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©Evangelizo.org 2001-2016
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BENOÎT
XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi
21 mars 2007
Chers frères et sœurs,
Au cours de ces catéchèses,
nous réfléchissons sur les grandes figures de l'Eglise naissante. Aujourd'hui,
nous parlons de saint Justin, philosophe et martyr, le plus important des Pères
apologistes du II siècle. Le terme "apologiste" désigne les antiques
écrivains chrétiens qui se proposaient de défendre la nouvelle religion des
lourdes accusations des païens et des Juifs, et de diffuser la doctrine
chrétienne dans des termes adaptés à la culture de leur époque. Ainsi, chez les
apologistes est présente une double sollicitude: celle, plus proprement
apologétique, de défendre le christianisme naissant (apologhía
en grec signifie précisément "défense"), et celle qui
propose une sollicitude "missionnaire" qui a pour but d'exposer les
contenus de la foi à travers un langage et des
catégories de pensée compréhensibles par leurs contemporains.
Justin était né aux environs
de l'an 100 près de l'antique Sichem, en Samarie, en Terre Sainte; il chercha
longuement la vérité, se rendant en pèlerinage dans les diverses écoles de la
tradition philosophique grecque. Finalement, - comme lui-même le raconte dans
les premiers chapitres de son Dialogue avec Tryphon - un mystérieux personnage,
un vieillard rencontré sur la plage de la mer, provoqua d'abord en lui une
crise, en lui démontrant l'incapacité de l'homme à satisfaire par ses seules
forces l'aspiration au divin. Puis il lui indiqua dans les anciens prophètes
les personnes vers lesquelles se tourner pour trouver la voie de Dieu et la
"véritable philosophie". En le quittant, le vieillard l'exhorta à la
prière, afin que lui soient ouvertes les portes de la lumière. Le récit reflète
l'épisode crucial de la vie de Justin: au terme d'un long itinéraire
philosophique de recherche de la vérité, il parvint à la foi chrétienne. Il
fonda une école à Rome, où il initiait gratuitement les élèves à la nouvelle
religion, considérée comme la véritable philosophie. En celle-ci, en effet, il
avait trouvé la vérité et donc l'art de vivre de façon droite. Il fut dénoncé
pour cette raison et fut décapité vers 165, sous le règne de Marc Aurèle,
l'empereur philosophe auquel Justin lui-même avait adressé l'une de ses
Apologies.
Ces deux œuvres - les deux
Apologies et le Dialogue avec le Juif Tryphon - sont les seules qui nous
restent de lui. Dans celles-ci, Justin entend illustrer avant tout le projet
divin de la création et du salut qui s'accomplit en Jésus Christ, le Logos,
c'est-à-dire le Verbe éternel, la raison éternelle, la Raison créatrice. Chaque
homme, en tant que créature rationnelle, participe au Logos, porte en lui le
"germe" et peut accueillir les lumières de la vérité. Ainsi, le même
Logos, qui s'est révélé comme dans une figure prophétique aux juifs dans la Loi
antique, s'est manifesté partiellement, comme dans des "germes de
vérité", également dans la philosophie grecque. A présent, conclut Justin,
étant donné que le christianisme est la manifestation historique et personnelle
du Logos dans sa totalité, il en découle que "tout ce qui a été exprimé de
beau par quiconque, nous appartient à nous chrétiens" (2 Apol. 13, 4). De
cette façon, Justin, tout en contestant les contradictions de la philosophie grecque,
oriente de façon décidée vers le Logos toute vérité philosophique, en
justifiant d'un point de vue rationnel la "prétention" de vérité et
d'universalité de la religion chrétienne. Si l'Ancien Testament tend au Christ
comme la figure oriente vers la réalité signifiée, la philosophie
grecque vise elle aussi au Christ et à l'Evangile, comme la partie tend à
s'unir au tout. Et il dit que ces deux réalités, l'Ancien Testament et la
philosophie grecque, sont comme les deux voies qui mènent au Christ, au Logos.
Voilà pourquoi la philosophie grecque ne peut s'opposer à la vérité
évangélique, et les chrétiens peuvent y puiser avec
confiance, comme à un bien propre. C'est pourquoi mon vénéré
prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, définit Justin comme "pionnier d'une
rencontre fructueuse avec la pensée philosophique, même marquée par un
discernement prudent", car Justin, "tout en conservant même après sa
conversion, une grande estime pour la philosophie grecque, [...] affirmait avec
force et clarté qu'il avait trouvé dans le christianisme "la seule
philosophie sûre et profitable" (Dialogue, 8, 1)" (Fides et ratio,
n. 38).
Dans l'ensemble, la figure et
l'œuvre de Justin marquent le choix décidé de l'Eglise antique pour la
philosophie, la raison, plutôt que pour la religion des païens. Avec la
religion païenne en effet, les premiers chrétiens refusèrent absolument tout
compromis. Ils estimaient qu'elle était une idolâtrie, au risque d'être taxés d'"impiété"
et d'"athéisme". Justin en particulier, notamment dans sa première
Apologie, conduisit une critique implacable à l'égard de la religion païenne et
de ses mythes, qu'il considérait comme des "fausses routes"
diaboliques sur le chemin de la vérité. La philosophie représenta en revanche
le domaine privilégié de la rencontre entre paganisme, judaïsme et
christianisme précisément sur le plan de la critique contre la religion païenne
et ses faux mythes. "Notre philosophie...": c'est ainsi, de la
manière la plus explicite, qu'un autre apologiste contemporain de Justin,
l'Evêque Méliton de Sardes en vint à définir la nouvelle religion (ap. Hist.
Eccl. 4, 26, 7).
