mercredi 14 décembre 2016

saint Jean de la Croix . 1542 + 1591



carme, Docteur de l'Église



J
ean de la Croix (Juan de Yepes Álvarez) naît en 1542 dans le petit village de Fontiveros, proche d'Avila, en Vieille Castille, de Gonzalo de Yepes et Catalina Álvarez.

Jouant un jour au bord d'un étang, il glissa au fond de l'eau ; une grande et belle dame vint lui offrir la main pour le sauver : « Non, dit l'enfant, vous êtes trop belle, ma main salirait la vôtre. » Alors un vieillard se présenta, marchant aussi dans l'eau, tendit son bâton à l'enfant et le ramena sur le bord. Une autre fois il tomba dans un puits ; on croyait l'y retrouver mort ; il était assis paisiblement : « Une belle dame, dit-il, m'a reçu dans son manteau et m'a gardé. »

Ainsi Jean croissait sous le regard de Marie.

Un jour qu'il priait Notre-Seigneur de lui faire connaître sa vocation, une voix intérieure lui dit : « Tu entreras dans un ordre religieux, dont tu relèveras la ferveur primitive. »

Il avait vingt et un ans quand il entra au Carmel, et dépassa de beaucoup tous ses frères, tout en cachant ses œuvres extraordinaires. Il habitait un réduit obscur, mais dont la fenêtre donnait dans la chapelle, en face du Très Saint-Sacrement. Il portait autour du corps une chaîne de fer hérissée de pointes, et par-dessus cette chaîne un vêtement étroit et serré, composé de joncs enlacés par de gros nœuds. Ses disciplines étaient si cruelles, que le sang jaillissait en abondance.

Le sacerdoce ne fit que redoubler son désir de la perfection. Il songeait à s'ensevelir à la Chartreuse, quand sainte Thérèse, éclairée de Dieu sur son mérite, lui confia ses projets de réforme du Carmel et l'engagea à se faire son auxiliaire. Jean se retira dans une maison étroite, pauvre, et commença seul un nouveau genre de vie, conforme aux règles primitives de l'Ordre du Carmel. Peu de jours après, il avait deux compagnons : la réforme était fondée.


Ce ne fut pas sans tempêtes qu'elle se développa, car l'enfer sembla s'acharner contre elle, et tandis que le peuple vénérait Jean comme un saint, il eut à souffrir, de la part de ceux qui auraient dû le seconder, d'incroyables persécutions, les injures, les calomnies, jusqu'à la prison. Pour le consoler, Marie lui apparut et lui annonça sa délivrance prochaine ; en effet, quelques jours après, il se trouva, sans savoir comment, au milieu de la ville de Tolède. Dieu le récompensa de ses épreuves par des extases fréquentes ; sainte Thérèse l'appelait un homme tout divin. Il écrivit des ouvrages spirituels d'une élévation sublime. Une colombe le suivait partout, et une odeur suave s'exhalait de son corps.

Au moment de sa mort, la nuit entre le 13 et le 14 décembre 1591, à Úbeda, en Espagne, un globe de feu brillant comme un soleil entoura son corps.

Jean de la Croix a été béatifié en 1675 par le Pp Clément X (Emilio Altieri, 1670-1676) ; canonisé par le pape Benoît XIII (Pietro Francesco Orsini, 1724-1730), le 27 décembre 1726 ; déclaré docteur de l'Église par le pape Pie XI (Ambrogio Damiano Achille Ratti, 1922-1939) le 24 août 1926.

Pour approfondir, lire la Catéchèse du pape Benoît XVI :




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BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Salle Paul VI
Mercredi 16 février 2011
Saint Jean de la Croix
Chers frères et sœurs,
Il y a deux semaines, j'ai présenté la figure de la grande mystique espagnole Thérèse de Jésus. Je voudrais aujourd'hui parler d'un autre saint important de ces territoires, ami spirituel de sainte Thérèse, réformateur, avec elle, de la famille religieuse carmélitaine: saint Jean de la Croix, proclamé Docteur de l'Eglise par le Pape Pie XI, en 1926, et surnommé dans la tradition Doctor mysticus, «Docteur mystique».
Jean de la Croix naquit en 1542 dans le petit village de Fontiveros, proche d'Avila, en Vieille Castille, de Gonzalo de Yepes et Catalina Alvarez. Sa famille était très pauvre, car son père, issu d’une famille noble de Tolède, avait été chassé de chez lui et déshérité pour avoir épousé Catalina, une humble tisseuse de soie. Orphelin de père dans son jeune âge, Jean, à neuf ans, partit avec sa mère et son frère Francisco pour Medina del Campo, non loin de Valladolid, un pôle commercial et culturel. Il y fréquenta le Colegio de los Doctrinos, en assurant également d'humbles travaux pour les sœurs de l'église-couvent de la Madeleine. Par la suite, vues ses qualités humaines et ses résultats dans les études, il fut admis d'abord comme infirmier dans l'Hôpital de la Conception, puis au Collège des jésuites, qui venait d'être fondé à Medina del Campo: Jean y entra à dix-huit ans et étudia pendant trois ans les sciences humaines, la rhétorique et les langues classiques. A la fin de sa formation, sa vocation lui était très claire: la vie religieuse et, parmi tous les ordres présents à Medina, il se sentit appelé au carmel.
Au cours de l'été 1563, il débuta le noviciat chez les carmes de la ville, en prenant le nom religieux de Mattia. L'année suivante, il fut destiné à la prestigieuse université de Salamanque, où il étudia pendant un triennat les arts et la philosophie. En 1567, il fut ordonné prêtre et retourna à Medina del Campo pour célébrer sa première Messe entouré de l'affection de sa famille. C'est là qu'eut lieu la première rencontre entre Jean et Thérèse de Jésus. La rencontre fut décisive pour tous les deux: Thérèse lui exposa son programme de réforme du carmel, l’appliquant également à la branche masculine de l'ordre et proposa à Jean d'y adhérer «pour la plus grande gloire de Dieu»; le jeune prêtre fut fasciné par les idées de Thérèse, au point de devenir un grand défenseur du projet. Ils travaillèrent ensemble quelques mois, partageant les idéaux et les propositions pour inaugurer le plus rapidement possible la première maison des carmes déchaux: l'ouverture eut lieu le 28 décembre 1568 à Duruelo, un lieu isolé de la province d'Avila. Avec Jean, trois autres compagnons formaient cette première communauté masculine réformée. En renouvelant leur profession de foi selon la Règle primitive, tous les quatre adoptèrent un nouveau nom: Jean s'appela dès lors «de la Croix», nom sous lequel il sera universellement connu. A la fin de 1572, à la demande de sainte Thérèse, il devint confesseur et vicaire du monastère de l’Incarnation d'Avila, où la sainte était prieure. Ce furent des années d'étroite collaboration et d'amitié spirituelle, qui les enrichit tous deux. C'est à cette période que remontent aussi les plus importantes œuvres de Thérèse et les premiers écrits de Jean.
L’adhésion à la réforme du carmel ne fut pas facile et coûta également de graves souffrances à Jean. L’épisode le plus traumatisant fut, en 1577, son enlèvement et son incarcération dans le couvent des carmes de l’antique observance de Tolède, à la suite d’une accusation injuste. Le saint fut emprisonné pendant des mois, soumis à des privations et des contraintes physiques et morales. En ce lieu, il composa, avec d’autres poésies, le célèbre Cantique spirituel. Finalement, dans la nuit du 16 au 17 août 1578, il réussit à fuir de façon aventureuse, se réfugiant dans le monastère des carmélites déchaussées de la ville. Sainte Thérèse et ses compagnons réformés célébrèrent avec une immense joie sa libération et, après une brève période pour retrouver ses forces, Jean fut destiné à l’Andalousie, où il passa dix ans dans divers couvents, en particulier à Grenade. Il assuma des charges toujours plus importantes dans l’ordre, jusqu’à devenir vicaire provincial, et il compléta la rédaction de ses traités spirituels. Il revint ensuite dans sa terre natale, comme membre du gouvernement général de la famille religieuse thérésienne, qui jouissait désormais d’une pleine autonomie juridique. Il habita au carmel de Ségovie, exerçant la charge de supérieur de cette communauté. En 1591, il fut relevé de toute responsabilité et destiné à la nouvelle province religieuse du Mexique. Alors qu’il se préparait pour ce long voyage avec dix autres compagnons, il se retira dans un couvent solitaire près de Jaén, où il tomba gravement malade. Jean affronta avec une sérénité et une patience exemplaires d’immenses souffrances. Il mourut dans la nuit du 13 au 14 décembre 1591, alors que ses confrères récitaient l’office de mâtines. Il les quitta en disant: «Aujourd’hui je vais chanter l’Office au ciel». Sa dépouille mortelle fut transférée à Ségovie. Il fut béatifié par Clément X en 1675 et canonisé par Benoît XIII en 1726.
Jean est considéré comme l’un des plus importants poètes lyriques de la littérature espagnole. Ses plus grandes œuvres sont au nombre de quatre: «La montée du Mont Carmel», «La nuit obscure», «Les cantiques spirituels» et «La vive flamme d’amour».
Dans les Cantiques spirituels, saint Jean présente le chemin de purification de l’âme, c’est-à-dire la possession progressive et joyeuse de Dieu, jusqu’à ce que l’âme parvienne à sentir qu’elle aime Dieu avec le même amour dont Il l’aime. La vive flamme d’amour poursuit dans cette perspective, en décrivant plus en détail l’état de l’union transformante avec Dieu. Le parallèle utilisé par Jean est toujours celui du feu: de même que le feu, plus il brûle et consume le bois, plus il devient incandescent jusqu’à devenir flamme, ainsi l’Esprit Saint, qui au cours de la nuit obscure purifie et «nettoie» l’âme, avec le temps l’illumine et la réchauffe comme si elle était une flamme. La vie de l’âme est une incessante fête de l’Esprit Saint, qui laisse entrevoir la gloire de l’union avec Dieu dans l’éternité.
La montée du Mont Carmel présente l’itinéraire spirituel du point de vue de la purification progressive de l’âme, nécessaire pour gravir le sommet de la perfection chrétienne, symbolisée par le sommet du Mont Carmel. Cette purification est proposée comme un chemin que l’homme entreprend, en collaborant avec l’action divine, pour libérer l’âme de tout attachement ou lien d’affection contraire à la volonté de Dieu. La purification, qui pour parvenir à l’union d’amour avec Dieu doit être totale, commence par celle de la vie des sens et se poursuit par celle que l’on obtient au moyen des trois vertus théologales: foi, espérance et charité, qui purifient l’intention, la mémoire et la volonté. La nuit obscure décrit l’aspect «passif», c’est-à-dire l’intervention de Dieu dans ce processus de «purification» de l’âme. L’effort humain, en effet, est incapable tout seul d’arriver jusqu’aux racines profondes des inclinations et des mauvaises habitudes de la personne: il peut seulement les freiner, mais non les déraciner complètement. Pour cela, l’action spéciale de Dieu est nécessaire, qui purifie radicalement l’esprit et le dispose à l’union d’amour avec Lui. Saint Jean qualifie de «passive» cette purification, précisément parce que, bien qu’acceptée par l’âme, elle est réalisée par l’action mystérieuse de l’Esprit Saint qui, comme la flamme du feu, consume toute impureté. Dans cet état, l’âme est soumise à tous types d’épreuves, comme si elle se trouvait dans une nuit obscure.
Ces indications sur les œuvres principales du saint nous aident à nous familiariser avec les points principaux de sa vaste et profonde doctrine mystique, dont l’objectif est de décrire un chemin sûr pour parvenir à la sainteté, l’état de perfection auquel Dieu nous appelle tous. Selon Jean de la Croix, tout ce qui existe, créé par Dieu, est bon. A travers les créatures, nous pouvons parvenir à la découverte de Celui qui a laissé en elles une trace de lui. La foi, quoi qu’il en soit, est l’unique source donnée à l’homme pour connaître Dieu tel qu’il est en soi, comme Dieu Un et Trine. Tout ce que Dieu voulait communiquer à l’homme, il l’a dit en Jésus Christ, sa Parole faite chair. Jésus Christ est le chemin unique et définitif vers le Père (cf. Jn 14, 6). Toute chose créée n’est rien par rapport à Dieu et ne vaut rien en dehors de Lui: par conséquent, pour atteindre l’amour parfait de Dieu, tout autre amour doit se conformer dans le Christ à l’amour divin. C’est de là que découle l’insistance de saint Jean de la Croix sur la nécessité de la purification et de la libération intérieure pour se transformer en Dieu, qui est l’objectif unique de la perfection. Cette «purification» ne consiste pas dans la simple absence physique des choses ou de leur utilisation; ce qui rend l’âme pure et libre, en revanche, est d’éliminer toute dépendance désordonnée aux choses. Tout doit être placé en Dieu comme centre et fin de la vie. Le processus long et fatigant de purification exige certainement un effort personnel, mais le véritable protagoniste est Dieu: tout ce que l’homme peut faire est d’«être disposé», être ouvert à l’action divine et ne pas lui opposer d’obstacle. En vivant les vertus théologales, l’homme s’élève et donne une valeur à son engagement. Le rythme de croissance de la foi, de l’espérance et de la charité va de pair avec l’œuvre de purification et avec l’union progressive avec Dieu jusqu’à se transformer en Lui. Lorsque l’on parvient à cet objectif, l’âme est plongée dans la vie trinitaire elle-même, de sorte que saint Jean affirme qu’elle parvient à aimer Dieu avec le même amour que celui avec lequel il l’aime, car il l’aime dans l’Esprit Saint. Voilà pourquoi le Docteur mystique soutient qu’il n’existe pas de véritable union d’amour avec Dieu si elle ne culmine pas dans l’union trinitaire. Dans cet état suprême, l’âme sainte connaît tout en Dieu et ne doit plus passer à travers les créatures pour arriver à Lui. L’âme se sent désormais inondée par l’amour divin et se réjouit entièrement en lui.
Chers frères et sœurs, à la fin demeure la question: ce saint, avec sa mystique élevée, avec ce chemin difficile vers le sommet de la perfection, a-t-il quelque chose à nous dire à nous également, au chrétien normal qui vit dans les circonstances de cette vie actuelle, ou est-il un exemple, un modèle uniquement pour quelques âmes élues, qui peuvent réellement entreprendre ce chemin de la purification, de l’ascèse mystique? Pour trouver la réponse, nous devons avant tout tenir compte du fait que la vie de saint Jean de la Croix n’a pas été un «envol sur les nuages mystiques», mais a été une vie très dure, très pratique et concrète, tant comme réformateur de l’ordre, où il rencontra de nombreuses oppositions, que comme supérieur provincial, ou dans les prisons de ses confrères, où il était exposé à des insultes incroyables et à de mauvais traitements physiques. Cela a été une vie dure, mais précisément au cours des mois passés en prison, il a écrit l’une de ses œuvres les plus belles. Et ainsi, nous pouvons comprendre que le chemin avec le Christ, aller avec le Christ, «le Chemin», n’est pas un poids ajouté au fardeau déjà assez difficile de notre vie, ce n’est pas quelque chose qui rendrait encore plus lourd ce fardeau, mais il s’agit d’une chose totalement différente, c’est une lumière, une force, qui nous aide à porter ce fardeau. Si un homme porte en lui un grand amour, cet amour lui donne presque des ailes, et il supporte plus facilement toutes les épreuves de la vie, car il porte en lui cette grande lumière; telle est la foi: être aimé par Dieu et se laisser aimer par Dieu en Jésus Christ. Se laisser aimer est la lumière qui nous aide à porter le fardeau de chaque jour. Et la sainteté n’est pas notre œuvre, très difficile, mais elle est précisément cette «ouverture»: ouvrir les fenêtres de notre âme pour que la lumière de Dieu puisse entrer, ne pas oublier Dieu car c’est précisément dans l’ouverture à sa lumière que se trouve la force, la joie des rachetés. Prions le Seigneur afin qu’il nous aide à trouver cette sainteté, à nous laisser aimer par Dieu, qui est notre vocation à tous et la véritable rédemption. Merci.
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Je salue cordialement les pèlerins francophones, en particulier les jeunes et les formateurs du séminaire de Bayonne, accompagnés de leur Évêque, Monseigneur Marc Aillet! Recueillant le message de saint Jean de la Croix, je vous invite à approfondir votre vie chrétienne et à expérimenter les vertus théologales, source d’une vraie transformation de vos vies et d’une progressive union avec Dieu. Avec ma Bénédiction!
© Copyright 2011 - Libreria Editrice Vaticana

