mercredi 17 janvier 2018

la visite du pape François au Chili entachée par les affaires de pédophilie


 

lemonde.fr

 


Les associations de victimes critiquent l’attitude de François et attendent des sanctions contre le clergé, soupçonné d’agressions sexuelles.
LE MONDE | 19.01.2018 à 11h27 | Par Cécile Chambraud
 
Le pape François célèbre une messe à Iquique, au Chili, le 18 janvier 2018.
« Calomnies. » Le pape François a sèchement rejeté, jeudi 18 janvier, les accusations portées au Chili contre un évêque par des victimes d’agressions sexuelles de prêtres pédophiles, accusations qui ont plongé depuis des années l’Eglise catholique chilienne dans une grave crise. Alors qu’il arrivait à Iquique, dans le nord du pays, pour y dire une messe avant de se rendre au Pérou, le pontife argentin s’est approché de journalistes. Interrogé sur son soutien à l’évêque d’Osorno, Juan Barros, François a déclaré : « Le jour où vous m’apportez une preuve contre l’évêque Barros, je parlerai. Il n’y a pas une seule preuve contre lui. Ce ne sont que calomnies. C’est clair ? »
Ce soutien sans nuance a aussitôt déclenché une nouvelle salve de critiques contre l’attitude du pape de la part des associations de victimes. « Comme si on avait pu prendre un selfie ou une photo pendant que [le père] Karadima abusait de moi ou d’autres avec Juan Barros à côté, qui voyait tout. Ces gens d’en haut sont fous », a tweeté Juan Carlos Cruz, l’une des porte-parole de ces victimes.
« Ces délits sont prescrits, a déclaré un autre, Juan Carlos Claret. Ils datent d’il y a plus de quinze ans. Aucun juge ne peut enquêter. Il nous reste la voie canonique [le droit interne à l’Eglise]. Nous protestons depuis 2015 et le pape le sait. Il est juge, mais quand il nous traite de gauchistes, il prend parti. »
Ces victimes accusent Mgr Barros – qui s’en défend – d’avoir protégé un prêtre, qui était aussi son ancien mentor, Fernando Karadima, dont l’Eglise a reconnu qu’il avait agressé de très nombreux mineurs. Elles reprochent au pape François de l’avoir, malgré cela, nommé évêque d’Osorno en 2015, et demandent son départ. Alors que les questions sur cette affaire ont parasité les trois jours de sa visite, Jorge Bergoglio n’a cessé de lui manifester son soutien. Mgr Barros était présent aux côtés du pape lors des trois messes. Jeudi, à l’issue de celle d’Iquique, il l’a ostensiblement embrassé. Mgr Barros a dit à la presse avoir eu des paroles d’encouragement de sa part.

« Les mots sont inutiles »

Dès le début, la visite pontificale au Chili a été dominée par ces scandales. Connaissant pertinemment la situation, le pape avait d’emblée, dès son premier discours, mardi 16 janvier, exprimé « la douleur et la honte » ressenties « face au mal irréparable fait à des enfants par des ministres de l’Eglise ».
Mais pour les associations de victimes, ces mots, déjà prononcés il y a deux ans aux Etats-Unis, ont été décrédibilisés par la présence, à ses côtés, de Mgr Barros. « Les mots sont inutiles s’ils ne s’accompagnent pas d’actions concrètes », avait résumé José Andrés Murillo, directeur de la Fondation pour la confiance, lui-même victime dans sa jeunesse de Fernando Karadima. Ils sont tout simplement bons à faire « un nouveau titre bon marché », avait commenté Juan Carlos Cruz.
La rencontre à huis clos du pape François avec des victimes, mardi, n’a pas davantage atteint son objectif. « Nous n’avons pas été invités, ont fait savoir les représentants des associations les plus actives. Nous espérons que leurs paroles [au pape] ne seront pas la seule chose de faite. »
A Santiago, le pontife a certes évoqué, devant les membres du clergé chilien, « la douleur qu’ont signifiée les cas d’abus commis sur des mineurs ». Mais il a aussitôt mis en balance cette douleur avec celle des prêtres et autres membres du clergé qui ont « vécu la souffrance qu’engendre la suspicion » et ont pu essuyer « des insultes dans le métro et dans la rue ».
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celdric meslier il y a 5 jours
Je me surprends à rêver d'un mouvement de grande ampleur comparable à l'affaire Weinstein dénonçant les abus sexuel au sein de l’Église Catholique. Problème: pour y avoir été confronté, ses fidèles se refusent à salir la mariée. Il s'agit avant tout de préserver sa sacro-sainte image en feignant de croire qu'il n'est question que d'actes isolés. Et puis d'ailleurs son Dieu pardonne tous les péchés ! Toute Croyance n'implique-t-elle pas un déni de la réalité, leur "chef" en premier ?
 
