mardi 11 octobre 2016

Jean XXIII ouvre le concile Vatican II . 11 Octobre 1962

Discours de Jean XXIII lors de l'ouverture du concile
Vatican II
Vénérables frères,
Notre sainte Mère l'Eglise est dans la joie. Par une faveur particulière de la divine
Providence, le jour si attendu est arrivé où, sous la protection de la sainte Mère de
Dieu dont nous fêtons aujourd'hui la Maternité, s'ouvre solennellement, auprès du
tombeau de saint Pierre, le IIe Concile oecuménique du Vatican.
LES CONCILES OECUMÉNIQUES DANS L'EGLISE
Tous les Conciles qui se sont célébrés au cours des temps — aussi bien les vingt
Conciles oecuméniques que les innombrables Conciles provinciaux et régionaux,
importants eux aussi — attestent clairement la vitalité de l'Eglise catholique et sont
comme des flambeaux jalonnant son histoire.
L'humble Successeur du Prince des apôtres qui vous parle, le dernier en date, a
voulu en convoquant ces importantes assises donner une nouvelle affirmation du
magistère ecclésiastique toujours vivant et qui continuera jusqu'à la fin des temps.
Par le Concile, en tenant compte des erreurs, des besoins et des possibilités de
notre époque, ce magistère sera présenté aujourd'hui d'une façon extraordinaire à
tous les hommes qui vivent sur la terre.
En ouvrant ce Concile universel, il est bien naturel que le Vicaire du Christ qui vous
parle jette un regard vers le passé et écoute les échos vivants et réconfortants qui en
proviennent. Il aime évoquer le souvenir des Souverains Pontifes si méritants, des
temps lointains et récents, qui ont transmis le témoignage de ces voix graves et
vénérables que furent les Conciles d'Orient et d'Occident, du IVe siècle au Moyen
Age et jusqu'à notre époque. Avec une constante ferveur, ils ont proclamé le
triomphe de cette société à la fois divine et humaine qu'est l'Eglise du Christ, laquelle
a reçu du divin Rédempteur son nom, son sens et le don de la grâce.
Si ce sont là des motifs de joie spirituelle, nous ne pouvons cependant pas oublier
les souffrances et les épreuves de toutes sortes qui, pendant dix-neuf siècles ont
obscurci cette histoire. La prophétie que fit autrefois à Marie le vieillard Siméon s'est
réalisée et elle continue à se réaliser : « Vois! cet enfant doit amener la chute et le
relèvement d'un grand nombre en Israël; il doit être un signe en butte à la
contradiction. » (Luc, 2, 34.) Et Jésus lui-même, lorsqu'il fut devenu adulte, annonça
clairement par ces paroles mystérieuses qu'au cours des temps les hommes feraient
preuve d'hostilité à son égard : « Qui vous écoute m'écoute ». (Ibid., 10, 16.) Et aussi
: « Qui n'est pas avec moi est contre moi, et qui n'amasse pas avec moi dissipe. »
(Ibid., 11, 23.)
Les graves problèmes posés au genre humain depuis près de vingt siècles restent
les mêmes. Jésus-Christ reste en effet toujours au centre de l'histoire et de la vie: les
hommes, ou bien sont avec lui et avec son Eglise, et alors ils jouissent de la lumière,
de la bonté, de l'ordre et de la paix; ou bien vivent sans lui, agissent contre lui ou
demeurent délibérément hors de son Eglise, et alors ils connaissent la confusion, la
dureté dans leurs rapports entre eux et le risque de guerres sanglantes.
Les Conciles oecuméniques, chaque fois qu'ils se réunissent, affirment
solennellement cette union avec le Christ et son Eglise, ils font resplendir à tous les
horizons la lumière de la vérité, ils orientent vers le bon chemin la vie des individus,
des familles et des sociétés, ils suscitent et affermissent les énergies spirituelles et
élèvent sans cesse les âmes vers les biens authentiques et éternels.
Nous avons devant les yeux les témoignages de ce magistère extraordinaire de
l'Eglise que sont les Conciles oecuméniques lorsque nous regardons les différentes
époques qui se sont succédé au cours des vingt siècles de l'histoire chrétienne.