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Jean de la Croix

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Jean de la Croix
Image illustrative de l'article Jean de la Croix
Saint Jean de la Croix.
Prêtre carme, mystique, Saint et Docteur de l'Église
Naissance
Décès
14 décembre 1591 (à 49 ans)
couvent d'Úbeda (Drapeau de l'Espagne Monarchie espagnole)
Nom de naissance
Juan de Yepes Álvarez
Nationalité
Ordre religieux
Vénéré à
Docteur de l'Église
24 août 1926
par Pie XI
Déclaré « Docteur de la théologie spirituelle » et « Docteur mystique »
Vénéré par
Fête
Attributs
habits de carmélite, pieds nus, écrivant
Saint patron
Contemplatifs, mystiques et poètes espagnols
Juan de Yepes Álvarez (en religion Jean de la Croix ou Juan de la Cruz), né à Fontiveros (Espagne) le 24 juin 1542 et mort au couvent d'Úbeda le 14 décembre 1591, est un prêtre carme, saint mystique espagnol, souvent appelé le réformateur et « Saint du Carmel ». Ses écrits mystiques, toujours populaires, font qu'il fut déclaré Docteur de l'Église en 1926. Liturgiquement il est commémoré le 14 décembre.
Né dans une famille aristocratique d'Espagne, il devient carme après ses études alors qu'il songeait à se faire ermite chez les chartreux. Thérèse d'Avila, réformatrice de l'ordre du Carmel, lui demande de prendre en charge l'ordre masculin du carmel. Il accepte et fonde l'ordre des Carmes déchaux. Il accompagne spirituellement les sœurs du Carmel, avant d'être enfermé par les autorités de l'Ordre qui refusent sa réforme. Jean de la Croix fait alors l'expérience mystique qu'il appelle La Nuit obscure (Noche oscura). Il la décrit et développe tout au long de sa vie à travers des traités tels que La Montée du Carmel (Subida del Monte Carmelo), La Nuit obscure (Noche oscura), La Vive Flamme d'amour (Llama de amor viva), ou encore Le Cantique spirituel (Cántico espiritual). Il cherche à y témoigner du chemin des âmes vers Dieu. Après avoir été nommé prieur de divers couvents de carmes déchaussés, il finit par être mis au ban de sa communauté avant de mourir en décembre 1591.
Après sa mort, il est très vite considéré comme un saint et comme l'un des plus grands mystiques espagnols, au même titre que Thérèse d'Avila. L'Église catholique le béatifie en 1675 puis le canonise en 1726. Il est fêté le 14 décembre. Les querelles sur l'illuminisme conduisent cependant à remettre ses écrits en cause, mais la religieuse carmélite française Thérèse de Lisieux contribue fortement à promouvoir l'importance de sa doctrine. Il est proclamé « docteur de l'Église » entre les deux guerres mondiales, le 24 août 1926.
Il est reconnu comme l'un des plus grands poètes du Siècle d'or espagnol. Il est depuis 1952 le saint patron des poètes espagnols. Certains philosophes s'appuient sur ses écrits pour conceptualiser le détachement.

Sommaire

Biographie

Enfance et études

Statue de Jean de la Croix au musée diocésain de Valladolid, en Espagne.
Gonzalo de Yepes et Catalina Álvarez ont déjà un premier fils, François, lorsque naît Jean en 1542 à Fontiveros en Vieille-CastilleNote 1,A 1. Le père, chevalier, appartient à la noblesse espagnole ; selon Jacques Ancet, la famille a fait l'objet de poursuites de la part du Saint-Office, ce qui plaide en faveur de l'hypothèse d'une ascendance juive2. À la suite de son mariage, considéré comme une mésallianceA 1,B 1,C 1, avec Catalina Alvarez, une humble ouvrière, Gonzalo de Yepes a été non seulement déshérité, mais déclassé ; Jacques Ancet note que l'épouse aurait pu accéder au rang social du mari, et que le déclassement permet de supposer que Catalina Alvarez avait des origines morisques2. Le couple vit du tissage, mais la situation économique est difficile d'autant que sévit la famineB 2. Gonzalo de Yepes meurt en 1545 et son frère Luis en 1547A 1. Ces décès affectent beaucoup le jeune Jean, et le marqueront sa vie durantC 1. Les survivants connaissent alors l’exclusion, l’errance et la misère. Le manque d'argent conduit Catalina à confier Francisco, le frère aîné, à un oncle pendant un an avant de le lui reprendre à cause des maltraitances qu'il lui fait subirB 3,C 2.
Francisco la seconde alors dans son métier, et Jean, pour raison de pauvreté, est envoyé dans une école d'orphelins à l'âge de cinq ansB 4. Il y aurait fait une expérience souvent racontée : il manqua de se noyer dans une lagune où il était tombé et y « vit une dame très belle qui lui demandait sa main et lui tendait la sienne, et lui qui ne voulait pas la donner pour ne pas salir celle de la dame, et, à cet instant critique, arriva un laboureur qui, avec une perche, le sortit de làB 4 ». Dans la dame, les hagiographes ont reconnu la Vierge MarieB 4.
En 1548, devant la famine et la sécheresse qui sévissent à Fontiveros, la famille décide de s'installer à ArévaloC 2. Francisco, le frère aîné, commence alors à avoir de mauvaises fréquentations, avant de rencontrer sa future femme, AnaB 5. Il décide alors de venir en aide aux pauvres de la ville. Il les amène chez lui en hiver et, très vite, Jean découvre ainsi l'aide et le secours prodigués aux pauvresB 5. Tout au long de sa vie, Jean gardera une profonde amitié pour son frère dont il restera l'un des rares auquel il se confie parfoisC 3,Note 2.
La situation familiale ne s'améliorant pas, Catalina décide, pour survivre, de déménager à Medina del Campo où elle trouve du travail comme tisserande. Dans un état de grande pauvreté, ils s'installent tous ensemble dans la même maison : Catalina, Francisco et sa femme Ana, ainsi que JeanB 6,C 3.
Jean, parrainé par Rodrigo de Duenas, étudie au collège de la Doctrine chrétienne tenu par des frères. Il y apprend à lire, écrire, compter et prend connaissance de la doctrine chrétienneB 7,C 4. Il ne peut étudier qu'en échange de services rendus à la paroisse de la Madeleine tels le nettoyage de l'église, le service comme enfant de chœur, l'aide aux religieusesB 7,C 4. Jean se montre bon élève. Rodrigo de Duenas exige cependant que les enfants du collège apprennent un métier qui leur permette d'aider à subvenir aux besoins de leur familleB 8. Jean s'essaie à plusieurs activités mais il ne se montre pas très habile et doit en changer plusieurs fois ; il est successivement charpentier, tailleur, sculpteur sur bois, puis peintreA 2,B 8.
Sa mère l'envoie provisoirement au couvent de la pénitence où il est servant de messe. Un gentilhomme, Alvarez de Toledo, retiré du monde pour s'occuper des pauvres à l'hôpital de Medina del Campo, prend l'adolescent au service des indigents et comme infirmier à l'hôpitalA 2,B 9,C 4. Jean obtient finalement une licence pour suivre les cours du collège des jésuites de Medina del Campo, et y apprend la philosophie, la rhétorique, le latin et la grammaire, tout en poursuivant son travail à l’hôpitalA 3,C 4. Il se montre particulièrement doué pour les étudesB 10.
Il vit encore chez ses parents avec son frère Francisco et Ana. Le couple a eu des enfants dont aucun n'a survécu, sans doute à cause de l'extrême misère ambiante. Jean qui a vu mourir deux des enfants de son frère en est profondément marquéB 7. Il reste dévoué aux pauvres, notamment aux mendiants, à la recherche de familles pour accueillir les orphelinsB 11.

