« Apôtre des sourds-muets »
prêtre et fondateur des
« Sœurs Salésiennes des Sacrés Cœurs »
Filippo Smaldone vécut de 1848 à 1923, période qui fut marquée par des
années où les difficultés et les tensions, au sein de la société italienne et
dans l’Église, étaient particulièrement importantes. Premier des sept enfants
de Antonio et Maria Concetta De Luca, il naît à Naples, dans le quartier
populaire « Mercato » le 17 juillet 1848, année de la fameuse « insurrection de Naples ».
Alors qu’il n’avait que douze ans, il assista à la
chute politique de la monarchie des Bourbons, auxquels sa famille était
fortement liée; au moment de la conquête de Garibaldi, l’Église napolitaine
vécut des moments dramatiques, spécialement avec l’exil de son archevêque, le
Cardinal Sisto Riario Sforza.
Les temps n’étaient certainement pas favorables et
ne promettaient rien de bon pour l’avenir, spécialement pour la jeunesse, qui
subissait les changements difficiles d’une société fragile et sans cesse en
mouvement sur les plans sociologique, politique et religieux. C’est précisément
dans cette période de crise institutionnelle et sociale, que Filippo prit la
décision irrévocable de se faire prêtre et de s’engager pour toujours au
service de l’Église, envers laquelle se développaient de nombreuses oppositions
et de multiples persécutions. Pendant qu’il était encore étudiant en
philosophie, il voulut mettre son avenir ecclésiastique sous le signe du
service charitable, se consacrant à l’assistance d’une partie importante de la
population mise au ban de la société et souvent abandonnée en ces temps-là à
Naples : les sourds-muets.
Il s’appliqua à exercer une intense activité
caritative, dans laquelle il se distingua particulièrement, beaucoup plus que
dans les études; de ce fait, ses résultats scolaires, qui conditionnaient
l’accès aux Ordres Mineurs, étaient insuffisants; ceci entraîna son passage de
l’archidiocèse de Naples à celui de Rossano Calabro, où l’archevêque, Mgr
Pietro Cilento, l’accueillit à bras ouverts, considérant sa bonté et son grand
esprit religieux. Malgré le changement canonique de diocèse - qui cependant
dura peu puisque, en 1876, avec la permission de son évêque, il fut de nouveau
incardiné à Naples, - il demeura cependant dans la ville de Naples où il
continua ses études ecclésiastiques sous la direction d’un des Maîtres du
Collège des Théologiens, tout en poursuivant avec zèle son service auprès des
sourds-muets.
Il fut ordonné sous-diacre à Naples le 31 juillet
1870, par Mgr Pietro Cilento, qui l’appréciait énormément et voulut l’ordonner
personnellement. Le 27 mars 1871, il fut ordonné diacre et, finalement, le 23
septembre 1871, avec la dispense d’âge canonique de quelques mois, car il
n’avait pas atteint les 24 ans exigés pour le sacerdoce, il fut ordonné prêtre
à Naples, avec une joie indicible au fond de son cœur plein de bonté et de
douceur. Dès son ordination sacerdotale, il commença un fervent ministère, à la
fois comme catéchiste dans des groupes de prière du soir, qu’il avait
fréquentés avec grand profit, encore enfant, comme collaborateur dévoué dans
plusieurs paroisses, spécialement de la paroisse S. Caterina in Foro Magno,
ainsi que comme visiteur assidu et apprécié par les malades dans des cliniques,
dans des hôpitaux et chez des particuliers. Par sa charité, il parvint au
sommet de la générosité et de l’héroïsme au moment d’une grave peste qui frappa
la ville de Naples; il tomba lui-même malade jusqu’à l’épuisement et il fut sur
le point de perdre la vie; il fut cependant guéri par Notre-Dame de Pompéi (La Vierge de Pompéi), pour laquelle il eut toute
sa vie une dévotion particulière.
Mais la plus grande charge pastorale de don Filippo
Smaldone était l’éducation des pauvres sourds-muets, auxquels il aurait voulu
consacrer toute son énergie, avec des méthodes plus appropriées que celles
qu’il voyait utiliser par d’autres éducateurs. Il souffrait beaucoup de
constater que, malgré tous les efforts faits par beaucoup, l’éducation et la
formation humaine et chrétienne de ces malheureux, considérés souvent comme des
païens, ne portaient pas de fruits. A une époque, peut-être pour donner à son
engagement sacerdotal un sens plus concret et plus précis, il envisagea de
partir comme missionnaire dans les missions étrangères. Mais son confesseur, qui
l’avait suivi continuellement depuis son enfance, lui fit comprendre que sa « mission » était parmi les
sourds-muets de Naples. Dès lors, il se consacra totalement à l’apostolat parmi
les sourds-muets, qui lui étaient chers. Il quitta la maison paternelle et alla
vivre pour toujours parmi un group de prêtres et de laïcs, qui avaient
l’intention de constituer une Congrégation de Prêtres Salésiens, sans pourtant
réussir à réaliser leur rêve. Au fil du temps, il acquit une grande compétence
pédagogique auprès des sourds-muets, et, petit à petit, il projeta de réaliser
personnellement, si telle était la volonté du Seigneur, une institution
durable, capable de se consacrer aux soins, à l’instruction et à l’assistance,
humaine et chrétienne, de ceux qui sont atteints de surdité.
