samedi 1 octobre 2016

sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face . 1873 + 1897



Vierge, Carmélite, Docteur de l'Église
Co-patronne de la France



Thérèse Martin naît à Alençon, en France, le 2 janvier 1873. Elle fut baptisée deux jours plus tard en l'église Notre-Dame, recevant les noms de Marie Françoise Thérèse. Ses parents étaient Louis Martin et Zélie Guérin (béatifiés le 19 octobre 2008 à Lisieux). Après la mort de sa mère, le 28 août 1877, Thérèse s'installa avec toute sa famille à Lisieux. Vers la fin de 1879, elle s'approche pour la première fois du sacrement de la Pénitence.


Le jour de la Pentecôte 1883, elle reçoit la grâce insigne de la guérison d'une grave maladie, par l'intercession de Notre-Dame des Victoires. Formée par les Bénédictines de Lisieux, elle fait sa première communion le 8 mai 1884, après une préparation intense, couronnée par une expérience très vive de la grâce de l'union intime avec le Christ. Quelques semaines après, le 14 juin de la même année, elle reçoit le sacrement de la confirmation, accueillant en toute conscience le don de l'Esprit Saint dans une participation personnelle à la grâce de la Pentecôte. Elle avait le désir d'entrer dans la vie contemplative, comme ses sœurs Pauline et Marie, au Carmel de Lisieux, mais son jeune âge l'en empêchait.

Pendant un voyage en Italie, après avoir visité la Maison de Lorette et la Ville éternelle, au cours de l'audience accordée par le Pape aux pèlerins du diocèse de Lisieux le 20 novembre 1887, elle demanda à Léon XIII (Vincenzo Pecci, 1878-1903), avec une audace filiale, de pouvoir entrer au Carmel à l'âge de quinze ans. Le 9 avril 1888, elle entra au Carmel de Lisieux. Elle prit l'habit le 10 janvier de l'année suivante et fit sa profession religieuse le 8 septembre 1890, en la fête de la Nativité de la Vierge Marie.

Au Carmel, elle s'engage sur le chemin de perfection tracé par la Mère fondatrice, Thérèse de Jésus, avec une ferveur et une fidélité authentiques, par l'accomplissement des divers services communautaires qui lui sont confiés. Éclairée par la Parole de Dieu, éprouvée très vivement par la maladie de son père bien-aimé, Louis Martin, qui meurt le 29 juillet 1894, elle avance vers la sainteté, inspirée par la lecture de l'Évangile, plaçant au centre de tout l'amour.

Dans ses manuscrits autobiographiques, Thérèse nous a laissé non seulement les souvenirs de son enfance et de son adolescence, mais aussi le portrait de son âme, la description de ses expériences les plus intimes. Elle découvre et communique aux novices qui lui sont confiées la petite voie de l'enfance spirituelle ; elle reçoit comme un don spécial la charge d'accompagner par le sacrifice et la prière deux «frères missionnaires». Elle pénètre toujours plus le mystère de l'Église et sent croître en elle sa vocation apostolique et missionnaire, pour attirer tout le monde à sa suite, saisie par l'amour du Christ, son unique Époux.

Le 9 juin 1895, en la fête de la Très Sainte Trinité, elle s'offre en victime d'holocauste à l'Amour miséricordieux de Dieu. Elle rédige alors le premier manuscrit autobiographique qu'elle remet à Mère Agnès le jour de la fête de celle-ci, le 21 janvier 1896. Quelques mois après, le 3 avril, dans la nuit entre le jeudi et le vendredi saints, elle souffre d'une hémoptysie, première manifestation de la maladie qui la conduira à sa mort et qu'elle accueille comme une mystérieuse visite de l'Époux divin. Elle entre alors dans une épreuve de la foi qui durera jusqu'à sa mort et dont elle donnera un témoignage bouleversant dans ses écrits. Au mois de septembre, elle achève le manuscrit B qui illustre de manière impressionnante la maturité dans la sainteté à laquelle elle est parvenue, en particulier par la découverte de sa vocation au cœur de l'Église.

Alors que sa santé se dégrade et que le temps de l'épreuve se poursuit, elle commence au mois de juin le manuscrit C dédié à Mère Marie de Gonzague ; de nouvelles grâces l'amènent à une plus haute perfection et elle découvre de nouvelles lumières pour la diffusion de son message dans l'Église au profit des âmes qui suivront sa voie. Le 8 juillet, elle est transférée à l'infirmerie. Ses sœurs et d'autres religieuses recueillent ses paroles, tandis que s'intensifient ses souffrances et ses épreuves, supportées avec patience, jusqu'à sa mort dans l'après-midi du 30 septembre 1897. «Je ne meurs pas, j'entre dans la vie», avait-elle écrit à son frère spirituel missionnaire, l'Abbé M. Bellier. Ses dernières paroles, «Mon Dieu..., je vous aime !», scellent une existence qui s'éteint sur la terre à l'âge de vingt-quatre ans pour entrer, suivant son désir, dans une phase nouvelle de présence apostolique en faveur des âmes, dans la communion des saints, pour répandre une pluie de roses sur le monde.

Elle fut canonisée par Pie XI (Ambrogio Damiano Achille Ratti, 1922-1939) le 17 mai 1925 et ce même Pape la proclama "Patronne universelle des missions", ainsi que St François Xavier, le 14 décembre 1927.

Sa doctrine et son exemple de sainteté ont été reçus par toutes les catégories de fidèles de ce siècle avec un grand enthousiasme, et aussi en dehors de l'Église catholique et du christianisme. De nombreuses Conférences épiscopales, à l'occasion du centenaire de sa mort, ont demandé au Pape qu'elle soit proclamée Docteur de l'Église, à cause de la solidité de sa sagesse spirituelle, inspirée par l'Évangile, à cause de l'originalité de ses intuitions théologiques où brille sa doctrine éminente, et à cause de l'universalité de la réception de son message spirituel, accueilli dans le monde entier et diffusé par la traduction de ses œuvres dans une cinquantaine de langues.

Saint Jean-Paul II (Karol Józef Wojtyła, 1978-2005) proclama Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte Face Docteur de l'Église universelle le 19 octobre 1997.

Pour approfondir, lire la Catéchèse du Pape Benoît XVI :


Source principale : vatican.va («Rév. x gpm»).



 





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BENOÎT XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Place Saint-Pierre
Mercredi 6 avril 2011

Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus
Chers frères et sœurs,
Je voudrais vous parler aujourd’hui de sainte Thérèse de Lisieux, Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face, qui ne vécut que 24 ans dans ce monde, à la fin du XIXe siècle, conduisant une vie très simple et cachée mais qui, après sa mort et la publication de ses écrits, est devenue l’une des saintes les plus connues et aimées. La «petite Thérèse» n’a jamais cessé d’aider les âmes les plus simples, les petits, les pauvres, les personnes souffrantes qui la priaient, mais elle a également illuminé toute l’Eglise par sa profonde doctrine spirituelle, au point que le vénérable Pape Jean-Paul II, en 1997, a voulu lui conférer le titre de Docteur de l’Eglise, s’ajoutant à celui de patronne des missions, qui lui avait été attribué par Pie XI en 1927. Mon bien-aimé prédécesseur la définit «experte en scientia amoris» (Novo Millennio ineunte, n. 42). Cette science, qui voit resplendir dans l’amour toute la vérité de la foi, Thérèse l’exprime principalement dans le récit de sa vie, publié un an après sa mort sous le titre Histoire d’une âme. C’est un livre qui eut immédiatement un immense succès, et qui fut traduit dans de nombreuses langues et diffusé partout dans le monde. Je voudrais vous inviter à redécouvrir ce petit-grand trésor, ce commentaire lumineux de l’Evangile pleinement vécu! L’Histoire d’une âme, en effet, est une merveilleuse histoire d’Amour, racontée avec une telle authenticité, simplicité et fraîcheur que le lecteur ne peut qu’en être fasciné! Mais quel est cet Amour qui a rempli toute la vie de Thérèse, de son enfance à sa mort? Chers amis, cet Amour possède un Visage, il possède un Nom, c’est Jésus! La sainte parle continuellement de Jésus. Reparcourons alors les grandes étapes de sa vie, pour entrer au cœur de sa doctrine.
Thérèse naît le 2 janvier 1873 à Alençon, une ville de Normandie, en France. C’est la dernière fille de Louis et Zélie Martin, époux et parents exemplaires, béatifiés ensemble le 19 octobre 2008. Ils eurent neuf enfants; quatre d’entre eux moururent en bas âge. Les cinq filles survécurent, et devinrent toutes religieuses. A l’âge de 4 ans, Thérèse fut profondément frappée par la mort de sa mère (Ms A, 13r). Son père s’installa alors avec ses filles dans la ville de Lisieux, où se déroulera toute la vie de la sainte. Plus tard, Thérèse, frappée d’une grave maladie nerveuse, fut guérie par une grâce divine, qu’elle-même définit comme le «sourire de la Vierge» (ibid., 29v-30v). Elle reçut ensuite la Première Communion, intensément vécue (ibid., 35r), et plaça Jésus Eucharistie au centre de son existence.
La «Grâce de Noël» de 1886 marque un tournant important, qu’elle appelle sa «complète conversion» (ibid., 44v-45v). En effet, elle guérit totalement de son hypersensibilité infantile et commence une «course de géant». A l’âge de 14 ans, Thérèse s’approche toujours plus, avec une grande foi, de Jésus Crucifié, et prend à cœur le cas, apparemment désespéré, d’un criminel condamné à mort et impénitent (ibid., 45v-46v). «Je voulus à tout prix l’empêcher de tomber en enfer» écrit la sainte, dans la certitude que sa prière le mettrait en contact avec le Sang rédempteur de Jésus. C’est sa première expérience fondamentale de maternité spirituelle: «tant j'avais de confiance en la Miséricorde infinie de Jésus», écrit-elle. Avec la très Sainte Vierge Marie, la jeune Thérèse aime, croit et espère avec «un cœur de mère» (cf. RP 6/10r).
En novembre 1887, Thérèse se rend en pèlerinage à Rome avec son père et sa sœur Céline (ibid. 55v-67r). Pour elle, le moment culminant est l’audience du Pape Léon XIII, auquel elle demande l’autorisation d’entrer, à l’âge de quinze ans à peine, au carmel de Lisieux. Un an plus tard, son désir se réalise: elle devient carmélite «pour sauver les âmes et prier pour les prêtres» (ibid., 69v). Dans le même temps, commence également la douloureuse et humiliante maladie mentale de son père. C’est une grande souffrance qui conduit Thérèse à la contemplation du Visage de Jésus dans sa passion (ibid., 71rv). Ainsi, son nom de religieuse — sœur Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face — exprime le programme de toute sa vie, dans la communion aux mystères centraux de l’Incarnation et de la Rédemption. Sa profession religieuse, en la fête de la Nativité de Marie, le 8 septembre 1890, est pour elle un véritable mariage spirituel dans la «petitesse» évangélique, caractérisée par le symbole de la fleur: «Quelle belle fête que la Nativité de Marie pour devenir l’épouse de Jésus! — écrit- elle — C’était la petite Sainte Vierge d’un jour qui présentait sa petite fleur au petit Jésus» (ibid., 77r). Pour Thérèse, être religieuse signifie être l’épouse de Jésus et mère des âmes (cf. Ms B, 2v). Le même jour, la sainte écrit une prière qui indique toute l’orientation de sa vie: elle demande à Jésus le don de l’Amour infini, d’être la plus petite, et surtout elle demande le salut de tous les hommes: «Qu’aucune âme ne soit damnée aujourd’hui» (Pri 2). Son Offrande à l’Amour miséricordieux, faite en la fête de la Très Sainte Trinité de 1895, est d’une grande importance (Ms A, 83v-84r; Pri 6): une offrande que Thérèse partagea immédiatement avec ses consœurs, étant déjà vice-maîtresse des novices.
Dix ans après la «Grâce de Noël», en 1896, arrive la «Grâce de Pâques», qui ouvre la dernière période de la vie de Thérèse, avec le début de sa passion en union profonde avec la Passion de Jésus. Il s’agit de la passion du corps, avec la maladie qui la conduira à la mort à travers de grandes souffrances, mais il s’agit surtout de la passion de l’âme, avec une très douloureuse épreuve de foi (Ms C, 4v-7v). Avec Marie à côté de la Croix de Jésus, Thérèse vit alors la foi la plus héroïque, comme une lumière dans les ténèbres qui envahissent son âme. La carmélite a conscience de vivre cette grande épreuve pour le salut de tous les athées du monde moderne, qu’elle appelle «frères». Elle vit alors encore plus intensément l’amour fraternel (8r-33v): envers les sœurs de sa communauté, envers ses deux frères spirituels missionnaires, envers les prêtres et tous les hommes, en particulier les plus lointains. Elle devient véritablement une «sœur universelle»! Sa charité aimable et souriante est l’expression de la joie profonde dont elle nous révèle le secret: «Jésus, ma joie est de T’aimer» (PN 45/7). Dans ce contexte de souffrance, en vivant le plus grand amour dans les petites choses de la vie quotidienne, la sainte conduit à son accomplissement sa vocation d’être l’Amour au cœur de l’Eglise (cf. Ms B, 3v).
Thérèse meurt le soir du 30 septembre 1897, en prononçant les simples paroles «Mon Dieu, je vous aime!», en regardant le Crucifix qu’elle serrait entre ses mains. Ces dernières paroles de la sainte sont la clé de toute sa doctrine, de son interprétation de l’Evangile. L’acte d’amour, exprimé dans son dernier souffle, était comme la respiration continuelle de son âme, comme le battement de son cœur. Les simples paroles «Jésus je T’aime» sont au centre de tous ses écrits. L’acte d’amour à Jésus la plonge dans la Très Sainte Trinité. Elle écrit: «Ah tu le sais, Divin Jésus je T’aime, / L’Esprit d’Amour m’embrase de son feu, / C’est en T’aimant que j’attire le Père» (PN 17/2).
Chers amis, nous aussi, avec sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, nous devrions pouvoir répéter chaque jour au Seigneur que nous voulons vivre d’amour pour Lui et pour les autres, apprendre à l’école des saints à aimer de manière authentique et totale. Thérèse est l’un des «petits» de l’Evangile qui se laissent conduire par Dieu dans les profondeurs de son Mystère. Un guide pour tous, surtout pour ceux qui, dans le Peuple de Dieu, accomplissent le ministère de théologiens. Avec l’humilité et la charité, la foi et l’espérance, Thérèse entre continuellement dans le cœur de la Sainte Ecriture qui renferme le Mystère du Christ. Et cette lecture de la Bible, nourrie par la science de l’amour, ne s’oppose pas à la science académique. La science des saints, en effet, dont elle parle elle-même dans la dernière page de l’Histoire d’une âme, est la science la plus élevée. «Tous les saints l’ont compris et plus particulièrement peut-être ceux qui remplirent l’univers de l’illumination de la doctrine évangélique. N’est-ce point dans l’oraison que les saints Paul, Augustin, Jean de la Croix, Thomas d’Aquin, François, Dominique et tant d’autres illustres Amis de Dieu ont puisé cette science divine qui ravit les plus grands génies?» (Ms C, 36r). Inséparable de l’Evangile, l’Eucharistie est pour Thérèse le Sacrement de l’amour divin qui s’abaisse à l’extrême pour s’élever jusqu’à Lui. Dans sa dernière Lettre, sur une image qui représente l’Enfant Jésus dans l’Hostie consacrée, la sainte écrit ces simples mots: «Je ne puis craindre un Dieu qui s’est fait pour moi si petit! (...) Je l’aime car Il n’est qu’Amour et Miséricorde!» (LT 266).
Dans l’Evangile, Thérèse découvre surtout la Miséricorde de Jésus, au point d’affirmer: «A moi il a donné sa Miséricorde infinie, et c’est à travers elle que je contemple et adore les autres perfections divines! (…) Alors toutes m’apparaissent rayonnantes d’amour, la Justice même (et peut-être encore plus que toute autre) me semble revêtue d’amour» (Ms A, 84r). Ainsi s’exprime-t-elle dans les dernières lignes de l’Histoire d’une âme: «Je n'ai qu'à jeter les yeux dans le Saint Evangile, aussitôt je respire les parfums de la vie de Jésus et je sais de quel côté courir... Ce n’est pas à la première place, mais à la dernière que je m’élance... Oui je le sens, quand même j'aurais sur la conscience tous les péchés qui se peuvent commettre, j'irais, le cœur brisé de repentir, me jeter dans les bras de Jésus, car je sais combien Il chérit l'enfant prodigue qui revient à Lui» (Ms C, 36v-37r). «Confiance et Amour» sont donc le point final du récit de sa vie, deux mots qui comme des phares ont éclairé tout son chemin de sainteté, pour pouvoir guider les autres sur sa propre «petite voie de confiance et d’amour», de l’enfance spirituelle (cf. Ms C, 2v-3r; LT 226). Confiance comme celle de l’enfant qui s’abandonne entre les mains de Dieu, inséparable de l’engagement fort, radical du véritable amour, qui est un don total de soi, pour toujours, comme le dit la sainte en contemplant Marie: «Aimer c’est tout donner, et se donner soi-même» (Pourquoi je t’aime, ô Marie, PN 54/22). Ainsi Thérèse nous indique à tous que la vie chrétienne consiste à vivre pleinement la grâce du Baptême dans le don total de soi à l’Amour du Père, pour vivre comme le Christ, dans le feu de l’Esprit Saint, Son propre amour pour tous les autres.
* * *
Je salue cordialement les pèlerins de langue française, particulièrement les Frères du Sacré-Cœur, ainsi que les lycéens et les collégiens! N’ayez pas peur d’imiter sainte Thérèse de l’Enfant Jésus! La vie chrétienne consiste vraiment à vivre pleinement la grâce du baptême dans le don total de soi à l’amour du Père, pour manifester comme le Christ, dans le feu de l’Esprit Saint, son amour pour les autres. Ma prière vous accompagne!

APPEL
Je continue de suivre avec une grande préoccupation les événements dramatiques que vivent en ces jours les chères populations de Côte d’Ivoire et de Libye. Je souhaite, en outre, que le cardinal Turkson, que j’avais chargé de se rendre en Côte d’Ivoire pour exprimer ma solidarité, puisse entrer au plus tôt dans le pays. Je prie pour les victimes et je suis proche de tous ceux qui souffrent. La violence et la haine sont toujours un échec! C’est pourquoi j’adresse un nouvel appel pressant à toutes les parties en conflit afin que soit entamée l’œuvre de pacification et de dialogue et que l’on évite de nouvelles effusions de sang.

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wikipédia – à jour au 28 septembre 2016

Thérèse de Lisieux

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Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face
Sainte catholique
Image illustrative de l'article Thérèse de Lisieux
Sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face en 1895
Naissance
Décès
Nom de naissance
Marie-Françoise Thérèse Martin
Autres noms
Thérèse de Lisieux, petite Thérèse
Nationalité
Ordre religieux
Vénéré à
le 17 mai 1925 Rome
par Pie XI
Docteur de l'Église
Vénéré par
Fête
Attributs
Porte un habit de Carmélite, et porte dans ses mains une croix entourée de roses.
Sainte patronne
des Missions, de la France, de la Russie, des infirmes du Syndrome d'immunodéficience acquise, des fleuristes et jardiniers, de la perte des parents, de la tuberculose, du Collège Russicum
Marie-Françoise Thérèse Martin, en religion sœur Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, également connue sous les appellations sainte Thérèse de Lisieux, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus ou encore la petite Thérèse, est une religieuse carmélite française née à Alençon dans l'Orne en France le 2 janvier 1873 et morte à Lisieux en France le 30 septembre 1897.
Le retentissement de ses publications posthumes, dont Histoire d'une âme publiée peu de temps après sa mort, en fait l'une des plus grandes saintes du XIXe siècle. La dévotion à sainte Thérèse s'est développée partout dans le monde.
Considérée par Pie XI comme l'« étoile de son pontificat », elle est béatifiée puis canonisée dès 1925. Religieuse cloîtrée, elle est paradoxalement déclarée sainte patronne des missions et, avec Jeanne d'Arc, canonisée en 1920, proclamée « Patronne Secondaire de la France ». Enfin, elle est proclamée Docteur de l'Église par Jean-Paul II en 1997 pour le centenaire de sa mort.
Fille d'un couple tenant commerce d'horlogerie et de dentelles d'Alençon, Louis et Zélie Martin, Thérèse perd sa mère à l'âge de quatre ans et demi. Elle est élevée par ses sœurs aînées Marie et Pauline, qui tour à tour entrent au carmel de Lisieux, faisant revivre à l'enfant le sentiment d'abandon ressenti lors de la perte de leur mère1. Cependant, elle ressent très tôt un appel à la vie religieuse. Elle fait un pèlerinage à Rome pour demander l'accord d'entrer au Carmel, alors qu'elle n'en a pas encore l'âge légal. Mais le pape refuse, elle doit donc attendre. Elle entre au Carmel de Lisieux à quinze ans. Après neuf années de vie religieuse, dont les deux dernières passées dans une « nuit de la foi », elle meurt de la tuberculose le 30 septembre 1897 à l'âge de vingt-quatre ans.
La nouveauté de sa spiritualité, appelée la théologie de la « petite voie2 », de l'enfance spirituelle, a inspiré nombre de croyants. Elle propose de rechercher la sainteté, non pas dans les grandes actions, mais dans les actes du quotidien même les plus insignifiants, à condition de les accomplir pour l'amour de Dieu. En la proclamant 33e docteur de l'Église, le pape Jean-Paul II a reconnu ipso facto l'exemplarité de sa vie et de ses écrits. Ironie du sort, elle meurt inconnue puisque cloîtrée et est aujourd'hui « mondialement célèbre et vénérée3 ».
Édifiée en son honneur, la basilique de Lisieux est le deuxième plus grand lieu de pèlerinage de France après Lourdes.

