mardi 28 juin 2022

​Irénée de Lyon - né entre 130 et 140, mort en 202 ou 203 . disciple de Polycarpe, lui-même disciple de celui que Jésus aimait

 



Irénée de Lyon
Saint chrétien


Vitrail de Lucien Bégule,
église Saint-Irénée, Lyon.

évêque, Père et Docteur de l'Église

Naissance

v. 135
Smyrne, province romaine d'Asie, Empire romain

Décès

202 ou 203  (environ 68 ans)
Lugdunum (Lyon), Gaule narbonnaise, Empire romain

Vénéré à

église Saint-Irénée de Lyon

Canonisation

culte attesté depuis sa mort

Docteur de l'Église

21 janvier 2022, à Rome
par le pape François

Vénéré par

Christianisme

Fête

28 juin (Église catholique)
23 août (Églises orthodoxes)

Attributs

Vêtements pontificaux et livre

Saint patron

Lyon, théologiens, relations entre catholiques et orthodoxes

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Irénée de Lyon (en latin Irenaeus Lugdunensis) ou Irénée de Smyrne (en grec ancien Εἰρηναῖος Σμυρναῖος : Eirênaĩos « pacifique » Smyrnaĩos « de Smyrne »), est le deuxième évêque de Lyon, à la fin du IIe siècle, probablement à partir de la fin des années 170 et jusqu'à sa mort1. Il est né entre 130 et 140 à Smyrne et mort en 202 ou 203 à Lyon2,3. Il est l'un des Pères de l'Église et le premier Occidental à réaliser une œuvre de théologie systématique. Il s'est illustré par sa dénonciation du gnosticisme, la « gnose au nom menteur », perversion de la « vraie gnose » qui est la foi chrétienne qu'il défend.

Vénéré comme saint, il est fêté le 28 juin dans l'Église catholique et le 23 août dans l'Église orthodoxe. Le pape François le déclare Docteur de l'Église avec le titre de « Docteur de l'unité » (Doctor unitatis), le 21 janvier 20224.

​Biographie

Pour l'essentiel, les informations dont on dispose sur la vie d'Irénée proviennent de ses propres œuvres5.

De culture et de langue grecques, Irénée est né à Smyrne en Asie Mineure entre 130 ou 140, de parents grecs et chrétiens. Il témoigne avoir connu Polycarpe de Smyrne6, qui lui-même aurait reçu l'imposition des mains de l'apôtre Jean. Selon Jérôme de Stidon, Irénée fut aussi le disciple de Papias.

Arrivé en Gaule vers 1577, il exerce d'abord la fonction de simple pasteur et s'associe aux travaux de Pothin, premier évêque de Lyon. Il célèbre la messe en grec, qui est encore la langue liturgique à cette époque8. Quand Pothin meurt, victime des persécutions de Marc Aurèle en 177, Irénée est choisi pour le remplacer. Sa vie épiscopale est alors consacrée à l'instruction des peuples et à la défense de la vérité par la lutte contre les hérésies des gnostiques et des valentiniens.

Irénée est chargé de porter à l'évêque de Rome Éleuthère une Lettre sur les martyrs de Lyon évoquée par Eusèbe de Césarée9. Le billet de recommandation qui accrédite le porteur de cette lettre présente Irénée comme « presbytre » (c'est-à-dire « ancien ») de l'Église10. Ce terme peut être interprété comme la preuve de son accession à l'épiscopat lyonnais5.

Son ministère est marqué par une forte expansion missionnaire. Un grand nombre de diocèses sont fondés par des missionnaires envoyés par Irénée : Besançon et Valence lui doivent leurs premiers pasteurs.