De fait, la religion païenne
ne parcourait pas les voies du Logos mais s'obstinait sur celles du mythe, même
si celui-ci était reconnu par la philosophie grecque comme privé de consistance
dans la vérité. C'est pourquoi le crépuscule de la religion païenne était
inéluctable: il découlait comme une conséquence logique du détachement de
la religion - réduite à un ensemble artificiel de cérémonies, de conventions et
de coutumes - de la vérité de l'être. Justin, et avec lui les autres
apologistes, marquèrent la prise de position nette de la foi chrétienne pour le
Dieu des philosophes contre les faux dieux de la religion païenne. C'était le
choix pour la vérité de l'être, contre le mythe de la coutume. Quelques
décennies après Justin, Tertullien définit le même choix des chrétiens avec la
sentence lapidaire et toujours valable: "Dominus noster Christus veritatem
se, non con-suetudinem, cognominavit - le Christ a affirmé être la vérité,
non la coutume" (De virgin. vle. 1, 1). On notera à ce propos que le terme
consuetudo, ici employé par Tertullien en référence à la religion païenne, peut
être traduit dans les langues modernes par les expressions "habitude
culturelle", "mode du temps".
A une époque comme la nôtre,
marquée par le relativisme dans le débat sur les valeurs et sur la religion -
tout comme dans le dialogue interreligieux -, il s'agit là d'une leçon à ne pas
oublier. Dans ce but, je vous repropose - et je conclus ainsi - les dernières
paroles du mystérieux vieillard rencontré par le philosophe Justin au bord de
la mer: "Prie avant tout pour que les portes de la lumière te soient
ouvertes, parce que personne ne peut voir et comprendre, si Dieu et son Christ
ne lui accordent pas de comprendre" (Dial. 7, 3).
* * *
Je salue avec joie les
pèlerins francophones, en particulier les séminaristes d’Ars, accompagnés par
leur Évêque, Mgr Guy Bagnard, et tous les jeunes présents. À l’exemple de saint
Justin, soyez passionnés par la quête de la vérité et devenez des témoins
audacieux du Christ pour notre temps.
© Copyright 2007 - Libreria Editrice Vaticana
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BENOÎT
XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi
21 mars 2007
Chers frères et sœurs,
Au cours de ces catéchèses,
nous réfléchissons sur les grandes figures de l'Eglise naissante. Aujourd'hui,
nous parlons de saint Justin, philosophe et martyr, le plus important des Pères
apologistes du II siècle. Le terme "apologiste" désigne les antiques
écrivains chrétiens qui se proposaient de défendre la nouvelle religion des
lourdes accusations des païens et des Juifs, et de diffuser la doctrine chrétienne
dans des termes adaptés à la culture de leur époque. Ainsi, chez les
apologistes est présente une double sollicitude: celle, plus proprement
apologétique, de défendre le christianisme naissant (apologhía
en grec signifie précisément "défense"), et celle qui
propose une sollicitude "missionnaire" qui a pour but d'exposer les
contenus de la foi à travers un langage et des
catégories de pensée compréhensibles par leurs contemporains.
Justin était né aux environs
de l'an 100 près de l'antique Sichem, en Samarie, en Terre Sainte; il chercha
longuement la vérité, se rendant en pèlerinage dans les diverses écoles de la
tradition philosophique grecque. Finalement, - comme lui-même le raconte dans
les premiers chapitres de son Dialogue avec Tryphon - un mystérieux personnage,
un vieillard rencontré sur la plage de la mer, provoqua d'abord en lui une
crise, en lui démontrant l'incapacité de l'homme à satisfaire par ses seules
forces l'aspiration au divin. Puis il lui indiqua dans les anciens prophètes
les personnes vers lesquelles se tourner pour trouver la voie de Dieu et la
"véritable philosophie". En le quittant, le vieillard l'exhorta à la
prière, afin que lui soient ouvertes les portes de la lumière. Le récit reflète
l'épisode crucial de la vie de Justin: au terme d'un long itinéraire
philosophique de recherche de la vérité, il parvint à la foi chrétienne. Il
fonda une école à Rome, où il initiait gratuitement les élèves à la nouvelle
religion, considérée comme la véritable philosophie. En celle-ci, en effet, il
avait trouvé la vérité et donc l'art de vivre de façon droite. Il fut dénoncé
pour cette raison et fut décapité vers 165, sous le règne de Marc Aurèle,
l'empereur philosophe auquel Justin lui-même avait adressé l'une de ses
Apologies.
Ces deux œuvres - les deux
Apologies et le Dialogue avec le Juif Tryphon - sont les seules qui nous
restent de lui. Dans celles-ci, Justin entend illustrer avant tout le projet
divin de la création et du salut qui s'accomplit en Jésus Christ, le Logos,
c'est-à-dire le Verbe éternel, la raison éternelle, la Raison créatrice. Chaque
homme, en tant que créature rationnelle, participe au Logos, porte en lui le
"germe" et peut accueillir les lumières de la vérité. Ainsi, le même
Logos, qui s'est révélé comme dans une figure prophétique aux juifs dans la Loi
antique, s'est manifesté partiellement, comme dans des "germes de
vérité", également dans la philosophie grecque. A présent, conclut Justin,
étant donné que le christianisme est la manifestation historique et personnelle
du Logos dans sa totalité, il en découle que "tout ce qui a été exprimé de
beau par quiconque, nous appartient à nous chrétiens" (2 Apol. 13, 4). De
cette façon, Justin, tout en contestant les contradictions de la philosophie
grecque, oriente de façon décidée vers le Logos toute vérité philosophique, en
justifiant d'un point de vue rationnel la "prétention" de vérité et
d'universalité de la religion chrétienne. Si l'Ancien Testament tend au Christ
comme la figure oriente vers la réalité signifiée, la philosophie
grecque vise elle aussi au Christ et à l'Evangile, comme la partie tend à
s'unir au tout. Et il dit que ces deux réalités, l'Ancien Testament et la
philosophie grecque, sont comme les deux voies qui mènent au Christ, au Logos.