Entrée au Carmel

À l'âge de 21 ans, Jean termine ses humanités ; il apprend les règles de la prosodie avec le père BonifacioA 4. Alvarez de Toledo et sa mère décident d'en faire le prochain chapelain de l'hôpital de Medina et, dans cet objectif, l'envoient parfaire ses étudesA 5. Cependant Jean de Yepes avait eu maintes fois l'occasion de rencontrer des carmes. Il leur demande de l'accepter au sein de l'Ordre de Medina del CampoB 12,C 5. Le jeune homme intègre la communauté de Medina en 1563A 5,C 5. Il prend alors le nom de « Jean de Saint-Matthias », en référence à l'apôtre du même nomC 5. Il y découvre La règle de l'Ordre des frères et sœurs de Notre Dame du Mont Carmel ainsi que L'institution des premiers moines, deux œuvres qui fondent la spiritualité de l'ordre du CarmelC 6. Il découvre aussi l'importance du renoncement dans la vie contemplative et mène une vie ascétique faite de pénitenceB 13,C 6. Un an plus tard, il prononce ses vœux perpétuels de pauvreté, d'obéissance, et de chastetéB 13. Le supérieur décide de l'envoyer poursuivre ses études au couvent Saint-André annexé à l'université de Salamanque, qui compte près de six mille étudiants, l'un des principaux foyers de réflexion du continent, l'une des quatre plus grandes universités d'Europe avec Paris, Oxford et BologneA 6,B 14. L'université de Salamanque organise de nombreux débats, notamment autour de la modernité : la récente découverte et exploration de l'Amérique, la question de la place des pouvoirs du pape face au pouvoir temporel, par exempleC 7.
De 1564 à 1568, Jean de Saint-Matthias étudie trois années durant la philosophie et la théologie morale de Thomas d'Aquin, devenu l'un de ses grands maîtres spirituelsA 6. Il étudie aussi Aristote, Platon, et les écrits d'Augustin d'HipponeC 8. Il poursuit sa quête incessante de pénitence, dormant sans matelas, portant le cilice et passant de nombreuses heures de la nuit en prièreB 15. Étudiant brillant, il devient préfet des étudesA 7,C 9. À la fin de son cursus à Salamanque, il rédige un mémoire dans lequel il défend que la pratique du mysticisme, recherche du sensationnel, conduit à l'illuminisme, obstacle à la claire vision de la beauté de la contemplationB 15.
Cependant, Jean de Saint-Matthias a la certitude d'être investi par la présence divineA 8,C 9 et décide de consacrer sa vie à Dieu dans la voie contemplative. Il est d'abord persuadé que seul l'ordre religieux de la Chartreuse peut lui permettre de réaliser sa vocationA 7,B 16. Il veut alors entrer à la Chartreuse de SégovieA 9. Ordonné prêtre en octobre 1567, il dit sa première messe en présence de sa mère Catherine et de son bienfaiteur Alvarez de ToledoA 9,B 17,C 10. Au cours de l'office, affirme-t-il, il a obtenu une grâce spéciale que la théologie appelle la « confirmation en grâce », c'est-à-dire la certitude qu'il n'offenserait jamais Dieu. Cette révélation était d'autant plus importante qu'il était très souvent tourmenté par la peur de l'offenser gravementC 11.

Fondation des carmes déchaussés avec Thérèse d'Avila

Statues représentant Jean de la Croix et Thérèse d'Avila.
Au moment où Jean entre dans les ordres, Thérèse d'Avila réforme le Carmel, qui devient le « carmel déchaussé » (le nom « déchaussé » vient du fait que les carmélites ne portent plus de chaussures mais des sandales)B 18. Elle souhaite y fonder une branche masculine. Elle a déjà obtenu l'autorisation du supérieur des carmes, Rubeo de Ravenna, de la constituerB 18. Elle cherche alors des volontaires pour entrer dans la nouvelle congrégation. Antoine de Heredia accepte la nouvelle règle mais Thérèse d'Avila lui demande de patienter un an afin de discerner s'il a la ferme volonté de fonder la branche masculine du carmel déchausséB 19,C 10. Alors qu'elle arrive à Medina del Campo, elle entend parler de Jean de Saint-Matthias, frère carme chaussé qui mène une vie d'ascèse et de pénitenceB 20. Thérèse d'Avila décide de le rencontrer et pour cela assiste à sa première messeA 10,B 21.
Elle a alors un long entretien avec Jean de Saint-Mathias au cours de laquelle elle lui fait part de sa volonté de réformer l'ordre. Elle lui demande son aide pour diriger la réforme de l'ordre masculin des carmes déchaussésA 10,B 21. L'objectif de cette réforme est de retourner aux pratiques primitives de l’Ordre. Jean accepte et renonce à devenir chartreuxC 10. Thérèse d'Avila lui demande toutefois de poursuivre ses études avant de commencer l'entreprise, en attendant l'autorisation des supérieurs ; il retourne donc à l'université de Salamanque pour achever sa formationA 11,B 21,C 10.
Pendant ce temps, Thérèse d'Avila fonde un nouveau couvent réformé à Valladolid. Elle reçoit en don une maison destinée à devenir le nouveau carmel de DurueloA 11,B 22. Elle décide d'y implanter le premier couvent des carmes déchaussés. Un an après leur première rencontre, en septembre 1568, Jean se rend à Valladolid accompagné de deux autres carmes, Joseph et Antonio. L'objectif de voyage est de juger sur place la réforme avant de partir pour DurueloA 12,C 12. Thérèse d'Avila décrit alors Jean de manière élogieuse : « Le père frère Jean est une des âmes les plus pures, les plus saintes que Dieu ait faites sur cette terre. Sa majesté lui a communiqué de grandes richesses de sagesse célesteB 23 ».
Représentation de la Vierge du Carmel avec les fondateurs du Carmel : Thérèse d'Avila, Jean de la Croix et Anne de Jésus.

Duruelo : Bethléem des carmes déchaux

La maison de Duruelo, offerte à Thérèse d'Avila pour sa fondationC 13 est un lieu modeste que la religieuse surnomme « Duruelo Bethléem », en référence au lieu de naissance de Jésus-ChristC 13. Arrivée à Duruelo, le 28 novembre 1568, Jean de Saint-Matthias prend alors le nom de « Jean de la Croix », qu'il gardera jusqu'à sa mortB 24,C 13. Il s'y installe avec deux autres compagnons et porte l'habit de carme confectionné par Thérèse d'Avila : une bure retenue par une ceinture, le scapulaire de l'Ordre et un court manteau blancA 13. Ils promettent de vivre selon la règle des carmes non réformés qui date du pape Innocent IVC 13. Jean travaille avec acharnement à des ouvrages de maçonnerie en vue de préparer le premier couvent des carmes déchaussésB 25. Ses compagnons et lui prêchent aux alentours menant une vie très simple et très sobreC 14.
Les premières années à Duruelo sont marqués par une radicalité importante : Jean de la Croix part évangéliser pied nu, et parfois malgré la neige. Il prêche et prie la nuit, dormant très peu et dans des conditions très précaires, la maison n'étant pas très bien isolée du froidA 13. De plus, Jean de la Croix pratique une vie intense de mortification : il porte le cilice et s'impose différents autres types de pénitences physiques comme le jeûne. Il justifie cette dureté par la nécessité de rétablir en lui l'ordre détruit par le péché, mais aussi afin de faire réparation pour les autresA 14,B 26. Thérèse d'Avila cherche à modérer ce qu'elle considère comme un excès de pénitence qu'elle juge trop lourd à porterB 26.
Pendant qu'un nouveau carmel déchaussé est fondé à Pastrana — celui de Durelo étant trop petitA 15,B 26,C 14 —, ces pratiques extrêmes commencent bien vite à poser problème : les novices à présent nombreux tentent de se démarquer par l'imitation de Jean de la Croix. Il est alors envoyé à Pastrana où il demande qu'on se limite, dans les pratiques d'austérité, aux seules exigences de la règle du CarmelA 15. Il a compris le danger des excès de pénitence et dénoncera, dans La Nuit obscure (Noche oscura), les débordements de ses débuts, affirmant : « Ce sont des pénitences de bêtes, vers lesquelles comme des bêtes on se laisse attirer, trompé par le désir et la satisfaction qui en résultentB 25,3 ». La fondation de Pastrana attire de nombreuses recrues. Jean de la Croix fonde également un carmel à Mancera.
Le 1er novembre 1570, alors âgé de 28 ans, il est nommé recteur du Collège que la réforme fonde à Alcala de Henares. Cette charge ne l'écarte pas de ses études de théologie qu'il poursuit tout en enseignant aux carmes déchaussésA 16,C 15. Une rumeur circule selon laquelle Jean exigerait trop d'austérité à ses novices, leur demandant de maintenir la règle de l'ordre (i.e. déchaussé) tout en étudiant (« étudiants et religieux, mais religieux d'abord »). Il est encouragé dans ses démarches lors de la visite d'un dominicain B 27. Jean partira toutefois pour Pastrana pour modérer les pénitences qui y sont pratiquéesC 16. Il fera également en sorte que les novices n'aient plus qu'un directeur spirituel pour les suivre et les accompagner en continu. C'est à partir de ce moment que Jean est considéré comme le maître de la réformeB 28.