Il intervient auprès de l'évêque de Rome lors de la querelle autour de la date de Pâques. Dans une partie de l'Asie, on célèbre Pâques le 14 Nisan, comme les juifs. Ailleurs, Pâques est fêtée le dimanche suivant. Après plusieurs tentatives de résolution au cours du IIe siècle, l'évêque de Rome Victor Ier se décide à excommunier les évêques d'Orient. Par son intervention, Irénée lui enjoint de laisser chaque Église libre dans les matières qui ne portent pas sur la foi. Le conflit est ainsi évité. Les Églises orientales adopteront peu à peu l'usage majoritaire5.

D'après les témoignages tardifs de saint Jérôme au Ve siècle et de Grégoire de Tours au VIe siècle, il serait mort martyr à Lyon en 202 ou 203, victime d'un édit de persécution de Septime Sévère. Ses reliques sont conservées depuis le Ve siècle dans l'église Saint-Irénée, auprès d'autres martyrs de Lyon, malgré le sac de l'église par les protestants du baron des Adrets en 1562.

​Écrits

Article détaillé : Contre les hérésies.

Fragments du papyrus d'Oxyrhynque n° 405 contenant une copie du Contre les hérésies datant de 200 environ. Bibliothèque de l'université de Cambridge.

Irénée est l'auteur d'une Réfutation de la prétendue gnose au nom menteur généralement connue sous le titre de Contre les hérésies (Adversus Hæreses). Il y dénonce une « gnose au nom menteur », perversion de la « vraie gnose »11 qui est la foi chrétienne qu'il défend, l'authentique connaissance de Dieu12. Il n'existe de cet ouvrage qu'une traduction latine, une traduction arménienne des livres IV et V, ainsi que des fragments en syriaque et en grec5.

Le Contre les hérésies est un traité destiné à réfuter Valentin d'Égypte et les gnostiques.

Ce texte mentionne entre autres l'existence d'un évangile de Judas. Jusqu'à la découverte de la bibliothèque de Nag Hammadi, il s'agissait de la principale source historique sur ce courant gnostique.

Il dresse également la liste de succession des évêques de Rome13.

Irénée est aussi l'auteur de la Démonstration de la prédication apostolique (Demonstratio apostolicae praedicationis), que l'on n'a longtemps connue que par Eusèbe de Césarée. Une version arménienne a été retrouvée en 1904 et publiée en 1907. Cet ouvrage est un résumé de la foi chrétienne14.

Eusèbe de Césarée cite également des extraits de deux lettres : À Florinus et Au pape Victor14.

On ne sait rien de fiable sur ses autres écrits14.

​Théologie

​L'histoire du salut

Irénée de Lyon, icône orthodoxe.

Lors de la lutte antignostique, Irénée affirme qu'une histoire du salut est annoncée par les Écritures, commencée par Dieu et parachevée par le Christ. L'essentiel réside dans l'engendrement par Dieu d'un homme véritable qui est chair. La chair est l'image substantielle de Dieu, visible dans la chair glorieuse de Jésus. Elle est élevée à Dieu progressivement par la contemplation de Dieu. Cette vérité de l'esprit et de la chair, malgré le péché d'Adam, explique l'expression d'Irénée : Gloria (enim) Dei vivens homo, vita autem hominis visio Dei (« La gloire de Dieu est l'homme vivant, mais la vie de l'homme est la vision de Dieu15 »). L'œuvre de Dieu a pour but le salut de la chair admise à voir Dieu16 : il n'y a qu'un seul et unique dessein de Dieu, le salut de l'homme dans toutes ses composantes, « récapitulées » dans la personne du Christ.

Les Pères de l'Église du IVe siècle ont éclipsé la synthèse théologique d'Irénée, mais elle n'en reste pas moins, de par son contact avec les origines du christianisme, l'un des moteurs du dynamisme évangélisateur du IIe siècle. La Tradition (paradosis) est désormais fondée17,18.

​Église et Tradition

Cette synthèse théologique vient d'une réaction à la doctrine gnostique. « Comme entraîné par les gnostiques, et en particulier les valentiniens, Irénée aborde à peu près tous les domaines de la révélation »14.