Leurs documents sont recueillis dans d'imposants et nombreux volumes et ils
constituent un trésor sacré qui est gardé dans les archives de Rome et dans les
bibliothèques les plus célèbres du monde entier.
ORIGINE ET MOBILE DU IIe CONCILE OECUMÉNIQUE DU VATICAN
Pour ce qui est de l'origine et des mobiles de ce grand événement, pour lequel il
Nous a plu de vous convoquer ici, qu'il suffise de réaffirmer l'humble témoignage de
Notre expérience personnelle: la première idée de ce Concile Nous est venue d'une
façon tout à fait imprévue; ensuite, Nous l'avons exprimée avec simplicité devant le
Sacré-Collège des cardinaux réuni en la basilique de Saint-Paul hors les murs en cet
heureux jour du 25 janvier 1959, fête de la conversion de saint Paul. Les âmes de
ceux qui étaient présents furent aussitôt frappées comme par un éclair de lumière
céleste, les yeux et les visages de tous reflétaient la douce émotion qu'ils
ressentaient. Tout de suite, on se mit au travail avec ardeur dans le monde entier et
tout le monde commença à attendre avec ferveur la célébration du Concile.
Pendant trois années, on a travaillé à son active préparation, afin de connaître d'une
façon plus ample et approfondie en quelle estime est tenue la foi en notre époque,
de s'enquérir de la pratique religieuse et de la vitalité du monde chrétien,
spécialement du monde catholique.
Ce temps de la préparation du Concile oecuménique Nous apparaît à juste titre
comme un premier signe et un premier don de la grâce céleste.
Les lumières de ce Concile seront pour l'Eglise, Nous l'espérons, une source
d'enrichissement spirituel. Après avoir puisé en lui de nouvelles énergies, elle
regardera sans crainte vers l'avenir. En effet, lorsque auront été apportées les
corrections qui s'imposent et grâce à l'instauration d'une sage coopération mutuelle,
l'Eglise fera en sorte que les hommes, les familles, les nations tournent réellement
leurs esprits vers les choses d'en-haut.
La célébration de ce Concile nous fait donc un devoir d'exprimer notre
reconnaissance envers Celui de qui viennent tous les biens et de proclamer en un
chant joyeux la gloire du Christ Notre-Seigneur, Roi glorieux et immortel des siècles
et des nations.
L'OPPORTUNITÉ DE LA CÉLÉBRATION DU CONCILE
Sur ce point, vénérables frères, il est une autre chose sur laquelle il est bon d'attirer
votre attention. Pour que soit plus complète la sainte joie qui en cette heure
solennelle remplit nos coeurs, qu'il Nous soit permis de dire devant cette grande
assemblée que ce Concile oecuménique s'ouvre dans des circonstances
particulièrement favorables.
Il arrive souvent que dans l'exercice quotidien de Notre ministère apostolique Nos
oreilles soient offensées en apprenant ce que disent certains qui, bien qu'enflammés
de zèle religieux, manquent de justesse de jugement et de pondération dans leur
façon de voir les choses. Dans la situation actuelle de la société, ils ne voient que
ruines et calamités; ils ont coutume de dire que notre époque a profondément empiré
par rapport aux siècles passés; ils se conduisent comme si l'histoire, qui est
maîtresse de vie, n'avait rien à leur apprendre et comme si du temps des Conciles
d'autrefois tout était parfait en ce qui concerne la doctrine chrétienne, les moeurs et
la juste liberté de l'Eglise.
Il Nous semble nécessaire de dire Notre complet désaccord avec ces prophètes de
malheur, qui annoncent toujours des catastrophes, comme si le monde était près de
sa fin.
Dans le cours actuel des événements, alors que la société humaine semble à un
tournant, il vaut mieux reconnaître les desseins mystérieux de la Providence divine
qui, à travers la succession des temps et les travaux des hommes, la plupart du
temps contre toute attente, atteignent leur fin et disposent tout avec sagesse pour le
bien de l'Eglise, même les événements contraires.