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Behair il y a 5 jours
2/2 Il est donc normal de retrouver des actes de pedophilie à grande échelle partout où le clergé local crée des conditions favorables à son développement. L’église est dans une impasse à ce sujet car il s’agit d’un pb structurel qui nécessiterait de revoir profondément la prêtrise. Seule solution de combat: que les journalistes Français fassent le travail qui a été fait ailleurs et osent porter ce débat sur la place publique. On attend encore.
 
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Behair il y a 5 jours
1/2 Les journalistes du Boston Globe ont fait honneur à leur profession en révélant l’ampleur des actes de pedophilie commis et couverts pendant des années dans le diocese de Boston. La principale « lesson learned » rapportée entre autres dans le film Spotlight était qu’il ne s’agissait pas d’actes isolés mais d’un phénomène structurel lié au conditions de prêtrise ( frustration sexuelle entre autres ).
 
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Pierre HUBU il y a 5 jours
@Lavache. Vous avez raison : j'ai essayé aussi...
 
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La vache qui rit jaune il y a 5 jours
Un vrai dilemme: j'ai bien envie d'écrire ce que je pense de Monsieur Jorge Bergoglio aussi connu sous le nom de Pape François, mais si je le fais je serai assurément censuré.
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Au Chili, le pape François déçoit les victimes de prêtres pédophiles