Accompagnateur des carmélites d'Avila

Portrait de Jean de la Croix du XVIIe siècle, par un anonyme.
En 1571, un visiteur apostolique (membre de l'Église envoyé par le pape) nomme Thérèse d'Avila prieure du monastère de la Visitation d'Avila, le grand couvent où elle était entrée à vingt ans pour y conduire sa réforme du carmel déchausséA 16,B 29,C 16. En 1572, elle fait venir Jean de la Croix et le nomme directeur spirituel des religieuses, avec un autre carme déchausséA 16,B 29.
Pendant trois ans, Jean de la Croix va vivre dans une profonde solitude et va accompagner spirituellement les 130 religieuses du couvent carmélite d'AvilaB 30,C 17. Son accompagnement est d'une grande aide dans l'instauration de la nouvelle règle du Carmel, et il est très vite apprécié par les carmélites. Anne de Jésus affirme : « Elles reconnaissent son génie dans le gouvernement des âmes, sa patience infinie, les conduisant à petite allure, sans violence et par des petits moyens, au point qu'il vient à bout des plus délurées qui laissent leurs coquetterie et les choses du monde pour se soumettre à sa parole, car elle est à la fois humaine, céleste et pleine d'amourB 31 ». L'accompagnement spirituel de Jean de la Croix a sans doute un grand impact sur Thérèse d'Avila qui commence à écrire ses principaux chefs-d'œuvre et prières, dont la célèbre « Que rien ne te trouble, que rien ne t'effraie, Dieu seul suffitC 17 ».
Jean de la Croix vit seul dans une maison aux abords du couvent. Il n'a de contact avec le monde que quand il va chez les religieuses pour des directions spirituellesA 16. Très vite, il acquiert une réputation de sainteté à Avila même, et il commence à développer sa doctrine spirituelle, notamment en écrivant, sur de petits billets qu'il laisse à certaines sœurs, des phrases pour les encouragerB 32. Il y pousse les religieuses à se détacher des choses du monde, arguant que « L'âme qui s'attache à ses appétits n'est pas plus libre pour contempler Dieu que la mouche qui se pose sur du miel pour volerB 33 ». Il affirme ailleurs que : « Celui qui ne sait pas éteindre ses appétits chemine vers Dieu tel un homme tirant péniblement un chariot jusqu'au sommet d'une côteB 34 ». Il encourage ceux qui souffrent : « Quand tu portes un fardeau, tu es en compagnie de Dieu qui est lui même ta force car Il est proche de ceux qui sont dans la peine. Quand tu n'as pas de fardeau, tu es en société avec toi-même qui n'est qu'infirmitéB 33 ».
Pour Jean, le silence est un moyen d'accéder à Dieu puisqu'il permet de limiter l'expérience des sens et réduit les activités désordonnées de l'intelligence. Il affirme : « Le Père a dit une parole qui est son Fils et Il la dit toujours dans un éternel silence et c'est seulement le silence que l'âme entendB 33,A 17 ». Jean fuit toute lecture qui n'est pas la Bible, et évite les sentiments pour n'éprouver plus que la foi pureA 18. C'est à travers cette recherche qu'il découvre l'expérience de ce qu'il appelle la « nuit de la foiA 19 ».
Dans cette quête du Divin, il expérimente une souffrance intérieure qu'il interprète comme une conséquence du péché : les facultés humaines ne sont pas adaptées, selon lui, à la découverte de DieuA 20. Il compare alors cette souffrance à celles décrites dans les Évangiles lors de la Passion du ChristA 21. L'enseignement de Jean de la Croix influence beaucoup Thérèse d'Avila, qui écrit l'une de ses principales œuvres, le Château intérieur après avoir reçu son accompagnementB 35.
En 1574, Thérèse d'Avila fonde un nouveau carmel à Ségovie et elle demande à Jean de la Croix de l'accompagner dans cette nouvelle institutionB 36. Un jour de 1575, dans le couvent de l'Incarnation, Jean de la Croix a une vision du Christ en croix, qu'il représente « vu d'en haut ». Ce dessin inspire plus tard le peintre Salvador Dalí qui peint en 1951 Le Christ de saint Jean de la Croix4)B 37,C 18. Cette vision conduit Jean de la Croix à approfondir ses méditations sur la souffrance du Christ, dont il écrit dans La Montée du Carmel (Subida del Monte Carmelo) : « Durant sa vie, il n'eut pas où reposer sa tête et à l'heure où il expira moins encore. Son Père le délaissait pour qu'il payât purement la dette de l'humanité et qu'il unît l'homme à Dieu, lui-même demeurant anéanti comme réduit à rienB 37 ».

Prisonnier à Tolède

Article détaillé : Nuit obscure de l'âme.
Les années 1576 et 1577 marquent des changements importants pour la réforme du Carmel déchaussé. Jean de la Croix bénéficie de la faveur du roi, de la protection du nonce et de celle des visiteurs apostoliquesA 22. Cependant, le père Rubeo, membre des carmes chaussés incite des religieux de son ordre, qui mettent en application la réforme du Carmel, à revendiquer une plus grande indépendanceA 23. Ces bruits s'amplifient et conduisent à de profondes divisions. Un chapitre des Carmes chaussés décide alors de son arrestation temporaire en 1576 à Medina del Campo. Il est cependant très vite relâché. Les carmes chaussés cherchent alors à anéantir la réforme des déchaussés. Le 18 juin 1577, meurt le nonce Ormaneto, représentant du pape en Espagne et favorable à la réformeB 38. Un chapitre général de l'Ordre, qui réunit tous les supérieurs de l'Ordre des Carmes, se tient à Plaisance en Italie. Il décide de déclarer rebelles les Carmes déchaussés, et accuse Jean de la Croix d'être le meneur de la rébellionA 23. Ils cherchent à faire exclure Thérèse d'Avila du couvent des carmélites déchaussées, et, pour cela, ils conduisent à l'élection d'une nouvelle supérieure avant de faire exclure Jean de la CroixB 39.
Extrait du poème La Nuit obscure faisant mention de la fuite par l'escalier secret (plaque commémorative de la fondation du carmel à Tolède).
Dans la nuit du 2 décembre 1577, Jean de la Croix est fait prisonnier par une troupe armée dirigée par le Père Moldonado, opposant à la réforme des carmes déchaussés. Il est emmené de manière secrète à Tolède puis retenu dans un cachot du couvent des carmes chaussésA 23,B 39,C 19. On lui demande d'abjurer et de renoncer à la réforme du carmel, ce qu'il refuseC 19. Cette arrestation marque un changement important dans la vie de Jean de la Croix : il souffre physiquement. En effet, le cachot ne permet de voir le jour que par le toit ; le régime punitif de cette réclusion est proche de celui d'un jeune forçat ; il doit affronter de fortes chaleurs et il reçoit aussi des coups de la part des geôliers qui le considèrent comme un rebelleA 24,C 20. La souffrance est aussi psychologique : on l'exhorte à quitter la réforme et il ne reçoit aucune nouvelle de l'extérieurA 24, de plus, au début de son incarcération, on lui refuse tout accès à la Bible ou à aucun livreC 21. Dans sa foi, Jean de la Croix souffre de ce qu'il définit comme la « nuit de la foi »: un abandon apparent de Dieu et de toute son œuvreA 25. Cette période est cependant l'une des plus intenses de sa vie spirituelle ; il parvient après plusieurs mois à avoir du papier et rédige ses poèmes, dont Le Cantique spirituel (Cántico espiritual)A 26,C 22. Son passage en prison est « un temps de naissance à soi-même, temps qui lui aura permis de devenir pleinement créatif » selon Dominique Poirot5.
Jean de la Croix va rester neuf mois à Tolède, dans des conditions très difficiles : chaque semaine il est fouetté et insulté pour vouloir poursuivre la réforme déchausséeB 40. Il parvient toutefois à s'échapper mystérieusement le 17 août 1578A 26,B 41. Il entreprend d'écrire de nouveaux poèmesB 42. Épuisé, il reste caché pendant deux mois chez les sœurs déchaussées de Tolède où il réécrit Le Cantique Spirituel qu'il avait appris par cœurB 43. Il participe alors à un chapitre des carmes déchaussés qui demande la séparation officielle de cette nouvelle branche de l'ordreB 44,C 23. Cette décision conduit à un renforcement de l'opposition des carmes chaussés, ce qui entraîne l'excommunication de Jean de la CroixB 45. Pour tenter d’apaiser la situation, les frères de la Réforme l’envoient à Jaén dans le sud de l’Espagne. Il accompagne aussi Thérèse dans ses dernières fondations. Il fonde, près de l’université de Baeza, un collège carmélitain pour les jeunes étudiants de la RéformeC 24.

Chantre de l'amour

Autel consacré à Jean de la Croix dans l'église de Los Descalzos à Écija.
Après son incarcération à la prison de Tolède, les tensions entre les carmes poussent Jean de la Croix à s'installer dans le couvent du Calvario, dans les montagnes de la Sierra Morena en AndalousieA 27,C 23. Il part en novembre 1578. Sur la route du couvent du Calvario, il passe par Beas de Segura et y rencontre la supérieure du carmel déchaussé, Anne de Jésus ; il y récite son Cantique spirituelA 27,B 46,C 25. Jean de la Croix contribue à diminuer les pénitences des trente carmes présents, même s'il en maintient la rigueurB 47,C 26. Il continue d'écrire des poèmes et passe de longs moments en méditationB 48.
Du couvent du Calvario Jean de la Croix descend régulièrement au couvent du carmel déchaussé de Beas de Segura. Il s'y est lié, dans une relation étroite, avec Anne de JésusA 28. Il devient le directeur spirituel des carmélites et leur écrit des billets ou des vers pour les aider dans leurs vies spirituellesB 49. Cette production spirituelle et littéraire a été réunie sous le titre Paroles de lumière et d'amourB 49. Sur la demande d'Anne de Jésus, Jean de la Croix écrit aussi un commentaire sur le Cantique spirituel qu'il a dictéA 28. Les membres de l'université de Baeza lui demandent de devenir recteur, ce qu'il accepteA 29.
Afin d'accompagner les carmélites, il dessine le croquis de la montée du Carmel, dans lequel il montre le chemin pour parvenir à l'union à DieuB 50. Le dessin montre différents itinéraires pour s'unir à Dieu, comme ceux de l'imagination, de l'intelligence ou de la volonté. Tous ces chemins ne mènent cependant pas à Dieu et le seul et ultime moyen est le « rien » : Jean de la Croix prône un détachement intégral comme le fera plus tard sainte Thérèse de Lisieux. Au bas du croquis, il joint un poème dans lequel il affirme : « Pour parvenir à être tout, Ne cherche à être quelque chose en rienB 51 ». Ce dessin de Jean de la Croix lui inspire plus tard un ouvrage : La Montée du CarmelB 52.
Jean quitte le monastère de Calvario pour fonder un nouveau couvent carme à Baeza. Il en achève la construction le 13 juin 1579B 53,C 27. Baeza est une ville universitaire importante. Jean de la Croix y donne des cours aux carmes, et continue à écrire des poèmes et des réflexionsC 28. Il retourne souvent à Béas afin d'accompagner les carmélitesB 54,C 28. Au début de 1579, la région est victime de la peste. Jean de la Croix soigne alors les malades, recherche de la nourriture, et visite les souffrants. La mère de Jean de la Croix, Catalina, meurt au cours de l'épidémieB 55,C 29.
Le 22 juin 1580 marque une date importante pour le nouvel ordre du carmel : le pape Grégoire XIII signe le décret de séparation dénommé « Pia Consideratione » qui conduit à la distinction entre carmes chaussés et déchaussésB 56,C 29. Le dominicain Juan de las Cuevas est nommé pour faire exécuter les décisionsB 57. Un chapitre réunit alors tous les supérieurs des Carmes le 3 mars 1581 à Alcala de Henares, où est donnée une fête splendide C 29. Les principales décisions de l'ordre sont prises : Jean de la Croix est réélu et il rédige les constitutionsC 30. Le chapitre décide aussi d’envoyer des religieux en mission au Congo. Il use de son influence afin que les supérieurs des carmes participent aux tâches les plus simplesB 58. Jean écrit à une sœur sa souffrance d’être séparé de Thérèse d'Avila : « Consolez-vous avec mon exemple, car je suis ici en exil et solitaire. Depuis que cette baleine m’a avalé puis vomi en ce port étranger, je n’ai plus pu revoir Mère Teresa, ni les saints qui sont là-bas, chez vous. Dieu a bien agi. En définitive l’abandon affine, et souffrir les ténèbres donne une grande lumièreB 59. » Le nouveau vicaire veut éloigner Jean de la Croix et l’envoie fonder un nouveau monastère à GrenadeB 59.
Bronze de Rafael Pi Belda à Caravaca de la Cruz (Murcie).