Chez lui, l’autorité des Écritures est absolue : la Bible suffit pour connaître Dieu et son œuvre, toute spéculation supplémentaire étant vaine. Il affirme l’unité de la foi avec celle de l'Église, et soutient que l’Écriture révèle un plan de Dieu pour le salut des hommes.

Irénée est le premier à parler de la « Tradition » : contre les « hérétiques », il défend la tradition de l'Église, qui se veut fondée sur la « règle de vérité » qui est la foi. Face à ceux qui s'appuient sur une « tradition secrète » qui leur est propre et sélectionnent les Écritures, Irénée insiste sur l'Écriture dans sa globalité et sur la Tradition de l'Église. Il réfute les gnostiques en décrivant leurs doctrines à la lumière des Écritures.

Sa conception de l'herméneutique repose sur plusieurs principes19. En premier lieu, Irénée présente la vérité comme un corpus dont les différentes doctrines forment les membres : le « canon immuable de la vérité » permet de distinguer les vraies et les fausses interprétations de l'Écriture19. En dernier ressort, la Tradition permet de décider de la légitimité d'une doctrine19. Cette Tradition n'est autre que l'enseignement des évêques qui se sont succédé sans interruption depuis les apôtres, surtout dans l’Église de Rome fondée par Pierre19. Enfin, une interprétation a des chances d'être exacte si elle est en harmonie avec les autres textes de l’Écriture19.

Ce qui apparaît chez Irénée, c’est une théologie de l'Église : la transmission de l'enseignement des apôtres n'est pas laissée à l'initiative des « docteurs » privés (laïcs). Les apôtres eux-mêmes ont fondé les institutions par lesquelles ils ont voulu que leur enseignement soit transmis. Seules ces institutions garantissent la conformité d'une doctrine avec la révélation. De cela, Irénée voit une confirmation dans l'unité de l'enseignement des évêques. Autant les écoles gnostiques sont divisées et se contredisent, autant l'enseignement des évêques est un sur toute la surface de la terre20.

​Les quatre Évangiles

Article connexe : Évangiles canoniques.

Les Quatre Évangélistes avec leurs symboles (de g. à dr., Matthieu, Jean, Luc et Marc). Prédelle du maître-autel XVe siècle, chapelle du château de Blutenburg, Munich.

Irénée défend dès 170 l'idée qu'il n'existe que quatre Évangiles légitimes. Et seuls quatre Évangiles seront ultérieurement inscrits dans le canon du Nouveau Testament : les Évangiles selon Matthieu, selon Marc, selon Luc et selon Jean :

« Par ailleurs, il ne peut y avoir ni un plus grand ni un plus petit nombre d'Évangiles (que quatre). En effet, puisqu'il existe quatre régions du monde dans lequel nous sommes et quatre vents principaux, et puisque, d'autre part, l'Église est répandue sur toute la terre et qu'elle a pour colonne et pour soutien l'Évangile et l'Esprit de vie, il est naturel qu'elle ait quatre colonnes qui soufflent de toutes parts l'incorruptibilité et rendent la vie aux hommes. D'où il appert que le Verbe, Artisan de l'univers, qui siège sur les Chérubins et maintient toutes choses, lorsqu'il s'est manifesté aux hommes, nous a donné un Évangile à quadruple forme, encore que maintenu par un unique Esprit. »

— Irénée de Lyon, Contre les hérésies 3, 11, 8

Par là, il s'oppose à Marcion, qui affirme que l'Évangile selon Luc est le seul et véritable Évangile21,22. Irénée est aussi le premier auteur connu à déclarer que l'Évangile selon Jean est l'œuvre de Jean l'apôtre23 et que l'Évangile selon Luc est celle de Luc, le compagnon de Paul24.