Malgré l’homélie dans laquelle le pontife a exprimé sa « douleur » et sa « honte » face à la pédophilie, de nombreuses voix s’élèvent pour lui reprocher de n’avoir rien fait de concret contre les prêtres mis en cause.
LE MONDE | 17.01.2018 à 18h22 • Mis à jour le 18.01.2018 à 18h16 | Par Cécile Chambraud
Pour les victimes chiliennes de prêtres pédophiles, l’image a décrédibilisé les mots. Les mots, c’étaient « la douleur et la honte » que le pape François a exprimées au premier jour de sa visite au Chili, mardi 16 janvier, « face au mal irréparable fait à des enfants par des ministres de l’Eglise ». L’image, c’était celle du chef de l’Eglise catholique célébrant la messe, une heure et demie plus tard, dans le parc O’Higgins de Santiago, avec tous les évêques chiliens. Et parmi eux, les trois qui sont accusés par des associations de victimes d’avoir couvert pendant des décennies un prêtre convaincu d’agressions sexuelles et de viols sur mineurs, Fernando Karadima.
Celui qui est au centre des accusations (mais qui les récuse), Juan Barros, l’évêque d’Osorno, s’est de nouveau affiché aux côtés du pape mercredi, à Temuco, dans le sud du pays, où il l’a accompagné lors de la messe sur la base aérienne de Maquehue.
Le pontife argentin est loin d’avoir répondu à la colère des organisations de victimes et aux attentes de l’opinion chilienne, dont une bonne partie a été choquée par la façon dont l’Eglise a géré, depuis des années, les accusations portées à l’encontre de prêtres. Pour beaucoup, dont la presse chilienne s’est fait l’écho, les bonnes paroles ne peuvent masquer un refus d’agir, c’est-à-dire de suspendre les prêtres sur lesquels pèsent des accusations et sanctionner les évêques accusés d’inertie.
« Les mots sont inutiles s’ils ne s’accompagnent pas d’actions concrètes », a résumé José Andrés Murillo, directeur de la Fondation pour la Confiance, lui-même victime dans sa jeunesse de Fernando Karadima. Ils sont tout juste bons à faire « un nouveau titre bon marché », a commenté Juan Carlos Cruz, une autre victime.
« Les mots sont inutiles s’ils ne s’accompagnent pas d’actions concrètes », dit une victime.
La rencontre privée du pape François avec des victimes, en milieu de journée, n’a pas davantage atteint son objectif. On ne connaît pas l’identité des participants, mais les représentants des associations les plus actives n’en faisaient pas partie. « Nous n’avons pas été invités », ont-ils fait savoir par un message Twitter. « Nous espérons que leurs paroles [au pape] ne seront pas la seule chose de faite », ont-ils ajouté.
Les mots et gestes du pape François rappellent ceux qu’il avait choisis lors d’un précédent voyage, il y a plus de deux ans. Aux Etats-Unis, en septembre 2015, il avait aussi rencontré des victimes d’agressions sexuelles et il avait déjà exprimé sa « douleur » et sa « honte » face à cette « terrible violation de la dignité humaine ». Il avait même, alors, employé un langage plus ferme qu’au Chili en annonçant que « les prêtres et les évêques devront rendre compte de leurs actions ». Il s’était « engagé à suivre le chemin de la vérité, où qu’elle nous conduise ».
A Santiago, le pontife a certes évoqué, devant les membres du clergé chilien, « la douleur qu’ont signifiée les cas d’abus commis sur des mineurs ». Mais il a aussitôt mis en balance la « douleur pour le mal et la souffrance des victimes et de leurs familles » et la « douleur » des prêtres et autres membres du clergé qui ont « vécu la souffrance qu’engendre la suspicion » et ont pu essuyer « des insultes dans le métro et dans la rue ».
Aux alentours de parc où se tenait la messe, des manifestants venus de la ville d’Osorno hostiles à la nomination de leur évêque ont crié : « Un évêque qui couvre [des agressions sexuelles contre des mineurs] ne peut être un pasteur. » A Temuco également, des paroissiens d’Osorno ont déployé mercredi des banderoles contre la présence aux côtés du pape de Juan Barros, nommé par François en janvier 2015.
MIEMBROS DE LA IGLESIA DE OSORNO presentes en Temuco. Laicos (as) gritan al Papa: "Osorno sufre, ni tontos ni zurdo… https://t.co/BleHm1SxzN
— PiensaPrensa (@PIENSA.PRENSA)
Depuis, le pape refuse de prendre en compte les demandes de revenir sur cette nomination. Interrogé jeudi 18 janvier par une journaliste à son arrivée à Iquique, dans le nord du Chili, sur son soutien à l’évêque, François a sèchement répondu: « Le jour où on m’apportera une preuve contre l’évêque Barros, je parlerai. Ce ne sont que des calomnies. C’est clair ? »
Jeudi à la fin de la messe, il a embrassé ouvertement l’évêque, provoquant une avalanche de tweets chiliens dans la salle de presse.
Déjà, en mai 2015, juste après la nomination, il avait été interpellé lors d’une audience publique place Saint-Pierre, à Rome, par un ancien représentant du diocèse d’Osorno, sur le désarroi des fidèles. Il avait alors répondu : « L’Eglise d’Osorno a perdu la liberté en se laissant laver le cerveau par les politiciens, en accusant un évêque sans aucune preuve, alors que ça fait vingt ans qu’il est évêque. (…) Ne vous laissez pas mener par le bout du nez par les gauchistes, qui sont ceux qui ont tout inventé. Osorno souffre, mais parce qu’elle est bête. »
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Elie Somot c-3d.fr il y a 4 jours
Jésus se laisse achever sur la Croix. Voilà l'image référante de l'Église catholique. Devant le mal, l'arme de Dieu, le fils livré à la mort pour que le pécheur reconnaisse son péché et l'assume comme le "bon larron". Face à la pédophilie d'hommes d'Église et aux silences complices, le pape François dit sa honte, sa douleur. Mais, devant les actes d'hommes d'Église, le voilà invité à poser un acte collectif beaucoup plus radical au regard du mal commis, non pas pour l'effacer mais pour assumer.
 
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WTF il y a 6 jours
Le Pape s'excuse à propos des prêtres violeurs presque systématiquement lors de chacun de ses déplacement, mais que fait l'Eglise pour mettre fin à cette spirale infernale ? On a l'impression que le problème est consubstantiel à l'Eglise catholique. On va finir par être étonné si un jour le Pape visite un pays sans s'excuser pour les viols commis par "ceux qui exercent leur ministère au sein de l'Eglise" pour reprendre sa propre expression.
 
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Openeye il y a 5 jours
Il s'excuse, pendant que les avocats qui travaillent pour le Vatican s'opposent férocement à toute indemnisation sérieuse des nombreuses victimes. Ces excuses sont symptomatiques des hypocrites, car les brebis galeuses (et dieu sait qu'il y en a beaucoup) continuent à être protégées. Et leur place numérotée au paradis est probablement déjà réservée.
 