On peut facilement en faire la constatation, si on considère attentivement les très
graves questions et controverses actuelles d'ordre politique et économique. Elle
préoccupent tellement les hommes qu'elles les empêchent de penser aux choses
religieuses qui ressortent du magistère de l'Eglise. Cette attitude n'est certainement
pas bonne et elle doit être réprouvée. Personne cependant ne peut nier que les
nouvelles conditions de vie ont au moins cet avantage d'avoir supprimé
d'innombrables obstacles par lesquels autrefois les fils du siècle entravaient la liberté
d'action de l'Eglise. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur l'histoire de l'Eglise pour voir
tout de suite avec évidence que les Conciles oecuméniques eux-mêmes, dont les
vicissitudes sont inscrites en lettres d'or dans les fastes de l'Eglise, ont souvent
connu de graves difficultés et des motifs de tristesse à cause de l'intrusion du pouvoir
civil. Ces princes séculiers se proposaient certes parfois sincèrement de protéger
l'Eglise; mais la plupart du temps cela ne se faisait pas sans dangers ni dommages
pour le spirituel, car ils étaient bien souvent poussés par des motifs politiques et trop
soucieux de leurs propres intérêts.
Il est vrai qu'aujourd'hui Nous avouons éprouver une peine très vive à cause de
l'absence parmi vous d'un grand nombre d'évêques qui Nous sont très chers et qui, à
cause de leur foi dans le Christ, sont en prison ou bien empêchés d'autre manière.
Cela nous incite prier pour eux avec ferveur. Cependant, c'est avec espérance et un
grand réconfort que Nous le constatons: aujourd'hui l'Eglise, enfin libérée de tous les
obstacles profanes d'autrefois, peut depuis cette basilique vaticane, comme d'un
second Cénacle, faire entendre par vous sa voix pleine de majesté et de gravité.
LA PRINCIPALE TÂCHE DU CONCILE : DÉFENDRE ET PROMOUVOIR LA
DOCTRINE
Ce qui est très important pour le Concile oecuménique, c'est que le dépôt sacré de la
doctrine chrétienne soit conservé et présenté d'une façon plus efficace.
Cette doctrine embrasse l'homme tout entier, dans son corps et dans son âme, et
elle nous demande d'être sur terre des pèlerins en route vers la patrie céleste.
Nous voyons par là que cette vie mortelle doit s'orienter de telle façon que, en
accomplissant nos devoirs à l'égard de la cité terrestre et de la cité céleste, nous
puissions parvenir à la fin que Dieu a voulue pour nous. Cela veut dire que tous les
hommes, soit individuellement, soit collectivement, ont le devoir de tendre
constamment et pendant toute leur vie à l'obtention des biens célestes. Et l'usage
qu'ils font des choses de la terre doit être ordonné à cette fin, en veillant à ce que les
biens temporels ne mettent pas en danger leur bonheur éternel.
Le Christ Notre-Seigneur ne nous a-t-il pas dit : « Cherchez d'abord le royaume de
Dieu et sa justice » ? (Matth., 6, 33.) « D'abord », cela veut dire que nos énergies et
nos pensées doivent tendre avant tout à cela. Cependant, il ne faut pas oublier ce
que le Seigneur nous dit ensuite : « Et tout le reste vous sera donné par surcroît. »
(Ibid.) Il y a toujours eu et il y a encore dans l'Eglise des gens qui, tout en aspirant de
toutes leurs forces à la perfection évangélique, se rendent en même temps utiles à la
société. Leur vie exemplaire et leurs actes de charité sont en effet une grande force
et un important facteur de développement pour ce qu'il y a de plus haut et de puis
noble dans la société humaine.
Puisque cette doctrine embrasse les multiples domaines de l'activité humaine,
individuelle, familiale et sociale, il est nécessaire avant tout que l'Eglise ne détourne
jamais son regard de l'héritage sacré de vérité qu'elle a reçu des anciens. Mais il faut
aussi qu'elle se tourne vers les temps présents, qui entraînent de nouvelles
situations, de nouvelles formes de vie et ouvrent de nouvelles voies à l'apostolat
catholique.
C'est pour cette raison que l'Eglise n'est pas restée indifférente devant les
admirables inventions du génie humain et les progrès de la science dont nous
profitons aujourd'hui, et qu'elle n'a pas manqué de les estimer à leur juste valeur.
Mais en suivant attentivement ces développements, elle n'oublie pas d'avertir les
hommes que, par delà l'aspect visible des choses, ils doivent regarder vers Dieu,
source de toute sagesse et de toute beauté. Eux à qui il a été dit : « Soumettez la
terre et dominez-la » (cf. Gen., 1, 28), ne doivent en effet jamais oublier ce grave
commandement : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul. »
(Matth., 4, 10; Luc, 4, 8.) Ils éviteront ainsi que la fascination passagère des choses
matérielles ne nuise au véritable progrès.