Voilà pourquoi la philosophie grecque ne peut s'opposer à la vérité
évangélique, et les chrétiens peuvent y puiser avec
confiance, comme à un bien propre. C'est pourquoi mon vénéré
prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, définit Justin comme "pionnier d'une
rencontre fructueuse avec la pensée philosophique, même marquée par un
discernement prudent", car Justin, "tout en conservant même après sa
conversion, une grande estime pour la philosophie grecque, [...] affirmait avec
force et clarté qu'il avait trouvé dans le christianisme "la seule
philosophie sûre et profitable" (Dialogue, 8, 1)" (Fides et ratio,
n. 38).
Dans l'ensemble, la figure et
l'œuvre de Justin marquent le choix décidé de l'Eglise antique pour la philosophie,
la raison, plutôt que pour la religion des païens. Avec la religion païenne en
effet, les premiers chrétiens refusèrent absolument tout compromis. Ils
estimaient qu'elle était une idolâtrie, au risque d'être taxés
d'"impiété" et d'"athéisme". Justin en particulier,
notamment dans sa première Apologie, conduisit une critique implacable à
l'égard de la religion païenne et de ses mythes, qu'il considérait comme des
"fausses routes" diaboliques sur le chemin de la vérité. La
philosophie représenta en revanche le domaine privilégié de la rencontre entre
paganisme, judaïsme et christianisme précisément sur le plan de la critique
contre la religion païenne et ses faux mythes. "Notre
philosophie...": c'est ainsi, de la manière la plus explicite, qu'un
autre apologiste contemporain de Justin, l'Evêque Méliton de Sardes en vint à
définir la nouvelle religion (ap. Hist. Eccl. 4, 26, 7).
De fait, la religion païenne
ne parcourait pas les voies du Logos mais s'obstinait sur celles du mythe, même
si celui-ci était reconnu par la philosophie grecque comme privé de consistance
dans la vérité. C'est pourquoi le crépuscule de la religion païenne était
inéluctable: il découlait comme une conséquence logique du détachement de
la religion - réduite à un ensemble artificiel de cérémonies, de conventions et
de coutumes - de la vérité de l'être. Justin, et avec lui les autres
apologistes, marquèrent la prise de position nette de la foi chrétienne pour le
Dieu des philosophes contre les faux dieux de la religion païenne. C'était le
choix pour la vérité de l'être, contre le mythe de la coutume. Quelques
décennies après Justin, Tertullien définit le même choix des chrétiens avec la
sentence lapidaire et toujours valable: "Dominus noster Christus
veritatem se, non con-suetudinem, cognominavit - le Christ a affirmé être
la vérité, non la coutume" (De virgin. vle. 1, 1). On notera à ce propos
que le terme consuetudo, ici employé par Tertullien en référence à la religion
païenne, peut être traduit dans les langues modernes par les expressions
"habitude culturelle", "mode du temps".
A une époque comme la nôtre,
marquée par le relativisme dans le débat sur les valeurs et sur la religion -
tout comme dans le dialogue interreligieux -, il s'agit là d'une leçon à ne pas
oublier. Dans ce but, je vous repropose - et je conclus ainsi - les dernières
paroles du mystérieux vieillard rencontré par le philosophe Justin au bord de
la mer: "Prie avant tout pour que les portes de la lumière te soient
ouvertes, parce que personne ne peut voir et comprendre, si Dieu et son Christ
ne lui accordent pas de comprendre" (Dial. 7, 3).
* * *
Je salue avec joie les
pèlerins francophones, en particulier les séminaristes d’Ars, accompagnés par
leur Évêque, Mgr Guy Bagnard, et tous les jeunes présents. À l’exemple de saint
Justin, soyez passionnés par la quête de la vérité et devenez des témoins
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nous réfléchissons sur les grandes figures de l'Eglise naissante. Aujourd'hui,
nous parlons de saint Justin, philosophe et martyr, le plus important des Pères
apologistes du II siècle. Le terme "apologiste" désigne les antiques
écrivains chrétiens qui se proposaient de défendre la nouvelle religion des
lourdes accusations des païens et des Juifs, et de diffuser la doctrine
chrétienne dans des termes adaptés à la culture de leur époque. Ainsi, chez les
apologistes est présente une double sollicitude: celle, plus proprement
apologétique, de défendre le christianisme naissant (apologhía
en grec signifie précisément "défense"), et celle qui
propose une sollicitude "missionnaire" qui a pour but d'exposer les
contenus de la foi à travers un langage et des
catégories de pensée compréhensibles par leurs contemporains.
Justin était né aux environs
de l'an 100 près de l'antique Sichem, en Samarie, en Terre Sainte; il chercha
longuement la vérité, se rendant en pèlerinage dans les diverses écoles de la
tradition philosophique grecque. Finalement, - comme lui-même le raconte dans
les premiers chapitres de son Dialogue avec Tryphon - un mystérieux personnage,
un vieillard rencontré sur la plage de la mer, provoqua d'abord en lui une
crise, en lui démontrant l'incapacité de l'homme à satisfaire par ses seules
forces l'aspiration au divin. Puis il lui indiqua dans les anciens prophètes
les personnes vers lesquelles se tourner pour trouver la voie de Dieu et la
"véritable philosophie". En le quittant, le vieillard l'exhorta à la
prière, afin que lui soient ouvertes les portes de la lumière. Le récit reflète
l'épisode crucial de la vie de Justin: au terme d'un long itinéraire
philosophique de recherche de la vérité, il parvint à la foi chrétienne. Il
fonda une école à Rome, où il initiait gratuitement les élèves à la nouvelle
religion, considérée comme la véritable philosophie. En celle-ci, en effet, il
avait trouvé la vérité et donc l'art de vivre de façon droite. Il fut dénoncé
pour cette raison et fut décapité vers 165, sous le règne de Marc Aurèle,
l'empereur philosophe auquel Justin lui-même avait adressé l'une de ses
Apologies.