Grenade

Jean de la Croix rencontre Thérèse d'Avila une dernière fois. Elle lui demande de fonder, avec Anne de Jésus, un nouveau monastère à GrenadeB 60. Tous deux s'y rendent, et ils y sont alors accueillis par Dona Ana en 1582B 61. Le supérieur de la province du Carmel de Grenade est Diego de la Trinidad.
Jean de la Croix, maçon et jardinier, construit un nouveau monastère avec quelques frères. Il reçoit l’aide de son frère Francisco de YepesB 62. Jean de la Croix, lors de ses directions spirituelles, montre l'importance qu'il attache à ces directions au cas par cas, agissant avec délicatesse : « Qui donc a vu que les vertus de Dieu s’enseignent à coups de bâton et avec rudesse B 63? ». En tant que supérieur, il se montre ferme mais doux : « Sa continuelle conversation était de Dieu, aussi bien en récréation que dans les autres lieux. Et il avait tout de grâce en traitant ces choses de Dieu qu’il nous faisait tous rire et nous rentrions ayant beaucoup de plaisirB 64 ».
Pendant le priorat d'Anne de Jésus à Grenade, il est supérieur du couvent de la même ville. On l'appelle aussi couvent de Los Martires (« couvent des martyrs6 »). En tant que directeur spirituel des religieusesB 65, il permet l’entrée de postulantes sans dot, dont Marie de la CroixB 65. Sa santé s'affaiblit cependantB 66. Il poursuit ses directions avec certaines personnes, en écrivant des lettres dans lesquelles il encourage à vivre un détachement complet : « Voyez ce qui peut se passer dans l’âme, dans l’état où vous êtes. Comme elle marche dans les ténèbres et le vide de la pauvreté spirituelle, elle pense que tout et tous lui manquent… Mais il ne lui manque rien. Celui qui ne veut rien d’autre que Dieu ne marche pas dans les ténèbres. Bien qu'il ne voie davantage dans l’obscurité et [soit] plus pauvre, celui qui ne fait pas sa volonté propre n’a pas de quoi trébucherB 67. »
Il apprend la mort de Thérèse d'Avila survenue en octobre 1582. Victime de critiques et de calomnies, il est le sujet d'un nouveau chapitre réuni en 1583 à Almodóvar, organisé par le supérieur le Père GratienB 68. Jean de la Croix est maintenu supérieur de GrenadeB 69.

Écrivain

Portrait de Jean de la Croix du XVIIe siècle, anonyme.
En 1583, en revenant du chapitre d'Almodovar, Jean de la Croix retourne auprès des carmélites avec Anne de Jésus pour effectuer des directions spirituelles. Il aide alors les religieuses en leur prodiguant des billets et des petits traités comme : Les Propriétés du passereau solitaire, Les Précautions, Les Dits de lumière et d'amour dans lesquels il explique sa doctrineB 70. Or Anne de Jésus lui demande une explication aux poèmes qu'il a écrits en sortant de sa prison de TolèdeB 71. Après un refus, Jean de la Croix décide finalement d'écrire une explication de son poème, après avoir mis en garde contre la difficulté d'expliquer ses écrits, qu'il dit inspirés par l'Esprit Saint ; il écrit une explication de chaque strophe, le tout donnant naissance à ses traités spirituels tels : la Montée du Carmel et La Nuit obscure, dans lesquels il décrit les étapes de l'ascension de l'âme vers DieuA 29,B 71,A 30. Ces deux traités tentent de décrire les actions de Dieu et tracent les contours de la théologie de Jean de la Croix : « En toute âme, même en celle du plus grand pécheur du monde, Dieu réside et demeure substantiellement7,B 72. »
Dans son ouvrage La Montée du Carmel, il développe son croquis représentant sa montée du Mont Carmel. Il montre que les différents chemins qui mènent à Dieu sont : l'intelligence, l'imagination, la volonté, etc. « Dieu meut tous les êtres selon le mode de leur nature », Dieu élève l'âme « en l'instruisant des formes, des images et des moyens sensibles et selon son mode de comprendre, par des voies naturelles et surnaturelles, puis par des méditations discursives jusqu'à la souveraine grandeur de son esprit8,B 73 ». Cependant, l'âme doit se détacher de tout pour parvenir à la véritable union à Dieu : « En cette nudité l'esprit trouve son repos, car ne désirant rien, rien ne le fatigue vers le haut, rien ne l'opprime vers le bas, puisqu'il est dans le centre de lui-même qui est Dieu9,B 52 ».
Jean de la Croix parcourt la région afin de fonder de nouveaux monastères. Toujours accompagné d’un frère laïc, à dos d’âne ordinairement, il voyage beaucoup pour encourager les nouveaux couvents de frères et de moniales. Il continue à écrire ses traités. Quelque temps plus tard, à la demande d'une de ses filles spirituelles, il écrit La Vive Flamme d'amour (Llama de amor viva), en quinze jours, traité précisant sa doctrine spirituelleA 31,B 74. Dans cet ouvrage, Jean de la Croix affirme que Dieu est au centre de l'âme, en son lieu le plus profond. Il parle de la présence et de l'union de l'âme à Dieu en la comparant à un feu intérieur (d'où le titre de son ouvrage)B 75. Là encore Jean de la Croix affirme que l'union à Dieu doit passer par une purification douloureuse. Afin de parvenir à cette union, il prend appui sur l'expérience de la transverbération de Thérèse d'Avila pour décrire cette intimitéB 76.

Charges et réformes

En 1585, devant l'importance du nouvel ordre religieux des carmes déchaussés (plus de 500 personnes y sont alors entréesB 77), un chapitre est convoqué au PortugalB 77. Jean de la Croix fonde un couvent à Malaga et un autre chapitre est convoqué à Pastrana le 17 octobre 1585B 78. Le chapitre vote le transfert des restes de Thérèse d'Avila au couvent de l'incarnation à AvilaB 79. Jean de la Croix n'est plus le prieur de Grenade, mais devient le vicaire provincial d'Andalousie (le responsable des carmes dans toute la province)B 79.
Jean de la Croix voyage alors beaucoup. Il visite les nombreux couvents carmes d'Andalousie, il donne des conseils sur la conduite des frèresB 80. Il fonde une nouvelle institution à SégovieB 81. Cependant, la santé de Jean de la Croix se montre fragile et il doit s'arrêter à Guadalcázar, où il tombe maladeB 80.
En 1586, Doria, le supérieur des carmes décide de convoquer un nouveau chapitre à Madrid pour le 13 aoûtB 82. Jean de la Croix part pour Madrid et est accompagné par Anne de Jésus qui doit fonder un carmel dans la région de cette villeB 82. Au cours du chapitre, il est décidé de publier les œuvres de Thérèse d'Avila, ainsi que le passage sur l'unification du rite romain au sein des carmes déchaussésB 82.
Il retourne en Andalousie où il rencontre la carmélite Marina de San Angelo et parle avec elle de l'oraison. Il lui démontre l'importance de l'examen de conscience afin de rechercher tout ce qui peut nous séparer de DieuB 83. Lors de ce retour, il confie néanmoins sa souffrance du fait que ses avis ne sont jamais écoutés et suivis dans les décisions des chapitresB 84.
Le 18 décembre 1586 il fonde de nouveau à Caravaca et repart à BeasB 85. Doria convoque alors de nouveau un chapitre pour avril 1587 à ValladolidB 85. Jean de la Croix est dispensé de toutes ses charges sauf celle de prieur de Grenade. Le 10 juillet 1587, le pape Sixte Quint érige l'ordre des carmes déchaussés en congrégation à part entièreB 86.
Vision de Jean de la Croix, de Josefa de Óbidos, 1673, à la Santa Casa de Misericórdia, Figueiró dos Vinhos, Portugal.

Prieur à Ségovie

Jean de la Croix, prieur de SégovieB 87,A 32,C 31, devient alors l'un des consultateurs de l'ordre. Il fonde un monastère dans la ville, avec Doña Ana, celle qui a reçu le livre La vive flamme d'amour, et qui finance l'institution religieuseB 88,C 31. Jean de la Croix s'occupe alors des nombreuses demandes de la consulta, organe dirigeant des carmes, et passe de longs moments à prierB 89,C 32. Des rumeurs et des critiques s'élèvent mais il refuse de changer de comportement ou d'adopter une attitude méfiante vis-à-vis de certaines personnes : « mieux vaut se laisser tromperB 90 » dit-il, plutôt que de perdre sa pureté de cœur.
Lors d'une de ses oraisons, il contemple un tableau de Jésus crucifié quand il affirme entendre une voix qui lui demande : « Jean, que désires-tu pour tous les travaux que tu as endurés pour moi A 33? ». Il répond alors ne vouloir rien d'autre que « souffrir et être méprisé pour vousA 33,B 91,C 33 ». Il affirme d'ailleurs dans son commentaire du Cantique spirituel que « Souffrir est le moyen par excellence pour aller plus avant dans la délectable et profonde sagesse de Dieu » ; critiquant ceux qui refusent la souffrance, il dit : « Ô Vérité méconnue, quand pourra-t-on faire comprendre que la profondeur de ta Sagesse et des richesses infinies de Dieu est inaccessible à ceux qui repoussent les souffrances, à ceux qui ne désirent pas, et n'y trouvent pas la consolation de leur âme A 34? ».
Dans le même temps, les carmélites demandent à Doria de le prendre comme directeur spirituel, ce qui vexe les supérieurs des carmesB 92. Un nouveau chapitre est convoqué le 2 juin 1591B 92. Jean de la Croix n'a alors plus aucune charge au sein des carmes, ce qui l'empêche d'avoir un rôle spirituel auprès des carmélitesB 93. Il donne ses derniers conseils aux religieuses dans une lettre : « Où il n'y a pas d'amour, mettez de l'amour et vous obtiendrez de l'amourB 94 ».