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MAX LOMBARD il y a 6 jours
Et Dieu, dans tout çà, que dit-il? Rien comme d'habitude.
 
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Le Neuneux il y a 6 jours
Pourtant autrefois il s'exprimait avec force, pensez à la pomme, au déluge, à la tour de Babel... M'est avis qu'il vieillit.
 
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PGDS il y a 5 jours
Peut être que dieu a trop de caractéristique humaines, ce qui se comprendrait aisément puisqu'il n'est qu'une construction intellectuelle : il a donc été très virulent quand il était dans le camp des opprimés et, maintenant qu'il a le pognon et le confort, les injustices qui perdurent ne l'empêchent ni de dormir, ni de siroter des pinacoladas sur son nuage.
 
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Elie Somot c-3d.fr il y a 4 jours
M.L. Dieu ne s'impose pas. Il suscite l'humain au coeur pour qu'ils entendent, dans le respect de leur liberté, son invitation à être amour pour les autres. L'apprentissage pour y accéder exige un travail sur soi tout au long de la vie. La Bible fait source. Elle est nourrie par des vécus. En accompagnant son Fils bien aimé sur la Croix, Dieu témoigne jusqu'à la rédemption finale qu'il engendre l'humain pour aimer. Dieu est en souffrance de tous les crimes, notamment des chrétiens !
 
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Xabert il y a 1 semaines
pourrait on avoir un article un peu moins à charge ? un peu plus factuel ? un peu moins anti clérical sur ce déplacement du Pape au Chili ? au moins une ligne sur sa messe en plein air devant des centaines de miliers de chiliens... .A vous lire, on a l'impression que le Pape sera enfin pardonné que lorqu'il aura démissionné et destitué tout le clergé du Chili !
 
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MB il y a 1 semaines
Non, le Pape sera pardonné lorsqu'il de sera comporté en coherence avec ses belles paroles. Ce pape est un merveilleux politicien, il fait la morale a nos dirigeants sur les migrant et le climat, parce que ca ne lui coute pas bien cher et cela lui donne une bonne image; mais quand il s'agit de balayer devant sa porte, autant avec Barbarin en France qu'avec ceux qui ont couvert des pedophiles au Chili, c'est le deni total. Son vrai visage est la, et personne n'est dupe.
 
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Hélas il y a 6 jours
D'accord avec @MB, des belles paroles mais... Il semble y avoir des murs indestructibles du coté sexe et du coté fric.
 
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WTF il y a 6 jours
oh oui ce serait tellement mieux de passer sous silence les viols commis par les prêtres chiliens (ou autres). OK de quoi voulez vous qu'on parle ? de la robe et du chapeau du Pape ?
 
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Openeye @ Xabert il y a 5 jours
La stratégie "faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais" commence à être usée. Le pape nous a récemment irrité en sermonnant les pays occidentaux sur les migrants alors que le Vatican ne fait strictement rien sur le sujet, et il garde maintenant un silence méprisant face à celles et ceux qui demandent des actions face au problème (qui ne date pas d'hier) de la pédophilie. Le pape et l'église doivent au moins évincer les brebis galeuses et indemniser les victimes pour être crédibles
 
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Elodie il y a 5 jours
@ Xabert : Je suis étonnée par votre commentaire, car je trouvais que Le Monde était justement bien plus 'doux' que les autres médias, internationaux surtout, que je lis; ceux-ci mettent en effet, dès le titre, la phrase sur les calomnies contre les accusés de viols. Je suis déçue, car bien qu’athée indécrottable, j’aimais bien François jusque-là…
 
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Jean-Robert GERONTO RUMAZ il y a 1 semaines
Espérons que les juges rouges montreront un peu de pudeur et de dignité et que ça se passera de la même façon en 2018 avec notre tandem Barbare Un et le Père Preynat! On s'est excusé pour le désagrément voilà c'est bon! Passons à autre chose! Pschitt!


