Une présence sympathique. - Je recueille ce que j’ai reçu puis dialogué à propos de Notre Dame de Paris en feu. Ni la croix d’autel ni la flèche n’ont de valeur ancestrale, la flèche date de VIOLLET-LEDUC et ses anges de bronze venaient d’en être enlevé, les vitraux, le grand-orgue semblent ne pas avoir souffert. Malgré son âge ou à cause de celui-ci,le bâtiment en tant que tel a bien plus et bien résisté que nos immeubles de maintenant. L’événement va faire date mondiale et nationale : la pérennité de l’image de la France ne se fonde plus que sur ses monuments, sauf notre action au Sahel et la velléité légitime de FH en 2013 pour la Syrie, nous ne marquons plus par une imagination et des initiatives refaisant l’entreprise et l’Union européennes, nous ne nous distinguons pas de la veulerie des Européens face à la Chine, peut-être même sommes-nous en tête, nous n’avons pas saisi le défi iranien, notre désindustrialisation continue (Smart, l’A380, telle papeterie, Alstom/Siemens pas réglé), nous persistons dans le transport routier, nous ne sommes dirigés avec résolution et selon des perspectives, nous sommes en queue en droits de l’homme (liberté de manifester… depuis Novembre 2018) et en accueil des immigrants (pas de pavillon pour les O.N.G., des bateaux de guerre et d’interception pour les Libyens à charge pour eux de ramener les évadés… plus de 16.000 ces temps-ci)et notre monocratie ne correspond à aucune tradition française, sauf la première version du Second Empire et Vichy, et certainement pas au legs gaullien et à l’esprit de la Cinquième République. Mais la France, telle quelle à l’instant (18 heures 50, le lundi Saint) du feu (et de la dernière main à l’allocution d’EM) a fait consensus chez les siens et dans le monde. Son Etat ne sait plus négocier les marchés publics depuis une vingtaine d’années, le chantier de Notre Dame va dégénérer, les générosités de bonne publicité pour ARNAUD, PINAULT et Total, pour Pékin aussi ne suffiront sans doute pas, mais l’usage ne sera pas adroit ni sans corruption, de tels marchés ! Et – je me répète – il va y avoir les prétentions à faire mieux qu’au XIIème siècle, et plus adapté à notre époque. Sans pitié.

Sans égard pour l’effort des Français quand ils ont participé au « grand débat national », mais en étant de plus en plus sceptiques sur la sincérité à venir du Président et de ses acolytes, sans souci d’une communication digne de cet effort et de ces attentes, et précautionneuse vis-à-vis des « lanceurs d’alarme » qu’ont été et demeurent les « gilets jaunes », voici qu’EM laisse connaître par bribes ses « propositions » pour (se) sortir de la « crise des gilets jaunes ». Ce sont celles d’un aveugle qui n’a rien oublié, rien appris (les émigrés de retour en France en 1814-1815). La question générale est celle de son exercice non démocratique, non délibératif, non participatif de notre pouvoir d’État, au même degré que celle de l’injustice sociale et fiscale. Réduire le nombre de parlementaires, c’est éloigner encore plus les élus de leurs électeurs, c’est trafiquer le concours des circonscriptions même si après FERRAND (et moi, Le Monde en Août 1975), il commence d’être reconnu que les Français pourraient être libres de moduler limites et compétences de leurs collectivités locales, « à la carte ». Supprimer l’Ecole nationale d’administration pour lui préférer la méritocratie, c’est n’avoir aucune expérience de la notation dans la fonction publique et des possibles favoritismes et cooptations, n’avoir pas compris la réforme de 1945 (DEBRE et DG) pour un recrutement commun à tous les ministères de leurs cadres, et répondre dans les deux cas, avec la pire démagogie, aux rumeurs et clichés si mal informés courant sus aux parlementaires et aux « énarques ». Enfin, c’est le refus obstiné du referendum réglant notre vie nationale et les questions difficiles, selon l’esprit de notre Cinquième République, longtemps mal comprise et maintenant au rancart, et selon la pratique du général de GAULLE, exemplaire de démocratie. Que va être la version officielle de la lecture par le seul EM de nos contributions et souhaits, exprimés pendant trois mois, censément sans tabou et tout étant sur la table ? Quand les gens d’idéal et approuvant une radicale novation de notre vie publique, qui ont formé la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale (il faudra pointer les anciens et les nouveaux parmi les élus LREM de Juin 2017), vont-ils comprendre l’immoralité de leur élu et la trahison des motifs qui l’avaient amené à lui et à le soutenir ? L’ »affaire Benalla » a maintenant près d’un an : autant que les « gilets jaunes », elle a révélé celui qui nous gouverne (mettant à néant la fonction arbitrale et de continuité dévolue au président de la République, de tout autre sorte que le Premier ministre et le gouvernement selon l’article 5 de notre Constitution).

11 heures 10 + Prier… 1 la trahison de Judas, telle que perçue par les tiers, nous est donnée par Matthieu très différemment de Luc. Personne, à la dernière Cène, ne sent coupable parce qu’aucun n’a le projet de trahit le Maître, sauf si Judas joue la comédie et en vérifiant la chronologie : quand s’est-il entendu avec les ennemis de Jésus. Vérification : oui, c’est avant le dernier repas, auquel Judas a le culot de participer mais pas d’y amener les soldats. Les trente pièces d’argent (variantes de la traduction) sont le dixième de l’évaluation par le même Judas (trésorier des Apôtres et du Seigneur) du parfum répandu par Marie sur les pieds du Christ. Judas cherchait une occasion favorable pour le livrer… L’un de vous va me livrer… Profondément attristés, ils se mirent à lui demander, chacun à son tour : serait-ce moi ? Comme s’ils ne le savaient pas… et Judas qui le sait (libre détermination que la sienne selon Matthieu, forme de vocation tardive et spéciale selon Luc, dépendance de Judas dès qu’il est désigné par le Christ, abandonné pour l’épreuve comme l’est Job, à la suite du pari de Satan avec Dieu) n’y manque pas : ne pas se faire repérer... Judas, celui qui le livrait, prit la parole : « Est-ce moi ? Seigneur ». – Jésus lui répond : « C’est toi-même qui l’as dit ». Cette manière de répondre, à toutes les interrogations, sont un renvoi à nous-mêmes et à notre liberté de mettre à mort notre Sauveur. Isaïe présente Celui-ci de manière ambivalente : le parfait disciple, la victime qui espère. Premier rôle, il est caractérisé par l’écoute. Il veille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute… le langage des disciples, pour que je puisse d’une parole soutenir celui qui est épuisé. Deuxième rôle, le serviteur souffrant, docile et confiant. Je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé… Il est proche celui qui me justifie… Voilà le Seigneur, mon Dieu, il prend ma défense. Qui donc me condamnera ? Et pourtant, Il est condamné. Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? La totalité, le plus douloureux de la condition humaine ainsi assumée et l’incarnation du Fils de Dieu démontrée, irréfutablement.

1- Isaïe L 4 à 9 ; psaume LXIX ; évangile selon saint Matthieu XXVI 14 à 25

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