Dans son Contre les hérésies III:1, il précise :

« Matthieu entreprit donc aussi d'écrire son Évangile chez les Hébreux et en leur propre langue, pendant que Pierre et Paul annonçaient l'évangile à Rome et y fondaient l'Église. D'un autre côté, après leur départ, Marc, le disciple et l'interprète de Pierre, nous transmit lui aussi par écrit ce que son maître prêchait, et Luc, le compagnon de Paul, mit dans un livre l'évangile que celui-ci annonçait. Ensuite Jean, le disciple du Seigneur, qui a reposé sur sa poitrine, publia lui aussi l'Évangile, tandis qu'il habitait à Éphèse en Asie »

— Irénée de Lyon25.

​Docteur de l'Église

Le cardinal Philippe Barbarin, 140e archevêque de Lyon, a demandé au pape François de proclamer son très ancien prédécesseur Irénée « Docteur de l'unité de l'Église »26. Le 7 octobre 2021, le pape François annonce qu'il proclamera prochainement saint Irénée Docteur de l'Église27. Le décret est publié par François le 21 janvier 2022 :

« Saint Irénée de Lyon, venu d'Orient, exerçait son ministère épiscopal en Occident : il était un pont spirituel et théologique entre les chrétiens d'Orient et d'Occident. Son nom, Irénée, exprime cette paix qui vient du Seigneur et qui réconcilie, réintègre dans l'unité. »

— Pape François

Le centre culture et éducatif de l'archidiocèse de Lyon s'appelle la fondation Saint-Irénée28.

​Notes

  • « Non seulement Polycarpe fut disciple des apôtres et vécut avec beaucoup de gens qui avaient vu le Seigneur, mais c’est encore par des apôtres qu’il fut établi, pour l’Asie, comme évêque de Smyrne. Nous-même l’avons vu dans notre prime jeunesse – car il vécut longtemps et c’est dans une vieillesse avancée que, après avoir rendu un glorieux et très éclatant témoignage, il sortit de cette vie –. Or il enseigne toujours la doctrine qu’il avait apprise des apôtres, doctrine qui est aussi celle que l’Église transmet et qui est la seule vraie. » Contre les hérésies, III, 3, 4.

  • Pierre Chaunu et Éric Mension-Rigau, Baptême de Clovis, baptême de la France, De la religion d'État à la laïcité d'État, Paris, Balland, 1996, p. 73.

  • Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, V, 4, 1-2.

  • Bernard Sesboüé, Tout récapituler dans le Christ : Christologie et sotériologie d'Irénée de Lyon, Desclée, coll. « Jésus et Jésus-Christ » (no 80), 2000 (ISBN 978-2-7189-0801-4), p. 22

  • Bernard Sesboüé, Jésus-Christ l'unique médiateur : Essai sur la rédemption et le salut, Desclée, coll. « Jésus et Jésus-Christ » (no 33), 2011, 2e éd. (ISBN 978-2-7189-0794-9), p. 135

  • Cf. Contre les hérésies, III, 3, 3 : « Donc, après avoir fondé et édifié l'Église, les bienheureux apôtres remirent à Lin la charge de l'épiscopat ; c'est de ce Lin que Paul fait mention dans les épîtres à Timothée [2Tm 4. 21 [archive]]. Anaclet lui succède. Après lui, en troisième lieu à partir des apôtres, l'épiscopat échoit à Clément. […] À ce Clément succède Évariste ; à Évariste, Alexandre ; puis, le sixième à partir des apôtres, Xyste est établi ; après lui, Télesphore, qui rendit glorieusement témoignage ; ensuite Hygin ; ensuite Pie ; après lui, Anicet ; Soter ayant succédé à Anicet, c'est maintenant Éleuthère qui, en douzième lieu à partir des apôtres, détient la fonction de l'épiscopat. ».

  • Contre les hérésies, IV 20:7.

  • Michel Rouche, Les Origines du christianisme : 30-451, Hachette, 2007.

  • Ibid, p. 368.