Sommaire

Biographie

Enfance

Alençon

Louis Martin, père de Thérèse, un homme doux et fort.
Zélie Martin, mère de Thérèse, déjà atteinte du mal qui l'emportera.
Article détaillé : Louis et Zélie Martin.
Le père de Thérèse, Louis Martin (Bordeaux, 1823 - Lisieux, 1894) exerce le métier d'horloger où il excelle. Sa mère, née Azélie-Marie Guérin (Gandelain, 1831 - Alençon, 1877), est déjà connue, dans les années 1850, comme fabricante du point d'Alençon. Elle aura bientôt une petite entreprise sise au 36 rue Saint-Blaise, et dont Louis deviendra l'administrateur en 1870. Elle emploiera jusqu'à une vingtaine d'ouvrièresD 1.
Tous les deux, de très grande piété, font donc partie de la petite bourgeoisie aisée d'Alençon, d'autant que le mari a fait d'excellents placementsD 2. Louis aurait voulu devenir chanoine dans la congrégation des chanoines réguliers du Grand Saint-Bernard (Valais - Suisse), mais sa méconnaissance du latin l’en empêcheraD 3. Zélie-Marie avait voulu entrer au couvent, comme sa sœur aînée Marie-Louise, mais la supérieure la persuade de n'en rien faireD 4. Aussi s'était-elle promis en secret, si elle se mariait, de donner si possible tous ses enfants à l'Église, tout en se défendant de les influencer.
Louis et Zélie-Marie se rencontrent en 1858 sur le pont Saint-Léonard d'Alençon et se marient le 13 juillet 1858 en l'église Notre-Dame (depuis une basilique), décidant cependant de vivre comme frère et sœur dans une continence perpétuelle. Leur confesseur les en ayant dissuadés, ils auront neuf enfants, mais quatre mourront en bas âge .Les cinq autres enfants, toutes des filles, deviendront religieuses :

Enfance

Marie-Françoise-Thérèse Martin naît rue Saint-Blaise à Alençon le 2 janvier 1873. Elle est baptisée dès le 4 janvier 1873 à l'église Notre-Dame d'Alençon. Son parrain est Paul Boul, fils d'un ami de la famille, et sa marraine sa sœur aînée Marie ; tous les deux sont âgés de treize ansD 6.
Thérèse de Lisieux à trois ans, en juillet 1876.
En mars, âgée de deux mois, elle frôle la mort et doit être confiée à une nourrice, Rose Taillé, qui avait déjà nourri deux enfants du couple Martin. Elle se rétablit et elle grandit dans la campagne normande, dans cette ferme de Semallé, distante de 8 kilomètresD 7. À son retour à Alençon, le 2 avril 1874, sa famille l'entoure d'affection. Sa mère dira d'elle qu'« elle est d'une intelligence supérieure à Céline, mais bien moins douce, et surtout d'un entêtement presque invincible. Quand elle dit non, rien ne peut la faire céder. »E 1 Espiègle et malicieuse, elle réjouit sa famille par sa joie de vivre. Mais elle est également émotive et pleure souventD 8.
Elle grandit alors dans cette famille de fervents catholiques qui assistent chaque matin à la messe de 5 h 30, respectent rigoureusement le jeûne et prient au rythme de l'année liturgique. Les Martin pratiquent également la charité et accueillent à l'occasion un vagabond à leur table, visitent les malades et les vieillardsD 9. Même si elle n'est pas la petite fille modèle que dépeindront plus tard ses sœurs, Thérèse est sensible à cette éducation. Ainsi, elle joue à la religieuse, cherche souvent à « faire plaisir à Jésus » et elle s'inquiète de savoir s'il est content d'elleD 10. Un jour, elle va jusqu'à souhaiter à sa mère de mourir ; grondée, elle explique que c'est parce qu'elle lui souhaite le bonheur du ParadisE 2.
Depuis 1865, Zélie Martin se plaint de douleur au sein7,B 1. En décembre 1876, un médecin lui révèle la gravité de cette "« tumeur fibreuse »" : il est trop tard pour tenter une opérationD 11,8. Le 24 février 1877, Zélie perd sa sœur Marie-Louise, morte de la tuberculose au couvent de la Visitation du Mans, sous le nom de sœur Marie-Dosithée. Après ce décès, le mal empire et la malade souffre de plus en plus, même si elle le cache à sa familleD 11.
En juin 1877, Zélie part à Lourdes en pèlerinage dans l'espoir d'y être guérie, mais le miracle n'a pas lieuB 2. Elle meurt le 28 août 1877, après plusieurs jours d'agonie.

À la recherche d'une mère

À quatre ans et demi, Thérèse vient de perdre sa mère. Elle en est profondément marquée. Plus tard, elle considérera que « la première partie de sa vie s'est arrêtée ce jour-là »D 12. Elle choisit alors sa sœur Pauline, âgée de presque 16 ans, comme mère adoptiveE 3.

Arrivée à Lisieux

La maison familiale des Buissonnets à Lisieux.
En novembre 1877, Louis et ses cinq filles s’installent à Lisieux pour se rapprocher d'Isidore Guérin, frère de Zélie, qu'un conseil de famille a désigné subrogé tuteur des enfantsD 13. Isidore Guérin et son épouse sont en effet persuadés que c'est la solution la plus sage et ils sont parvenus à convaincre Louis, d'abord réticent, de faire ce voyage. Pour accueillir la famille Martin, ils ont trouvé une maison bourgeoise entourée d'un parc : les BuissonnetsD 14. L'oncle Isidore, pharmacien à Lisieux, est alors actif politiquement : monarchiste convaincuB 3, il défend le pape Léon XIII et le développement du catholicisme socialB 4.
Louis, qui a vendu le commerce familial d'Alençon et vit désormais de ses rentes, se consacre à ses filles et en particulier à Thérèse, qu'il appelle sa « petite Reine ». Il l'emmène souvent en promenade aux alentours. Marie, âgée de dix-sept ans, prend en main le fonctionnement de la maison, avec l'aide d'une bonne que l'on a engagée. Pauline, seize ans, s'occupe de l'éducation des deux petites, spécialement de ThérèseD 15.
Thérèse ressent profondément le changement d'atmosphère : à l'animation de la boutique d'Alençon, toujours pleine de clientes et d'ouvrières, succède le silence et la solitude de cette demeure retirée où l'on reçoit peu. Sa mère lui manque d'autant plus et elle écrira : « À partir de la mort de maman, mon heureux caractère changea complètement ; moi si vive, si expansive, je devins timide et douce, sensible à l'excès. » Malgré l'amour que lui prodiguent son père et Pauline, sa « maman », la vie est austère aux Buissonnets et elle considérera plus tard qu'il s'agit de « la seconde période de son existence, la plus douloureuse des trois »E 3.
Les dimanches et les fêtes mettent un peu de fantaisie dans la vie bien réglée de la fillette : on assiste à la messe à la cathédrale Saint-Pierre, où l'on retrouve les Guérin, puis c'est un joyeux repas chez eux. Thérèse passe parfois l'après-midi avec l'une de ses sœurs, chez ses cousines Jeanne et Marie. Mais la belle journée passe trop vite à son goûtD 16.
À sept ans, en 1880, Thérèse se confesse pour la première fois. Elle ignore alors crainte et scrupules : « Depuis je retournais me confesser pour toutes les grandes fêtes et c'était une vraie fête pour moi chaque fois que j'y allais. » Le 13 mai 1880, c'est la première communion de Céline, dont elle partage la joie : « Je crois que j'ai reçu de grandes grâces ce jour-là et je le considère comme un des plus beaux de ma vie. » Elle a hâte de recevoir à son tour la communion et décide de profiter des trois années qui l'en séparent pour se préparer à l'événementD 17.
Un incident inquiétant survient au cours d'un après-midi d'été (en 1879 ou 1880)D 18. Elle voit d'une fenêtre donnant sur le jardin, « un homme vêtu absolument comme Papa, ayant la même taille et la même démarche, seulement il était beaucoup plus courbé… Sa tête était couverte d'une espèce de tablier de couleur indécise en sorte que je ne pus voir son visage. Il portait un chapeau semblable à ceux de Papa. Je le vis s'avancer d'un pas régulier, longeant mon petit jardin… Aussitôt un sentiment de frayeur surnaturelle envahit mon âme. »E 4 Apeurée, elle appelle son père, absent ce jour-là. Ses sœurs tentent de la rassurer, on interroge la bonne, on fouille le jardin, mais en vain. Les sœurs Martin ne trouveront un sens à cette vision que quinze ans plus tard, avec la maladie de leur père, atteint de paralysie cérébraleE 5.

Scolarité chez les bénédictines

Thérèse de Lisieux en 1881.
À huit ans et demi, le 3 octobre 1881, Thérèse entre à son tour au pensionnat des bénédictines de Lisieux. Elle revient le soir chez elle, le pensionnat étant proche du domicile familial. Les leçons de Pauline et de Marie lui ont donné de bonnes bases et elle se retrouve en tête de classe.
Cependant, elle découvre la vie collective à laquelle elle n'est pas préparée. Persécutée par des camarades plus âgées qui la jalousent, elle pleure et n'ose se plaindre. Elle n'aime pas l'agitation bruyante des récréations. Son institutrice la décrit comme une élève obéissante, calme et paisible, parfois songeuse ou même triste. Thérèse affirmera plus tard que ces cinq années furent les plus tristes de sa vie, et qu'elle ne trouvait de réconfort que dans la présence de sa « Céline chérie »D 19.
Thérèse vit comme un soulagement le retour aux Buissonnets le soir après l'école : elle retrouve alors sa famille, son univers familier, sa joie de vivre. Les jeudis et les dimanches deviennent des jours importants. Avec sa cousine Marie Guérin, elle invente un nouveau jeu : vivre en solitaires au fond du jardin. Ce sont alors des temps de silence, d'oraisons, des rituels inventés auprès de petits autels installés à la buanderieD 19.
Elle aime également la lecture, qui répond à son besoin de calmeE 6. Passionnée par les récits chevaleresques, elle éprouve une grande admiration pour Jeanne d'Arc. Elle pense être, elle aussi, née pour la gloire, mais une gloire cachéeD 19 : le Bon Dieu « me fit comprendre que ma gloire à moi ne paraîtrait pas aux yeux des mortels, qu'elle consisterait à devenir une grande sainte !!!… »E 7.

Départ de Pauline au carmel

Au cours de l'été 1882, Thérèse a neuf ans. Elle apprend fortuitement que sa sœur Pauline veut entrer au CarmelD 20,E 8. La perspective du départ de sa « seconde maman », la pousse au désespoirB 5 : « […] l'ayant appris par surprise, ce fut comme si un glaive s'était enfoncé dans mon cœur »E 8.
Pauline, cherchant à la consoler, décrit à sa sœur la vie d'une carmélite. Thérèse se sent alors appelée elle aussi au carmel, elle écrira : « Je sentis que le Carmel était le désert où le Bon Dieu voulait que j’aille aussi me cacher… Je le sentis avec tant de force qu’il n’y eut pas le moindre doute dans mon cœur : ce n’était pas un rêve d'enfant qui se laisse entraîner, mais la certitude d’un appel Divin ; je voulais aller au Carmel, non pour Pauline, mais pour Jésus seul… »E 8
Un dimanche, à l'occasion d'une visite au carmel de Lisieux, elle parvient à parler seule à la supérieure, mère Marie de Gonzague. Celle-ci « croit à sa vocation », mais n'accepte pas de postulante âgée de moins de seize ans. Thérèse attendra : elle sait désormais qu'elle a trouvé sa voieD 21.
C'est le lundi 2 octobre 1882 que Pauline entre au carmel de Lisieux, où elle prend le nom de « sœur Agnès de Jésus ». Journée d'autant plus triste pour Thérèse, qu'elle doit également reprendre le chemin de l'école pour une nouvelle année. Sautant une classe, elle entre en 3e, où l'on prépare la première communion. L'instruction religieuse sera l'une des matières importantes, une matière dans laquelle Thérèse excelle. La perspective de la communion, tant attendue, est pour elle un rayon de soleil. Mais, comble de malheur, elle en est exclue à cause d'un règlement récent de l'évêché qui fixe l'âge des communiantes. L'oncle Isidore n'hésite pas à se rendre à Bayeux pour solliciter une dispense de l'évêque, mais il rentre bredouilleD 21.
Même la demi-heure que la supérieure accorde à Pauline pour rencontrer sa famille au parloir chaque jeudi devient pour Thérèse un supplice. La jeune carmélite la néglige un peu, et il ne reste souvent que deux ou trois minutes pour lui parler : « Ah ! ce que j'ai souffert à ce parloir du carmel ! » À dix ans, il lui semble perdre sa mère pour la seconde fois : « Je me disais au fond de mon cœur : « Pauline est perdue pour moi !!! » »D 21

Une étrange maladie

Vers le mois de décembre 1882, la santé de Thérèse se dégrade étrangement : elle est prise continuellement de maux de tête, de douleurs au côté. Elle mange peu, dort mal ; des boutons apparaissent. Son caractère change également : elle se fâche parfois avec Marie, et se chamaille même avec Céline, pourtant si proche d'elle. Au parloir du carmel, Pauline s'inquiète pour sa jeune sœur, à qui elle prodigue conseils et réprimandes affectueusesD 22.
Pendant les vacances de Pâques 1883, Louis Martin organise un voyage à Paris avec Marie et Léonie. L'oncle Guérin accueille de son côté Céline et Thérèse. Le 25 mars, soir de Pâques, on évoque au repas le souvenir de Zélie. Thérèse s'effondre alors en larmes et on doit la coucher. Elle passe une nuit très agitée ; son oncle inquiet fait appel le lendemain à un médecin. Celui-ci diagnostique « une maladie très grave dont jamais aucune enfant n'a été atteinte ». Devant la gravité de son état, on adresse un télégramme à Louis, qui revient en hâte de ParisD 22.
Plusieurs fois par jour, elle souffre de tremblements nerveux, d'hallucinations et de crises de frayeur. Puis elle est prise d'un grand état de faiblesse et, bien qu'elle garde toute sa lucidité, on ne peut la laisser seule. Pourtant, la malade répète qu'elle veut assister à la prise d'habit de Pauline, prévue le 6 avril. Le matin du jour fatidique, après une crise particulièrement forte, Thérèse se lève comme par miracle et, apparemment guérie, se rend avec sa famille au carmel. Elle passe ainsi toute la journée, pleine de gaieté et d'entrain. Mais le lendemain, c'est une rechute brutale : la malade délire et semble privée de sa raison. Le médecin, très inquiet, ne trouve toujours pas l'origine de son mal. Louis Martin se demande si sa « pauvre petite fille » ne va pas mourir ou sombrer dans la folieD 23.
Toute la famille prie pour Thérèse, on fait dire une neuvaine de messes à l'église Notre-Dame des Victoires à Paris, on place dans sa chambre une statue de la Vierge. Mais la malade ne retrouve provisoirement la raison que lorsqu'elle reçoit une lettre de sa sœur carmélite, qu'elle lit et relit maintes foisD 23.
Le 13 mai 1883, jour de la PentecôteB 6, Léonie, Marie et Céline tentent de calmer Thérèse qui ne les reconnaît pas. Impuissantes à la soulager, elles s'agenouillent au pied du lit et se tournent vers la statue de la Vierge. Thérèse racontera plus tard : « Ne trouvant aucun secours sur la terre, la pauvre petite Thérèse s'était aussi tournée vers sa mère du Ciel, elle la priait de tout son cœur d'avoir enfin pitié d'elle … »E 9 Thérèse est alors bouleversée par la beauté de la Vierge et surtout par le sourire qu'elle lui adresse : « Ah ! Pensais-je, la sainte Vierge m'a souri, que je suis heureuse … » À ce moment, la malade se détend devant ses sœurs stupéfaites. Dès le lendemain, toute trace de la maladie disparaît, si ce n'est deux petites alertes dans le mois suivant. Thérèse demeure fragile, mais elle ne souffrira à l'avenir d'aucune nouvelle manifestation de ces troublesD 24.
Le médecin ayant conseillé à la famille d'éviter à la fillette toute émotion forte, elle est désormais choyée à l'excès par son entourageD 24.
Fin mai 1883, elle peut reprendre les visites à Pauline, au parloir du carmelD 25. Questionnée par sa sœur Marie, Thérèse, qui s'était pourtant promis de garder le secret du sourire de la Vierge, finit par tout lui raconter. Les carmélites crient au miracle et la pressent de questions. Sa joie se change alors en souffrance : elle s'imagine avoir trahi la Vierge. D'autant qu'un doute insidieux s'infiltre en elle : n'a-t-elle pas simulé sa maladieD 25 ? Elle écrira : « Je me figurais avoir menti… je ne pouvais me regarder sans un sentiment de profonde horreur. Ah ! Ce que j'ai souffert, je ne pourrai le dire qu'au ciel ! »E 10 Le doute et la culpabilité vont la harceler pendant cinq annéesB 7.

Première communion et confirmation

Par prudence, on prolonge la convalescence de Thérèse jusqu'aux grandes vacances, qui sont l'occasion pour elle de quitter Lisieux et de faire son « entrée dans le monde ». Pour la première fois, elle retrouve Alençon et les lieux de son enfance, mais aussi la tombe de sa mère. Partout, les Martin sont reçus par les amis de la famille, la bonne bourgeoisie d'Alençon : « Tout était fête autour de moi, j'étais fêtée, choyée, admirée. » Thérèse, qui paraît bien remise de sa maladie, apprécie particulièrement ce monde nouveau pour elle, plein de charmes et de tentations. Elle se laisse éblouir, mais n'oublie pas pour autant Pauline et le carmel de LisieuxD 26.
Octobre 1883 : c'est la rentrée scolaire avec, enfin, la perspective tant attendue de la première communion. Tout au long de l'année, Thérèse est première en catéchisme. Elle se prépare également aux Buissonnets. Chaque semaine, Pauline lui écrit du carmel : elle conseille à sa sœur des sacrifices quotidiens et des prières à offrir à Jésus. Thérèse prend ces listes très au sérieux et s'applique à les suivre scrupuleusementD 27. Elle se confie à Marie, qui l'aide en suivant la spiritualité de saint François de SalesB 8. La communion est fixée au 8 mai 1884, jour également de la profession de Pauline. C'est une période « sans nuages » pour ThérèseD 27.
Pendant la messe de première communion, Thérèse pleure abondamment : larmes de joie et non de peine. Elle décrira parfaitement toute l'intensité de cette première rencontre mystique : « Ah ! Qu'il fut doux le premier baiser de Jésus à mon âme !… Ce fut un baiser d'amour, je me sentais aimée, et je disais aussi : "Je vous aime, je me donne à vous pour toujours." Il n'y eut pas de demandes, pas de luttes, pas de sacrifices ; depuis longtemps, Jésus et la pauvre petite Thérèse s'étaient regardés et s'étaient compris. »E 11 En recevant l'hostie, elle se sent également et pour toujours en communion avec sa mère au ciel et sa sœur au carmel. La profondeur spirituelle de cette journée n'empêche pas la communiante d'apprécier la fête de famille ainsi que les nombreux cadeaux qu'elle reçoitD 28.
Thérèse a hâte de pouvoir à nouveau recevoir l'eucharistie, mais la communion est alors soumise à la permission du confesseur. Contre toute espérance, l'abbé Domin l'autorise à communier pour la seconde fois deux semaines plus tard : le 22 mai 1884, jour de l'AscensionD 29. Pendant l'année qui suit, elle reçoit de grandes grâces, mais aussi l'intuition que des souffrances l'attendent. Elle se sent prête à les affronter et éprouve même « un grand désir de la souffrance », tandis que les doutes et scrupules nés de sa maladie disparaissentD 30.
Le 14 juin 1884, elle est confirmée par Mgr Flavien-Abel-Antoine Hugonin, évêque de Lisieux. Sa marraine de confirmation est sa sœur Léonie. En recevant le Saint-Esprit, la jeune confirmée est émerveillée par ce « sacrement d'Amour » qui, elle en est sûre, lui donnera la « force de souffrir »D 31.
Les vacances de l'été 1884 sont splendides : Thérèse passe le mois d'août chez la mère de sa tante. Ce séjour dans la campagne normande ravit la jeune fille, comme en témoigne Mme Guérin dans une lettre à son mari : « La figure de Thérèse est toujours rayonnante de bonheur. »D 32
Après ces excellentes vacances, la jeune fille fait sa rentrée en octobre 1884. Une année scolaire sans histoire, même si elle souffre toujours de la dissipation de certaines camarades de classe. Sa maîtresse se souviendra d'elle comme d'une élève douce et sensible, prompte à fondre en larmes lorsqu'elle n'est pas la premièreD 32.