Ces deux œuvres - les deux
Apologies et le Dialogue avec le Juif Tryphon - sont les seules qui nous
restent de lui. Dans celles-ci, Justin entend illustrer avant tout le projet
divin de la création et du salut qui s'accomplit en Jésus Christ, le Logos,
c'est-à-dire le Verbe éternel, la raison éternelle, la Raison créatrice. Chaque
homme, en tant que créature rationnelle, participe au Logos, porte en lui le
"germe" et peut accueillir les lumières de la vérité. Ainsi, le même
Logos, qui s'est révélé comme dans une figure prophétique aux juifs dans la Loi
antique, s'est manifesté partiellement, comme dans des "germes de
vérité", également dans la philosophie grecque. A présent, conclut Justin,
étant donné que le christianisme est la manifestation historique et personnelle
du Logos dans sa totalité, il en découle que "tout ce qui a été exprimé de
beau par quiconque, nous appartient à nous chrétiens" (2 Apol. 13, 4). De
cette façon, Justin, tout en contestant les contradictions de la philosophie
grecque, oriente de façon décidée vers le Logos toute vérité philosophique, en
justifiant d'un point de vue rationnel la "prétention" de vérité et
d'universalité de la religion chrétienne. Si l'Ancien Testament tend au Christ
comme la figure oriente vers la réalité signifiée, la philosophie
grecque vise elle aussi au Christ et à l'Evangile, comme la partie tend à
s'unir au tout. Et il dit que ces deux réalités, l'Ancien Testament et la
philosophie grecque, sont comme les deux voies qui mènent au Christ, au Logos.
Voilà pourquoi la philosophie grecque ne peut s'opposer à la vérité
évangélique, et les chrétiens peuvent y puiser avec
confiance, comme à un bien propre. C'est pourquoi mon vénéré
prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, définit Justin comme "pionnier d'une
rencontre fructueuse avec la pensée philosophique, même marquée par un
discernement prudent", car Justin, "tout en conservant même après sa
conversion, une grande estime pour la philosophie grecque, [...] affirmait avec
force et clarté qu'il avait trouvé dans le christianisme "la seule
philosophie sûre et profitable" (Dialogue, 8, 1)" (Fides et ratio,
n. 38).
Dans l'ensemble, la figure et
l'œuvre de Justin marquent le choix décidé de l'Eglise antique pour la
philosophie, la raison, plutôt que pour la religion des païens. Avec la
religion païenne en effet, les premiers chrétiens refusèrent absolument tout
compromis. Ils estimaient qu'elle était une idolâtrie, au risque d'être taxés
d'"impiété" et d'"athéisme". Justin en particulier,
notamment dans sa première Apologie, conduisit une critique implacable à
l'égard de la religion païenne et de ses mythes, qu'il considérait comme des
"fausses routes" diaboliques sur le chemin de la vérité. La
philosophie représenta en revanche le domaine privilégié de la rencontre entre
paganisme, judaïsme et christianisme précisément sur le plan de la critique
contre la religion païenne et ses faux mythes. "Notre
philosophie...": c'est ainsi, de la manière la plus explicite, qu'un
autre apologiste contemporain de Justin, l'Evêque Méliton de Sardes en vint à
définir la nouvelle religion (ap. Hist. Eccl. 4, 26, 7).
De fait, la religion païenne
ne parcourait pas les voies du Logos mais s'obstinait sur celles du mythe, même
si celui-ci était reconnu par la philosophie grecque comme privé de consistance
dans la vérité. C'est pourquoi le crépuscule de la religion païenne était
inéluctable: il découlait comme une conséquence logique du détachement de
la religion - réduite à un ensemble artificiel de cérémonies, de conventions et
de coutumes - de la vérité de l'être. Justin, et avec lui les autres
apologistes, marquèrent la prise de position nette de la foi chrétienne pour le
Dieu des philosophes contre les faux dieux de la religion païenne. C'était le
choix pour la vérité de l'être, contre le mythe de la coutume. Quelques
décennies après Justin, Tertullien définit le même choix des chrétiens avec la
sentence lapidaire et toujours valable: "Dominus noster Christus
veritatem se, non con-suetudinem, cognominavit - le Christ a affirmé être
la vérité, non la coutume" (De virgin. vle. 1, 1). On notera à ce propos
que le terme consuetudo, ici employé par Tertullien en référence à la religion
païenne, peut être traduit dans les langues modernes par les expressions
"habitude culturelle", "mode du temps".
A une époque comme la nôtre,
marquée par le relativisme dans le débat sur les valeurs et sur la religion -
tout comme dans le dialogue interreligieux -, il s'agit là d'une leçon à ne pas
oublier. Dans ce but, je vous repropose - et je conclus ainsi - les dernières
paroles du mystérieux vieillard rencontré par le philosophe Justin au bord de
la mer: "Prie avant tout pour que les portes de la lumière te soient
ouvertes, parce que personne ne peut voir et comprendre, si Dieu et son Christ
ne lui accordent pas de comprendre" (Dial. 7, 3).