  • Ibid, p. 267.

  1. « Notre organisation » [archive], sur Fondation Saint-Irénée (consulté le 16 août 2021)

​Voir aussi

​Bibliographie

​Ouvrages d'Irénée de Lyon

  • Contre les hérésies (188), trad. Adelin Rousseau et Louis Doutreleau, Cerf, coll. « Sources chrétiennes » ; Livre I, n°263-264, 2 vol., 1979 ; Livre II, n° 293-294, 2 vol., 1982 ; Livre III, n° 210-211, 2 vol. : 1974 ; Livre IV, n° 100, 1965, 1008 p. ; Livre V, n° 152-153, 2 vol., 1969.

    • Contre les hérésies. Dénonciation et réfutation de la gnose au nom menteur, trad. Adelin Rousseau, Cerf, coll. « Sagesses chrétiennes », 3e éd. 1991, 752 p.

  • Démonstrations de la prédication apostolique, trad. Léon Marie Froidevaux, Cerf, coll. « Sources chrétiennes » n° 62, 1959 ; trad. Adelin Rousseau, n° 406, 1995.

    • Démonstration de la prédication apostolique, trad. de l'arménien Jean-Pierre Mahé et Rose Varteni Chétanian : Premiers écrits chrétiens, Gallimard, coll. « La Pléiade », 2016, p. 1092-1140.

​Ouvrages généraux

​Études sur Irénée de Lyon

  • Pierre Prigent et André Benoît, « Pour une théologie de l'image : Les visions de l'Apocalypse - Remarques sur le thème de la vision chez Irénée de Lyon », Revue d'histoire et de philosophie religieuses, vol. 59e année, Mélanges Edmond Jacob, nos 3-4,‎ 1979, p. 373-384. (lire en ligne [archive])

  • Ysabel de Andia, Homo vivens, incorruptibilité et divinisation de l'homme selon Irénée de Lyon, Études augustiniennes, 1986 (ISBN 978-2-851-21068-5).

  • Thierry Ziegler, « Un regard neuf sur la formation du Canon », Revue d'histoire et de philosophie religieuses, vol. 71e année, Hommage à André Benoît, no 1,‎ janvier-mars 1991, p. 45-59 (lire en ligne [archive])

  • Yves-Marie Blanchard, Aux sources du Canon, le témoignage d'Irénée, avec le concours de l'Institut catholique de Paris, 1993

  • Marie-Laure Chaïeb, Irénée de Lyon : « Contre les hérésies », lu par Marie-Laure Chaïeb, Éditions du Cerf, 2011

  • Jacques Fantino, La Théologie d'Irénée, Paris, Éditions du Cerf, Collection Cogitatio fidei, 1994

  • Jacques Fantino, « Vérité de foi et vie des communautés chrétiennes selon Irénée de Lyon », Revue des Sciences Religieuses, t. 70, no 2,‎ 1996, p. 240-253. (lire en ligne [archive])

  • Jean Comby et Donna Singles, La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant, traduction des textes d'Irénée par Adelin Rousseau, Cerf, Paris, 2007 (ISBN 978-2-204-08478-9).

  • Dom Cyril Pasquier, Aux portes de la gloire, Analyse théologique du millénarisme de saint Irénée de Lyon, 2008 (ISBN 978-2-8271-1044-5).

  • Bernard Sesboüé, Tout récapituler dans le Christ : christologie et sotériologie d'Irénée de Lyon, Desclée, 2000 (présentation en ligne [archive])

  • Paul-Hubert Poirier, « Gnose et patristique. À propos de deux attestations du discours intérieur », Laval théologique et philosophique, vol. 57, no 2,‎ juin 2001, p. 235–241. (lire en ligne [archive])

​Articles connexes



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BENOÎT XVI

AUDIENCE GÉNÉRALE

Mercredi 28 mars 2007

 

Saint Irénée de Lyon

Chers frères et sœurs!