COMMENT PROMOUVOIR LA DOCTRINE À NOTRE ÉPOQUE
Ces choses étant dites, vénérables frères, il est possible de voir avec suffisamment
de clarté la tâche qui attend le Concile sur le plan doctrinal.
Le XXIe Concile oecuménique — qui bénéficiera de l'aide efficace et très appréciable
d'experts en matière de science sacrée, de pastorale et de questions administratives
— veut transmettre dans son intégrité, sans l'affaiblir ni l'altérer, la doctrine
catholique qui, malgré les difficultés et les oppositions, est devenue comme le
patrimoine commun des hommes. Certes, ce patrimoine ne plaît pas à tous, mais il
est offert à tous les hommes de bonne volonté comme un riche trésor qui est à leur
disposition.
Cependant, ce précieux trésor nous ne devons pas seulement le garder comme si
nous n'étions préoccupés que du passé, mais nous devons nous mettre
joyeusement, sans crainte, au travail qu'exige notre époque, en poursuivant la route
sur laquelle l'Eglise marche depuis près de vingt siècles.
Nous n'avons pas non plus comme premier but de discuter de certains chapitres
fondamentaux de la doctrine de l'Eglise, et donc de répéter plus abondamment ce
que les Pères et les théologiens anciens et modernes ont déjà dit. Cette doctrine,
Nous le pensons, vous ne l'ignorez pas et elle est gravée dans vos esprits.
En effet, s'il s'était agi uniquement de discussions de cette sorte, il n'aurait pas été
besoin de réunir un Concile oecuménique. Ce qui est nécessaire aujourd'hui, c'est
l'adhésion de tous, dans un amour renouvelé, dans la paix et la sérénité, à toute la
doctrine chrétienne dans si plénitude, transmise avec cette précision de termes et de
concepts qui a fait la gloire particulièrement du Concile de Trente et du premier
Concile du Vatican. Il faut que, répondant au vif désir de tous ceux qui sont
sincèrement attachés à tout ce qui est chrétien, catholique et apostolique, cette
doctrine soit plus largement et hautement connue, que les âmes soient plus
profondément imprégnées d'elle, transformées par elle. Il faut que cette doctrine
certaine et immuable, qui doit être respectée fidèlement, soit approfondie et
présentée de la façon qui répond aux exigences de notre époque. En effet, autre est
le dépôt lui-même de la foi, c'est-à-dire les vérités contenues dans notre vénérable
doctrine, et autre est la forme sous laquelle ces vérités sont énoncées, en leur
conservant toutefois le même sens et la même portée. Il faudra attacher beaucoup
d'importance à cette forme et travailler patiemment, s'il le faut, à son élaboration; et
on devra recourir à une façon de présenter qui correspond mieux à un enseignement
de caractère surtout pastoral.
COMMENT RÉPRIMER LES ERREURS
Au moment où s'ouvre ce IIe Concile oecuménique du Vatican, il n'a jamais été aussi
manifeste que la vérité du Seigneur demeure éternellement. En effet, dans la
succession des temps, nous voyons les opinions incertaines des hommes s'exclure
les unes le autres, et bien souvent à peine les erreurs sont-elles nées qu'elles
s'évanouissent comme brume au soleil.
L'Eglise n'a jamais cessé de s'opposer à ces erreurs. Elle les a même souvent
condamnées, et très sévèrement. Mais aujourd'hui, l'Epouse du Christ préfère
recourir au remède de la miséricorde, plutôt que de brandir les armes de la sévérité.