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Le pape exprime « douleur et honte » au Chili pour les enfants agressés sexuellement par des prêtres

François affronte l’hostilité d’une partie de l’opinion chilienne à l’endroit de l’Eglise catholique après de nombreuses affaires de pédophilie. Des églises ont été attaquées.
LE MONDE | 16.01.2018 à 17h32 • Mis à jour le 16.01.2018 à 23h06 | Par Cécile Chambraud
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Manifestation contre la visite du pape François, à Santiago du Chili, le 16 janvier.
Les enfants agressés ou violés par des prêtres ont été au cœur du premier discours du pape François après son arrivée à Santiago, lundi 15 janvier, pour une visite d’une semaine au Chili et au Pérou. « Je ne peux m’empêcher de manifester la douleur et la honte que je ressens face au mal irréparable fait à des enfants par des ministres de l’Eglise », a déclaré le chef de l’institution catholique devant les autorités politiques et sociales, mardi, au palais de la Moneda, le siège de la présidence chilienne. « Je voudrais m’unir à mes frères dans l’épiscopat, car s’il est juste de demander pardon et de soutenir avec force les victimes, il nous faut en même temps nous engager pour que cela ne se reproduise pas », a-t-il ajouté, interrompu par des applaudissements.
La colère et les attentes avant sa venue étaient également élevées, tant les scandales de pédophilie ébranlent depuis des années l’Eglise et la société chiliennes, et éclaboussent aussi le pontife argentin. Le plus retentissant d’entre eux a pour origine les agissements d’un prêtre chilien, Fernando Karadima. De sa paroisse de Santiago, proche des autorités politiques, celui-ci a, pendant des décennies, formé des générations de jeunes catholiques, dont beaucoup sont devenus prêtres et certains évêques, en même temps qu’il agressait sexuellement des mineurs.
Pendant des années, l’Eglise a ignoré les plaintes de victimes. Ce n’est qu’en 2010, lorsque certaines d’entre elles ont publiquement dénoncé les faits, que le scandale l’a poussée à s’en préoccuper. En 2011, au terme d’une procédure canonique, Fernando Karadima a été reconnu coupable d’actes pédophiles dans les années 1980 et 1990 et a été contraint à se retirer pour une vie de « pénitence et de prière ». L’Eglise avait aussi demandé pardon pour tous les cas d’abus sexuels sur des enfants commis par des membres du clergé et pour son manque de réactivité face aux plaintes par le passé.

« Processus de transformation »

L’affaire a connu une nouvelle impulsion quand, en janvier 2015, le pape François a nommé Mgr Juan Barros, l’un des protégés de M. Karadima, à la tête du diocèse d’Osorno, dans le sud du pays. Or les associations de victimes du prêtre accusent Mgr Barros d’avoir couvert les agissements de son ancien mentor. Depuis lors, elles organisent dans son diocèse des manifestations de protestation et ne cessent de demander à Rome sa destitution. Ce à quoi François s’oppose résolument, jugeant la contestation dans ce diocèse « bête », infondée et politiquement manipulée par « les gauchistes ».
Lors d’une homélie, mardi, le pape a rejeté les « attitudes critiques » de « ceux qui croient tout savoir mais ne veulent s’engager à rien ni avec personne, et finissent ainsi par bloquer toute possibilité de créer des processus de transformation et de reconstruction dans nos communautés ». Un peu plus tard, devant le clergé chilien, il est revenu sur les conséquences de ces affaires de pédophilie: « Je connais la douleur qu’ont signifiée les cas d’abus commis sur des mineurs et je suis de près ce que l’on fait pour surmonter ce grave et douloureux mal, a-t-il dit aux prêtres, religieuses et séminaristes dans la cathédrale de Santiago. Douleur pour le mal et la souffrance des victimes et de leurs familles, qui ont vu trahie la confiance qu’elles avaient placée dans les ministres de l’Église. Douleur pour la souffrance des communautés ecclésiales, et douleur pour vous, frères, qui, en plus de l’épuisement dû à votre dévouement, avez vécu la souffrance qu’engendrent la suspicion et la remise en cause, ayant pu provoquer chez quelques-uns ou plusieurs le doute, la peur et le manque de confiance. Je sais que parfois vous avez essuyé des insultes dans le métro ou en marchant dans la rue, qu’être « habillé en prêtre » dans beaucoup d’endroits se paie cher. »
Fait sans précédent dans un voyage du pape François, l’hostilité d’une partie de l’opinion chilienne à l’endroit de l’Eglise catholique s’est matérialisée, mardi, par l’attaque de trois nouvelles églises, portant à neuf le nombre d’édifices touchés ces derniers jours par des départs de feu. Deux des dernières attaques ont eu lieu dans l’Etat d’Araucania, la Patagonie chilienne, où François devait se rendre mercredi à la rencontre des communautés indigènes mapuche, qui réclament la restitution de territoires appartenant, selon eux, à leurs ancêtres. Dans son discours aux autorités, le pape a évoqué les « droits » des « peuples autochtones ».