* * *
Je salue avec joie les
pèlerins francophones, en particulier les séminaristes d’Ars, accompagnés par
leur Évêque, Mgr Guy Bagnard, et tous les jeunes présents. À l’exemple de saint
Justin, soyez passionnés par la quête de la vérité et devenez des témoins
audacieux du Christ pour notre temps.
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XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi
21 mars 2007
Chers frères et sœurs,
Au cours de ces catéchèses,
nous réfléchissons sur les grandes figures de l'Eglise naissante. Aujourd'hui,
nous parlons de saint Justin, philosophe et martyr, le plus important des Pères
apologistes du II siècle. Le terme "apologiste" désigne les antiques
écrivains chrétiens qui se proposaient de défendre la nouvelle religion des
lourdes accusations des païens et des Juifs, et de diffuser la doctrine
chrétienne dans des termes adaptés à la culture de leur époque. Ainsi, chez les
apologistes est présente une double sollicitude: celle, plus proprement
apologétique, de défendre le christianisme naissant (apologhía
en grec signifie précisément "défense"), et celle qui
propose une sollicitude "missionnaire" qui a pour but d'exposer les
contenus de la foi à travers un langage et des
catégories de pensée compréhensibles par leurs contemporains.
Justin était né aux environs
de l'an 100 près de l'antique Sichem, en Samarie, en Terre Sainte; il chercha
longuement la vérité, se rendant en pèlerinage dans les diverses écoles de la
tradition philosophique grecque. Finalement, - comme lui-même le raconte dans
les premiers chapitres de son Dialogue avec Tryphon - un mystérieux personnage,
un vieillard rencontré sur la plage de la mer, provoqua d'abord en lui une
crise, en lui démontrant l'incapacité de l'homme à satisfaire par ses seules
forces l'aspiration au divin. Puis il lui indiqua dans les anciens prophètes
les personnes vers lesquelles se tourner pour trouver la voie de Dieu et la "véritable
philosophie". En le quittant, le vieillard l'exhorta à la prière, afin que
lui soient ouvertes les portes de la lumière. Le récit reflète l'épisode
crucial de la vie de Justin: au terme d'un long itinéraire philosophique
de recherche de la vérité, il parvint à la foi chrétienne. Il fonda une école à
Rome, où il initiait gratuitement les élèves à la nouvelle religion, considérée
comme la véritable philosophie. En celle-ci, en effet, il avait trouvé la
vérité et donc l'art de vivre de façon droite. Il fut dénoncé pour cette raison
et fut décapité vers 165, sous le règne de Marc Aurèle, l'empereur philosophe
auquel Justin lui-même avait adressé l'une de ses Apologies.
Ces deux œuvres - les deux
Apologies et le Dialogue avec le Juif Tryphon - sont les seules qui nous
restent de lui. Dans celles-ci, Justin entend illustrer avant tout le projet
divin de la création et du salut qui s'accomplit en Jésus Christ, le Logos,
c'est-à-dire le Verbe éternel, la raison éternelle, la Raison créatrice. Chaque
homme, en tant que créature rationnelle, participe au Logos, porte en lui le
"germe" et peut accueillir les lumières de la vérité. Ainsi, le même
Logos, qui s'est révélé comme dans une figure prophétique aux juifs dans la Loi
antique, s'est manifesté partiellement, comme dans des "germes de
vérité", également dans la philosophie grecque. A présent, conclut Justin,
étant donné que le christianisme est la manifestation historique et personnelle
du Logos dans sa totalité, il en découle que "tout ce qui a été exprimé de
beau par quiconque, nous appartient à nous chrétiens" (2 Apol. 13, 4). De
cette façon, Justin, tout en contestant les contradictions de la philosophie
grecque, oriente de façon décidée vers le Logos toute vérité philosophique, en
justifiant d'un point de vue rationnel la "prétention" de vérité et
d'universalité de la religion chrétienne. Si l'Ancien Testament tend au Christ
comme la figure oriente vers la réalité signifiée, la philosophie
grecque vise elle aussi au Christ et à l'Evangile, comme la partie tend à
s'unir au tout. Et il dit que ces deux réalités, l'Ancien Testament et la
philosophie grecque, sont comme les deux voies qui mènent au Christ, au Logos.
Voilà pourquoi la philosophie grecque ne peut s'opposer à la vérité
évangélique, et les chrétiens peuvent y puiser avec
confiance, comme à un bien propre. C'est pourquoi mon vénéré
prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, définit Justin comme "pionnier d'une
rencontre fructueuse avec la pensée philosophique, même marquée par un
discernement prudent", car Justin, "tout en conservant même après sa
conversion, une grande estime pour la philosophie grecque, [...] affirmait avec
force et clarté qu'il avait trouvé dans le christianisme "la seule
philosophie sûre et profitable" (Dialogue, 8, 1)" (Fides et ratio,
n. 38).
Dans l'ensemble, la figure et
l'œuvre de Justin marquent le choix décidé de l'Eglise antique pour la
philosophie, la raison, plutôt que pour la religion des païens. Avec la religion
païenne en effet, les premiers chrétiens refusèrent absolument tout compromis.
Ils estimaient qu'elle était une idolâtrie, au risque d'être taxés
d'"impiété" et d'"athéisme". Justin en particulier,
notamment dans sa première Apologie, conduisit une critique implacable à
l'égard de la religion païenne et de ses mythes, qu'il considérait comme des
"fausses routes" diaboliques sur le chemin de la vérité. La
philosophie représenta en revanche le domaine privilégié de la rencontre entre
paganisme, judaïsme et christianisme précisément sur le plan de la critique
contre la religion païenne et ses faux mythes. "Notre
philosophie...": c'est ainsi, de la manière la plus explicite, qu'un
autre apologiste contemporain de Justin, l'Evêque Méliton de Sardes en vint à
définir la nouvelle religion (ap. Hist. Eccl. 4, 26, 7).