Les scrupules

En mai 1885, Thérèse se prépare à ce qu'on appelle alors la deuxième communion. Lors de la retraite, suivant la tonalité d'une partie du clergé à l'époqueD 33, l'abbé Domin insiste sur les fautes à ne pas commettre, les péchés mortels, la mort et le jugement dernierD 34,F 1.
Les « peines d'âme », qui avaient tant tourmenté Thérèse et qui semblaient avoir disparu, se réveillent brusquement. La jeune fille, si fragile, sombre à nouveau dans la « terrible maladie des scrupules ». Thérèse se croit en faute et développe un fort sentiment de culpabilité à propos de tout. « Actions et pensées les plus simples deviennent pour elle sujet de trouble. »D 35 Elle n'ose se confier à Pauline, qui lui paraît si lointaine dans son carmel. Il lui reste Marie, sa « dernière mère », à qui elle raconte désormais tout, y compris ses pensées les plus « extravagantes ». Celle-ci l'aide à préparer ses confessions en laissant de côté toutes ses peurs. Docile, Thérèse lui obéit. Cela a pour effet de cacher sa « vilaine maladie » à ses confesseurs, la privant ainsi de leurs conseilsD 35,F 1.
Les vacances d'été sont un moment de diversion pour Thérèse. Avec sa sœur Céline, elles passent quinze jours à Trouville, au bord de la mer. « Thérèse est franchement heureuse », constate sa tante, « jamais je ne l'ai vue aussi gaie ». Mais peut-être ne fait-elle que cacher ses souffrancesD 36.
La rentrée en octobre 1885 ne commence pas sous les meilleurs auspices. En effet, Céline, la compagne de jeu, la grande sœur toujours prête à la défendre, a terminé ses études. Sa cousine Marie, souvent souffrante, ne reprend pas l'école. Thérèse est seule à l'Abbaye. Elle s'efforce de se lier avec des camarades, mais en vain. En outre, l'année commence avec une retraite où l'on insiste encore sur le péché, l'enfer et la mortD 37.
Au début de l'année 1886, Thérèse, âgée de treize ans, commence à souffrir de maux de tête. Début mars, les maux de tête sont devenus continuels ; devant les absences répétées de la jeune fille, son père se résout à la retirer de l'abbaye. Désormais, elle se rend trois ou quatre fois par semaine chez Mme Papineau pour des leçons particulières. C'est une ambiance très différente chez cette dame de cinquante ans, « bien bonne personne, très instruite, mais ayant un peu des allures de vieille fille », qui vit avec sa mère et son chatD 38.
La jeune fille profite de ses nombreux temps libres pour aménager une mansarde des Buissonnets : un « vrai bazar ». Elle y est chez elle et passe des heures à étudier, à dévorer des livres, à méditer et prierD 39.
En juin, pour lui changer les idées, on l'envoie de nouveau à Trouville. Mais sans Céline, elle s'ennuie et tombe malade. Inquiète, sa tante la ramène à Lisieux. Aussitôt, elle recouvre la santé : « ce n'était que la nostalgie des Buissonnets », reconnaît-elleD 39.
En octobre 1886, sa sœur aînée Marie entre également au carmel de Lisieux et devient sœur Marie du Sacré-CœurB 9, tandis que Léonie se fait admettre chez les clarisses. Surpris et peiné, Louis Martin ne conserve avec lui aux Buissonnets que ses deux cadettes. Après le départ de sa « troisième maman », Thérèse passe par une période dépressive et pleure fréquemmentD 40.
Ses crises de scrupules atteignent leur paroxysme et elle ne sait à qui se confier, maintenant que Marie est partie au carmel. Elle prie alors spontanément ses quatre frères et sœurs décédés en bas âges. Elle s'adresse à eux avec simplicité, leur demandant d'intercéder pour qu'elle recouvre la paix qui l'a quittéeE 12. La réponse ne se fait pas attendre et elle se sent aussitôt apaiséeD 41 : « Je compris que si j'étais aimée sur la terre, je l'étais aussi dans le ciel. »E 12
Malgré cette guérison qui fait disparaître ses scrupules, Thérèse est toujours excessivement émotive : « J'étais vraiment insupportable par ma trop grande émotivité. » L'adolescente qui va avoir quatorze ans peine à sortir de l'enfance, comment pourrait-elle supporter la dure vie des carmélites ? Il faudrait pour cela un miracleD 42.

La conversion de Noël 1886

Thérèse à treize ans.
Le soir de Noël, Louis Martin et ses filles assistent à la messe de minuit à la cathédrale, mais le cœur n'y est pas. De retour aux Buissonnets, comme chaque année, Thérèse place ses souliers devant la cheminée pour qu'on y dépose ses cadeaux. Fatigué et agacé par cet enfantillage, Louis dit à Céline : « Heureusement que c'est la dernière année ! »E 13 Thérèse commence à pleurer puis, brusquement, se reprend et essuie ses larmes. Joyeuse, elle ouvre alors ses cadeaux devant Céline qui n'en revient pasD 43.
Elle explique le mystère de cette conversion dans ses écrits. Parlant de Jésus, elle affirme ainsi qu'« en cette nuit où Il se fit faible et souffrant pour mon amour, il me rendit forte et courageuse »E 14. Elle découvre alors la joie dans l'oubli d'elle-même et ajoute : « Je sentis, en un mot, la charité entrer dans mon cœur, le besoin de m'oublier pour faire plaisir, et depuis lors je fus heureuse. »E 15 Brusquement, elle est libérée des défauts et imperfections de son enfance : cette grâce reçue le soir de Noël la fait grandir et entrer dans l'âge adulte. Elle a retrouvé « la force d'âme qu'elle avait perdue » lors de la mort de sa mère, et c'était « pour toujours qu'elle devait la conserver »D 44.
Beaucoup de choses changeront après cette nuit de Noël 1886, qui marque le début de la troisième partie de sa vie, « la plus belle »D 44. Elle l'appellera la « nuit de ma conversion »Note 2 et écrira : « Depuis cette nuit bénie, je ne fus vaincue en aucun combat, mais au contraire je marchai de victoires en victoires et commençai, pour ainsi dire, une course de géant. »E 14
Quelques semaines avant sa mort, elle reparlera de cet événement : « J'ai pensé aujourd'hui à ma vie passée, à l'acte de courage que j'avais fait autrefois à Noël ! Et la louange adressée à Judith m'est revenue à la mémoire : « Vous avez agi avec un courage viril et votre cœur s'est fortifié ». Bien des âmes disent : mais je n'ai pas la force d'accomplir tel sacrifice. Qu'elles fassent donc ce que j'ai fait : un grand effort ! Le bon Dieu ne refuse jamais cette première grâce qui donne le courage d'agir ; après cela, le cœur se fortifie et l'on va de victoires en victoires. »E 16

Pranzini

Transformée et épanouie, Thérèse se développe sur tous les plans. Elle se rapproche alors de Céline, sa nouvelle confidente. Avec la permission de son confesseur, elle communie quatre à cinq fois par semaine, ce qui la fait pleurer de joie : « Je sentais en mon cœur des élans inconnus jusqu'alors, parfois j'avais de véritables transports d'amour. »D 45 Tout l'intéresse, et elle lit énormément, notamment L'Imitation de Jésus-Christ qu'elle connaît par cœur et qu'on s'amuse à lui faire réciter quand elle se rend chez les GuérinE 17.
Elle ressent à cette époque le besoin de prier pour la conversion des pécheurs. Les journaux parlent alors abondamment d'un condamné à mort, Henri Pranzini, qu'ils présentent comme un monstre, car il n'a jamais exprimé le moindre regret de ses meurtresB 10. L'exécution doit avoir lieu au cours de l'été 1887D 46,9 et Thérèse décide d'obtenir sa conversionNote 3. Elle fait pour cela des sacrifices et prie plus intensément encoreD 46. Confiante dans la miséricorde de Dieu, elle lui demande un simple signe de conversion afin d'être encouragée dans ses prièresD 46. Lors de son exécution, Pranzini refuse de voir le prêtre mais, au dernier moment, il se retourne et embrasse la Croix avant de mourirD 46.
Le récit de la mort de Pranzini, qu'elle lit dans le journal de son pèreNote 4, marque Thérèse et conforte sa vocation. Elle devra consacrer sa vie au Carmel et devenir religieuse, afin de prier pour tous les pécheursD 46. Elle poursuit ses prières pour Pranzini et demande que des messes soient célébrées pour celui qu'elle appelle son « premier enfant »E 18.
Cet épisode éclaire un aspect capital de la théologie que développera Thérèse de Lisieux, celle de la miséricorde divine : elle est certaine que Dieu a pardonné à Pranzini. Cette vision est d'autant plus radicale que l'opinion publique et les journaux de l'époque n'ont que très peu d'indulgence envers les criminelsB 11.

Candidature au carmel

Statue représentant Thérèse et son père : elle lui demande l'autorisation d'entrer au carmel.
Thérèse se sent désormais prête à entrer au carmel de Lisieux, elle en a même fixé la date : le 25 décembre 1887, jour anniversaire de sa conversion. Elle sait également qu'il lui faudra surmonter de nombreux obstacles et, songeant peut-être à Jeanne d'Arc, elle se déclare décidée à « conquérir la forteresse du Carmel à la pointe de l'épée »D 47.
Il lui faut d'abord obtenir le consentement de sa famille et notamment de son père. Déterminée, mais timide, elle hésite avant de lui confier son secret, d'autant que Louis Martin a subi quelques semaines plus tôt une petite attaque qui l'a laissé paralysé pendant plusieurs heures. Le 2 juin 1887, jour de la Pentecôte, après avoir prié toute la journée, elle lui présente sa requête le soir, dans le jardin des Buissonnets. Louis lui objecte sa jeunesse, mais il se laisse vite convaincre par sa fille. Il ajoute que Dieu lui fait « un grand honneur de lui demander ainsi ses enfants »D 47.
Ses sœurs sont partagées : Marie cherche à retarder la décision, tandis que Pauline l'encourage. Céline, qui souffre par avance du départ de sa sœur, la soutient néanmoinsD 48.
Mais un obstacle de taille se dresse en octobre 1887 : l'oncle Isidore, subrogé-tuteur des filles Martin, met son veto au projet de sa nièce. Prudent, le pharmacien de Lisieux craint le « qu'en-dira-t-on » et, s'il ne met pas en doute la vocation religieuse de Thérèse, il lui demande d'attendre l'âge de dix-sept ans. La jeune fille, confiante malgré tout, se confie à Pauline. Mais, du 19 au 22 octobre, elle éprouve pour la première fois de sa vie une aridité intérieure. Cette « nuit profonde de l'âme » la désoriente, elle qui a reçu tant de grâces depuis Noël. Devant son désarroi au parloir, Pauline se décide à écrire à Isidore Guérin. Celui-ci, par estime pour sa filleule, donne finalement son accord le 22 octobreD 49.
Thérèse n'est pourtant pas au bout de ses peines, puisqu'elle se heurte maintenant au refus catégorique du chanoine Delatroëtte, supérieur du carmel. Échaudé par l'échec d'une affaire semblable, dont tout le monde parle à Lisieux, il n'accepte plus de postulante de moins de vingt-et-un ans. Seul l'évêque pourrait le faire fléchir. Pour consoler sa fille en larmes, Louis promet de lui faire rencontrer Mgr Flavien-Abel-Antoine HugoninD 49. Celui-ci reçoit Thérèse à Bayeux le 31 octobre, et l'écoute exprimer le vœu de se consacrer à Dieu, qu'elle éprouve depuis qu'elle est enfantE 19. Mais il remet sa décision à plus tard, quand il aura pris l'avis du chanoine DelatroëtteD 50.
Il ne reste plus qu'un espoir : le pape Léon XIII, que Louis Martin doit rencontrer prochainement au cours d'un pèlerinage à Rome organisé par le diocèse de Coutances. Thérèse et Céline seront du voyage, dont le départ est fixé au 4 novembre 1887D 50.

Pèlerinage à Rome

Le pèlerinage auquel se joint la famille Martin est organisé à l'occasion du jubilé de Léon XIII. Emmené par l'évêque de Coutances, il réunit près de deux cents pèlerins, dont soixante-quinze prêtresD 51. En l'absence de Mgr Flavien-Abel-Antoine Hugonin, c'est l'abbé Révérony, son vicaire général, qui le représenteD 52. Le prix du voyage a opéré une sélection sévère : le quart des pèlerins appartient à la noblesseD 53.
Le rendez-vous étant fixé à Paris, Louis Martin profite de l'occasion pour faire visiter la capitale à ses filles. C'est pendant une messe à Notre-Dame des Victoires, une église chère à Louis, que Thérèse est enfin délivrée du dernier de ses doutes : c'est bien la Vierge qui lui a souri et l'a guérie de sa maladie. Elle lui confie le voyage et sa vocationD 53.
Un train spécial les conduit en Italie, après avoir traversé la Suisse. La jeune fille ne se lasse pas d'admirer les paysages qu'elle découvre pendant le voyageD 54. Elle est consciente de ce qu'elle perdra : « je me disais : plus tard, à l'heure de l'épreuve, lorsque prisonnière au Carmel, je ne pourrai contempler qu'un petit coin de ciel étoilé, je me souviendrai de ce que je vois aujourd'hui »B 12.
Les pèlerins sont reçus dans les meilleurs hôtels. Autrefois timide et réservée, Thérèse se montre très à l'aise dans tout ce luxe, au milieu de cette bonne société. La benjamine du pèlerinage, vive et jolie avec ses belles toilettes, ne passe pas inaperçueD 53.
Les visites s'enchaînent : Milan, Venise, Bologne, Notre-Dame de Lorette ; enfin, c'est l'arrivée à Rome. Au Colisée, Thérèse brave les interdictions et entre dans l'arène pour baiser le sable où le sang des martyrs a coulé. Elle demande la grâce d'être martyre pour Jésus, puis ajoute : « Je sentis au fond de l'âme que ma prière était exaucée. » Elle cherche à tout voir, tout visiter … les journées ne sont pas assez longues. D'ailleurs, sa fougue juvénile ne plaît pas à certains ecclésiastiquesD 55.
Le pape Léon XIII.
Thérèse à quinze ans, en avril 1888.
Mais Thérèse n'oublie pas le but de son voyage. Une lettre reçue de sa sœur Pauline l'encourage à présenter sa requête au pape. Elle lui répond « c'est demain, dimanche, que je parlerai au Pape ». Le 20 novembre 1887, de bon matin, les pèlerins assistent dans la chapelle pontificale à une messe célébrée par le pape. Puis c'est le moment tant attendu de l'audience : le vicaire général présente chacun à son tour au pape. Mais le vieil homme de soixante-dix-sept ans étant fatigué, on défend aux pèlerins de lui parler. Malgré tout, son tour venu, Thérèse s'agenouille et dit en pleurant : « Très Saint-Père, j'ai une grande grâce à vous demander. » Le vicaire explique qu'il s'agit d'une jeune fille qui veut entrer au Carmel. « Mon enfant, faites ce que les supérieurs vous diront », répond le pape. La jeune fille insiste : « Oh Très Saint-Père, si vous disiez oui, tout le monde voudrait bien. » Léon XIII lui rétorque : « Allons … allons … vous entrerez si le Bon Dieu le veut ! » Mais Thérèse souhaite une parole décisive et attend, les mains jointes sur les genoux du pape. Deux gardes doivent alors la porter jusqu'à la sortieD 56.
Le soir même, elle écrit à Pauline pour lui raconter l'échec : « J'ai le cœur bien gros. Cependant, le Bon Dieu ne peut pas me donner des épreuves qui sont au-dessus de mes forces. Il m'a donné le courage de supporter cette épreuve. »D 57 Bien vite, tout le pèlerinage connaît le secret de Thérèse, et même Lisieux puisqu'un journaliste du journal l'Univers publie l'incidentB 13.
Le voyage se poursuit : on visite Pompéi, Naples, Assise ; puis c'est le retour par Pise et Gênes. À Nice, une lueur d'espoir pour Thérèse : le vicaire général promet d'appuyer sa demande. Le 2 décembre, c'est l'arrivée à Paris et, enfin, le lendemain, le retour à LisieuxD 58.
Voici un pèlerinage de près d'un mois qui se solde par un échec pour Thérèse : un « fiasco »D 57, écrira Céline. Pourtant, ce voyage est arrivé à point nommé pour sa personnalité en plein développement ; il lui a « plus appris que de longues années d'études ». Pour la première et dernière fois de sa vie, elle a quitté sa Normandie natale : elle a traversé la France, la Suisse, et visité toute l'Italie. Attentive à tout ce qu'elle voyait et entendait, elle a compris quelque chose de l'histoire des peuples et de l'ÉgliseD 59. Notamment, elle qui ne connaissait les prêtres que dans l'exercice de leur ministère, elle les a côtoyés, elle a entendu leurs conversations, pas toujours édifiantes. Elle a découvert qu'ils ne sont pas parfaits, que ce sont simplement des hommes et parfois « des hommes faibles et fragiles ». Elle sait désormais pourquoi le carmel prie spécialement pour eux : « J'ai compris ma vocation en Italie. »D 60
Elle a appris également à mieux se connaître : elle s'est révélée gaie, pleine d'humour, très à l'aise dans le monde. Elle a pris conscience de sa féminité et de sa beauté, auxquelles les jeunes Italiens ne sont pas restés indifférents. Elle sent qu'elle pourrait choisir la voie d'un brillant mariage : « Facilement, mon cœur se laisserait prendre à l'affection. » Mais sa résolution n'en est que plus forte, et c'est « librement » qu'elle accepte de se faire « prisonnière par amour » au carmel. De retour à Lisieux, elle le reconnaît : « il y avait de quoi ébranler une vocation peu affermie »D 61.

Autorisation de l'évêque

Dès le lendemain du retour, Thérèse se rend au parloir du carmel, où l'on met au point une stratégie. Mais le chanoine Delatroëtte reste intraitable et se méfie des manœuvres des carmélites. Il rabroue mère Geneviève, la fondatrice du carmel de Lisieux, et mère Marie de Gonzague, l'actuelle mère supérieure, venues plaider la cause de Thérèse. M. Guérin intervient à son tour, mais en vain. Le 14 décembre, Thérèse écrit à Mgr Flavien-Abel-Antoine Hugonin et à son vicaire général, à qui elle rappelle la promesse faite à Nice. Humainement, tout a été tenté ; il faut désormais attendre et prierD 62.
Le soir de Noël, date anniversaire de sa conversion, Thérèse assiste à la messe de minuit. Elle ne peut retenir ses larmes, mais elle sent que l'épreuve fait grandir sa foi et son abandon à la volonté divine : elle a eu tort de vouloir imposer une dateD 63.
Enfin, le 1er janvier 1888, veille de ses quinze ans, elle reçoit une lettre de mère Marie de Gonzague : l'évêque s'en remet à sa décision. Thérèse est donc attendue au carmel mais, ultime délai fixé sur les conseils de Pauline, elle ne pourra entrer qu'en avril, après les rigueurs du carême. Cette attente est une nouvelle épreuve pour la future postulante, qui y voit pourtant une occasion de se préparer intérieurementD 64.
La date de son départ est finalement fixée au 9 avril 1888, jour de l'AnnonciationD 65. Thérèse aura alors quinze ans et trois mois. On peut noter qu'à l'époque, une jeune fille pouvait faire sa profession religieuse à dix-huit ans. Il n'était donc pas rare de voir, dans les ordres religieux, des postulantes et des novices ayant à peine seize ans. La précocité de Thérèse, au regard des habitudes de l'époque, n'est donc pas exceptionnelleF 2.