Dans les catéchèses sur les grandes figures de l'Eglise des premiers siècles, nous arrivons aujourd'hui à l'éminente personnalité de saint Irénée de Lyon. Les informations biographiques à son sujet proviennent de son propre témoignage, qui nous est parvenu à travers Eusèbe, dans le livre V de l'Histoire ecclésiastique. Irénée naquit selon toute probabilité à Smyrne (aujourd'hui Izmir, en Turquie), vers 135-140, où, encore jeune, il alla à l'école de l'Evêque Polycarpe, lui-même disciple de l'Apôtre Jean. Nous ne savons pas quand il se rendit d'Asie mineure en Gaule, mais son transfert dut coïncider avec les premiers développements de la communauté chrétienne de Lyon:  c'est là que, en 177, nous trouvons Irénée au nombre du collège des prêtres. C'est précisément cette année qu'il fut envoyé à Rome, porteur d'une lettre de la communauté de Lyon au Pape Eleuthère. La mission romaine qui permit à Irénée d'échapper à la persécution de Marc-Aurèle, dans laquelle au moins 48 martyrs trouvèrent la mort, parmi lesquels l'Evêque de Lyon lui-même, Pothin, âgé de 90 ans, mort des suites de mauvais traitements en prison. Ainsi, à son retour, Irénée fut élu Evêque de la ville. Le nouveau Pasteur se consacra entièrement au ministère épiscopal, qui se conclut vers 202-203, peut-être par le martyre.

Irénée est avant tout un homme de foi et un Pasteur. Du bon Pasteur, il possède le sens de la mesure, la richesse de la doctrine, l'ardeur missionnaire. En tant qu'écrivain, il poursuit un double objectif:  défendre la véritable doctrine des attaques des hérétiques, et exposer avec clarté les vérités de la foi. Les deux œuvres qui nous sont parvenues de lui correspondent exactement à ces objectifs:  les cinq livres Contre les hérésies, et l'Exposition de la prédication apostolique (que l'on peut également appeler le plus ancien "catéchisme de la doctrine chrétienne"). En définitive, Irénée est le champion de la lutte contre les hérésies. L'Eglise du II siècle était menacée par ce que l'on appelle la gnose, une doctrine qui affirmait que la foi enseignée dans l'Eglise ne serait qu'un symbolisme destiné aux personnes simples, qui ne sont pas en mesure de comprendre les choses difficiles; au contraire, les initiés, les intellectuels, - on les appelait les gnostiques - auraient compris ce qui se cache derrière ces symboles, et auraient formé un christianisme élitiste, intellectuel. Bien sûr, ce christianisme intellectuel se fragmentait toujours plus en divers courants de pensées souvent étranges et extravagants, mais qui attiraient de nombreuses personnes. Un élément commun de ces divers courants était le dualisme, c'est-à-dire que l'on niait la foi dans l'unique Dieu, Père de tous, Créateur et Sauveur de l'homme et du monde. Pour expliquer le mal dans le monde, ils affirmaient l'existence, auprès de Dieu bon, d'un principe négatif. Ce principe négatif aurait produit les choses matérielles, la matière.

En s'enracinant solidement dans la doctrine biblique de la création, Irénée réfute le dualisme et le pessimisme gnostique qui sous-évaluaient les réalités corporelles. Il revendiquait fermement la sainteté originelle de la matière, du corps, de la chair, ainsi que de l'esprit. Mais son œuvre va bien au-delà du rejet de l'hérésie:  on peut dire, en effet, qu'il se présente comme le premier grand théologien de l'Eglise, qui a créé la théologie systématique; lui-même parle du système de la théologie, c'est-à-dire de la cohérence interne de toute la foi. Au centre de sa doctrine réside la question de la "règle de la foi" et de sa transmission. Pour Irénée, la "règle de la foi" coïncide en pratique avec le Credo des Apôtres et nous donne la clé pour interpréter l'Evangile, pour interpréter le Credo à la lumière de l'Evangile. Le symbole apostolique, qui est une sorte de synthèse de l'Evangile, nous aide à comprendre ce qu'il veut dire, et la façon dont nous devons lire l'Evangile lui-même.