Elle estime que, plutôt que de condamner, elle répond mieux aux besoins de notre
époque en mettant davantage en valeur les richesses de sa doctrine. Certes, il ne
manque pas de doctrines et d'opinions fausses, de dangers dont il faut se mettre en
garde et que l'on doit écarter; mais tout cela est si manifestement opposé aux
principes d'honnêteté et porte des fruits si amers, qu'aujourd'hui les hommes
semblent commencer à les condamner d'eux-mêmes. C'est le cas particulièrement
pour ces manières de vivre au mépris de Dieu et de ses lois, en mettant une
confiance exagérée dans le progrès technique, en faisant consister la prospérité
uniquement dans le confort de l'existence. Les hommes sont de plus en plus
convaincus que la dignité et la perfection de la personne humaine sont des valeurs
très importantes qui exigent de rudes efforts. Mais ce qui est très important, c'est que
l'expérience a fini par leur apprendre que la violence extérieure imposée aux autres,
la puissance des armes, la domination politique ne sont pas capables d'apporter une
heureuse solution aux graves problèmes qui les angoissent.
L'Eglise catholique, en brandissant par ce Concile oecuménique le flambeau de la
vérité religieuse au milieu de cette situation, veut être pour tous une mère très
aimante, bonne, patiente, pleine de bonté et de miséricorde pour ses fils qui sont
séparés d'elle. A l'humanité accablée sous le poids de tant de difficultés, elle dit
comme saint Pierre au pauvre qui lui demandait l'aumône : « De l'argent et de l'or, je
n'en ai pas, mais ce que j'ai, je te le donne: au nom de Jésus-Christ, le Nazaréen,
marche. » (Actes, 3, 6.) Certes, l'Eglise ne propose pas aux hommes de notre temps
des richesses périssables, elle ne leur promet pas non plus le bonheur sur la terre,
mais elle leur communique les biens de la grâce qui élèvent l'homme à la dignité de
fils de Dieu et, par là, sont d'un tel secours pour rendre leur vie plus humaine en
même temps qu'ils sont la solide garantie d'une telle vie. Elle ouvre les sources de sa
doctrine si riche, grâce à laquelle les hommes, éclairés de la lumière du Christ,
peuvent prendre pleinement conscience de ce qu'ils sont vraiment, de leur dignité et
de la fin qu'ils doivent poursuivre. Et enfin, par ses fils, elle étend partout l'immensité
de la charité chrétienne, qui est le meilleur et le plus efficace moyen d'écarter les
semences de discorde, de susciter la concorde, la juste paix et l'unité fraternelle de
tous.
FAIRE GRANDIR L'UNITÉ DE LA FAMILLE CHRÉTIENNE ET HUMAINE
Si l'Eglise a le souci de promouvoir et de défendre la vérité, c'est parce que, selon le
dessein de Dieu, « qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la
connaissance de la vérité » (1 Tim., 2, 4), sans l'aide de la vérité révélée tout entière,
les hommes ne peuvent parvenir à l'absolue et ferme unité des âmes à laquelle sont
liés toute vraie paix et le salut éternel.
Mais cette unité visible dans la vérité, la famille des chrétiens tout entière ne l'a
encore malheureusement pas atteinte pleinement et complètement. Cependant,
l'Eglise catholique estime que son devoir est de faire tous ses efforts pour que
s'accomplisse le grand mystère de cette unité que Jésus-Christ, à l'approche de son
sacrifice, a demandée à son Père dans une ardente prière; et elle éprouve une
douce paix à savoir qu'elle est étroitement unie à ces prières du Christ. Elle se réjouit
même sincèrement de voir que ces prières ne cessent de multiplier leurs fruits
abondants et salutaires, même parmi ceux qui vivent hors de son sein. En effet, à
bien considérer cette unité que Jésus-Christ a implorée pour son Eglise, on voit
qu'elle resplendit d'une triple lumière céleste et bienfaisante l'unité des catholiques
entre eux, qui doit rester extrêmement ferme et exemplaire; l'unité de prières et de
voeux ardents qui traduisent l'aspiration des chrétiens séparés du Siège apostolique
à être réunis avec nous; l'unité enfin d'estime et de respect à l'égard de l'Eglise
catholique, manifestée par ceux qui professent diverses formes de religion encore
non chrétiennes.