Vie au carmel

Le carmel de Lisieux en 1888

Carte postale figurant le carmel de Lisieux.
Article détaillé : Ordre du Carmel.
L'ordre du Carmel a été réformé au XVIe siècle par Thérèse d'Avila. La vie au carmel est essentiellement consacrée à la prière personnelle et collective. Les temps de silence et de solitude y sont nombreux, mais la fondatrice a prévu aussi des temps pour le travail ou la détente en commun. L'austérité de cette vie ne doit pas faire obstacle à des relations fraternelles et joyeuses. Toutefois, au cours des siècles, une certaine dérive est apparue, allant dans le sens d'un esprit de pénitence parfois excessif et d'un moralisme étroit. Le carmel de Lisieux n'échappe pas à ces travers, présents dans le christianisme français au XIXe siècleD 66.
Fondé en 1838F 3, le carmel de Lisieux compte en 1888 vingt-six religieuses. La moyenne d'âge est de quarante-sept ansD 66. Ces femmes, appelées à prier et vivre en communauté, sont issues de classes sociales et de milieux très divers. Leur scolarité s'étant arrêtée tôt, le niveau culturel des religieuses est assez pauvre. Quelques-unes ont pu bénéficier de plus d'instruction ; c'est par exemple le cas des sœurs Martin, de la mère prieure Marie de Gonzague, et de deux ou trois autres religieusesD 66.
Les horaires sont les suivantsE 20 : en été, lever à 4 h 45. Prière personnelle de 5 h à 6 h. De 6 h à 8 h : office liturgique et messe. À 8 h, petit déjeuner puis travail. À 10 h : déjeuner, suivi d'un temps de détente en commun. À midi, sieste, temps libre en silence. À 13 h, travail pendant une heure, suivi de l'office liturgique des vêpres. À 14 h 30 : lecture spirituelle. 15 h : travail. 17 h : prière personnelle. 18 h : dîner, suivi d'une heure de récréation et de l'office des complies. À 20 h, temps libre en silence. À 21 h, office liturgique. Vers 22 h 30 ou 23 h : coucher.
Les religieuses gardent le silence pendant les repas, où une lecture spirituelle à haute voix est faite. L'hiver, le lever est retardé d'une heure et la sieste de midi supprimée.
On le voit, cette vocation est essentiellement contemplative, avec deux heures de prière personnelle, quatre heures et demie d'offices liturgiques, une demi-heure de lecture spirituelle. Restent cinq heures pour le travail manuel (lessive, cuisine, couture, sacristie…), deux heures de temps libre, en silence, et deux heures de temps de détente en commun.
Pendant la majorité de la vie de Thérèse de Lisieux, la prieure est mère Marie de Gonzague ; de 1874 à 1882, puis de 1886 à 1893 et de 1896 jusqu'à sa mort en 1904B 14. La prieure, responsable de la communauté, était élue pour trois ans et devait obligatoirement céder sa place tous les six ansF 4. Lorsque Thérèse entre au carmel, mère Marie de Gonzague a cinquante-quatre ans. C'est une femme distinguée, convaincante, et dont le jugement est apprécié par les prêtres de Lisieux. Elle est cependant d'humeur changeanteD 66. Jalouse de son autorité, elle l'exerce parfois de façon trop hâtive ou capricieuseF 4, ce qui a pour effet un certain relâchement dans le respect des règles établies10.

La période du postulat

Le postulat de Thérèse commence avec son accueil au carmel, le 9 avril 188811. Dès son entrée, le chanoine Delatroëtte lui rappelle qu'il s'y est toujours personnellement opposé. Cependant, son arrivée a été désirée par de nombreuses sœurs, à commencer par mère Marie de Gonzague. Dès lors, Thérèse ne va t-elle pas trop attirer l'attention sur elle ? Encore si sensible et choyée peu de temps auparavant, réussira-t-elle à s'habituer à ce mode de vie austère ? De plus, avec sœur Agnès de Jésus (Pauline) et sœur Marie du Sacré-Cœur (Marie), les sœurs Martin sont désormais trois dans la communauté. Ne vont-elles pas chercher à recréer l'ambiance familiale des BuissonnetsD 66?
Mais la jeune postulante s'adapte bien à son nouvel environnement. Elle écrira : « Les illusions, le Bon Dieu m'a fait la grâce de n'en avoir aucune en entrant au Carmel : j'ai trouvé la vie religieuse telle que je me l'étais figurée, aucun sacrifice ne m'étonna […] »E 21. Ses deux sœurs aînées veulent s'occuper d'elle comme si elles étaient encore aux Buissonnets. C'est alors Thérèse qui les aide à prendre leurs distancesD 67,F 5. Elle cherche surtout à se conformer à la règle et aux habitudes du carmel, qu'elle apprend chaque jour avec quatre religieuses novices. Plus tard, devenue assistante de la maîtresse des novices, elle répètera à quel point le respect de la règle est important, faisant de son expérience une maxime : « Quand toutes manqueraient à la Règle, ce n’est pas une raison pour nous justifier. Chacune devrait agir comme si la perfection de l’Ordre dépendait de sa conduite personnelle. »12 Thérèse affirme aussi le rôle essentiel de l'obéissance dans la vie religieuse : « Lorsqu'on cesse de regarder la boussole infaillible [de l'obéissance] […], aussitôt l'âme s'égare dans des chemins arides où l'eau de la grâce lui manque bientôt. »E 22
Dès le 17 mai, mère Marie de Gonzague écrit d'elle : « […] jamais je n'aurais pu croire à un jugement aussi avancé en quinze années d'âge ! pas un mot à lui dire, tout est parfait »D 66. Pourtant, la mère prieure ne la ménage pas. À chaque rencontre, elle l'humilie d'une façon ou d'une autre, voulant peut-être éprouver sa vocation ou réduire son orgueilD 66. C'est d'autant plus douloureux pour Thérèse qu'elle admire la prieure. Elle aimerait se confier davantage à elle, ou lui demander l'une ou l'autre permission. Elle résiste pourtant à ce désirD 66,F 4,E 23.
Elle choisit comme père spirituel un jésuite, le père Pichon. Lors de leur première rencontre, elle fait une confession générale, revenant sur tous ses péchés passés. Elle en ressort profondément délivrée. Ce prêtre, qui a lui-même souffert de la maladie des scrupules, la comprend et la rassure. Il lui dit : « En présence du bon Dieu, de la sainte Vierge, et de tous les saints, je déclare que jamais vous n'avez commis un seul péché mortel. »D 66 Quelques mois plus tard, le père Pichon part en mission au CanadaD 68. Thérèse ne pourra lui demander conseil que par écrit et ses réponses seront malheureusement raresE 24.
Pendant son postulat, Thérèse doit aussi subir quelques brimades d'autres sœurs, en raison de son manque d'aptitude aux travaux manuels. Comme toute religieuse, elle découvre les aléas de la vie en communauté, liés aux différences de tempéraments, de caractères, aux problèmes de susceptibilité ou aux infirmitésD 66.
Mais la souffrance la plus vive vient de l'extérieur. Le 23 juin 1888, Louis Martin disparaît de son domicile. Le lendemain, il envoie un télégramme du Havre, sans laisser d'adresse. On le retrouve le 27 juin, dans le bureau de poste du Havre. Il est redevenu lucide, mais sa santé mentale n'en est pas moins affectéeD 67. Pour Thérèse, qui a toujours aimé et admiré profondément son père, le coup est douloureux. S'y ajoutent la culpabilité de ne pouvoir être à ses côtés pour l'aider et les rumeurs de la ville dont le carmel se fait l'écho : « Si monsieur Martin est devenu "fou", n'est-ce pas dû au départ de toutes ses filles en religion, surtout de la plus jeune qu'il aimait tant ? »D 67 Sur la base des symptômes notés à l'époque, les médecins pensent aujourd'hui que Louis Martin souffrait en fait d'artériosclérose cérébraleF 6.
La fin du postulat de Thérèse a lieu le 10 janvier 1889, avec sa prise d'habit, qui marque son entrée en noviciatB 15. La cérémonie est présidée par l'évêque, Mgr Hugonin. Louis Martin, dont l'état s'est provisoirement stabilisé, peut y assister. Elle porte désormais l'habit des carmélites : la bure brune et le voile (qui est blanc pour les novices). Elle choisit le nom de « sœur Thérèse de l'Enfant Jésus et de la Sainte Face »D 69.

Le noviciat

Douze jours à peine après sa prise d'habit, son père a une crise particulièrement grave. Il délire, se croit sur un champ de bataille, empoigne un revolver… Il doit être désarmé de force et est interné à l'asile du Bon Sauveur à Caen. Pour les sœurs Martin, qui ont toujours vénéré leur père, l'épreuve est terrible, voire incompréhensibleD 70. Face à tous les commentaires, Thérèse opte pour le silence. Elle s'appuie sur la prière, s'aidant de versets de la Bible. L'analyse graphologique, faite au XXe siècle, de ses lettres la montre dans un état de grande tension, parfois au bord de la ruptureD 71.
Dans cette période, elle approfondit le sens de sa vocation : mener une vie cachée, prier et offrir ses souffrances pour les prêtres, oublier son amour-propre, multiplier les actes discrets de charité. Elle qui veut devenir une grande sainte ne se fait pas d'illusion sur elle-même. Elle écrira : « Je m'appliquais surtout à pratiquer les petites vertus, n'ayant pas la facilité d'en pratiquer les grandes. »D 72 Elle s'imprègne de l'œuvre de Jean de la Croix, lecture spirituelle peu commune à l'époque, surtout pour une si jeune religieuseD 73.
La contemplation de la Sainte Face nourrit sa vie intérieure. Il s'agit d'une image représentant le visage défiguré de Jésus lors de sa passionF 7. Elle approfondit sa connaissance et son amour pour le Christ en méditant sur son abaissement à l'aide du passage du Livre d'Isaïe sur le serviteur souffrant (Isaïe 53, 1-2)D 73. Elle dira « Moi aussi, je désirais être sans beauté, seule à fouler le vin du pressoir, inconnue de toute créature. »E 25 Cette méditation l'aide aussi à comprendre la situation humiliante de son père. Elle avait toujours vu ce dernier comme une figure de son « Père du Ciel »D 73. Elle découvre désormais l'épreuve de Louis Martin à travers celle du Christ, humilié et méconnaissableD 73,F 8.
Thérèse trouve un réconfort dans l'amitié spirituelle forte qu'elle entretient avec la fondatrice du carmel de Lisieux, mère Geneviève. Celle-ci l'aide et la guide à plusieurs reprises dans sa vie de religieuse. Thérèse en fera plus tard l'éloge : « […] je ne vous ai encore rien dit de mon bonheur d'avoir connu notre sainte mère Geneviève. C'est une grâce inappréciable que celle-là ; eh bien, le Bon Dieu qui m'en avait déjà tant accordé a voulu que je vive avec une « Sainte », non point inimitable, mais une Sainte sanctifiée par des vertus cachées et ordinaires. »E 26 Ainsi, mère Geneviève lui conseille de servir Dieu, « avec paix et avec Joie, rappelez-vous, mon enfant, que notre Dieu, c'est le Dieu de la paix »E 26.
Le 8 septembre 1890, à dix-sept ans et demi, elle fait sa profession religieuse. Cette cérémonie se passe à l'intérieur du carmel. La jeune carmélite rappelle pourquoi elle répond à cette vocation : « Je suis venue pour sauver les âmes et surtout afin de prier pour les prêtres. »D 74 Le 24 septembre 1890 a lieu la cérémonie, publique cette fois, de la prise de voile. Son père ne peut y assister, ce qui attriste fortement Thérèse. C'est toutefois, d'après mère Marie de Gonzague, une religieuse accomplie qui prend le voile : « […] cette ange d'enfant a 17 ans et demi et la raison de trente ans, la perfection religieuse d'une vieille novice, consommée dans l'âme et la possession d'elle-même, c'est une parfaite religieuse […] »D 75.

La vie discrète d'une carmélite

Les années qui suivent sont celles de la maturation de sa vocation. Thérèse prie sans grandes émotions sensibles, mais avec fidélité. Elle évite de se mêler des débats qui troublent parfois la vie communautaire. Elle multiplie les petits actes de charité et d'attention aux autres, rendant de menus services, sans les signaler. Elle accepte en silence les critiques, même celles qui peuvent être injustes et sourit aux sœurs qui sont déplaisantes avec elle. Elle essaie de tout faire, y compris les plus petites choses, par amour et avec simplicitéD 76. Elle prie toujours beaucoup pour les prêtres, et particulièrement pour le père Hyacinthe Loyson, célèbre prédicateur qui a été excommunié en 1869 et a ensuite quitté l'Église catholiqueF 9.
L'aumônier du carmel, l'abbé Youf, est un homme scrupuleux, qui insiste beaucoup sur la peur de l'enfer. Des prédicateurs de retraites spirituelles partagent le même défaut. Cela n'aide pas Thérèse qui vit, en 1891, de « grandes épreuves intérieures de toutes sortes »D 77,E 27. Mais la retraite d'octobre 1891 est cette fois prêchée par le père Alexis Prou, qui insiste sur la miséricorde, la confiance et l'abandon entre les mains d'un Dieu aimant. Cela confirme Thérèse dans ses intuitions profondesD 77,F 10. Elle écrira : « Il me lança à pleine voile sur les flots de la confiance et de l'amour qui m'attiraient si fort mais sur lesquels je n'osais avancer. »E 27
L'hiver 1891-1892, une épidémie d'influenza s'abat sur la France. Le carmel de Lisieux n'est pas épargné. Quatre religieuses meurent de cette maladie. Et toutes les sœurs sont atteintes, à l'exception de trois d'entre elles, dont Thérèse. Celle-ci se dépense sans compter pour ses sœurs alitées. Elle prodigue des soins, participe à l'organisation de la vie du carmel, fait preuve de courage et force d'âme dans l'adversité, notamment quand elle doit préparer l'enterrement de religieuses décédées. La communauté, qui la jugeait parfois peu utile et empruntée, la découvre désormais sous un autre jourD 78,F 11.
Sa vie spirituelle se nourrit de plus en plus des Évangiles, qu'elle porte toujours sur elle. Cette habitude n'était pas courante à l'époque. On préférait lire les commentaires de la Bible que de se référer directement à cette dernière. Thérèse y cherche directement « la parole de Jésus », qui l'éclaire dans ses oraisons et sa vie quotidienneD 79,E 28.

Élection de mère Agnès

En 1893, mère Marie de Gonzague arrive au terme de son deuxième mandat consécutif de prieure. Elle ne peut donc se représenter. C'est Pauline, sœur Agnès de Jésus en religion, qui est élue, le 20 février 1893, prieure du carmel pour trois ansD 80. Cette situation n'est pas des plus faciles pour Pauline, désormais appelée mère Agnès, et ses sœurs. Mère Marie de Gonzague compte toujours exercer son influenceD 80. De plus, le chanoine Delatroëtte encourage publiquement mère Agnès à se laisser conseiller par l'ancienne prieureE 29. Elle devra donc se montrer particulièrement diplomate. En outre, elle ne doit pas donner l'impression qu'elle pourrait favoriser ses deux sœurs, Marie du Sacré-Cœur et ThérèseD 80,F 12.
Mère Marie de Gonzague devient pendant cette période maîtresse des novices. Mère Agnès demande à Thérèse de l'aider dans cette tâcheD 80. Son rôle consiste à apprendre aux novices la vie religieuse. Thérèse se trouve dans une situation délicate. Elle doit à la fois obéir à sa sœur, devenue prieure, et à mère Marie de Gonzague, les deux femmes étant parfois en désaccordD 80,D 81. Sa conception de l'obéissance en fait une assistante docile, même si elle n'hésite pas à donner son point de vue, quand on le lui demande. Ainsi, elle donne un avis contraire à celui de mère Marie de Gonzague, qui refusait à l'une des novices de faire professionB 16.
Alors qu'une carmélite quitte le noviciat après trois ans, Thérèse demande, le 8 septembre 1893, à y rester définitivement. Elle gardera donc un statut inférieur à la plupart des autres religieuses, ne pouvant exercer de charges importantes. Elle aura toujours des permissions à demander, ainsi qu'un horaire et des réunions obligatoires propres aux sœurs du noviciatD 82.
En 1894, Thérèse écrit ses premières Récréations pieuses. Ce sont de petites pièces de théâtre, jouées par quelques religieuses pour le reste de la communauté, à l'occasion de certaines fêtesE 30. Sa première création est consacrée à Jeanne d'Arc, qu'elle a toujours admirée, et dont la cause de béatification vient d'être introduiteD 81. Son talent pour l'écriture étant reconnu, d'autres pièces lui seront confiées, dont une seconde sur Jeanne d'Arc, réalisée en janvier 1895F 13. Elle écrit également des poèmes spirituels à la demande des autres religieusesD 81,D 83.
Au début de cette même année, elle commence à être prise de maux de gorge et de douleurs dans la poitrine. Malheureusement, mère Agnès n'ose pas faire appel à un autre médecin que le docteur de Cornière, grand ami de mère Marie de Gonzague, et médecin officiel de la communauté. Le cousin par alliance de Thérèse, Francis la Néele, médecin à Lisieux, ne peut donc l'examinerD 81.
Le 29 juillet 1894, Louis Martin décède. Toujours malade, il était gardé et soigné par Céline, sa quatrième fille. Celle-ci pense aussi, depuis plusieurs années, au carmel. Soutenue par les lettres de Thérèse, elle a entretenu ce désir de se consacrer à Dieu malgré deux demandes en mariage. Céline hésite pourtant encore entre la vie de carmélite et une vie plus active, au service d'une mission menée par le père Pichon au Canada. Finalement, suivant le conseil de ses sœurs, elle choisit le Carmel. Elle rentre au carmel de Lisieux le 14 septembre 1894D 84. En août 1895, les quatre sœurs Martin seront rejointes par leur cousine, Marie GuérinD 85.

Thérèse et les carmélites de Compiègne

En 1894 est célébré le centenaire du martyr des carmélites de Compiègne. Cet événement a une grande répercussion dans toute la France, et encore plus dans les carmels de France. Les religieuses du Carmel de Compiègne demandent aux sœurs de Lisieux de contribuer à la décoration de leur chapelle. Thérèse de l'Enfant-Jésus et Thérèse de Saint-Augustin vont broder des oriflammes. Cette dernière témoignera, au procès de béatification de Thérèse, du zèle et du dévouement de celle-ci en cette circonstance. La petite Thérèse déclarait même : « Quel bonheur si nous avions le même sort ! Quelle grâce. »13
Le 8 septembre 1896, Mgr de Teil, qui instruit alors le procès en béatification des carmélites de Compiègne14, vient faire un exposé à Lisieux sur la vie et la mort de ces religieuses15. C'est précisément à cette période que Thérèse écrit son Manuscrit B : (« Le Martyre, voilà le rêve de ma jeunesse, ce rêve il a grandi avec moi sous les cloîtres du Carmel… Mais là encore je sens que mon rêve est une folie, car je ne saurais me borner à désirer un genre de martyre … Pour me satisfaire il me les faudrait tous… »16) On a retrouvé trois images représentant les carmélites de Compiègne dans les livres utilisés par Thérèse. Les images étaient annotées par Thérèse. Dans ses Derniers entretiens, en date du 17 juillet, elle inscrit une note concernant sœur Constance de Jésus17.