Calomnies et mort de Jean de la Croix

Sépulture de Jean de la Croix au Carmel de Ségovie.
Alors qu’il a été présent au départ de la réforme et qu’il a assumé différentes responsabilités, excepté celle de supérieur provincial, il finit par être marginalisé de nouveau en 1591, lors du chapitre général des carmes déchaussésA 35,C 33. Le chapitre général veut l’envoyer fonder des communautés au Mexique avant de réduire son statut à celui de simple religieux. Il est d'abord envoyé au couvent de La Peñuela en AndalousieA 35. Il se réjouit cependant de cette exclusion dans laquelle il voit une similitude avec Jésus-Christ lors d'une lettre à Anne de Jésus : « Désirez vous rendre semblable à notre grand Dieu humilié et crucifié, car si cette vie ne sert à l'imiter, à quoi est-elle bonne C 33? ».
Il retourne en Andalousie à l'automne, à Penuela, où il devient simple carmeB 95. Diego Evangelista, un carme qui voue une haine féroce à Jean de la Croix, profite de ses pouvoirs donnés au chapitre pour mener une enquête contre luiB 95. Il détourne des témoignages et veut le décrire comme un « coureur de bures », essayant de discréditer le mystiqueB 96,A 36.
Jean de la Croix tombe malade le 10 août 1591, victime d'un érysipèle. Il est porteur d’une fièvre qui ne le quitte plus et il ne peut pas rester dans le petit couvent de La PeñuelaA 35,C 34. Le 28 septembre, il est envoyé dans le couvent le plus proche, à Úbeda, pour s’y faire soigner, mais il y est reçu avec beaucoup de méfiance par le supérieur Francisco Crisostomo qui n'a pas apprécié les reproches que lui a faits son hôte, lors d'une visite, lui reprochant sa conduite arrogante envers les novicesA 36,B 97. De plus, il ne reçoit pas de dispense spéciale alors que sa maladie empire.
Le médecin coupe les morceaux de chairs infectés, et devant les dons qui affluent pour Jean de la Croix, considéré par les villageois comme un saint, le prieur décide de lui interdire toute visiteB 98. La maladie empire et les soins du médecin sont très douloureux : coups de bistouri, incisions du talon, le long du tibia, cautérisation au fer rouge… Ils ne permettent cependant pas de limiter les abcès et Jean de la Croix affirme au père Antoine qui l'accompagne être submergé par la souffranceA 37,B 99,C 35.
La maladie se poursuit mais Jean de la Croix confie au père Antoine être de plus en plus paisibleA 38. Le médecin lui annonce le 7 décembre que sa mort est proche ; Jean de la Croix se confesse et demande pardon à sa communautéB 99. Le 13 décembre, il demande qu'on lui lise le Cantique des CantiquesA 39. Il meurt dans la nuit du 13 au 14 décembre 1591A 40. Doña Ana obtient très vite que son corps soit transféré à Ségovie, où elle demeureB 100.

Héritage

Doctrine spirituelle

Foi

Article détaillé : Foi chrétienne.
Allégorie de la foi de Luis Salvador Carmona à l'Académie royale des beaux-arts de San Fernando, 1752.
La foi, seule mesure de Dieu
Dans la mesure où Dieu est un pur esprit comme le proclame le dogme catholique, il ne peut pas être connu par nos facultés naturelles : nos sens ne perçoivent que le concret des choses, et l'intelligence n'atteint que les idées généralesA 16. La foi est alors l'unique moyen de connaissance de Dieu : « la foi est le seul moyen propre et proportionné pour atteindre DieuA 41,10 », dit-il. Jean de la Croix affirme qu'il faut tout le temps faire des actes de foi. Il ne donne pas beaucoup d'importance aux phénomènes extraordinaires comme les apparitions ou les miracles. Pour lui, ces phénomènes ne sont que des manifestations de Dieu, mais ne sont pas Dieu Lui-mêmeA 42,11.
La foi est nuit
Jean de la Croix définit la foi comme « une connaissance certaine mais obscureA 43,12 ». Dans La Montée du Carmel, il affirme que la « foi est une nuit13,A 42 » ; pour lui, notre connaissance de Dieu ne sera jamais parfaite puisque Dieu est en dehors de nos facultés. Ainsi la foi dépasse l'intelligence et doit la soumettre, la foi consistant à croire en un mystèreA 44. L'obscurité de la foi vient donc pour Jean de la Croix du fait que la foi dépasse l'intelligence, et cette dernière, n'ayant pas d'explication, se trouve dans une obscurité, du fait de l'éblouissement de la foi : « La foi est une habitude de l'âme, certaine et obscure en même temps. Elle est obscure car elle nous fait croire des vérités révélées par Dieu lui-même, qui sont au-dessus de toute lumière naturelle. Parce qu'elles sont infinies et divines, elles excèdent incomparablement la portée de tout entendement humain... Ainsi en est-il de la foi. Sa lumière, par son excès, opprime et éblouit la lumière de notre entendementA 45,13 ». C'est cet éblouissement de l'entendement qui conduit à un aveuglement et, donc, à une obscurité ou une nuit.
La foi est pour Jean de la Croix un mystère pour la personne elle-même. Dans son ouvrage La Nuit obscure, il décrit la foi comme « un escalier secret, par lequel l'âme pénètre jusqu'aux profondeurs de DieuA 46,14 ». La foi est aussi décrite comme « une tunique blanche dont l'âme se revêt et sans laquelle il est impossible de plaire à DieuA 46,15 ». Pour Jean de la Croix, la foi est le moyen d'être en sûreté contre tous ses ennemis, qui sont le démon, le monde et la chair14.
La foi comme torche enflammée
Jean de la Croix utilise une autre analogie pour décrire la foi : il l'a décrite comme des « torches enflammées », que les soldats de Gédéon portaient mais ne voyaient pas, dans le livre des JugesA 47,16. Il affirme que la foi est du même ordre comme un vase qui contient la lumière : le vase qui empêche de voir la lumière est l'enveloppe obscure alors que le contenu de la foi, la lumière, est Dieu lui-mêmeA 47. Ainsi l'intelligence n'arrive qu'à atteindre la surface alors que la foi atteint l'intérieur, la substance de DieuA 48.
La foi permet pour Jean de la Croix de vivre avec Dieu. Pour lui, « plus une âme a la foi, plus elle est unie à DieuA 49,16 ». Il développe son argumentaire en s'appuyant sur le livre d'Osée : « C'est dans la foi que Dieu épouse l'âme17,A 49 ». Enfin, dans son Cantique spirituel la foi accompagnée de la charité « est une véritable possession de DieuA 49,18 ».

Espérance et le détachement

Allégorie de l'espérance dans la prison, d'Evelyn De Morgan.
Article détaillé : Espérance (vertu).
Importance de l'espérance chrétienne
Jean de la Croix considère l'espérance comme l'un des éléments centraux qui mènent à Dieu, et cette place essentielle donnée à l'espérance le conduit à l'affirmation qu'« on obtient autant qu'on espèreA 50,15 ». Cependant l'espérance n'est pas naturellement pure pour Jean de la Croix, elle doit être tournée vers DieuA 50. Il dessine dans La Montée du Carmel un plan qui mène à Dieu, et décrit tous les chemins qui égarent de Dieu, c'est-à-dire les biens terrestres. Selon lui, le seul chemin qui mène à Dieu est celui du rien : « pour arriver à tout savoir, veillez à ne posséder quoi que ce soit (...) pour arriver à être tout, veillez à n'être rien de rien (...) car pour venir du tout au tout, il faut se renoncer du tout au tout19,A 51 ». Jean de la Croix affirme alors que pour atteindre Dieu le danger est alors moins le péché que l'attache volontaire aux choses : « une seule des imperfections, si l'âme y est attachée ou en a l'habitude, lui cause autant de dommage pour son avancement et son progrès dans la vertu, qu'une foule d'imperfections et de péchés véniels, qui ne procéderaient pas de l'habitude d'une passion vicieuse20,A 51 ».
Obstacles à l'espérance
Jean de la Croix développe dans ses traités les obstacles qui peuvent empêcher l'âme d'atteindre Dieu par le manque d'espéranceA 52. Il affirme qu'il faut s'appuyer uniquement sur Dieu. Le premier obstacle est l'intelligence. Bien qu'il n'en nie pas l'importance, qui lui paraît même utile au début, celle-ci peut s'avérer un obstacle quand elle refuse l'obscurité douloureuse de la foiA 52. L'attache aux biens intellectuels est aussi, pour lui, un obstacle possible dans le chemin vers DieuA 53.
La deuxième source de difficultés vient des vertus elles-mêmes, et là encore Jean de la Croix pense que l'on ne devient vertueux que par la grâce, l'aide de DieuA 53. Or, très vite, une personne qui devient vertueuse considère qu'elle l'a été par ses propres mérites, ce qui conduit à refuser Dieu comme source de toutA 54. L'effort pour acquérir les vertus devient l'obstacle qui nie l'action de Dieu dans l'âmeA 54,21. Pour bien agir une personne doit alors avoir confiance en Dieu et ne compter que sur Lui seul, en se détachant de tout : « Mon âme est détachée de toute chose créée... appuyée uniquement sur son DieuA 55,22 ».
Les autres obstacles sont, pour Jean de la Croix, ce qu'il appelle les « biens spirituels » ou les « grâces sensibles ou mystiquesA 55 ». Pour Jean de la Croix ce sont des dons de Dieu, mais la personne peut les détourner pour en tirer orgueil et en faire un bien propreA 55. Toute personne qui fonde sa vie spirituelle sur ces biens est alors semblable à « La mouche qui se pose sur le miel et ne peut plus voler, l'âme qui s'attache aux consolations spirituelles n'est plus libre pour la contemplationA 56,23 ».
L'ensemble de ces obstacles conduisent Jean de la Croix à voir dans la nuit obscure un élément de purification.
Détachement comme aboutissement de l'espérance
Jean de la Croix affirme que le moyen d'arriver à Dieu est celui du détachement, de la pauvreté complète que l'on peut atteindre par la nuit obscureA 56. Certes il ne nie pas l'importance des livres ou des sacrements, mais ce ne sont que des moyensA 57. Ce qu'il décrit comme la nuit obscure est alors une pauvreté complète de la personne, qui la dégage de toutA 58. C'est la pauvreté totale qui conduit à l'union avec DieuA 58. Ce dénuement mène alors l'âme à Dieu : « Quand l'âme est si détachée de tout, qu'elle est dans un dénuement complet, qu'elle a, je le répète, accompli tout ce qui dépendait d'elle, il est impossible que Dieu ne fasse pas de son côté ce qu'il faut pour se communiquer à elle, au moins dans le secret du silenceA 58,24 ». C'est par la pauvreté que l'on peut recevoir Dieu, comme Jean de la Croix le dit dans l'un de ses poèmes : « Alors je m'abaissai tant et tant / Que je fus si haut si haut, / Que je finis par atteindre le butA 59,25 ».