C'est un sujet de profonde tristesse de voir que la majeure partie du genre humain —
bien que tous les hommes qui viennent en ce monde soient rachetés par le Sang du
Christ — ne participe encore pas aux sources de grâce qui résident dans l'Eglise
catholique. C'est pourquoi on peut à bon droit appliquer à l'Eglise catholique — dont
la lumière éclaire toutes choses et dont la force surnaturelle d'unité profite à toute la
famille humaine — ces nobles paroles de saint Cyprien : « L'Eglise, baignée de
lumière divine, rayonne dans tout l'univers; et pourtant, c'est une seule et même
lumière qui diffuse partout sa clarté sans rompre l'unité du corps. Ses rameaux
féconds s'étendent sur toute la terre, ses eaux coulent toujours plus abondamment
et plus loin et, cependant, il n'y a qu'une seule tête, une seule origine, une seule
mère si richement féconde. C'est de son sein que nous sommes nés, de son lait que
nous sommes nourris, de son esprit que nous vivons. » (De Catholicae Ecclesiae
Unitate, 5.)
Vénérables frères, voilà ce que se propose le deuxième Concile oecuménique du
Vatican. En unissant les forces majeures de l'Eglise, et en travaillant à ce que
l'annonce du salut soit accueillie plus favorablement par les hommes, il prépare en
quelque sorte et il aplanit la voie menant à l'unité du genre humain, fondement
nécessaire pour faire que la cité terrestre soit à l'image de la cité céleste « qui a pour
roi la vérité, pour loi la charité et pour mesure l'éternité ». (Saint Augustin, Ep.
CXXXVIII, 3.)
CONCLUSION
Vénérables frères dans l'épiscopat, « Nous vous avons parlé en toute liberté ». (2
Cor., 6, 11.) Nous voilà rassemblés dans cette basilique vaticane, pivot de l'histoire
de l'Eglise, et où maintenant le ciel et la terre sont étroitement unis auprès du
tombeau de saint Pierre et de tant de Nos saints Prédécesseurs, dont les cendres,
en cette heure solennelle, semblent animées d'un mystérieux frémissement
d'allégresse.
Le Concile qui vient de s'ouvrir est comme une aurore resplendissante qui se lève
sur l'Eglise, et déjà les premiers rayons du soleil levant emplissent nos coeurs de
douceur. Tout ici respire la sainteté et porte à la joie. Nous voyons des étoiles
rehausser de leur éclat la majesté de ce temple, et ces étoiles, comme l'apôtre Jean
nous en donne le témoignage (Apoc., 1, 20), c'est vous. Avec vous, Nous voyons
briller autour du tombeau du Prince des apôtres comme des chandeliers d'or, ce sont
les Eglises qui vous sont confiées (ibid.). Nous voyons aussi de hauts dignitaires qui
sont venus à Rome de tous les continents pour représenter leurs pays. Tous, ils sont
ici dans une attitude de respect et d'attente bienveillante.
On peut donc dire que le ciel et la terre s'unissent pour célébrer le Concile: les saints,
pour protéger nos travaux ; les fidèles, pour continuer à prier avec ferveur; et vous
tous, pour vous mettre à l'oeuvre avec ardeur, en obéissant aux inspirations de
l'Esprit-Saint, afin que vos travaux répondent pleinement aux voeux et aux besoins
des divers peuples. Cela requiert de vous paix et sérénité de coeur, concorde
fraternelle, pondération dans les propositions, dignité dans les discussions, et
sagesse dans toutes les décisions.
Fasse Dieu que vos travaux et vos efforts, vers lesquels convergent non seulement
les regards des peuples, mais l'espoir du monde entier, répondent pleinement à ce
que l'on en attend. Dieu tout-puissant, c'est en vous et non en nos faibles forces que
nous mettons toute notre confiance. Regardez avec bonté ces pasteurs de votre
Eglise. Que la lumière de votre grâce nous assiste dans les décisions à prendre
comme dans les lois à établir; et daignez exaucer les prières que nous vous
adressons d'une même foi, d'une même voix, d'un même coeur.
Ô Marie, secours des chrétiens, secours des évêques, qui Nous avez donné tout
récemment une preuve particulière de votre amour dans la basilique de Lorette où il
Nous a plu de vénérer le mystère de l'Incarnation, faites que tout s'achemine vers
des réalisations heureuses et prospères. Avec saint Joseph, votre époux, les apôtres
saint Pierre et saint Paul, saint Jean-Baptiste et saint Jean l'évangéliste, intercédez
pour nous.
A Jésus-Christ, notre Rédempteur très aimant, au Roi immortel des peuples et des
temps, amour, puissance et gloire dans les siècles des siècles.
Amen.
Rome, le 11 octobre 1962

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