Découverte de la « petite voie »

Thérèse est entrée au carmel avec le désir de devenir une grande sainte. Mais, fin 1894, au bout de six années, force lui est de reconnaître que cet objectif est pratiquement impossible à atteindre. Elle a encore de nombreuses imperfections et n'a pas le charisme de Thérèse d'Avila, Paul de Tarse et tant d'autres. Surtout, elle qui est très volontariste, voit bien les limites de tous ses efforts. Elle reste petite et bien loin de cet amour sans faille qu'elle voudrait pratiquer. Elle comprend alors que c'est sur cette petitesse même qu'elle peut s'appuyer pour demander l'aide de Dieu. Dans la Bible, le verset « Si quelqu'un est tout petit, qu'il vienne à moi ! » (Livre des Proverbes, ch.4, verset 9) lui donne un début de réponse. Elle qui se sent si petite et incapable peut se tourner vers Dieu avec confiance. Mais alors, que va t-il se passer ? Un passage du Livre d'Isaïe lui donne une réponse qui l'encourage profondément : « Comme une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, je vous porterai sur mon sein et je vous balancerai sur mes genoux. » (Livre d'Isaïe, 66, 12-13) Elle conclut que Jésus lui-même va la porter au sommet de la saintetéD 86. Elle écrira : « l'ascenseur qui doit m'élever au ciel, ce sont vos bras, ô Jésus ! Pour cela, je n'ai pas besoin de grandir, au contraire, il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus. »E 31.
La petitesse de Thérèse, ses limites deviennent ainsi motifs de joie, plus que de découragement. Car c'est là que va s'exercer l'amour miséricordieux de Dieu pour elleD 86. Dans ses manuscrits, elle donne à cette découverte le nom de « petite voie »E 32. Dès février 1895, elle va régulièrement signer ses lettres en ajoutant « toute petite » devant son nomD 86,E 33. Jusque là, Thérèse employait le vocabulaire de la petitesse pour rappeler son désir d'une vie cachée et discrète. À présent, elle l'utilise aussi pour manifester son espérance : plus elle se sentira petite devant Dieu, plus elle pourra compter sur luiF 14.
C'est aussi pendant cette période qu'elle commence, à la demande de mère Agnès, d'écrire ses mémoiresD 87. Elle poursuit également l'écriture de pièces de théâtres et de cantiques, dont le plus connu est Vivre d'amourD 88,18.

Offrande à l'amour miséricordieux

Le 9 juin 1895, lors de la fête de la sainte Trinité, Thérèse a l'inspiration soudaine qu'il lui faut s'offrir en victime d'holocauste à « l'amour miséricordieux »D 88. À l'époque, certaines religieuses s'offraient comme victime à la justice de DieuD 88. Leur intention était de souffrir, à l'image du Christ, et en union avec lui, pour suppléer aux pénitences que ne faisaient pas les pécheursF 15. Ces religieuses qui s'offraient de la sorte pouvaient être atteintes de maladies particulièrement longues et douloureuses et on ne manquait pas de faire le lien entre leur souffrance et l'offrande qu'elles avaient faiteF 15. La veille, le 8 juin, Thérèse a encore entendu, au carmel, la vie et la terrible agonie d'une d'entre elles, sœur Marie de Jésus, carmélite de Luçon, qui s'était bien souvent offerte comme victime à la justice divineF 16. Tout en admirant la générosité de cette offrande, Thérèse ne se voit pas la faire elle-mêmeF 17. La petite voie qu'elle vient de découvrir quelques mois auparavant l'encourage à innover en s'offrant plutôt à l'amour et à la miséricorde de DieuF 17. Elle a l'intuition que Dieu est une fontaine intarissable d'amour mais que ces flots de tendresse sont comme comprimés car les hommes ne les accueillent pasF 18. Elle s'offre alors, le 11 juin, à l'amour miséricordieux afin de recevoir de Dieu cet amour qui lui manque pour accomplir tout ce qu'elle voudrait faire : « Oh mon Dieu ! Trinité Bienheureuse, je désire vous Aimer et vous faire Aimer, travailler à la glorification de la Sainte Église en sauvant les âmes […]. Je désire accomplir parfaitement votre volonté et arriver au degré de gloire que vous m'avez préparé dans votre royaume, en un mot, je désire être Sainte, mais je sens mon impuissance et je vous demande, oh mon Dieu ! d'être vous même ma sainteté. »E 34,19,D 88 Quelques jours plus tard, alors qu'elle prie le chemin de croix, elle est prise d'un amour intense pour le « bon Dieu »D 88 : « Je brûlais d'amour et je sentais qu'une minute, une seconde de plus, je n'aurais pu supporter cette ardeur sans mourir. »E 35 Elle voit dans cet épisode, qui est rapidement suivi du sentiment de sécheresse spirituel qu'elle connaît habituellement, la confirmation que son acte d'offrande est accepté par DieuD 88.
En août 1895, les quatre sœurs Martin sont rejointes par leur cousine, Marie GuérinD 85. En octobre, un jeune séminariste, l'abbé Maurice BellièreF 19, demande au carmel de Lisieux qu'une religieuse soutienne, par la prière et les sacrifices, sa vocation missionnaire. Mère Agnès désigne Thérèse, qui, ayant toujours rêvé d'avoir un frère prêtre, en est ravie. Elle multiplie les petits sacrifices qu'elle offre pour la mission du futur prêtre, et l'encourage par ses lettresD 89. Et, en février 1896, elle connaît une autre joie avec la profession religieuse de sa sœur Céline (sœur Geneviève, au carmel)D 90.
Le 21 mars 1896 a lieu l'élection de la prieure. Après ces trois années où, comme l'imposait le règlement, elle a dû céder la place, mère Marie de Gonzague s'attend à retrouver sa charge de prieureF 20. Mais les élections sont tendues et mère Marie de Gonzague ne l'emporte que de justesse, devant mère Agnès. Émue par ce qui vient de se passer, mère Marie de Gonzague décide de garder, tout en étant prieure, la fonction de maîtresse des novices. Elle choisit, comme adjointe, Thérèse. Celle-ci est, de fait, responsable de la formation du noviciat, sans en avoir officiellement le titre. Les autres novices le savent et, qui plus est, sont en majorité ses aînées. Thérèse vit cette mission délicate avec pédagogie, s'adaptant à la personnalité de chacune, mais sans faire de concession. Elle veut aider les religieuses à devenir de vraies carmélites, même si le prix à payer est d'être jugée parfois trop sévèreD 91.
Vis-à-vis de mère Marie de Gonzague, Thérèse reste dans la plus grande obéissance, accomplissant à la lettre, selon le témoignage d'une de ses novices, « la multitude de petits règlements que mère Marie de Gonzague établissait ou détruisait au gré de ses caprices, règlements instables dont la communauté tenait peu de compte »20.

Maladie et nuit de la foi

Pendant le carême 1896, Thérèse suit rigoureusement les exercices et les jeûnes. Dans la nuit du Jeudi au Vendredi saint, elle est victime d'une première crise d'hémoptysie. Elle signale celle-ci à mère Marie de Gonzague, tout en insistant sur le fait qu'elle ne souffre pas et n'a besoin de rien. Une seconde crise se reproduit la nuit suivante. Cette fois, la prieure s'inquiète et autorise son cousin, le docteur La Néele, à l'ausculter. Celui-ci pense que le saignement a pu provenir de la rupture d'un vaisseau sanguin dans la gorge. Thérèse ne se fait aucune illusion sur son état de santé, mais elle n'éprouve aucune crainte. Bien au contraire, car la mort va bientôt lui permettre de monter au ciel et de retrouver celui qu'elle est venue chercher au carmel : sa joie est à son combleD 92. Elle continue de participer à toutes les activités du carmel, sans ménager ses forces.
Le père Adolphe Roulland, frère spirituel de Thérèse.
Cette période difficile est aussi une période de déréliction, ou « nuit de la foi ». Pendant la semaine sainte 1896, elle entre soudain dans une nuit intérieure. Le sentiment de foi qui l'animait depuis tant d'années, qui la faisait se réjouir de « mourir d'amour » pour Jésus a disparu en elle. Dans ses ténèbres, il lui semble entendre une voix intérieure se moquer d'elle et du bonheur qu'elle attend dans la mort, alors qu'elle avance vers « la nuit du néant »D 93. Ses combats ne portent pas sur l'existence de Dieu, mais sur la croyance en la vie éternelleF 21. Une seule impression en elle désormais : elle va mourir jeune, pour rien. Elle n'en poursuit pas moins sa vie de carmélite. Seuls les cantiques et les poésies, qu'elle continue à composer à la demande des sœurs, laissent entrevoir son combat intérieur : « Mon Ciel est de sourire à ce Dieu que j'adore, lorsqu'Il veut se cacher pour éprouver ma foi. »D 93 Les ténèbres ne la quitteront plus et persisteront jusqu'à sa mort, un an plus tard. Pourtant, elle vit cette nuit comme l'ultime combat, l'occasion de prouver malgré tout son indéfectible confiance en DieuD 93. Refusant de céder à cette peur du néant, elle multiplie les actes de foi. Elle signifie par là qu'elle continue à croire, bien que son esprit soit envahi par les objectionsF 21. Ce combat est d'autant plus douloureux qu'elle a toujours manifesté son désir d'être active et de faire beaucoup de bien après sa mortF 21.
À partir de mai 1896, à la demande de mère Marie de Gonzague, Thérèse parraine un second missionnaire : le père RoullandD 94,F 22. Sa correspondance avec ses frères spirituels est l'occasion de développer sa conception de la sainteté : « Ah ! Mon frère, que la bonté, l'amour miséricordieux de Jésus sont peu connus !… Il est vrai que pour jouir de ces trésors, il faut s'humilier, reconnaître son néant, et voilà ce que beaucoup d'âmes ne veulent pas faire. »E 36
En septembre 1896, Thérèse éprouve toujours de nombreux désirs : elle veut être à la fois missionnaire, martyr, prêtre, docteur de l'ÉgliseE 37. Elle lit alors les écrits de saint Paul. Dans la Première épître aux Corinthiens, l'hymne à la charité, au chapitre 13, l'éclaire profondémentD 95. Comme un éclair qui la traverse, le sens profond de sa vocation lui apparaît soudain : « Ma vocation enfin je l'ai trouvée, MA VOCATION C'EST L'AMOUR !… »E 37 En effet, la vocation à la charité englobe toutes les autres ; c'est donc elle qui répond à tous les désirs de Thérèse. « Je compris que l'Amour renfermait toutes les vocations, que l'Amour était tout, qu'il embrassait tous les temps et tous les lieux. En un mot qu'il est Éternel. »E 38 Thérèse s'évertue alors, de plus en plus, à vivre tout par amour. De nombreux exemples la montrent cherchant à faire le bien des religieuses, tout particulièrement de celles au tempérament difficileE 39. Le père Roulland lui fait connaître Théophane Vénard. Elle découvre ses écrits en novembre 1896, et Théophane devient pour elle un modèle de prédilection21. Elle trouve dans sa correspondance de nombreux points communs avec elle : « Ce sont mes pensées ; mon âme ressemble à la sienne. »22 Elle recopiera plusieurs passages de Théophane Vénard dans son testament.

Aggravation de la maladie

Dans le Carmel de Lisieux, châsse où repose le gisant de marbre teinté de Sainte-Thérèse, tenant dans sa main gauche le crucifix et dans sa main droite, une rose d'or offerte par le pape Pie XI à l'occasion des fêtes de la canonisationNote 5.
Janvier 1897, Thérèse vient d'avoir vingt-quatre ans et elle écrit : « je crois que ma course ne sera pas longue ». Pourtant, malgré l'aggravation de la maladie pendant l'hiver, Thérèse parvient encore à donner le change aux carmélites et à tenir sa place dans la communauté. Mais au printemps, les vomissements, les fortes douleurs à la poitrine, les crachements de sang deviennent quotidiens et Thérèse s'affaiblitD 96.
« Châsse du Brésil » exposant ses reliques.
En avril 1897, elle subit le contrecoup de l'affaire Diana Vaughan. Celle-ci est connue depuis 1895 par ses mémoires, racontant son passage dans les milieux sataniques, suivi de sa conversion grâce à l'exemple de Jeanne d'Arc. Thérèse, frappée comme beaucoup de catholiques par ce témoignage, et admirative d'une prière composée par Diana Vaughan, lui a envoyé quelques lignesD 97,F 23. Et Mère Agnès a joint au courrier une photo de Thérèse jouant le rôle de Jeanne d'ArcF 23. Thérèse a aussi écrit, en juin 1896, une courte pièce de théâtre, s'inspirant de la conversion de Diana Vaughan, et intitulée Le Triomphe de l'humilitéF 23. Diana Vaughan vivant cachée, c'est un nommé Léo Taxil, ancien anticlérical, converti lui aussi, qui est son intermédiaire auprès de la presse. Mais, à partir de 1896, on se met à douter de sa sincérité. Léo Taxil annonce alors, pour le 19 avril 1897, une conférence qu'il donnera avec la célèbre jeune femme. Lors de cette séance publique, il révèle que Diana Vaughan n'a jamais existé et que cette histoire est un canular monté de toute pièce. L'assistance est scandalisée. Au carmel, on apprend la nouvelle le 21 avril. Et le 24, Thérèse découvre que la photo la représentant en Jeanne d'Arc a été projetée lors de la conférenceF 23. Elle vit cet épisode comme une humiliationF 23, et une épreuve, surtout dans cette période où elle est tenaillée par les doutesD 98.
En juin, mère Marie de Gonzague lui demande de poursuivre la rédaction de ses mémoiresNote 6,D 99. Il lui arrive d'écrire dans le jardin, sur la chaise d'infirme utilisée par son père dans les dernières années de sa maladie, et cédée ensuite au carmelF 24. Son état empirant, elle est placée le 8 juillet 1897 à l'infirmerie, où elle restera pendant douze semaines jusqu'à sa mortD 100.
Se sachant condamnée, et vivant toujours cette nuit de la foi qui la prive de l'impression intérieure d'une vie après la mort, Thérèse n'en continue pas moins de dire, à plusieurs reprises, son espéranceF 25. Le 17 juillet, elle confie : « Je sens que je vais entrer dans le repos… Mais je sens surtout que ma mission va commencer, ma mission de faire aimer le bon Dieu comme je l'aime, de donner ma petite voie aux âmes. Si le bon Dieu exauce mes désirs, mon Ciel se passera sur la terre jusqu'à la fin du monde. Oui, je veux passer mon Ciel à faire du bien sur la terre. »E 40
Le 17 août, le docteur La Néele examine Thérèse. Son diagnostic est sans appel : c'est une tuberculose au stade le plus avancé, un poumon est perdu et l'autre atteint, les intestins sont touchés. Ses souffrances sont alors extrêmes : « C'est à en perdre la raison. » Puis elles s'apaisent dans une dernière phase de rémission ; Thérèse reprend quelques forces, elle retrouve même son humourD 101. Ses sœurs consignent ses paroles. Elles lui demandent comment l'invoquer quand elles prieront plus tard ; elle répond qu'il faudra l'appeler « petite Thérèse »D 102,E 41. Malgré la gravité de son état elle n'est pas transportée à l'hôpital, et on ne lui administre aucun remède pour atténuer ses souffrances, alors que l'usage de la morphine est courant à l'époque[réf. souhaitée].
À partir du 29 septembre 1897, son agonie commence. Elle passe une dernière nuit difficile, veillée par ses sœurs. Au matin, elle leur dit : « C'est l'agonie toute pure, sans aucun mélange de consolation. » Elle demande à être préparée spirituellement à mourir. Mère Marie de Gonzague la rassure, lui disant qu'ayant toujours pratiqué l'humilité, sa préparation était faite. Thérèse réfléchit un instant puis répond : « Oui, il me semble que je n'ai jamais cherché que la vérité ; oui, j'ai compris l'humilité du cœur… »E 42 Sa respiration est de plus en plus courte, elle étouffeD 103. Après plus de deux jours d'agonie, elle est épuisée par la douleur : « Jamais je n'aurais cru qu'il était possible de tant souffrir ! Jamais ! Jamais ! Je ne puis m'expliquer cela que par le désir ardent que j'ai eu de sauver des âmes. »E 42 Vers sept heures du soir, elle prononce ses dernières paroles « Oh ! je l'aime ! … Mon Dieu … Je vous aime … »E 42 Elle s'affaisse, puis rouvre une dernière fois les yeux. D'après les carmélites présentes, elle a alors une extase, qui dure l'espace d'un credo, avant de rendre le dernier soupirE 43. Elle meurt le 30 septembre 1897 à 19 h 20, à l'âge de vingt-quatre ansD 104. « Je ne meurs pas, j'entre dans la vie », écrivait-elle dans l'une de ses dernières lettresE 44.
Elle est inhumée le 4 octobre au cimetière de Lisieux, dans une nouvelle concession acquise pour le carmel. Les carmélites ne peuvent quitter le couvent, et c'est un « fort petit » cortège qui suit le corbillardD 105.

Postérité de Thérèse de Lisieux

Les écrits de Thérèse

Histoire d'une âme

À la mort de Thérèse, mère Agnès dispose de différents écrits autobiographiques, qu'on désigne sous le terme de Manuscrits A, B et C.
Le Manuscrit A est rédigé à la demande de mère Agnès pendant l'année 1895. Au cours de l'hiver 1894, la sœur de Thérèse, prieure du carmel, lui ordonne d'écrire tous ses souvenirs d'enfance. Fin janvier 1895, Thérèse achète un petit cahier d'écolier et s'attèle à la tâche, écrivant généralement le soir après l'office de complies. Avec humour et sur un ton allègre, sans plan établi, elle n'écrit pas l'histoire de sa vie, mais bien l'« histoire de son âme », qu'elle intitule Histoire printanière d'une petite fleur blanche. Cette relecture lui est bénéfique, car elle l'aide à mieux comprendre le sens de ce qu'elle a vécu. Ce sont finalement six cahiers qu'elle remplit au long de l'année 1895D 106 et qu'elle remet à la prieure le 20 janvier 1896D 107.
Le Manuscrit B est un ensemble de lettres adressées à la marraine de Thérèse, sa sœur Marie. En septembre 1896, alors que Thérèse connaît la gravité de sa maladie et qu'elle est entrée dans une nuit de la foi, elle commence sa retraite annuelle. Elle profite des temps de silence et de méditation pour écrire des lettres qu'elle adresse directement à Jésus. Elle décrit ce qu'elle vit depuis quelques mois, mais surtout les grâces reçues en septembre 1896, et la grande découverte qu'elle fait alors : l'amour est sa vocation. Marie lui ayant demandé de rédiger une présentation de sa « petite doctrine », elle lui remet ces lettres qui constituent « la charte de la petite voie d'enfance »D 108.
Le Manuscrit C est écrit en obéissance à mère Marie de Gonzague. En réalité c'est mère Agnès, réalisant que sa sœur va mourir, qui incite la prieure à obtenir de Thérèse la suite du récit de sa vie. C'est sur un petit carnet à la couverture noire, à partir du 3 ou 4 juin 1897, que la malade rédige ses souvenirs : « Pour écrire ma « petite vie », je ne me casse pas la tête ; c'est comme si je pêchais à la ligne : j'écris ce qui vient au bout. »D 99 Elle y décrit les grâces qu'elle a reçues au cours de sa vie, les découvertes spirituelles qu'elle a faites, notamment la « petite voie ». Début juillet, prise par une fièvre de plus en plus forte, elle ne peut plus tenir son porte-plume et continue avec un petit crayonD 109. Fin août, rongée par la maladie, elle doit abandonner la rédaction du carnetD 110.
Peu avant sa mort, Thérèse sait que ses écrits seront diffusés, au moins dans les carmels sous la forme d'une circulaireNote 7, et peut-être même publiés comme le propose Pauline en juillet 1897. Elle lui déclare d'ailleurs avec confiance : « Ma Mère, ces pages feront beaucoup de bien. On connaîtra mieux ensuite la douceur du bon Dieu… » Elle lui confie par avance la tâche de corriger les écrits à sa guise, consciente du nécessaire travail de relecture et de correctionD 111.
Sans perdre de temps, mère Agnès se met au travail après la mort de Thérèse : sous la responsabilité de mère Marie de Gonzague, elle fond les trois manuscrits en un seul volume, qu'elle découpe en chapitres. Elle reprend largement le texte, corrige ce qui lui paraît incorrect. Comme l'affirme le père François de Sainte-Marie, spécialiste des manuscrits thérésiens, « Elle a pratiquement réécrit l'autobiographie. »D 112 Le 30 septembre 1898, un an jour pour jour après la mort de Thérèse, paraît Histoire d'une âme, un volume relié de 475 pages, publié à 2 000 exemplaires. Financée par l'oncle Guérin, la publication a reçu l'imprimatur de Mgr Hugonin. Le livre est envoyé dans tous les carmels et à quelques personnalités ecclésiastiques. Malgré certaines réticences initiales, l'accueil est élogieux et les rééditions se succèdent, puis suit la traduction en anglais (The Little Flower of Jesus en 1901) et dans de nombreuses langues. En 1915, 211 000 volumes ont été diffusés ainsi que 710 000 exemplaires d'une version abrégée. Les carmélites de Lisieux et mère Agnès elle-même sont stupéfaites de ce raz-de-maréeD 113.
Des milliers de lecteurs sont profondément touchés. Des prêtres témoignent que cette lecture leur fait beaucoup de bien spirituellementF 26. Ainsi, le père Marie-Joseph Lagrange, fondateur de l'École biblique de Jérusalem, dira en 1927 : « Je dois à sainte Thérèse de ne pas être devenu un vieux rat de bibliothèque. Je lui doit tout, car sans elle j'aurais dû me racornir, me dessécher l'esprit. »23 La lecture d'Histoire d'une âme inspire aussi de nombreuses vocations, pour le Carmel, mais également dans les autres ordres religieux. Les études sur l'œuvre de Thérèse se multiplient et l'attente de pouvoir lire les cahiers originaux devient de plus en plus forte. Mais il faut attendre 1956 pour qu'à la demande du pape Pie XII, le père François de Sainte-Marie publie les Manuscrits autobiographiques en fac-similéD 114 puis, à partir de 1957, dans une édition impriméeE 45. Histoire d'une âme est actuellement traduit en plus de quarante langues et dialectesD 115.

