vendredi 30 mars 2018

de Dom Robert pour ce Vendredi Saint


VENDREDI SAINT
30 MARS 2018
EN LA CATHÉDRALE SAINT-ÉTIENNE
DE TOULOUSE

            Le disciple que Jésus aimait ne parle ni de l’institution de l’Eucharistie ni de l’agonie de Jésus. Il est vrai que tout le chapitre 6 est consacré au Pain de vie, ce pain qui est sa chair, « donnée pour la vie du monde » (51). Ce qui frappe dans la Passion selon saint Jean, c’est la majesté de Jésus. Par deux fois, au jardin des Oliviers, il demande : « Qui cherchez-vous ? »  On lui répond : « Jésus, le Nazaréen ». Sa réponse est : « C’est moi, je le suis ». Le grec est plus lapidaire : Ego eimi, littéralement « je suis », la formule même de l’identité divine depuis le Buisson ardent. La passion johannique est royale.
            Cependant Jésus connaît avant le lavement des pieds un bouleversement profond, son agonie du 4e Évangile. Il vient de parler du grain de blé qui reste seul s’il ne meurt, et il continue : Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? Père, sauve-moi de cette Heure ! Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette Heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! Alors du ciel vint une voix qui disait : Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore » (12, 27-28).
            Le Père parle peu dans les Évangiles, encore moins dans saint Jean, qui ne rapporte pas sa parole au moment du baptême de Jésus : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie » (Mt 3, 17). Il mentionne cependant ces paroles adressées au Baptiste, qui ne peuvent être que celles du Père : « Celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : “Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, celui-là baptise dans l’Esprit Saint” » (1, 33). Jean ne relate pas non plus la Transfiguration, où le Père prononce le même témoignage qu’au baptême dans le Jourdain. Par contre, le Père se manifeste au moment crucial où Jésus frémit à l’approche de sa Passion. Cette voix venue du ciel qui commence par « je » ne peut être que celle du Père : elle annonce la glorification de son Fils. À vrai dire, c’est le Fils qui, dans l’angoisse de sa Pâque, s’écrie : « Père, glorifie ton Nom ! » Mais lui répond : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore ». Quoi donc ? son propre Nom de Père ou la personne de son Fils ? L’un et l’autre assurément, car tout le mystère de la personne de Jésus est son unité avec le Père. La grande Prière, qu’on appelle « sacerdotale » de Jésus avant sa Passion, que seul rapporte saint Jean, commence ainsi : « Père, l’Heure est venue. Glorifie ton Fils, afin que ton Fils te glorifie » (17, 1).
            Comme nous le savons, dans le langage de saint Jean, la glorification de Jésus est liée à son élévation sur la Croix : élévation physique sur le terrible gibet, mais aussi glorification de l’amour qui est allé jusqu’au bout. Dans le chapitre sur le Bon Pasteur, Jésus déclare : « Voilà pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever, je la donne de moi-même » (10, 17-18). Ces mots de Jésus résonnent fortement ce Vendredi saint, huit jours après l’offrande de sa vie faite par le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, ce soldat disciple de Jésus, lui aussi donné, livré, glorifié.
            Pour contempler le mystère de la Croix glorieuse, il nous faut superposer quatre scènes évangéliques : la manifestation du Père au baptême de Jésus d’abord, ensuite sa parole à la Transfiguration, et celle qu’il prononce au moment où Jésus va être élevé : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore ». Jésus poursuit : « Ce n’est pas pour moi qu’il y a eu cette voix, mais pour vous. Maintenant a lieu le jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes ». « Il signifiait par là de quel genre de mort il allait mourir », commente le disciple que Jésus aimait. La quatrième scène est la crucifixion, où il faut lire sur la Croix, en même temps que Jésus de Nazareth, Roi des Juifs, mais en lettres intérieures : Celui-ci est mon Fils bien-aimé, comme je l’ai vu inscrit sur une croix cet après-midi, pendant le chemin de croix animé en cette cathédrale par les chrétiens du Quart-Monde.
Rappelons-nous la parole de Jésus au chapitre sur le Pain de vie : « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire, et moi, je le ressusciterai au dernier jour » (6, 44). Parce qu’il est ressuscité, parce qu’il a été glorifié le troisième jour. Hosanna.             

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