Théologie mystique

Union de l'âme à Dieu

Les écrits de Jean de la Croix présentent une grande cohérence. Il cherche à y développer chez ses lecteurs la vie intérieure et la vie de prière avec DieuC 36. Il pose la connaissance de soi et du monde extérieur en prérequis à la connaissance de Dieu : « Après l'exercice de la connaissance de soi, la considération des créatures est le premier pas à faire dans le chemin spirituel, pour arriver à la connaissance de DieuC 36,26 ».
Il développe tout au long de ses écrits une doctrine sur l'âme humaine qui doit passer par des purifications progressives afin d'accéder à la vie intérieureC 37. Dans La Nuit obscure, il amplifie et décrit ce qu'il appelle la « nuit de l'âme » : une purification passive des facultés sensibles c'est-à-dire de la mémoire, de l'imagination, de la volonté et de l'entendement afin de pouvoir accéder à DieuC 37. Dans La Montée du Carmel et le Cantique Spirituel, il disserte sur les différents aspects de la personne et analyse la substance de l'âme qui permet une union à DieuC 37.
La Bible a une place fondamentale dans cette démarche et sa lecture ouvre pour Jean de la Croix à la contemplation : « Cherchez en lisant et vous trouverez en méditant ; appelez en priant et l'on vous ouvrira à la contemplationC 38 ». La lecture de la Bible, la lectio divina, qu'il croit inspirée par Dieu, est un moyen de rentrer dans la contemplation : « En suivant les divines écritures, nous ne pouvons nous égarer, puisque c'est l'Esprit saint lui-même qui parleC 38 ». Il voit ainsi dans les personnages bibliques autant de témoins de l'expérience de Dieu, autant d'exemples à suivreC 38.

Importance de la prière

Ces prérequis conduisent Jean de la Croix a développer sa conception de la prière. Celle-ci ne se limite pas à la simple méditation ou au temps consacré à Dieu. Pour Jean de la Croix, la prière est inséparable de la vie quotidienne ; elle consiste dans le désir de Dieu tout au long des activités de la vie couranteC 39 : « Efforcez-vous de vivre une oraison continuelle, sans l'abandonner au milieu des exercices corporels. Que vous mangiez, que vous buviez, que vous parliez ou que vous fassiez tout autre chose entretenez constamment en vous le désir de Dieu27 ».
Dans Cantique Spirituel, Jean de la Croix résume le cheminement mystique par l'énumération des étapes de la prièreC 40 : « Ce chant décrit la voie que suit une âme depuis l'instant où elle commence à servir Dieu jusqu'à celui où elle atteint le sommet de la perfection, c'est-à-dire le mariage spirituel. On y traite donc des trois états ou trois voies de la vie spirituelle qui conduisent à l'état de perfection : la voie purificatrice, la voie illuminative et la voie unitive28 ».
Voie purificatrice
Jean de la Croix dans ses différents ouvrages décrit la vie mystique comme un chemin, une montée vers Dieu. Ce chemin passe pour les débutants par une voie purificatoire : la prière au début peut être difficile et demande de la persévéranceC 40.
Jean de la Croix encourage à persévérer : « Ne laisse jamais l'oraison si tu sens de la sécheresse et de la difficulté, à cause de cela même persévère. Souvent Dieu veut voir ce dont ton âme est capable, et cette épreuve n'a pas lieu dans la facilité et le goût spirituelC 40 ». Pour Jean de la Croix il est nécessaire de se dépouiller de tout et de lutter contre ce qui nous écarte de la prière. Il voit dans les difficultés des signes surnaturels : « Le démon peut provoquer des mouvements sensuels pour favoriser un relâchement ou un abandon du temps appliqué à l'oraison ; les mouvements de la luxure peuvent aussi être le signe d'un tempérament délicatC 41,29 ».
La prière doit consister à se purifier des envies : « C'est un grand mal que de regarder les biens de Dieu plutôt que Dieu même. Oraison et réappropriationC 42 ». Dans ses écrits, il décrit ce passage comme une « nuit noire de l'âmeC 42 ».
Voie illuminative
Représentation de la transverbération de Thérèse d'Avila par Le Bernin.
La deuxième étape décrite par Jean de la Croix est celle de la voie illuminativeC 40. Cette étape est celle du passage à la contemplationC 42. Dans ses ouvrages, La Nuit obscure et La Montée du Carmel, il décrit le passage de la méditation à l'oraison : la personne qui prie n'arrive plus à méditer, néanmoins, elle ne veut pas pour autant revenir à la vie qu'elle menait avant l'oraison et a le sentiment de ne pas assez servir DieuC 42.
Jean de la Croix décrit cette étape en affirmant que la personne qui prie ne fait plus d'effort pour prierC 43 : « Dès qu'elle se met en présence de Dieu, elle entre dans un acte de connaissance confuse et amoureuse, calme, paisible, dans lequel elle s'abreuve de sagesse, d'amour, de jouissance30 ». La personne vit alors dans une grande paix intérieure, c'est un changement, qu'il appelle aussi les « fiançailles spirituelles » « Autrefois dans son oraison et sa relation avec Dieu, elle s'occupait de certaines considérations et suivait certaines méthodes. Maintenant tout se réduit à aimerC 44,31 ».
Voie unitive
Article détaillé : Syndérèse.
Le sommet de l'oraison pour Jean de la Croix est la voie unitive : l'union de l'âme à DieuC 44. Jean de la Croix affirme — la théologie l'appelle l'« habitation de la trinité » — que Dieu est présent au centre de l'âme. Le but de la vie spirituelle consiste pour Jean de la Croix à s'unir à Dieu en son âme. Cette union par l'oraison est le sommet de la vie spirituelleC 44 : « Parce que Dieu réside substantiellement en l'âme, dans ce sanctuaire... les communications - contacts substantiels d'union entre l'âme et Dieu - constituent le plus haut degré de l'oraison. Une seule de cette nature apporte à l'âme plus d'avantages que toutes les autres, quelles qu'elles soient32 ».
Cette union est comparée à un mariage spirituelC 45 : « De même que, dans la consommation du mariage naturel, les époux sont dans une seule chair ainsi, une fois le mariage consommé entre Dieu et l'âme, il y a deux natures fondues dans un même esprit et un même amour33 ». Cette union est pour Jean de la Croix une préfiguration de la vie éternelle qui consiste en « la possession de Dieu par l'union d'amourC 46,34 ».

Philosophie de Jean de la Croix

Représentation moderne de Jean de la Croix à Beas de Segura (Espagne).

Détachement

Article détaillé : Détachement (philosophie).
Les écrits et les expériences spirituelles de Jean de la Croix ont été commentés par des philosophes. Certains y ont vu un mouvement de dépassement permanentA 60. Jacques Paliard, professeur de philosophie à Aix-en-Provence, voit un mouvement d'insatisfaction et une inquiétude permanente d'autre chose, de quelque chose de plus élevé, qui ne trouve sa satisfaction que quand il aura trouvé Dieu à sa mesure et selon ses besoinsA 61. C'est ce mouvement qui conduit à vouloir se dépasser par un détachement de toutA 61. Jean de la Croix est largement commenté par les philosophes du détachement, qui en font l'un des principaux penseurs du détachement chrétien. Père Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus, carme qui s'est spécialisé dans l'étude de la théologie de Jean de la Croix, voit dans ce mouvement un élément central de la spiritualité du carme espagnol ; il compare ce détachement au « souffle de Dieu dans l'âme qui veut aller vers DieuA 61 ».
Afin d'accéder à Dieu, Jean de la Croix prône un détachement intégral, ce qui le conduit à affirmer que « pour arriver à tout savoir, veillez à ne posséder quoi que ce soit (...) pour arriver à être tout, veillez à n'être rien de rien (...) car pour venir du tout au tout, il faut se renoncer du tout au tout19 ».

Intelligence et volonté

Article détaillé : Volonté (philosophie).
Jean de la Croix étudie la philosophie de Thomas d'Aquin, et il reprend à son compte les deux facultés de l'âme : l'intelligence et la volontéA 62. Henri Grialou qui étudie Jean de la Croix, affirme néanmoins que la pensée de Jean de la Croix conduit à une distinction sur l'intelligence et la volontéA 63.

Théologie négative

Jean de la Croix s'inscrit dans le fil d'une longue tradition apophatique qui part de Clément d'Alexandrie et aboutit aux mystiques espagnols du XVIe siècle : Louis de Grenade, Jean d'Avila, Luis de León. La particularité des textes de Jean de la Croix est un certain radicalisme de l'agnosticisme mystique35.

Œuvre littéraire

Sources d'inspiration

La richesse de l'œuvre de Jean de la Croix en fait l'un des principaux écrivains de langue espagnole, l'un des chefs de file du Siècle d'or. Son principal livre d'inspiration est la Bible, et principalement le Cantique des Cantiques. D'autres livres sont inclus, implicitement ou explicitement, dans ses écrits : ceux de Pseudo-Denys l'Aréopagite, Confessions de Saint Augustin, Thomas d'Aquin ; tous sont en effet cités dans ses principaux traités, et il les a étudiés pendant ses études de théologieB 101. On peut aussi voir l'influence de Jean Tauler et Jean de RuysbroekB 102. Certains parlent d'une influence islamisante. Cependant cette thèse est à nuancer dans la mesure où Jean de la Croix n'a pas eu accès à une bibliothèque quand il écrivit. Il s'agirait d'une influence indirecte, puisque la culture arabe était encore présente en Andalousie à l'époque de Jean de la CroixB 102.