Autres écrits

Au début de l'année 1893, mère Agnès demande à Thérèse de composer un cantique. Cette première poésie religieuse sera suivie de nombreuses autres, dans lesquelles la religieuse exprime le fond de son cœurD 116.
En janvier 1894, c'est une récréation théâtrale qu'elle doit écrire pour la fête de la prieure. Elle choisit le thème de Jeanne d'Arc, qu'elle considère comme sa « sœur chérie » et dont la béatification est alors en cours. Elle est applaudie par les carmélites qui découvrent son talent et la sollicitent désormais fréquemment, la considérant comme le « poète de la communauté ». Elle compose très librement, puise son inspiration dans ses lectures, notamment le Cantique des cantiques, et exprime ses désirs, ses craintes, son amour de Jésus, sans « s'inquiéter du style »D 117.
L'année suivante, elle écrit et met en scène Jeanne d'Arc accomplissant sa mission, une pièce spectaculaire avec seize personnages costumés. Elle-même joue le rôle de Jeanne, puis pose pour Céline, que la prieure a autorisée à conserver son appareil photographique, fait exceptionnel dans un carmel à cette époqueD 118. Le 11 juin 1895, Thérèse et Céline prononcent un Acte d'offrande à l'Amour Miséricordieux, que Thérèse a rédigé le 9 juinD 119. Dès avril 1896, elle entre dans une profonde nuit de la foi, mais elle n'en laisse rien paraître. Seuls les cantiques qu'elle continue à écrire expriment ses ténèbres : « Appuyée sans aucun appui, sans lumière et dans les ténèbres, je vais me consumant d'amour. »D 120
Pendant sa vie religieuse, Thérèse a également écrit de nombreuses lettres qui nous éclairent sur le développement de sa spiritualité, en particulier celles adressées à sa sœur Céline et à ses frères spirituels : les pères Roulland et BellièreD 121.
Alitée les dernières semaines de sa vie, Thérèse consacre plus de temps à l'écriture, mais la maladie l'épuise et, le 16 juillet, elle rédige ses dernières lettres d'adieuD 122. Mère Agnès, qui veille la malade, note sur un petit carnet jaune les paroles de Thérèse, jusqu'à son dernier jourNote 8,D 123.
Thérèse de Lisieux a ainsi écrit plus de 250 lettres, 62 poésies, 8 récréations pieuses (pièces de théâtre), et 21 prièresE 46. À partir de 1971, les écrits de la sainte sont publiés conformément aux originauxD 124.

Notoriété populaire

Couverture d'un album sur Thérèse de Lisieux.
Parallèlement au succès du livre Histoire d'une âme, une dévotion populaire à Thérèse de Lisieux se développe rapidement, en France et dans le monde. Elle s'accompagne de témoignages de conversions et de guérisons physiques. Dès la fin du XIXe siècle, on prie « la petite sainte » bien avant que l'Église ne la canonise. Pendant la Première Guerre mondiale, les demandes d'intercession à Thérèse se multiplient et sa renommée grandit, même du côté allemand. L'anthologie restreinte des témoignages envoyés au carmel de Lisieux entre 1914 et 1918 comporte à elle seule 592 pagesD 125. En 1914, le carmel de Lisieux reçoit en moyenne cinq cents lettres par jour. Dans les années 1923-1925, le nombre de lettres reçues passe à huit cents par jour24.
Ainsi, vers 1920, Édith, une fillette atteinte d'une kératite, est emmenée par sa grand-mère à Lisieux, sur la tombe de Thérèse. Elle retrouve la vue et, devenue Édith Piaf, elle vouera toute sa vie une véritable dévotion à Thérèse de Lisieux, qui est en fait sa cousine au quatorzième degré25, pour ce qu'elle considère comme un miracleD 126.
La ferveur populaire est rejointe par la reconnaissance de l'Église, qui canonise Thérèse en 1925.
Le 30 septembre 1957, veille de son exécution, Jacques Fesch, meurtrier converti en prison, écrit sa dernière lettre en citant ThérèseD 127.
La spiritualité de Thérèse de Lisieux a également touché au cours du XXe siècle des philosophes comme Henri Bergson, Jean Guitton, Emmanuel Mounier… des hommes politiques de tous bords tels Marc Sangnier ou Charles Maurras. De nombreux écrivains se sont intéressés à elle, parmi lesquels on peut citer Paul Claudel, Georges Bernanos, Gilbert Cesbron, Julien Green, Maurice Clavel, sans que cette liste soit exhaustiveD 128.

Sainte et docteur de l'Église

Vitrail représentant Thérèse,
Porto Alegre, Brésil.
Plaque commémorative dans la basilique de Lisieux.
Frappés du nombre de témoignages de prières exaucées par Thérèse de l'Enfant Jésus, des fidèles du monde entier demandent qu'elle soit reconnue comme sainteF 27. Le 15 mars 1907, le pape Pie X souhaite également sa glorification. Le procès ordinaire de béatification, sous la responsabilité de l'évêque de Lisieux, Mgr Lemonnier, s'ouvre le 3 août 191026. Trente-sept témoins viennent déposer sur la vie de Thérèse, dont neuf carmélites de Lisieux. Son corps est exhumé le 6 septembre 1910, en présence de plusieurs centaines de personnes. La cause est introduite officiellement par Pie X le 10 juin 1914D 129.
Le procès apostolique, mandaté par le Saint-Siège, commence alors à Bayeux en 1915. Retardé par la guerre, il se termine en 1917. À l'époque, un délai de cinquante ans est nécessaire avant une canonisation, mais le pape Benoît XV exempte la cause de Thérèse de ce délai. Le 14 août 1921, il promulgue le décret sur l'héroïcité des vertusD 129,27.
Deux miracles sont nécessaires à la cause de béatification. On retient donc deux guérisons qu'on soumet à une enquête. La première concerne un jeune séminariste, Charles Anne, atteint de tuberculose pulmonaire en 1906, et dont l'état était jugé désespéré par le médecin. Après deux neuvaines adressées à sœur Thérèse de l'Enfant Jésus, sa santé se rétablit brusquement. Une étude radiographique réalisée en 1921 montre la stabilité de la guérison, le trou dans le poumon ayant disparu28. Le second cas étudié est celui d'une religieuse souffrant d'une affection de l'estomac, dégénérant en ulcère trop avancé pour être opéré. Louise de Saint-Germain prie Thérèse pendant deux neuvaines, à l'issue desquelles son état s'améliore. Deux médecins confirment la guérison29.
Thérèse est béatifiée le 29 avril 1923D 130.
Les faits remarquables survenus après la béatification ne manquent pas, et l'on en choisit deux : le cas d'une jeune Belge, Mlle Maria Pellemans, souffrant d'une tuberculose pulmonaire et intestinale avancée, et miraculeusement guérie sur la tombe de Thérèse. L'autre cas est celui d'une italienne, sœur Gabrielle Trimusi, qu'une arthrite du genou et une tuberculose des vertèbres obligent à porter un corset ; elle est brusquement soulagée de ses infirmités et quitte son corset après un triduum célébré en l'honneur de Thérèse. Le décret d'approbation des miracles est publié en mars 192529.
Thérèse de Lisieux est canonisée le 17 mai 1925, en présence de cinq cent mille personnes, par Pie XI qui l'appelle « l'étoile de son pontificat »D 130. Lors de la canonisation, Pie XI affirmera de Thérèse de Lisieux :
« L'Esprit de vérité lui ouvrit et lui fit connaître ce qu'il a coutume de cacher aux sages et aux savants pour le révéler aux tout-petits. Ainsi, selon le témoignage de notre prédécesseur immédiat, elle a possédé une telle science des réalités d'en-haut qu'elle peut montrer aux âmes une voie sûre pour le salut30. »
Le 30 septembre 1925, pour la première fois, l'Église universelle célèbre « sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et de la sainte Face », plus communément appelée « sainte Thérèse de Lisieux ». À cette occasion, le pape Pie XI offre à la sainte la Rose d'or qui, traditionnellement, honore les chefs d'états ou leur épouse. C'est la première fois également que ce présent pontifical est offert à une personne décédée.
Thérèse de Lisieux est proclamée sainte patronne des Missions en 1927, puis sainte patronne secondaire de la France31 en 1944 par Pie XII.
L'influence de la nouvelle sainte ne se limite pas à son pays natal. En 1931, une jeune Albanaise prononce ses vœux en Inde, en se plaçant sous le patronage de sainte Thérèse de Lisieux. À la différence de sa patronne, mère Teresa aura une longue vie, mais une vie de missionnaire au service des plus petits que n'aurait pas reniée Thérèse32.
La spiritualité thérésienne dépasse également les limites de l'Ordre du Carmel. En 1933 sont fondées les « Oblates de Sainte-Thérèse » et, en 1944, une congrégation d'hommes : les « Missionnaires de Sainte-Thérèse ». Le cardinal Suhard, fondateur en 1941 de la Mission de France, entend réaliser « une partie de la mission de la sainte ». Le séminaire de la Mission de France s'installe à Lisieux en octobre 1942D 131.
S'il ne nomme pas expressément Thérèse, le concile Vatican II, qui se tient entre 1962 et 1965, est dans la droite ligne de ses intuitions. Il prône ainsi le retour à la parole de Dieu ; il met en avant la pratique de la foi, de l'amour et de l'espérance dans la vie quotidienne ; il appelle chaque baptisé à la saintetéD 132.
En 1980 Jean-Paul II, lors de sa visite en France, décide de venir à la basilique de Lisieux33.
Le 19 octobre 1997, année du centenaire de sa mort, sainte Thérèse est proclamée Docteur de l'Église par Jean-Paul II34. Dans sa lettre apostolique Divini amoris scientia30, ce dernier explique :
« Dans les écrits de Thérèse de Lisieux, sans doute ne trouvons-nous pas, comme chez d’autres docteurs, une présentation scientifiquement organisée des choses de Dieu, mais nous pouvons y découvrir un témoignage éclairé de la foi qui, en accueillant d’un amour confiant la condescendance miséricordieuse de Dieu et le salut dans le Christ, révèle le mystère et la sainteté de l’Église. »
Âgée de vingt-quatre ans lors de son décès, elle est la plus jeune des trente-trois docteurs de l'Église.
Les parents de sainte Thérèse, Louis et Zélie Martin, ont été béatifiés le 19 octobre 2008 à Lisieux et canonisés à Rome le 18 octobre 2015.

Dans la liturgie

Dans la liturgie catholique, Thérèse de l'Enfant-Jésus est fêtée le 1er octobre. C'est une fête inscrite au calendrier universel de l'Église. Elle a rang de « mémoire obligatoire »35,36 (un degré de célébration liturgique souvent associé aux saints). Dans l'Ordre du Carmel, sa fête est célébrée avec rang de fête, mais en France elle a rang de solennité37.
La prière propre à la messe célébrée en sa mémoire, est la suivante : « Dieu, qui ouvres ton Royaume aux petits et aux humbles, donne-nous de marcher avec confiance sur les pas de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus, pour obtenir ainsi la révélation de ta gloire. »
Les passages de la Bible lus lors de l'eucharistie ont été choisis en fonction de sa spiritualité. Ils évoquent essentiellement l'« esprit d'enfance spirituelle » que Thérèse a développé dans sa vie et ses écrits. La première lecture est tirée du Livre d'Isaïe (ch. 66, 10-14). Ces versets sont ceux qui l'ont aidée, fin 1894, à trouver la spiritualité de la « petite voie », dont elle témoignera ensuite : « […] Vous serez comme des nourrissons que l'on porte sur son bras, que l'on caresse sur ses genoux. De même qu'une mère console son enfant, moi-même, je vous consolerai, dans Jérusalem, vous serez consolés […] ». Une lecture alternative est Romains 8, 14-17 : « […] L'Esprit que vous avez reçu ne fait pas de vous des esclaves, des gens qui ont encore peur ; c'est un Esprit qui fait de vous des fils ; poussés par cet Esprit, nous crions vers le Père en l'appelant : « Abba ! » […] ». Cette lecture est suivie du Psaume 130 (129) « […] mais je tiens mon âme égale et silencieuse ; mon âme est en moi comme un enfant, comme un petit enfant contre sa mère […] ».
L'évangile fait aussi référence à l'enfance et à l'humilité : « […] celui qui se fera petit comme cet enfant, c'est celui-là qui est le plus grand dans le royaume des cieux » (Matthieu 18, 1-4)38,39.
D'autres textes liturgiques propres sont également proposés dans le sanctoral (Is 66,10-14 ; Ps 103,1-18 ; 1 Jn 4,7-16 ; Mt 11,25-30)39.

Les reliques de sainte Thérèse

Vénération des reliques de sainte Thérèse en Allemagne.
La tombe de sœur Thérèse est très vite l'objet de dévotion40. Des pèlerins venus de France et d'ailleurs accourent pour se recueillir, emportant même des fleurs ou la terre du cimetièreD 133.
Le 6 septembre 1910, on exhume la dépouille de Thérèse, puis on la transfère dans un autre caveau. Une seconde exhumation a lieu le 10 août 1917. Cette fois, deux médecins experts identifient les ossements, qu'on dépose dans un coffret de chêne sculpté, contenu lui-même dans un cercueil de palissandre doublé de plomb. Enfin, le 26 mars 1923, les restes de la future bienheureuse, désormais considérés comme des reliques, sont transférés en grande pompe vers la chapelle du carmel de Lisieux. Ils sont placés dans deux coffrets, l'un en argent et l'autre en bois de rose, tous deux conservés dans une châsse. Pour fêter la béatification, le reliquaire est porté en procession dans Lisieux, suivi d'un cortège de trente prélats, huit cents prêtres et plusieurs dizaines de milliers de personnes29.
La dévotion à Thérèse de Lisieux s'amplifie lorsqu'elle est canonisée en 1925.
Après la Seconde Guerre mondiale, ses reliques font le tour des grandes villes de France. L'année du cinquantenaire de sa mort, en 1947, elles sont vénérées au Parc des princes, à Paris41. En 1994, en préparation du centième anniversaire de sa mort, les reliques de sainte Thérèse voyagent à nouveau en France. À partir du 14 octobre, elles sont présentes dans la basilique de Fourvière, à Lyon. Des célébrations sont ensuite organisées à Marseille et à Paris41. À la suite du succès populaire de ces voyages, les reliques sont accueillies, les mois et les années suivantes, dans de nombreux diocèses de France, puis dans d'autres pays. Depuis octobre 2015, des reliques de sainte Thérèse de Lisieux42 et de ses parents Louis et Zélie Martin43 sont réunies en la chapelle Saint-Lienne de l'église Saint-Louis de La Roche-sur-Yon.
Thérèse avait souhaité « annoncer l'Évangile dans les cinq parties du monde et jusque dans les îles les plus reculées »E 37. Son vœu est en voie d'accomplissement, puisqu'ensuite la châsse, dite « Châsse du Brésil », « Châsse du Centenaire » ou le grand reliquaire, offert par les diocèses du Brésil44, voyage à travers le monde entier, parcourant, après la France, la Belgique, l'Italie, l'Allemagne, le Brésil, la Suisse, l'Autriche, la Slovénie, les États-Unis, l'Argentine, le Kazakhstan, la Russie, les Pays-Bas, Hong Kong, les Philippines, le Canada, la Bosnie, l'Irlande, le Mexique, l'Irak, le Liban, l'Australie, l'Espagne, Malte, Madagascar, la Colombie, le Gabon, le Bénin, le Portugal, la Nouvelle-Zélande, les Seychelles, la Pologne, le Burkina Faso, Guam, la Hongrie, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, le Cameroun, le Sénégal, l'Équateur, la Jordanie, l'Angleterre, l'Irlande, la Guyane, l'Ukraine, l'Afrique du Sud et Israël45.

Monuments dédiés à Thérèse de Lisieux

Statue traditionnelle de Thérèse de Lisieux en habit de carmélite portant un crucifix et quelques roses.
Dans le monde, 1 700 églises sont dédiées à Thérèse de LisieuxD 114. De nombreuses écoles catholiques et chapelles portent également son nom.
Sa déclaration comme patronne secondaire en fait l'une des saintes les plus vénérées en France : la plupart des églises de France possèdent une statue de Thérèse de Lisieux. Elle est représentée avec son habit de carmélite, tenant dans ses mains une croix entourée de roses.
En 1923, le père Daniel Brottier, qui vient d'être nommé directeur de l'œuvre des Orphelins Apprentis d'Auteuil, décide la construction d'une chapelle dédiée à la « Bienheureuse Thérèse de l'Enfant Jésus ». Le Bienheureux Daniel Brottier est convaincu d'avoir été protégé par elle pendant la Grande Guerre et qu'elle l'a gardé pour qu'il s'occupe de ses enfants d'Auteuil. Sa conviction est renforcée quand il apprend que Thérèse priait déjà pour les enfants d'Auteuil avant sa mort. Elle sera la « petite maman des enfants d'Auteuil ».
La chapelle est terminée en un temps record et la messe y est célébrée dès 1925. C'est le premier sanctuaire en France créé et dédié à sainte ThérèseNote 9. La Fondation d'Auteuil46 qui abrite des reliques de sainte Thérèse, est ouverte toute l'année au public.
En 1929, à la suite de la béatification et de la canonisation de Thérèse de Lisieux, et afin de pouvoir mieux accueillir les pèlerins venant sur sa tombe, l'évêque de Bayeux décide la construction de la basilique Sainte-Thérèse de Lisieux, appuyé en cela par le pape Pie XI.
Les travaux sont commencés le 30 septembre 1929 avec la pose de la première pierre par le cardinal Charost, légat du pape. Ils sont supervisés par trois architectes de père en fils, les Cordonnier – Louis-Marie, mort en 1940, puis son fils Louis-Stanislas et son petit-fils Louis. Les travaux continuent au ralenti entre 1939 et 1944 à cause de la Seconde Guerre mondiale. Ce n'est qu'après la guerre que le monument est terminé ; le culte y est célébré à la fête de l'Ascension en 1951.
Son style composite (dit romano-byzantin) est fortement inspiré de celui de la basilique du Sacré-Cœur à Paris47.
  • Basilique de Choubrah (au Caire)
En 1926, des frères carmes s'installent dans le quartier de Choubrah, dans la ville du Caire. Frappés par la grâce d'intercession de Thérèse de Lisieux, ils décident de lui dédier la petite chapelle qu'ils vont construire. Les gens y viennent nombreux, au point qu'il faut bientôt songer à l'agrandir et ériger une église. Les travaux commencent en 1931, grâce aux dons faits par la population égyptienne. L'édifice est inauguré en 1932 et l'ensemble terminé en 1942. L'affluence y est importante, le sanctuaire étant connu et fréquenté par des personnes de différentes religionsF 28,48,49.

Œuvres inspirées par Thérèse

Au cinéma

Au théâtre

  • Thérèse de Lisieux : pièce écrite par Jean Favre ; jouée de décembre 1994 à février 1995 au Théâtre du Tourtour (Paris), puis en tournée au Luxembourg et en Belgique ; avec Corine Lechat et Anne Vassalo dans les rôles principaux51.
  • En 2010, Michel Pascal écrit une adaptation théâtrale d'Histoire d'une âme52. Une représentation est filmée en 2011 au Carmel de Lisieux et est produite en DVD par la société Bonne Pioche.