De fait, la religion païenne
ne parcourait pas les voies du Logos mais s'obstinait sur celles du mythe, même
si celui-ci était reconnu par la philosophie grecque comme privé de consistance
dans la vérité. C'est pourquoi le crépuscule de la religion païenne était
inéluctable: il découlait comme une conséquence logique du détachement de
la religion - réduite à un ensemble artificiel de cérémonies, de conventions et
de coutumes - de la vérité de l'être. Justin, et avec lui les autres
apologistes, marquèrent la prise de position nette de la foi chrétienne pour le
Dieu des philosophes contre les faux dieux de la religion païenne. C'était le
choix pour la vérité de l'être, contre le mythe de la coutume. Quelques
décennies après Justin, Tertullien définit le même choix des chrétiens avec la
sentence lapidaire et toujours valable: "Dominus noster Christus
veritatem se, non con-suetudinem, cognominavit - le Christ a affirmé être
la vérité, non la coutume" (De virgin. vle. 1, 1). On notera à ce propos
que le terme consuetudo, ici employé par Tertullien en référence à la religion
païenne, peut être traduit dans les langues modernes par les expressions
"habitude culturelle", "mode du temps".
A une époque comme la nôtre,
marquée par le relativisme dans le débat sur les valeurs et sur la religion -
tout comme dans le dialogue interreligieux -, il s'agit là d'une leçon à ne pas
oublier. Dans ce but, je vous repropose - et je conclus ainsi - les dernières
paroles du mystérieux vieillard rencontré par le philosophe Justin au bord de
la mer: "Prie avant tout pour que les portes de la lumière te soient
ouvertes, parce que personne ne peut voir et comprendre, si Dieu et son Christ
ne lui accordent pas de comprendre" (Dial. 7, 3).
* * *
Je salue avec joie les
pèlerins francophones, en particulier les séminaristes d’Ars, accompagnés par
leur Évêque, Mgr Guy Bagnard, et tous les jeunes présents. À l’exemple de saint
Justin, soyez passionnés par la quête de la vérité et devenez des témoins
audacieux du Christ pour notre temps.
© Copyright 2007 - Libreria Editrice Vaticana
©
Copyright - Libreria Editrice Vaticana
BENOÎT
XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi
21 mars 2007
Chers frères et sœurs,
Au cours de ces catéchèses,
nous réfléchissons sur les grandes figures de l'Eglise naissante. Aujourd'hui,
nous parlons de saint Justin, philosophe et martyr, le plus important des Pères
apologistes du II siècle. Le terme "apologiste" désigne les antiques
écrivains chrétiens qui se proposaient de défendre la nouvelle religion des
lourdes accusations des païens et des Juifs, et de diffuser la doctrine
chrétienne dans des termes adaptés à la culture de leur époque. Ainsi, chez les
apologistes est présente une double sollicitude: celle, plus proprement
apologétique, de défendre le christianisme naissant (apologhía
en grec signifie précisément "défense"), et celle qui
propose une sollicitude "missionnaire" qui a pour but d'exposer les
contenus de la foi à travers un langage et des
catégories de pensée compréhensibles par leurs contemporains.
Justin était né aux environs
de l'an 100 près de l'antique Sichem, en Samarie, en Terre Sainte; il chercha
longuement la vérité, se rendant en pèlerinage dans les diverses écoles de la
tradition philosophique grecque. Finalement, - comme lui-même le raconte dans
les premiers chapitres de son Dialogue avec Tryphon - un mystérieux personnage,
un vieillard rencontré sur la plage de la mer, provoqua d'abord en lui une
crise, en lui démontrant l'incapacité de l'homme à satisfaire par ses seules
forces l'aspiration au divin. Puis il lui indiqua dans les anciens prophètes
les personnes vers lesquelles se tourner pour trouver la voie de Dieu et la
"véritable philosophie". En le quittant, le vieillard l'exhorta à la
prière, afin que lui soient ouvertes les portes de la lumière. Le récit reflète
l'épisode crucial de la vie de Justin: au terme d'un long itinéraire
philosophique de recherche de la vérité, il parvint à la foi chrétienne. Il
fonda une école à Rome, où il initiait gratuitement les élèves à la nouvelle
religion, considérée comme la véritable philosophie. En celle-ci, en effet, il
avait trouvé la vérité et donc l'art de vivre de façon droite. Il fut dénoncé
pour cette raison et fut décapité vers 165, sous le règne de Marc Aurèle,
l'empereur philosophe auquel Justin lui-même avait adressé l'une de ses
Apologies.
Ces deux œuvres - les deux
Apologies et le Dialogue avec le Juif Tryphon - sont les seules qui nous
restent de lui. Dans celles-ci, Justin entend illustrer avant tout le projet
divin de la création et du salut qui s'accomplit en Jésus Christ, le Logos,
c'est-à-dire le Verbe éternel, la raison éternelle, la Raison créatrice. Chaque
homme, en tant que créature rationnelle, participe au Logos, porte en lui le
"germe" et peut accueillir les lumières de la vérité. Ainsi, le même
Logos, qui s'est révélé comme dans une figure prophétique aux juifs dans la Loi
antique, s'est manifesté partiellement, comme dans des "germes de vérité",
également dans la philosophie grecque. A présent, conclut Justin, étant donné
que le christianisme est la manifestation historique et personnelle du Logos
dans sa totalité, il en découle que "tout ce qui a été exprimé de beau par
quiconque, nous appartient à nous chrétiens" (2 Apol. 13, 4). De cette
façon, Justin, tout en contestant les contradictions de la philosophie grecque,
oriente de façon décidée vers le Logos toute vérité philosophique, en
justifiant d'un point de vue rationnel la "prétention" de vérité et
d'universalité de la religion chrétienne. Si l'Ancien Testament tend au Christ
comme la figure oriente vers la réalité signifiée, la philosophie
grecque vise elle aussi au Christ et à l'Evangile, comme la partie tend à
s'unir au tout. Et il dit que ces deux réalités, l'Ancien Testament et la
philosophie grecque, sont comme les deux voies qui mènent au Christ, au Logos.