Poésie

La poésie de Jean de la Croix est reconnue comme l'une des plus belles de la poésie lyrique espagnole. Elle cherche à exprimer l'expérience mystique et religieuse de Jean de la Croix en versD 1. Selon Jacques Ancet, la Nuit obscure et le Cantique spirituel seraient redevables à la tradition hébraïque (celle notamment du Chant des chants, ou Cantique des cantiques), ainsi qu'à la tradition arabe36.
Genèse
La composition des poèmes de Jean de la Croix ne date pas de ses années d'études (1559–1563), mais il existe des traces des premiers vers dès la période d'Avila (1572–1577). De cette époque on connaît des vers écrits par Jean de la Croix et transmis par Thérèse d'Avila lors des fêtes de NoëlD 2,37. Bien qu'aucune mention précise ne permette de dater avec certitude l'écriture des poésies de Jean de la Croix, de nombreux indices font remonter l'écriture de ses premières poésies avant l'épisode de Tolède, tels les poèmes : J'aborde une sphère inconnue et Je vis, mais sans vivre en moi-mêmeD 2,D 3.
Le moment culminant de la littérature sanjuaniste (nom donné aux écrits de Jean de la Croix)Note 3, date de sa période en prison à Tolède (décembre 1577–août 1578)D 3. On date ainsi de la période de Tolède les poèmes Super Flumina Babylonis, Je sais une source qui jaillit et s'écoule, les 31 strophes du Cantique Spirituel ou encore Où es-tu caché bien aimé ?D 4.
Les autres poésies sanjuanistes sont difficiles à dater de manière plus précise ; une grande partie a sans doute été écrite quand il vivait à Grenade (1582–1586)D 4. La poésie de La Nuit obscure est écrite lorsque Jean de la Croix était à Tolède, et avant son arrivée à Grenade (1578–1582)D 5. Les poèmes Ô flamme d'Amour, Vive Flamme et les dernières strophes du Cantique Spirituel sont écrits à partir de 1582D 6.
Poétique sanjuaniste
Jean de la Croix a étudié la poésie au cours de ses études à Medina del Campo, où il a reçu une formation littéraire qui lui a permis de connaître les écrivains et poètes classiques espagnols ainsi que les règles prosodiquesD 7.
Les écrits sanjuanistes peuvent être classés dans plusieurs genres : celui de la poésie classique (c'est le cas, en particulier, des poèmes : Où t'es tu caché, bien-aimé ?, Au milieu d'une nuit obscure, Ô flamme d'amour, vive flamme, Je sais une source qui jaillit et s'écoule, Vois ce berger seul et tout désoléD 7), celui des couplets ou des gloses (par exemple : J'aborde une sphère inconnue, Je vis, mais sans vivre en moi-même, Dans l'élan d'un exploit d'amour, Appuyé sans aucun appui, Jamais les beautés de ce mondeD 8, celui des romances (Au commencement demeurait, Sur les fleuves qu'en Babylonie)D 8 ou celui des chansons (Du verbe divin, Oubli du créé)D 8.
La poésie sanjuaniste apparaît comme immergée dans la culture hispanique contemporaine. Jean de la Croix s'inspire de poètes espagnols profanes, et réutilise des techniques et des thèmes de la poésie populaire espagnoleD 9. La principale source d'inspiration de ses poèmes est la Bible et plus particulièrement le Cantique des Cantiques, revisité par luiD 10. Ainsi, selon Eulegio Pacho, Jean de la Croix « reproduit le texte et le moule biblique, parce qu'il répète le fait même que celui-ci traduit ; c'est la meilleure manière de s'exprimer, la plus dense et la plus naturelleD 10 ». Jean de la Croix s'est inspiré pour certains de ses poèmes des poésies de Juan Boscán et de Garcilaso de la VegaD 9.
Ces poèmes cherchent à retranscrire son expérience spirituelle. Il les donne aux religieuses, et quand il les distribue, elles lui en demandent un éclairage personnelD 10. Jean de la Croix a écrit des explications en prose de ses poésies. Elles aboutissent aux quatre œuvres majeures de Jean de la Croix : La Montée du Carmel, La Nuit obscure, La Vive Flamme d'amour et Le Cantique spirituel, qui mélange poésie et prose, donnant un style unique et d'une grande richesse doctrinaleD 11. Ces quatre ouvrages qui cherchent à rendre compte de l'expérience personnelle de Jean de la Croix tout en l'expliquant contribuent à donner une dimension mystique à la poésie sanjuaniste, augmentant sa singularité au sein de la poésie espagnole. Sa poésie est considérée comme l'une des plus belles de la poésie espagnole. Paul Valéry voit dans les poèmes de Jean de la Croix des chefs-d’œuvre de la littératureC 47.

Traductions

La première traduction est faite à Bordeaux en 1610 par des prêtres séculiers mais elle n'a pas été publiéeC 48. Les premières traductions publiées sont celles de René Gaultier, du Grand Conseil, en 1620, en français. Elles ont d'emblée une grande influence sur les spirituels : l'évêque Jean-Pierre Camus en 1624, les jésuites Lallemant, Surin, Rigoleuc en 1629 notamment s'y réfèrentC 49.
La traduction du Père Cyprien, carme déchaussé, dans les années 1640-1660 est également notable. Plus de cent autres traductions existent. La traduction du Père Cyprien a été réactualisée par le Père Lucien, aussi carme déchaussé, dans les années 1940-1960.

Postérité

Reconnaissance par l'Église catholique

Reliquaire de Jean de la Croix à Úbeda, Espagne.
La reconnaissance par l'Église catholique de Jean de la Croix a été assez rapide. Il est en effet béatifié dès 1675 par Clément X38, puis canonisé en 1726 par Benoît XIIIA 64.
Au XVIIe siècle, des querelles théologiques, notamment entre les Français Bossuet et Fénelon conduisent à considérer les écrits de Jean de la Croix comme engendrant l'illuminismeA 64. Cette querelle a pour conséquence de remettre en cause les écrits de Jean de la Croix.
Cependant, en 1891, plusieurs évêques demandent, lors du troisième centenaire de la mort de Jean de la Croix, de le proclamer Docteur de l'Église, mais cette demande n'aboutit pasA 65.
Thérèse de Lisieux le considère comme l'un de ses guides principaux : « À l'âge de 17 et 18 ans je n'avais pas d'autre nourriture spirituelleA 64 », confie-t-elle. Elle affirme que Jean de la Croix est « le saint de l'Amour par excellence »A 66. La vision de Thérèse de Lisieux change la perception de Jean de la Croix. La reconnaissance rapide de Thérèse de Lisieux par l'Église et sa grande popularité ont conduit à reconsidérer la place des écrits de Jean de la CroixA 64.
Il est proclamé Docteur de l'Église le 24 août 1926, deux siècles après sa canonisation, et un an après celle de Thérèse de LisieuxA 67. Il obtient alors le titre de « Docteur de la théologie spirituelle » et « Docteur mystiqueA 68 ».
Dans l'Église catholique, sa fête a rang de mémoire39, mais dans l'Ordre du Carmel, sa fête est une solennité40.

Influences de Jean de la Croix

Influences spirituelles

Outre la reconnaissance par l'Église catholique, les écrits du saint ont eu une très grande influence sur la spiritualité de nombreux théologiens ou grandes figures du christianisme.
En France, son influence coïncide avec l'arrivée des carmélites et notamment de Madame Acarie, devenue Marie de l’Incarnation en religionC 50. C'est une personnalité reconnue du mouvement « école de spiritualité française » autour duquel se réunissent de nombreux intellectuels catholiques, tels Benoît de Canfield, Pierre Coton, André Duval, Vincent de Paul, le futur cardinal Pierre de Bérulle et le futur Docteur de l'Église François de SalesC 51. Cette influence de Jean de la Croix se poursuivit jusqu’à Blaise Pascal grâce à son cousin carme déchausséC 51.
Dans l'ordre du Carmel, outre Thérèse d'Avila, ses œuvres ont eu un impact considérable sur les carmélites Thérèse de Lisieux, Elisabeth de la Trinité et Edith Stein, disciple d'Husserl, devenue religieuse sous le nom de Bénédicte de la Croix, l'auteur d'un ouvrage sur sa spiritualité intitulé La Science de la Croix41,42,B 103. Le Père Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus, fondateur de l'Institut Notre-Dame de Vie, une communauté de spiritualité carme a également été très influencé43.
Jean de la Croix a eu aussi une forte influence auprès de religieux en dehors du Carmel, comme Charles de Foucauld et Thomas Merton, ce dernier l'étudie dans son ouvrage La montée vers la lumièreC 52,B 103. En 1929, le théologien Réginald Garrigou-Lagrange fait une étude sur L'Amour de Dieu et la Croix de Jésus dans laquelle il compare la théologie mystique de Thomas d'Aquin et celle de Jean de la Croix. Le théologien Hans Urs von Balthasar dans La Gloire de la Croix analyse la pensée du carme espagnol. Il considère que celle-ci est une nouvelle théologie de l’esthétique, qui peut « affrontée à la Réforme allemande, répondre à la volonté des réformateurs de bannir l’esthétique de la théologieC 52,44 ». Karol Wojtyla, le futur pape Jean-Paul II, se dit très marqué par sa spiritualité au point d'avoir voulu être carme. Il a notamment fait sa thèse de doctorat en théologie sur l'ouvrage La Montée du Carmel45,B 104.
En outre, l'expérience mystique du docteur catholique ainsi que sa volonté de détachement ont conduit à établir des rapprochements entre sa spiritualité et celle du bouddhismeB 48,C 53.

Influences profanes

Dessin de la crucifixion, par Jean de la Croix, qui a inspiré Salvador Dalí.
Ses écrits et sa spiritualité ont aussi suscité au cours des siècles l’intérêt de nombreux universitaires, comme le philosophe Henri Bergson qui étudie l’expérience mystique dans son ouvrage Les deux sources de la morale et de la religionC 54. Le philosophe de l'action Maurice Blondel, également penseur chrétien, a lui aussi étudié ses écrits. Jean Baruzi, dans sa thèse Saint Jean et le problème de l’expérience mystique, démontre la valeur pluri-culturelle des écrits de Jean de la CroixC 55. Jacques Maritain, philosophe, cherche à comparer la pensée scolastique avec celle de Jean de la Croix. Le philosophe Louis Lavelle analyse quant à lui dans ses écrits le rapport entre la conscience et l’expérience contemplativeC 55. D’autres philosophes l'ont étudié tels Jacques Paliard, Gaston Berger ou Aimé ForestC 52.
Le carme Bruno de Jésus Marie réunit autour de lui des congrès au cours desquels il tente d’intégrer l'analyse psychologique et la théologie à travers les écrits de Jean de la CroixC 47. De même Michel de Certeau analyse dans la Fable mystique son expérience spirituelle à travers la psychanalyseB 103.
Le poète Paul Valéry voit dans les poèmes de saint Jean des chefs-d’œuvre de la littérature. De même les peintres Alfred Manessier et Salvador Dalí s’inspirent de ses dessins dans leur artC 47. Une suite de monotypes de François Heaulmé intitulée Dits d'Amour est de même inspirée par Jean de la Croix.
Maurice Béjart crée un opéra intitulé Noche Oscura, à partir de ses écritsC 47.
Le réalisateur espagnol Carlos Saura raconte les huit mois et demi de captivité de Jean de la Croix (2 décembre 1577-17 août 1578) dans Noche Oscura, 1989, 89 minutes.
Plusieurs poèmes de Jean de la Croix ont été mis en musique :

Œuvres de Jean de la Croix

Ouvrages

Œuvres complètes

  • Jean de la Croix, Œuvres Complètes, « Préface » du Père Eulogio Pacho, artisan de l'édition critique BAC, trad. d'André Bord, Paris, Pierre Téqui, 2003 (Prix des écrivains catholiques); édition ayant bénéficié des progrès décisifs de l'édition critique espagnole.
  • Œuvres complètes, trad. de Mère Marie du Saint-Sacrement, Dominique Poirot (dir.), Paris, Cerf, 1990.
  • Poèmes, trad. de Benoît Lavaud, éditions Ivrea, Paris, 1986 [édition bilingue]

Notes et références

Notes

  1. Certains historiens avancent l’année 1540.
  2. C'est à Francisco seulement que Jean confie l'une de ses expériences spirituelles survenue à Ségovie. Il affirme y avoir entendu une voix, qu'il attribue au Christ qui lui aurait fait part de sa volonté. Francisco a témoigné de cet épisode de la vie de son frère alors que Jean de la Croix était religieux carme.
  3. L'adjectif « sanjuaniste » vient du nom espagnol San Juan qui signifie Saint Jean.

Références

Principales sources utilisées

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  2. a et b p. 60
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Autres sources

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  8. Chapitre XV, Montée du Carmel.
  9. Chapitre III, Montée du Carmel.
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  11. Montée du Carmel chapitre 14.
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  22. Poème VII de Jean de la Croix.
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Annexes

Articles connexes

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

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Liens externes

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