En effet, l'Evangile prêché par Irénée est celui qu'il a reçu de Polycarpe, Evêque de Smyrne, et l'Evangile de Polycarpe remonte à l'Apôtre Jean, dont Polycarpe était le disciple. Et ainsi, le véritable enseignement n'est pas celui inventé par les intellectuels au-delà de la foi simple de l'Eglise. Le véritable Evangile est celui enseigné par les Evêques qui l'ont reçu des Apôtres à travers une chaîne ininterrompue. Ceux-ci n'ont rien enseigné d'autre que précisément cette foi simple, qui est également la véritable profondeur de la révélation de Dieu. Ainsi - nous dit Irénée - il n'existe pas de doctrine secrète derrière le Credo commun de l'Eglise. Il n'existe pas de christianisme supérieur pour les intellectuels. La foi publiquement confessée par l'Eglise est la foi commune de tous. Seule cette foi est apostolique, elle vient des Apôtres, c'est-à-dire  de  Jésus  et  de Dieu. En adhérant à cette foi transmise publiquement par les Apôtres à leurs successeurs, les chrétiens doivent observer ce que les Evêques disent, ils doivent suivre en particulier l'enseignement de l'Eglise de Rome, prééminente et très ancienne. Cette Eglise, en raison de son origine antique, possède un caractère apostolique suprême; en effet, elle tire son origine des piliers du Collège apostolique, Pierre et Paul. Toutes les Eglises doivent être en accord avec l'Eglise de Rome, en reconnaissant en elle la mesure de la véritable tradition apostolique, de l'unique foi commune de l'Eglise. A travers ces arguments, ici brièvement résumés, Irénée réfute à leur racine même les prétentions de ces gnostiques, de ces intellectuels:  avant tout, ils ne possèdent pas une vérité qui serait supérieure à celle de la foi commune, car ce qu'ils disent n'est pas d'origine apostolique, mais est inventé par eux; en second lieu, la vérité et le salut ne sont pas le privilège et le monopole de quelques personnes, mais tous peuvent y parvenir à travers la prédication des successeurs des Apôtres, et surtout de l'Evêque de Rome. En particulier - toujours en remettant en question le caractère "secret" de la tradition gnostique, et en soulignant ses effets multiples et contradictoires entre eux - Irénée se préoccupe d'illustrer le concept authentique de Tradition apostolique, que nous pouvons résumer en trois points.

a) La Tradition apostolique est "publique", et non pas privée ou secrète. Pour Irénée, il ne fait aucun doute que le contenu de la foi transmise par l'Eglise est celui reçu par les Apôtres et par Jésus, par le Fils de Dieu. Il n'existe pas d'autre enseignement que celui-ci. C'est pourquoi, celui qui veut connaître la véritable doctrine doit uniquement connaître "la Tradition qui vient des Apôtres et la foi annoncée aux hommes":  tradition et foi qui "sont parvenues jusqu'à nous à travers la succession des évêques" (Adv. Haer. 3, 3, 3-4). Ainsi, succession des Evêques, principe personnel et Tradition apostolique, de même que principe doctrinal coïncident.