Voilà pourquoi la philosophie grecque ne peut s'opposer à la vérité
évangélique, et les chrétiens peuvent y puiser avec confiance,
comme à un bien propre. C'est pourquoi mon vénéré prédécesseur, le Pape
Jean-Paul II, définit Justin comme "pionnier d'une rencontre fructueuse
avec la pensée philosophique, même marquée par un discernement prudent",
car Justin, "tout en conservant même après sa conversion, une grande
estime pour la philosophie grecque, [...] affirmait avec force et clarté qu'il
avait trouvé dans le christianisme "la seule philosophie sûre et
profitable" (Dialogue, 8, 1)" (Fides et ratio,
n. 38).
Dans l'ensemble, la figure et
l'œuvre de Justin marquent le choix décidé de l'Eglise antique pour la
philosophie, la raison, plutôt que pour la religion des païens. Avec la
religion païenne en effet, les premiers chrétiens refusèrent absolument tout
compromis. Ils estimaient qu'elle était une idolâtrie, au risque d'être taxés
d'"impiété" et d'"athéisme". Justin en particulier,
notamment dans sa première Apologie, conduisit une critique implacable à
l'égard de la religion païenne et de ses mythes, qu'il considérait comme des
"fausses routes" diaboliques sur le chemin de la vérité. La
philosophie représenta en revanche le domaine privilégié de la rencontre entre
paganisme, judaïsme et christianisme précisément sur le plan de la critique
contre la religion païenne et ses faux mythes. "Notre
philosophie...": c'est ainsi, de la manière la plus explicite, qu'un
autre apologiste contemporain de Justin, l'Evêque Méliton de Sardes en vint à
définir la nouvelle religion (ap. Hist. Eccl. 4, 26, 7).
De fait, la religion païenne
ne parcourait pas les voies du Logos mais s'obstinait sur celles du mythe, même
si celui-ci était reconnu par la philosophie grecque comme privé de consistance
dans la vérité. C'est pourquoi le crépuscule de la religion païenne était
inéluctable: il découlait comme une conséquence logique du détachement de
la religion - réduite à un ensemble artificiel de cérémonies, de conventions et
de coutumes - de la vérité de l'être. Justin, et avec lui les autres
apologistes, marquèrent la prise de position nette de la foi chrétienne pour le
Dieu des philosophes contre les faux dieux de la religion païenne. C'était le
choix pour la vérité de l'être, contre le mythe de la coutume. Quelques
décennies après Justin, Tertullien définit le même choix des chrétiens avec la
sentence lapidaire et toujours valable: "Dominus noster Christus
veritatem se, non con-suetudinem, cognominavit - le Christ a affirmé être
la vérité, non la coutume" (De virgin. vle. 1, 1). On notera à ce propos
que le terme consuetudo, ici employé par Tertullien en référence à la religion
païenne, peut être traduit dans les langues modernes par les expressions
"habitude culturelle", "mode du temps".
A une époque comme la nôtre,
marquée par le relativisme dans le débat sur les valeurs et sur la religion -
tout comme dans le dialogue interreligieux -, il s'agit là d'une leçon à ne pas
oublier. Dans ce but, je vous repropose - et je conclus ainsi - les dernières
paroles du mystérieux vieillard rencontré par le philosophe Justin au bord de
la mer: "Prie avant tout pour que les portes de la lumière te soient
ouvertes, parce que personne ne peut voir et comprendre, si Dieu et son Christ
ne lui accordent pas de comprendre" (Dial. 7, 3).
* * *
Je salue avec joie les
pèlerins francophones, en particulier les séminaristes d’Ars, accompagnés par
leur Évêque, Mgr Guy Bagnard, et tous les jeunes présents. À l’exemple de saint
Justin, soyez passionnés par la quête de la vérité et devenez des témoins
audacieux du Christ pour notre temps.
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XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi
21 mars 2007
Chers frères et sœurs,
Au cours de ces catéchèses,
nous réfléchissons sur les grandes figures de l'Eglise naissante. Aujourd'hui,
nous parlons de saint Justin, philosophe et martyr, le plus important des Pères
apologistes du II siècle. Le terme "apologiste" désigne les antiques
écrivains chrétiens qui se proposaient de défendre la nouvelle religion des
lourdes accusations des païens et des Juifs, et de diffuser la doctrine
chrétienne dans des termes adaptés à la culture de leur époque. Ainsi, chez les
apologistes est présente une double sollicitude: celle, plus proprement
apologétique, de défendre le christianisme naissant (apologhía
en grec signifie précisément "défense"), et celle qui
propose une sollicitude "missionnaire" qui a pour but d'exposer les
contenus de la foi à travers un langage et des
catégories de pensée compréhensibles par leurs contemporains.