« Renforcer notre voix »

Avec 5,3 points sur une échelle de 10, le Chili est le pays d’Amérique latine où le pape est le moins populaire, le Paraguay étant en tête avec 8,3 points, selon l’organisme Latinobarometro. La confiance des Chiliens dans l’Eglise, elle, est passée de 61 % en 2010 à 38 % en 2011, après la médiatisation de l’affaire Karadima.
Lundi, jour de l’arrivée du pontife sur le sol chilien, les représentants de plusieurs associations de victimes de prêtres pédophiles s’étaient donné rendez-vous à Santiago pour partager leurs expériences et envisager des actions communes. Ils ont décidé de créer une fédération internationale d’associations capable de peser face à l’Eglise. Elle aura pour nom Ending clerical abuse–Global justice project, et tiendra une première réunion du 2 au 6 juin à Genève.
L’un des porteurs de ce projet est François Devaux, cofondateur de La Parole libérée, association fondée à Lyon par des victimes du père Bernard Preynat, mis en examen pour viols et agressions sexuelles sur de jeunes garçons avant 1991. « Aujourd’hui, l’Eglise fait face, pays par pays, à des associations morcelées, explique-t-il. Face à elle, cette organisation devrait pouvoir renforcer notre voix. » Cette fédération a aussi pour objectif « de faire évoluer les consciences et les cultures » pour que dans aucun pays la pédophilie des clercs ne puisse plus déboucher sur une mise en accusation de leurs victimes. Elle épaulera juridiquement et financièrement « les petites associations, souvent bien seules à leur naissance ». Elle a aussi pour vocation de s’adresser aux Etats pour leur demander de prendre leur part dans cette lutte. « L’institution [catholique] n’a pas de contre-pouvoir, résume François Devaux, et c’est la porte ouverte à toutes les dérives. »
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WTF il y a 6 jours
Dans la "check-list" du Pape avant de partir visiter un pays : 1) demander pardon à propos des prêtres pédophiles 2) Dire une messe à l'arrivée 3) caresser la tête d'un enfant de chœur après la communion quand arrivent les photographes 4) tenir une conférence de presse dans l'avion du retour.
 
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WTF il y a 6 jours
Le pape exprime « douleur et honte » à propos des viols et agressions sexuelles commis par des prêtres... Le plus honteux, le plus douloureux dans tout cela c'est que le Pape est quasi systématiquement contraint de le faire à chaque fois qu'il visite d'un pays. On vient d'apprendre que ces mêmes crimes ont été commis dans l'enceinte même du Vatican récemment. Les excuses ou contritions, même papales, semblent bien anecdotiques face à l'ampleur du problème qui se pose à l'Eglise.
 
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SF il y a 1 semaines
" le pape François a nommé Mgr Juan Barros, à la tête du diocèse d’Osorno. Or les associations de victimes du prêtre accusent Mgr Barros d’avoir couvert les agissements de son ancien mentor. Depuis lors, elles organisent dans son diocèse des manifestations de protestation et ne cessent de demander à Rome sa destitution. Ce à quoi François s’oppose résolument, jugeant la contestation dans ce diocèse bête, infondée et politiquement manipulée par « les gauchistes" : quel hypocrite!
 
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FC il y a 1 semaines
Encore des paroles, regrets, pardon, blabla. L'église catholique a toujours couvert les curés pédophiles et fait obstacle à la justice partout dans le monde. Elle se discrédite toute seule, pas besoin d'ennemis ni de complot "gauchiste". Pareil pour la criminalité financière qu'elle a toléré ou carrément couvert (IOR, etc). Et ce n'est en aucun cas le fait isolé de quelques prêtres égarés, mais bien un phénomène structurel, massif. Lire "Péché Originel" de Gianluigi Nuzzi. Très "enrichissant".
 
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JEAN PIERRE LANDRIER il y a 1 semaines
Un long chemin attend François pour aller demander pardon et s’excuser auprès des catholiques de tous les pays du monde !

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