b) La Tradition apostolique est "unique". En effet, tandis que le gnosticisme est sous-divisé en de multiples sectes, la Tradition de l'Eglise est unique dans ses contenus fondamentaux que - comme nous l'avons vu - Irénée appelle précisément regula fidei ou veritatis:  et parce qu'elle est unique, elle crée ainsi une unité à travers les peuples, à travers les diverses cultures, à travers les différents peuples; il s'agit d'un contenu commun comme la vérité, en dépit de la diversité des langues et des cultures. Il y a une phrase très précieuse de saint Irénée dans le livre Contre les hérésies:  "L'Eglise, bien que disséminée dans le monde entier, préserve avec soin [la foi des Apôtres], comme si elle n'habitait qu'une seule maison; de la même façon, elle croit dans ces vérités, comme si elle n'avait qu'une  seule âme et un même cœur; elle proclame, enseigne et transmet en plein accord ces vérités, comme si elle n'avait qu'une seule bouche. Les langues du monde sont différentes, mais la force de la tradition est unique et la même:  les Eglises fondées dans les Germanies n'ont pas reçu ni ne transmettent de foi différente, pas plus que celles fondées dans les Espagnes, ou encore parmi les Celtes ou dans les régions orientales, ou en Egypte ou en Libye ou dans le centre du monde" (1, 10, 1-2). On voit déjà à cette époque, nous sommes en l'an 200, l'universalité de l'Eglise, sa catholicité et la force unificatrice de la vérité, qui unit ces réalités si différentes, de la Germanie à l'Espagne, à l'Italie, à l'Egypte, à la Libye, dans la vérité commune qui nous a été révélée par le Christ.

c) Enfin, la Tradition apostolique est, comme il le dit dans la langue grecque dans laquelle il a écrit son livre, "pneumatique", c'est-à-dire spirituelle, guidée par l'Esprit Saint:  en grec Esprit se dit pneuma. Il ne s'agit pas, en effet, d'une transmission confiée à l'habileté d'hommes plus ou moins savants, mais à l'Esprit de Dieu, qui garantit la fidélité de la transmission de la foi. Telle est la "vie" de l'Eglise, ce qui rend l'Eglise toujours fraîche et jeune, c'est-à-dire féconde de multiples charismes. Pour Irénée, Eglise et Esprit sont inséparables:  "Cette foi", lisons-nous encore dans le troisième livre Contre les hérésies, "nous l'avons reçue de l'Eglise et nous la conservons:  la foi, par l'œuvre de l'Esprit de Dieu, comme un dépôt précieux conservé dans un vase de valeur rajeunit toujours et fait rajeunir également le vase qui la contient. Là où est l'Eglise se trouve l'Esprit de Dieu; et là où est l'Esprit de Dieu, se trouve l'Eglise et toute grâce" (3, 24, 1).

Comme on le voit, saint Irénée ne se limite pas à définir le concept de Tradition. Sa tradition, la tradition ininterrompue, n'est pas traditionalisme, car cette Tradition est toujours intérieurement vivifiée par l'Esprit Saint, qui la fait à nouveau vivre, qui la fait être interprétée et comprise dans la vitalité de l'Eglise. Selon son enseignement, la foi de l'Eglise doit être transmise de manière à apparaître telle qu'elle doit être, c'est-à-dire "publique", "unique", "pneumatique", "spirituelle". A partir de chacune de ces caractéristiques, on peut conduire un discernement fructueux à propos de l'authentique transmission de la foi dans l'aujourd'hui de l'Eglise. De manière plus générale, dans la doctrine d'Irénée la dignité de l'homme, corps et âme, est solidement ancrée dans la création divine, dans l'image du Christ et dans l'œuvre permanente de sanctification de l'Esprit. Cette doctrine est comme une "voie maîtresse" pour éclaircir avec toutes les personnes de bonne volonté l'objet et les limites du dialogue sur les valeurs, et pour donner un élan toujours nouveau à l'action missionnaire de l'Eglise, à la force de la vérité qui est la source de toutes les véritables valeurs du monde.

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Je salue cordialement les pèlerins francophones présents ce matin, en particulier tous les groupes de jeunes. Puisse saint Irénée vous inviter à approfondir toujours davantage votre foi, dans la joie de témoigner du Christ aujourd’hui, avec la force que donne l’Esprit Saint !

 

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