En musique

En littérature

  • Dans La Légende du saint buveur, Joseph Roth fait mention de Thérèse de Lisieux, laquelle permet au croyant mystérieux du début de trouver la foi. Thérèse tient une place particulière dans le livre, puisqu'elle est citée dans le premier et dans le dernier chapitre.

Doctrine spirituelle de sainte Thérèse

La théologie de Thérèse de Lisieux est issue en grande partie de sa vie et de son autobiographie dans laquelle elle développe une vision de la foi qui a fait école.

L'appel universel à la sainteté

Fra Angelico : Les précurseurs du Christ avec les saints et les martyrs, 1423-1424.
La théologie de Thérèse est avant tout une pédagogie de la sainteté53. Son enseignement est un encouragement à rechercher la sainteté, y compris pour les chrétiens qui doutent de leur capacité à répondre à cet appel53.
À l'époque de Thérèse, marquée par l'héritage janséniste, beaucoup pensaient que la sainteté était réservée à quelques âmes d'élite, vivant des phénomènes mystiques impressionnants, ou réalisant de grandes choses24. Bien que n'ayant rien fait d'extraordinaire, Thérèse a pourtant pensé avec constance qu'elle pouvait devenir sainteF 29. Ainsi, vers l'âge de neuf ans, lisant la vie de Jeanne d'Arc, elle a l'intuition qu'elle peut aussi « devenir une grande sainte !!!… »E 47. Au carmel, en 1890, un prédicateur est choqué quand elle lui dit son espoir de devenir une grande sainte et d'avoir pour Dieu le même amour que celui qu'avait Thérèse d'AvilaD 134. À la fin de sa vie, elle écrira à mère Marie de Gonzague : « Vous le savez, ma Mère, j’ai toujours désiré être une sainte. »E 48
Elle veut d'abord arriver à la sainteté d'une façon assez volontariste54. Ainsi, à l'âge de seize ans, elle écrit à Céline, citant le père Pichon : « La sainteté ! Il faut la conquérir à la pointe de l'épée, il faut souffrir… »E 49
Ensuite, et de plus en plus à partir de 1893-1894, elle confie sa petitesse à Dieu et l'invite à agir en elle54. En 1895, elle écrit : « […] je sens toujours la même confiance audacieuse de devenir une grande Sainte, car je ne compte pas sur mes mérites, n'en ayant aucun, mais j'espère en Celui qui est la Vertu, la Sainteté Même, c'est Lui seul qui, se contentant de mes faibles efforts, m'élèvera jusqu'à Lui et, me couvrant de ses mérites infinis, me fera Sainte »E 50.
Thérèse a ainsi montré, par sa vie et ses écrits, que la sainteté était accessible à tous. Un autre docteur de l'Église avait eu, trois siècles plus tôt, une intuition aussi forte : François de Sales (1567-1622)24. Il avait encouragé les chrétiens vivant dans le monde à progresser spirituellement, d'une façon propre à leur état de vie, qui est différent de celui des moines et des moniales55,56. Cette idée qu'a Thérèse d'une sainteté discrète, sans grands éclats, s'appuyant sur la confiance en Dieu, est adaptée à tous les baptisés. C'est aussi une anticipation du concile Vatican II53,24. La Constitution dogmatique sur l’Église (Lumen gentium) du concile souligne en effet que tous les chrétiens sont appelés à la sainteté24.
Signe que la conception de la sainteté de Thérèse était en avance sur son temps, plusieurs de ses proches ne comprennent pas, dans les années qui suivent sa mort, que l'on pense à elle pour un procès en béatification. Des carmélites, des habitants de Lisieux, des membres de sa propre famille ne trouvent rien d'exceptionnel dans sa vie pour justifier ce projet. À un jeune prêtre qui évoque la canonisation de sœur Thérèse en 1903, mère Marie de Gonzague répond en riant : « dans ce cas, combien de carmélites faudrait-il canoniser ? »F 30,D 129.

La petite voie

S'appuyer sur Dieu avec confiance

Image de bréviaire confectionnée par Thérèse.
Durant les trois dernières années de sa vie, Thérèse de Lisieux expérimente quotidiennement « la petite voie ». Elle n'a écrit, telle quelle, l'expression qu'une seule fois, dans le manuscrit C, en 1897E 51. Mais elle y fait souvent référence, lorsqu'elle parle aux novices, ou en s'adressant à ses frères spirituelsF 29. Elle a conscience que cette petite doctrine est ce qu'elle peut transmettre de mieux, de son vivant, et après sa mort57,E 52,58.
La « petite voie » consiste, pour Thérèse, à reconnaître sa petitesse, son néant, et à s'appuyer alors avec confiance sur Dieu. Elle naît du désir de la sainteté, et de l'incapacité qu'il y a, à accomplir, par ses propres forces, ce désir.
Thérèse n'a pas ménagé ses efforts pour devenir sainte. Elle a cherché à vivre parfaitement la vocation qui était la sienne, multipliant les actes d'obéissance, de charité, de fidélité. Mais ayant en même temps un grand souci de la vérité, elle voit ses défauts, ses manques de générosité, son incapacité à « monter le rude escalier de la perfection »E 53. Elle qui aurait voulu aimer Dieu avec la même ardeur que Thérèse d'Avila réalise qu'elle est bien faible et petite. Elle passe par l'acceptation de ses limites. Mais sans se décourager pour autant54. Car elle a compris que cette faiblesse, cette petitesse, pouvaient attirer la grâce de Dieu. C'est une intuition prophétique qui lui fait écrire : « je veux chercher le moyen d'aller au ciel par une petite voie bien droite, bien courte, une petite voie toute nouvelle ». Dans le Livre des Proverbes, elle lit « Si quelqu'un est tout petit, qu'il vienne à moi. » Ce n'est pas en grandissant, mais au contraire en restant petite, qu'elle s'approchera de Dieu en l'obligeant à s'abaisser vers son néant59. Elle écrit : « l'ascenseur qui doit m'élever au ciel, ce sont vos bras, ô Jésus ! Pour cela, je n'ai pas besoin de grandir, au contraire, il faut que je reste petite, que je le devienne de plus en plus. »E 54

Une voie de l'enfance spirituelle

La petite voie est aussi parfois appelée voie d'enfance spirituelleF 29. Thérèse fait en effet souvent référence aux enfants qui, tout en étant petits, peuvent manifester une grande confiance envers leurs pèresF 31,Note 10. Elle comprend que, pour aimer et s'unir à Dieu en vérité, « il s'agit d'abord de se laisser rejoindre par Lui, aimer et façonner par lui. Son amour est gratuit, celui d'un père pour ses enfants. C'est toujours lui qui nous aime le premier. » (Pierre Descouvemont)F 29
Ainsi, dans cette spiritualité, grandir en sainteté, c'est d'abord grandir, par l'action de l'Esprit Saint, dans la confiance filiale qui voit en Dieu un père aimant54. Jean-Paul II, lors de son passage à Lisieux en 1980, dira à ce propos : « La "petite voie" est la voie de la "sainte enfance". Dans cette voie, il y a quelque chose d’unique […]. Il y a en même temps la confirmation et le renouvellement de la vérité la plus fondamentale et la plus universelle. Quelle vérité du message évangélique est en effet plus fondamentale et plus universelle que celle-ci : Dieu est notre Père et nous sommes ses enfants ? »2

Progresser sans cesse

Le fait de reconnaître sa petitesse ne signifie pas cependant, pour Thérèse, qu'il faut cesser de faire des effortsF 29,F 31. S'entretenant au carmel avec une de ses novices, sœur Marie de la Trinité, elle distingue bien cette voie du quiétismeNote 11. Jusqu'au bout, elle fera des sacrifices pour le salut des âmes. Le 8 août 1897, elle confie à mère Agnès : « Bien des âmes disent : Mais je n'ai pas la force d'accomplir tel sacrifice. Qu'elles fassent donc ce que j'ai fait : un grand effort. Le bon Dieu ne refuse jamais cette première grâce qui donne le courage d'agir. »E 55 Et, jusqu'à sa mort, elle cherchera à aimer, concrètement et quotidiennement, ses sœurs carmélites. Mais ce sera, selon la voie dont elle témoigne, en union avec Dieu qui supplée à ses faiblesses. Cet accueil de la présence de Dieu, qu'elle veut vivre à travers cette petite voie, va l'amener à approfondir le sens de la charité, et sa confiance en la miséricordeF 32,54.

La charité

Aimer Dieu

Thérèse a été appelée, après sa mort, « Docteur de l'amour ». C'est en effet en pratiquant la charité, et en l'enseignant dans ses écrits qu'elle a le plus touché les cœurs53.
L'amour de Thérèse se porte avant tout sur la personne du Christ. Dès sa petite enfance, portée par une ambiance familiale très chrétienne, elle cherche à lui « faire plaisir » par ses actions, son sens de la vérité, sa fidélité à la prière du soirD 135. Cet amour pour le Christ, cette conviction et cette conscience qu'elle a de vivre en sa présence se maintiendront toute sa vie. Elle décrit ainsi sa première communion, faite à l'âge de neuf ans : « […] je me sentais aimée, et je disais aussi : "Je vous aime, je me donne à vous pour toujours". »E 11 Le nom de Jésus est présent à pratiquement chaque page de ses écrits. Il est cité environ mille six cents fois53. À la fin de sa vie, lorsqu'elle vit l'épreuve de la nuit de la foi, elle grave ces mots sur la cloison de sa cellule : « Jésus est mon unique amour. »53 Et ses derniers mots seront pour Dieu, à qui elle dit son amour avant de mourir53.
Cet amour est vécu de façon privilégiée dans sa vocation de carmélite, qui fait d'elle, selon le vocabulaire symbolique propre aux religieuses, « l'épouse du Christ »53,F 33. Comme l'indique son nom de carmélite (Thérèse de « l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face »), elle médite plus particulièrement sur le mystère de l'incarnation et de l'abaissement du ChristF 34. Elle va surtout témoigner d'un Dieu « qui s'est fait tout petit par amour »53.
Même si elle cite moins le Père et l'Esprit Saint que le Christ, sa conception de l'amour de Dieu est profondément trinitaire53. Comme en témoigne ce verset de sa poésie Vivre d'amour53 : « Ah ! tu le sais, Divin Jésus, je t'aime. L'Esprit d'amour m'embrase de son feu. C'est en t'aimant que j'attire le Père. »E 56
Selon François-Marie Léthel : « l'enseignement de Thérèse est entièrement illuminé par l'Amour : en Jésus, Thérèse contemple l'Amour infini dont Dieu nous aime, amour miséricordieux et sauveur, amour fou du créateur pour sa pauvre créature blessée par le péché […] »53. Pour Thérèse, il s'agit alors de rendre amour pour amourE 57, d'aimer Dieu en retour, et d'aimer ses proches et ceux pour qui elle prie en témoignant de l'amour de Dieu53.

Unie à l'amour

À partir de 1894, avec la découverte de la petite voie de confiance et d’amour, Thérèse réalise de plus en plus combien la charité est au centre de sa vie spirituelle. Ayant compris qu’elle ne pourra aimer vraiment qu’en union avec Dieu, elle s’offre, le 11 juin 1895, comme « victime à l’amour miséricordieux », « afin de vivre dans un acte de parfait amour ». Elle veut renouveler cette offrande à chaque instant, un nombre infini de foisD 136. Un tel programme n'est possible que si Dieu répond à son offrande. Quelques jours plus tard, elle est prise d'un amour si fort pour Dieu, qu'elle se croit plongée dans un feu. C'est pour elle le signe que Dieu a répondu à sa prièreD 136,F 35.
Elle franchit une nouvelle étape en septembre 1896. Thérèse éprouve des désirs qui lui semblent fous : elle veut être à la fois missionnaire, apôtre, martyr, prêtre, docteur de l'ÉgliseE 37. De plus, elle veut vivre pleinement chacune de ces vocations, depuis la création du monde jusqu'à la fin des temps. Elle ouvre alors sa Bible et parcourt le chapitre 12 de la Première épître aux Corinthiens de saint Paul. Paul y compare l'Église à un corps où chaque membre a une place bien définie. Voilà qui lui apporte une réponse et devrait refroidir ses désirs. Mais elle poursuit et lit l'Hymne à la charité, au chapitre 13. Elle réalise soudain que l'amour est au cœur de l'Église : « Je compris que l'amour seul faisait agir les membres de l'Église, que si l'Amour venait à s'éteindre, les Apôtres n'annonceraient plus l'Évangile, les Martyrs refuseraient de verser leur sang… Je compris que l'Amour renfermait toutes les vocations, que l'Amour était tout, qu'il embrassait tous les temps et tous les lieux… en un mot qu'il est Éternel. »E 38 Elle comprend alors que sa vocation, c'est l'AmourE 38.
Le mystère qu'elle approfondit là est celui de la communion des saints53. Plus elle aimera, là où elle se trouve, et plus elle participera à la vie de l'Église et soutiendra les différentes vocations sur la terre. Elle ne manque pas de faire alors le lien avec sa petitesse et son acte d'offrande à l'amour miséricordieux, suppliant, encore et encore, Jésus de lui donner « son Amour »E 58. Elle écrit, en 1897, l'année de sa mort : « Voici ma prière : je demande à Jésus de m'attirer dans les flammes de son amour, de m'unir si étroitement à Lui qu'il vive et agisse en moi […] »E 59,53.
Ce mouvement d'accueil, dans sa petitesse, de l'amour de Dieu, va la conduire à aimer encore plus ses sœurs carmélites53.

La charité fraternelle

En entrant au Carmel, Thérèse a lu la règle et les constitutions de l’ordre. Elle a noté l’importance de la délicatesse fraternelle, qu’elle va s’appliquer à vivreF 36. L'amour qu'elle a pour les autres religieuses n'est pas éthéré. Il se manifeste au contraire par un grand nombre d'attentions très concrètes. C'est aussi par amour pour les âmes qu'elle prie pour elles et fait quotidiennement de petits sacrifices.
Thérèse considère que la charité ne peut exister que lorsqu'elle est détachée de tout égoïsme et de tout amour propre. Depuis sa conversion de Noël 1886, elle a découvert la joie dans l'oubli d'elle-même : « Je sentis, en un mot, la charité entrer dans mon cœur, le besoin de m'oublier pour faire plaisir, et depuis lors je fus heureuse. »E 15 Elle affirme qu'« on ne peut faire aucun bien en se recherchant soi-même »E 60. De cette conception découle une vraie exigence : elle décèle ses moindres fautes pour pouvoir lutter contre elles et, surtout, laisser la place à davantage d'attention et de générosité54.
Mais c'est à la fin de sa vie qu'elle réalise à quel point l'amour qu'elle a pour Dieu est étroitement lié à celui qu'elle doit avoir pour les autres. Se confiant en 1897 à mère Marie de Gonzague, elle écrit que Dieu lui a fait la grâce cette année de l'aider à comprendre ce qu'est la charité : « Je m'appliquais surtout à aimer Dieu et c'est en l'aimant que j'ai compris qu'il ne fallait pas que mon amour se traduise seulement par des paroles. »E 61 Elle médite sur les commandements de l'amour, présents dans l'évangile, et surtout sur la parole dite par le Christ : « Aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » (Jean, ch.13 34-35)E 61 Elle réalise que sa charité envers ses sœurs est encore imparfaite et décide de les aimer comme le « bon Dieu » les aimeE 61. C'est aussi un aboutissement de son offrande à l'amour miséricordieux et de son désir de se faire toute petite pour que Jésus puisse agir en elle : « Oui je le sens lorsque je suis charitable, c'est Jésus seul qui agit en moi ; plus je suis unie à Lui, plus aussi j'aime toutes mes sœurs. »E 62
Ainsi, elle développe une profonde indulgence envers les actes des autres : « Ah, je comprends maintenant que la charité parfaite consiste à supporter les défauts des autres, à ne point s'étonner de leurs faiblesses, à s'édifier des plus petits actes de vertus qu'on leur voit pratiquer… »E 62 Elle s'efforce même d'excuser les coupables ou de leur prêter de bonnes intentionsE 62.
Un jour, alors qu'elle s'apprête à rendre un service, elle observe qu'une religieuse a la même intention, et elle retient son geste pour lui en laisser le bénéfice. Mais on prend son acte pour de la paresseE 62. Elle médite cette déconvenue : « […] Je ne saurais dire combien une aussi petite chose me fit de bien à l'âme et me rendit indulgente pour les faiblesses des autres. »E 62 Elle découvre combien il est difficile de comprendre les intentions de quelqu'un : « Puisqu'on prend mes petits actes de vertu pour des imperfections, on peut tout aussi bien se tromper en prenant pour vertu ce qui n'est qu'imperfection. »E 62 Lorsqu'une sœur ne lui plaît pas, elle essaie d'être particulièrement aimable avec elleE 63.

Confiance dans la miséricorde

La conscience accrue de la miséricorde de Dieu est un aspect essentiel de la petite voie, découverte fin 1894, par Thérèse. À peine a t-elle réalisé qu'en restant petite elle peut devenir sainte, qu'elle s'écrie : « O mon Dieu, vous avez dépassé mon attente et moi je veux chanter vos miséricordes. »E 31 Elle a compris que la miséricorde de Dieu est particulièrement grande pour ceux qui se savent faibles, imparfaits et qui comptent sur lui54. Ce mot « miséricorde », qui était jusqu'alors assez rare dans ses écrits, vient maintenant au premier plan54. Ainsi, c'est encore pour « chanter les miséricordes du seigneur » qu'elle accepte d'écrire, en 1895, ses souvenirs d'enfance, dans ce qui sera connu ensuite comme le manuscrit AE 64,54. Et dans l'acte d'offrande qu'elle fait en juin de la même année, elle associe cet amour miséricordieux à « des flots de tendresse infinie »E 34.
La miséricorde ne se résume donc pas, pour elle, au pardon de Dieu, même si cette dimension est importante. Elle a aussi trait à la douceur et à la tendresse de Dieu qui se penche sur les plus petits54. Dans l'Ancien Testament, le mot hébreu Rah'amim (רחמים) désigne d'abord le sein maternel, puis la tendresse qui en est issue, tendresse miséricordieuse. Ce mot évoque la tendresse maternelle de Dieu pour son peuple et ses enfants, pour les petits et les pauvres60. La découverte par Thérèse de la petite voie s'inspire d'ailleurs d'un passage du Livre d'Isaïe (ch 66, 12-13), sur l'amour de Dieu pour son peuple, comparable à celui d'une mère pour ses enfantsE 31.
Si la petite voie ouvre, par une plus grande union à Dieu, sur une charité plus parfaite, l'homme demeure pourtant imparfait et peut encore tomber dans le péché61. Mais, dans ce cas, il peut recourir, avec confiance, au pardon de Dieu qui le relève61. Sur ce point, Thérèse est particulièrement prolixe61. Elle dit, s'inspirant, comme souvent, des enfants : « Être petit … c'est ne point se décourager de ses fautes, car les enfants tombent souvent, mais ils sont trop petits pour se faire beaucoup de mal. »E 65 Elle qui a longtemps souffert des scrupules rassure maintenant l'abbé Bellière, qui s'inquiète de ses fautes passées61. En juin 1897, Thérèse lui écrit : « Le souvenir de mes fautes m'humilie, me porte à ne jamais m'appuyer sur ma force qui n'est que faiblesse, mais plus encore ce souvenir me parle de miséricorde et d'amour. Comment, lorsqu'on jette ses fautes avec une confiance toute filiale dans le brasier dévorant de l'amour, comment ne seraient-elles pas consumées sans retour ? »E 66
Ce sens de la miséricorde est crucial dans les derniers mois de sa vie, quand elle passe par l'épreuve de la « nuit de la foi ». Durant cette période, elle est assaillie de telles tentations qu'elle comprend mieux ce que vivent les plus grands pécheursD 137. Pourtant, elle ne cesse de croire en la miséricorde infinie de Dieu pour celui qui revient vers LuiF 37. Elle va jusqu'à dire, en juillet 1897, à sa sœur Pauline : « Dites bien, ma Mère, que si j'avais commis tous les crimes possibles, j'aurais toujours la même confiance, je sens que toute cette multitude d'offenses serait comme une goutte d'eau jetée dans un brasier ardent. »E 67
Sa dernière lettre, à l'abbé Bellière, en août 1897, se termine par ces mots : « Je ne puis craindre un Dieu qui s'est fait pour moi si petit… Je l'aime !… Car il n'est qu'amour et miséricorde ! »E 68