Le
25 mars 1885, il partit pour Lecce, afin d’ouvrir, avec don Lorenzo Apicella,
un Institut pour sourds-muets. Il y fit venir quelques « religieuses », que
lui-même avait formées, et il jeta ainsi les bases de la Congrégation des
« Sœurs Salésiennes des Sacrés Cœurs » qui, ayant reçu la bénédiction
et les encouragements des évêques successifs de Lecce, Mgr Salvatore Luigi dei
Conti Zola et Mgr Gennaro Trama, eut un développement rapide et important. Il
avait l'habitude de répéter : « Prenez l’Évangile pour guide et Jésus pour modèle. »
En raison du nombre croissant de personnes à
accueillir et à assister, l’Institut de Lecce, comprenant des branches
féminines et masculines, eut de plus en plus de maisons, jusqu’à acquérir le
célèbre ancien couvent des Déchaussées, qui devint la résidence définitive et
la Maison Mère de l’Institut. En 1897, fut créé l’Institut de Bari.
La compassion du Père Smaldone n’avait pas de
limite. Il ne savait pas dire non à la demande de nombreuses familles pauvres;
aussi, commença-t-il à accueillir, en plus des sourds-muets, des filles
aveugles, des petites filles orphelines et abandonnées. Plus largement, il
était attentif à toutes les nécessités humaines et morales de l’ensemble de la
jeunesse. Il ouvrit, donc, plusieurs maisons, en y adjoignant des écoles
maternelles, des ateliers pour jeunes filles, des pensions pour étudiantes,
dont une à Rome. Pendant la vie du Père Smaldone, malgré les rudes épreuves
dont elles eurent à souffrir, soit de l’extérieur soit à l’intérieur même de
l’Institut, l’Œuvre et la Congrégation connurent un développement discret, mais
s’affermirent. À Lecce, le fondateur eut à mener une lutte acharnée contre
l’administration communale très laïque et oppose à l’Église. Au sein de la Congrégation,
il vécut avec amertume la délicate et complexe histoire de succession de la
première Supérieure Générale, succession qui provoqua une longue Visite
Apostolique. Ces deux événements révélèrent l’âme vertueuse du Père Smaldone,
et il fut évident que sa fondation était voulue par Dieu, qui purifie par la
souffrance les œuvres nées en son nom et ses fils les plus chers.
Pendant environ une quarantaine d’années, le Père
Filippo Smaldone poursuivit inlassablement et sans compter son œuvre
caritative, sous de multiples formes, au soutien matériel et à l’éducation
morale des sourds-muets, qui étaient chers à son cœur et envers lesquels il
manifestait affection et attention, comme un père ; il s’attachait aussi à
introduire ses Sœurs Salésiennes
des Sacrés Cœurs dans la perfection de la vie religieuse.
À Lecce, c’est d’abord dans la fonction de directeur
de l’Institut et de fondateur des Sœurs salésiennes, qu’il fut
unanimement reconnu, puis ce fut aussi grâce à un ministère sacerdotal
important et varié. Il fut un confesseur assidu et estimé de prêtres et de
séminaristes, ainsi qu’un confesseur et un directeur spirituel de plusieurs
communautés religieuses. Il fonda aussi la Ligue Eucharistique des Prêtres adorateurs et des Dames adoratrices; il fut encore
Supérieur de la Congrégation des Missionnaires
de Saint François de Sales pour les Missions populaires. Pour tout
cela, il fut décoré de la Croix « Pro Ecclesia et Pontifice », compté parmi les chanoines de
la Cathédrale de Lecce et décoré par les Autorités Civiles.
Il termina ses jours à Lecce, supportant, avec une
sérénité admirable, un diabète associé à des complications cardiaques et
circulatoires et à une sclérose qui se généralisait. Le 4 juin 1923 à 21
heures, après avoir reçu le soutien spirituel et la bénédiction de son
archevêque, Mgr Trama, il mourut saintement à l’âge de 75 ans, entouré de
plusieurs prêtres, de sœurs et de sourds-muets.
Filippo Smaldone a été béatifié le 12 mai 1996,
par saint Jean-Paul II (Karol Józef Wojtyła, 1978-2005), et canonisé le 15 octobre 2006,
à Rome place saint Pierre, avec trois autres bienheureux : Rafael Guízar Valencia (1878-1938), Rosa Venerini (1656-1728), Théodore Guérin (1798-1856), par le pape
Benoît XVI (Homélie du Pape ).
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