Compléments

Articles connexes

Liens externes

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Bibliographie

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  • 1982 : Joseph Courtès, « La Vie de Thérèse de Lisieux », dans les Annales de sainte Thérèse de Lisieux, no 602, mai 1982, 25 p.
  • 1982 : Guy Gaucher, Histoire d'une vie Thérèse Martin, Paris, Le Cerf, Coll. « Foi Vivante », 268 p.
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  • 1995 : Jean Guitton, Le Génie de Thérèse de Lisieux, Paris, Éditions de l’Emmanuel, 157 p.
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  • 1996 : Pierre Mabille, Thérèse de Lisieux, Paris, Allia, 112 p.
  • 1996 : Fernand Ouellette, Je serai l'Amour : trajets avec Thérèse de Lisieux, Montréal, Fides, 430 p.
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  • 1996 : René Lejeune, La petite voie de sainte Thérèse. Spiritualité et neuvaine, Hauteville/Suisse, Éditions du Parvis, 80 p.
  • 1997 : Jean-François Six, Vie de Thérèse de Lisieux, Seuil, 02/1997
  • 1997 : Rémi Mauger, Bernard Gouley, Emmanuelle Chevalier, Thérèse de Lisieux, ou La Grande Saga d'une Petite Sœur 1897-1997, Éditions Fayard, 300 p.
  • 1997 : Jean-François Six Thérèse de Lisieux par elle-même – tous ses écrits de janvier 1895 à Pâques 1896, Thérèse de l’Enfant Jésus, Grasset, 09/1997
  • 1998 : Maurice Bellet, Thérèse et l'Illusion, Paris, Desclée De Brouwer, 111 p.
  • 1998 : Jean-François Six, Thérèse de Lisieux, son combat spirituel, sa voie, Paris, Le Seuil, 439 p. (ISBN 2-02-034847-0)
  • 2000 : Guy Lehideux (textes) et Charlie Kieffer (dessins), Sainte Thérèse de Lisieux, Étampes, Clovis, coll. « Chemins de lumière ». 38 p. bande dessinée.
  • 2000 : Claude Langlois, Les Dernières Paroles de Thérèse de Lisieux , Paris, Salvador, 2000, 173 p. ; Le Désir de sacerdoce chez Thérèse de Lisieux, Paris, Salvador, 2002, 231 p. ; Le Poème de septembre. Lecture du Manuscrit B de Thérèse de Lisieux, Paris, Cerf, 2002, 241 p. ; Lettres à ma Mère bien-aimée. Juin 1897. Lecture du Manuscrit C de Thérèse de Lisieux Paris, Cerf, 2007, 416 p. ; L’Autobiographie de Thérèse de Lisieux. Édition critique du Manuscrit A (1895), (Paris, Cerf, 2009, 591 p. ; Thérèse et Marie-Madeleine. La rivalité amoureuse Paris, Jérôme Millon, 2009, 238 p. Compte rendu de tous ces ouvrages par Anthony Feneuil dans Revue de l'histoire des religions 1|2011, p. 93-10362.
  • 2001 : Pierre-Jean Thomas-Lamotte, Guérir avec Thérèse, Paris, Téqui, 232 pages.
  • 2003 : Jean Clapier, Aimer jusqu'à mourir d'amour. Thérèse et le mystère pascal, Paris, Le Cerf, 557 p.
  • 2004 : Jean Clapier, Une voie de confiance et d'amour. L'itinéraire pascal de Thérèse de Lisieux, Paris, Le Cerf, 197 p.
  • 2005 : Conrad De Meester, Histoire d'une âme. Nouvelle édition critique, Presses de la Renaissance, Paris, 404 p. (ISBN 2-7509-0079-4)
  • 2006 : Bernard Bonnejean, La Poésie thérésienne. L'Évangile m'apprend et mon cœur me révèle, Le Cerf, 293 p.
  • 2007 : Dimitri Merejkovski, Petite Thérèse, L'Âge d'homme, 120 p.
  • 2007 : Noëlle Hausman, Thérèse de Lisieux, docteur de l’Église, Paris, Desclée de Brouwer, 300 p.
  • 2007 : Cyrille Misérolle-Velpry, Thérèse Martin, une enfant ordinaire avec une destinée extraordinaire (épuisé)
  • 2007 : Christophe Dauphin, Thérèse, Cordes-sur-Ciel, éditions Rafael de Surtis, 2007, 40 p. (ISBN 978-2-84672-108-0)
  • 2007 : Jérôme Beau, Guy Gaucher, Pierre d'Ornellas, Michel Evdokimov et al., Thérèse de Lisieux docteur de la vérité : Session d'étude préparée par les étudiants de la Faculté Notre-Dame, Parole et Silence
  • 2008 : Patrick Autréaux, Thérèse de Lisieux. La confiance et l'abandon. Textes choisis, Le Seuil, coll. « Points ; Voix Spirituelles Sagesses », 95 p.
  • 2010 : Jean Clapier, Thérèse de Lisieux au risque de la psychologie, Paris, Presses de la Renaissance, 200 p.
  • 2010 : Guy Gaucher, Sainte de Thérèse de Lisieux (1873-1897), Le Cerf, 683 p. (ISBN 978-2-204-09270-8)

Notes et références

Notes

  1. Dans cet article, carmel désigne un couvent, tel le carmel de Lisieux, tandis que Carmel désigne l'Ordre du Carmel. Par contre, la graphie de Thérèse, qui utilise les majuscules pour écrire Carmel ou Mère par exemple, a été respectée dans les citations.
  2. « La nuit de Noël 1886 fut, il est vrai, décisive pour ma vocation, mais, pour la nommer plus clairement, je dois l'appeler : la nuit de ma conversion. En cette nuit bénie dont il est écrit qu'elle éclaire les délices de Dieu même, Jésus qui se faisait enfant par amour pour moi daigna me faire sortir des langes et des imperfections de l'enfance. Il me transforma de telle sorte que je ne me reconnaissais plus moi-même. Sans ce changement, j'aurais dû rester encore bien des années dans le monde. » (Thérèse de Lisieux, Œuvres complètes, Cerf/DDB 1992, p. 559, Lettre 201, du 1er nov. 1896).
  3. Né en Égypte, il assassine et égorge trois personnes du 19 au 20 mars 1887, rue Montaigne à Paris ; le procès a lieu du 9 au 13 juillet, et il est condamné à mort. Son procès a un retentissement important. Cf Jean-François Six, p. 129 à 134.
  4. Il s'agit de La Croix du 1er septembre 1887 (cf. Pierre Descouvemont, Thérèse et Lisieux, 1991, Cerf, p. 78) : « Mais avant que ce mouvement se soit produit, peut-être un éclair de repentir a t-il traversé sa conscience. Il a demandé à l'aumônier son crucifix. Il l'a deux fois embrassé. » dans La Croix, 1er septembre 1887, no 1298, p. 1 (col. 4) et p. 2 (col. 1), Journal en ligne sur gallica.bnf.fr [archive].
  5. Les ossements de la sainte sont renfermées dans le soubassement. Ils sont exposés lors de circonstances solennelles dans une châsse en argent et émaux, dite « châsse du Brésil », offerte par ce pays le 26 mars 1923 à l'occasion de sa béatification.
  6. Il s'agit du manuscrit C d'Histoire d'une âme.
  7. Une circulaire est une lettre envoyée à tous les carmels, qui relate la vie d'une religieuse décédée.
  8. Il s'agit des Derniers entretiens.
  9. 40 rue de Jean de la Fontaine, Paris XVIe.
  10. Témoignage de mère Agnès : « Je lui demandais […] ce qu'elle entendait par "rester petit enfant devant le bon Dieu". Elle me répondit : "C'est reconnaître son néant, attendre tout du bon Dieu, comme un petit enfant attend tout de son père ; c'est ne s'inquiéter de rien […]". » Derniers entretiens, Carnet jaune, 6 août 1897, p. 1082.
  11. Témoignage de sœur Marie de la Trinité :« J’eus l’occasion d’entendre de sa bouche une explication importante sur ce qu’elle appelait "sa petite voie" d’amour et de confiance. Je lui avais fait part de mon intention d’exposer cette doctrine spirituelle à mes parents et amis. "Oh ! - me dit-elle - faites bien attention en vous expliquant, car notre petite voie mal comprise pourrait être prise pour du quiétisme ou de l’illuminisme". Elle m’expliqua alors ces fausses doctrines, inconnues pour moi. Je me rappelle qu’elle me cita Madame Guyon comme hérétique. "Ne croyez pas - me dit-elle - que suivre [1252] la voie de l’amour, c’est suivre une voie de repos, toute de douceur et de consolations. Ah ! c’est tout le contraire. S’offrir en victime à l’amour, c’est se livrer sans réserve au bon plaisir divin, c’est s’attendre à partager avec Jésus ses humiliations et son calice d’amertume". » (Procès apostolique de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, Témoignage de Marie-Louise-Joséphine Castel (sœur Marie de la Trinité), p. 1251-1252).

Références

Principales sources utilisées
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  13. Le journal l'Univers, daté du 24 novembre, raconte : « Parmi les pèlerins se trouvait une jeune fille de 15 ans qui a demandé au Saint-Père la permission de pouvoir entrer tout de suite au couvent pour s'y faire religieuse. », cité p. 144.
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  25. Derniers entretiens, p. 1079.
  26. a et b Manuscrit A, p. 201.
  27. a et b Manuscrit A, p. 205-206.
  28. p. 1547-1549. Ses écrits, publiés après sa mort, comportent des centaines de références à des versets issus de plus de cinquante livres bibliques allant de la Genèse à l'Apocalypse.
  29. Ecrits divers, p. 1235.
  30. Introduction aux récréations pieuses, p. 769-773.
  31. a, b et c Manuscrit C, 3R, p. 238.
  32. Manuscrit C, 2V, p. 237. C'est le seul endroit où elle parle explicitement de la « petite voie », même si cet aspect de sa vie spirituelle aura d'autres échos dans ses écrits, notamment dans le manuscrit B.
  33. Lettres 175,176,178… p. 513-519.
  34. a et b Prières, Offrande à l'Amour Miséricordieux, p. 962.
  35. Derniers entretiens, Carnet jaune, 7 juillet 1897, p. 1026.
  36. Lettre 261, à l'abbé Bellière, p. 619.
  37. a, b, c et d Manuscrit B, 2v°-3r°, p. 224.
  38. a, b et c Manuscrit B, 3v°, p. 226.
  39. Manuscrit C, p. 252, 255, 272-275.
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  43. Derniers entretiens, p. 1145, 1146, 1189.
  44. Lettre 244, à l'abbé Bellière, 9 juin 1897, p. 601.
  45. Bibliographie, p.1531.
  46. Table des matières.
  47. Manuscrit A, 32r°, p. 120.
  48. Manuscrit C, 2v°, p. 237.
  49. Lettre 89, du 26 avril 1889, à Céline, p. 390, citation du père Pichon (conférence de retraite, mai 1888).
  50. manuscrit A, 32r°, p. 120.
  51. Manuscrit C, 3r°, p 237.
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  54. Manuscrit C, 3r°, p. 238.
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Autres sources
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  9. Jean-François Miniac, Les Grandes Affaires criminelles de l'Orne, de Borée, 2008, 320 p., (ISBN 978-2-84494-814-4). Livre traitant de l'affaire Pranzini.
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  13. À cette date, les lois anticléricales avaient déjà provoqué la fermeture de couvents et des expulsions de religieux à l'étranger. Des violences inattendues n'étaient pas impossibles.
  14. Il instruira quelques années plus tard le procès en béatification de Thérèse.
  15. Document B34-23.pdf [archive] Guy Gaucher, « Thérèse de Lisieux. Les seize carmélites de Compiègne et Bernanos », Colloque des 7 et 8 mai 1994. Mort et renaissance du Carmel de France, Table des matières par la Société historique de Compiègne [archive], p. 145-149.
  16. Manuscrit B, 3r.
  17. Différents éléments font dire à certains auteurs que Thérèse avait probablement une tendresse particulière pour cette jeune religieuse martyre. Voir le Document B34-23, p. 149.
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  58. Mgr Gaucher, « Une vie tout ordinaire », dans Il est vivant n° 113, avril 1995.
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St. Thérèse of Lisieux: Genius or Neurotic?

St. Thérèse of Lisieux: Genius or Neurotic?

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St. Thérèse of Lisieux: Genius or Neurotic?

St. Thérèse of the Child Jesus and the Holy Face was born in France on January 2, 1873 and entered the Carmelite order in Lisieux at the early age of fifteen after pleading her case to Pope Leo XIII. Nine years later she died of tuberculosis on September 30, 1897 at the young age of twenty-four. A mere seventeen years later, Pope Pius X started the process for her canonization with his successor, Pope Benedict XV, waiving the required fifty years waiting period between the death and beatification. This unprecedented decision allowed St. Thérèse to be officially beatified by Pope Pius XI on April 29, 1923. Two years later on May 17, 1925, twenty-eight years after her death, St. Thérèse was sainted by Pope Pius XI with her four older sisters in attendance.  Pope Pius XII continued the process started by his predecessors by decreed St. Thérèse of the Child Jesus a co-patron of France with St. Joan of Arc in 1944. Last but not least, Pope John Paul II named St. Thérèse a Doctor of the Church on October 19, 1997, an honor given to only three other women and thirty-two men throughout history.
So what did St. Thérèse of the Child Jesus and the Holy Face do that made three different popes modify the canon law of the Roman Catholic Church, a traditionally slow to act organization, in order for her to be sainted? What was so special about her short life that made yet another pope declare her the patron saint of France along with St. Joan of Arc, the famous warrior? What advances to theology did St. Thérèse bring to the church that made a fifth pope declare her a Doctor of the Church, an honor shared with the likes of St. Gregory the Great, St. Augustine, and St. Thomas Aquinas?
The answer to these questions is contained in the one book written by St. Thérèse, The Story of a Soul. One might think that this book, published a year after her death, might be a theological treatise akin to St. Thomas Aquinas ‘ Summa Theologica. Or perhaps it was a book on spirituality like The Inner Castle written by St. Thérèse’s namesake and follow Carmelite nun and Doctor of the Church, St. Teresa of Ávila. However, St. Thérèse’s book does not fall into these categories as it was a simple autobiography about her life. Unlike St. Augustine’s Confessions which tells of Augustine’s journey through the darkness of sin towards Jesus, St. Thérèse’s autobiography tells a story of a young girl who passionately pursed God from an early age.  As Pope Pius X told a priest who ask about St. Thérèse, “What is most extraordinary about this soul is precisely her extreme simplicity.”
story of a soulIn reading St. Thérèse’s autobiography, one can be forgiven for thinking that she is overly introspective and narcissistic. Throughout her book she relates small and seemingly inconsequential details about her life. Things like crying about losing a sugar ring she was going to give to her sister or receiving rewards from her father for her marks at the end of each school year.  While technically part of her life, these stories seemed to carry a sense of pride and narcissism.  However the more I read the more I realized that rather than been prideful, St. Thérèse was being overly honest and transparent. While she didn’t go through a ton of outward trials and pains (i.e. she had a good family upbringing, loving parents and sisters, etc.), she had a deep sense of spiritually and self-reflection that caused her to feel pain at every little mistake or selfish act. Her autobiography brings out this self-reflection with a sense of humanity as she learns how to be aware of the work of Jesus within her spirit and soul.
This journey of self-awareness and allowing Jesus to change her can be seen through two instances with St. Thérèse’s life. The first instance comes from year that followed her first communion when she was eleven years old. During this time she was plagued with scruples and would tell her sister Marie all “the extravagant thoughts that [she] had about her” [St. Thérèse, 88]. While this confession would bring confront to St. Thérèse, it would hurt Marie in that she had to listen to all the negative things St. Thérèse thought about her and others. The self-reflection and awareness was there, but so was the pride. The humanity that comes through the Spirit of God was yet to polish the burs off the rough stone of St. Thérèse’s life.
The second instance comes years later after St. Thérèse had entered cloistered community of the Carmelites. One of the nuns there did not get along with St. Thérèse, causing her to write that she had the “talent of displeasing me  in everything: her manners, her words, her character seemed to me to be very displeasing” [St. Thérèse, 250]. Rather than doing the same thing she had done earlier in her live, St. Thérèse set about doing “for this Sister what [she] would have done for the person that [she] love the most” [St. Thérèse, 250]. This change of heart is quite remarkable seeing how it happened during St. Thérèse’s teenage years when most members of humanity are typically self-focused. Yet, St. Thérèse passion for Jesus caused her to love and serve the person who annoyed her the most as if she was loving and serving Jesus himself. Gone was the pride and sense of having to confess her thoughts to the one she was thinking about, regardless of what they felt. Rather Jesus, “who makes sweet what is the most bitter,” transformed her heart and changed her behavior [St. Thérèse, 251].
Having one’s heart and behavior changed by Jesus isn’t really new or novel as billions of people across history have experienced this change. No, the unique thing about St. Thérèse is her youth. Typically the young are marginalized and ignored by the older members of the human race. They are told to be quiet, learn their lessons and wait until that magical day when they come of age and join the ranks of the mature. St. Thérèse’s autobiography challenged this conventional view by showing that children are capable of understanding the truths of Jesus at an early age. Furthermore, her story tells us that children, teenagers and young adults can also walk out these truths in their daily lives; sometimes even putting to shame those who have walked with Jesus for longer chronologically.
41-jesus-blesses-the-children-detailThe tenth chapter of the Gospel of Mark tells of time when the twelve apostles allowed the traditional view of children to cloud their minds. Thinking that Jesus was too important and too busy to be concerned about the little ones, they rebuked the parents who dared to bring their children into the presence of the mighty teacher. Jesus, far from being pleased with the apostles actions, became indignant and told them to let the children come to him under hindered (Mark 10:13-16). St. Matthew records a similar story where Jesus tells them that unless they changed and “become like little children” they would “never enter the kingdom of heaven” (Matthew 18:3).
Sadly the church at large has spiritualized the words of Jesus and instead followed the example of the apostles in rebuking the little ones.  Rather than encouraging them to pursue God as St. Thérèse did when only fifteen, we, the body of Christ, marginalized the children and youth, placing them in separate rooms where they won’t bother us. Luckily current missiological research is challenging this view with researching showing that “almost two-thirds of the people who give their lives to Christ do so before the age of eighteen” [Stafford, 7].  Furthermore, researchers are also telling us that there is only a twenty-three percent chance that a person will choose to follow Jesus after the age of twenty-one.
In other words, we, the people of Jesus, need the example and model of St. Thérèse now than ever before.  We need to hear the stories of people passionately pursuing Jesus from an early age. We need to hear the stories of teenagers so recklessly in love with Jesus that they hound everyone in authority above them to let them pursue their dreams just as St. Thérèse hounded her bishops and Pope Leo XIII to let her join the Carmelite order. Will these youth make mistakes? Undoubtedly! This is why they need us, the older members of the body of Christ, to guide and direct them just like the Carmelite Prioress guided St. Thérèse on her journey.  As Pope Pius XI said in his homily at the Canonization of St. Thérèse:
“Therefore we nurse the hope today of seeing springing up in the souls of the faithful of Christ a burning desire of leading a life of spiritual childhood. That spirit consists in thinking and acting, under the influence of virtue, as a child feels and acts in the natural order. Little children are not blinded by sin, or disturbed by the passions, and they enjoy in peace the possession of their innocence. Guiltless of malice or pretense, they speak and act as they think, so that they show themselves as they really are. Thus Thérèse appeared more angelic than human in her practice of truth and justice, endowed as she was with the simplicity of a child. The Maid of Lisieux had ever in memory the invitation and the promises of her Spouse: “Whosoever is a little one, let him come to Me.” (Prov. 9:4) “You shall be carried at the breasts, and upon the knees they shall caress you; as one whom the mother caresseth, so will I comfort you.” (Is. 64:12-13)” 
Bibliography
Catholic Tradition.  St. Therese. http://www.catholictradition.org/Lisieux/lisieux.htm [accessed August 22, 2015]
EWTN Global Catholic Network. Canonization of St. Thérèse. http://www.ewtn.com/therese/readings/ readng2.htm [accessed August 22, 2015]
Stafford, Wess. 2007. Too Small to Ignore: Why the Least of These Matter Most. Colorado Springs, Colorado: WaterBrook Press.
St. Thérèse of Lisieux. 2010. The Story of a Soul. Trans. and ed. Robert J. Edmonson. Brewster, Massachusetts: Paraclete Press

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