Justin était né aux environs
de l'an 100 près de l'antique Sichem, en Samarie, en Terre Sainte; il chercha
longuement la vérité, se rendant en pèlerinage dans les diverses écoles de la
tradition philosophique grecque. Finalement, - comme lui-même le raconte dans
les premiers chapitres de son Dialogue avec Tryphon - un mystérieux personnage,
un vieillard rencontré sur la plage de la mer, provoqua d'abord en lui une
crise, en lui démontrant l'incapacité de l'homme à satisfaire par ses seules
forces l'aspiration au divin. Puis il lui indiqua dans les anciens prophètes
les personnes vers lesquelles se tourner pour trouver la voie de Dieu et la
"véritable philosophie". En le quittant, le vieillard l'exhorta à la
prière, afin que lui soient ouvertes les portes de la lumière. Le récit reflète
l'épisode crucial de la vie de Justin: au terme d'un long itinéraire
philosophique de recherche de la vérité, il parvint à la foi chrétienne. Il
fonda une école à Rome, où il initiait gratuitement les élèves à la nouvelle
religion, considérée comme la véritable philosophie. En celle-ci, en effet, il
avait trouvé la vérité et donc l'art de vivre de façon droite. Il fut dénoncé
pour cette raison et fut décapité vers 165, sous le règne de Marc Aurèle,
l'empereur philosophe auquel Justin lui-même avait adressé l'une de ses
Apologies.
Ces deux œuvres - les deux
Apologies et le Dialogue avec le Juif Tryphon - sont les seules qui nous
restent de lui. Dans celles-ci, Justin entend illustrer avant tout le projet
divin de la création et du salut qui s'accomplit en Jésus Christ, le Logos,
c'est-à-dire le Verbe éternel, la raison éternelle, la Raison créatrice. Chaque
homme, en tant que créature rationnelle, participe au Logos, porte en lui le
"germe" et peut accueillir les lumières de la vérité. Ainsi, le même
Logos, qui s'est révélé comme dans une figure prophétique aux juifs dans la Loi
antique, s'est manifesté partiellement, comme dans des "germes de
vérité", également dans la philosophie grecque. A présent, conclut Justin,
étant donné que le christianisme est la manifestation historique et personnelle
du Logos dans sa totalité, il en découle que "tout ce qui a été exprimé de
beau par quiconque, nous appartient à nous chrétiens" (2 Apol. 13, 4). De
cette façon, Justin, tout en contestant les contradictions de la philosophie
grecque, oriente de façon décidée vers le Logos toute vérité philosophique, en
justifiant d'un point de vue rationnel la "prétention" de vérité et
d'universalité de la religion chrétienne. Si l'Ancien Testament tend au Christ
comme la figure oriente vers la réalité signifiée, la philosophie
grecque vise elle aussi au Christ et à l'Evangile, comme la partie tend à
s'unir au tout. Et il dit que ces deux réalités, l'Ancien Testament et la
philosophie grecque, sont comme les deux voies qui mènent au Christ, au Logos.
Voilà pourquoi la philosophie grecque ne peut s'opposer à la vérité
évangélique, et les chrétiens peuvent y puiser avec
confiance, comme à un bien propre. C'est pourquoi mon vénéré
prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, définit Justin comme "pionnier d'une
rencontre fructueuse avec la pensée philosophique, même marquée par un
discernement prudent", car Justin, "tout en conservant même après sa
conversion, une grande estime pour la philosophie grecque, [...] affirmait avec
force et clarté qu'il avait trouvé dans le christianisme "la seule
philosophie sûre et profitable" (Dialogue, 8, 1)" (Fides et ratio,
n. 38).
Dans l'ensemble, la figure et
l'œuvre de Justin marquent le choix décidé de l'Eglise antique pour la
philosophie, la raison, plutôt que pour la religion des païens. Avec la
religion païenne en effet, les premiers chrétiens refusèrent absolument tout
compromis. Ils estimaient qu'elle était une idolâtrie, au risque d'être taxés
d'"impiété" et d'"athéisme". Justin en particulier,
notamment dans sa première Apologie, conduisit une critique implacable à
l'égard de la religion païenne et de ses mythes, qu'il considérait comme des
"fausses routes" diaboliques sur le chemin de la vérité. La
philosophie représenta en revanche le domaine privilégié de la rencontre entre
paganisme, judaïsme et christianisme précisément sur le plan de la critique contre
la religion païenne et ses faux mythes. "Notre philosophie...":
c'est ainsi, de la manière la plus explicite, qu'un autre apologiste
contemporain de Justin, l'Evêque Méliton de Sardes en vint à définir la
nouvelle religion (ap. Hist. Eccl. 4, 26, 7).
De fait, la religion païenne
ne parcourait pas les voies du Logos mais s'obstinait sur celles du mythe, même
si celui-ci était reconnu par la philosophie grecque comme privé de consistance
dans la vérité. C'est pourquoi le crépuscule de la religion païenne était inéluctable:
il découlait comme une conséquence logique du détachement de la religion -
réduite à un ensemble artificiel de cérémonies, de conventions et de coutumes -
de la vérité de l'être. Justin, et avec lui les autres apologistes, marquèrent
la prise de position nette de la foi chrétienne pour le Dieu des philosophes
contre les faux dieux de la religion païenne. C'était le choix pour la vérité
de l'être, contre le mythe de la coutume. Quelques décennies après Justin,
Tertullien définit le même choix des chrétiens avec la sentence lapidaire et
toujours valable: "Dominus noster Christus veritatem se, non
con-suetudinem, cognominavit - le Christ a affirmé être la vérité, non la
coutume" (De virgin. vle. 1, 1). On notera à ce propos que le terme
consuetudo, ici employé par Tertullien en référence à la religion païenne, peut
être traduit dans les langues modernes par les expressions "habitude
culturelle", "mode du temps".
A une époque comme la nôtre,
marquée par le relativisme dans le débat sur les valeurs et sur la religion -
tout comme dans le dialogue interreligieux -, il s'agit là d'une leçon à ne pas
oublier. Dans ce but, je vous repropose - et je conclus ainsi - les dernières
paroles du mystérieux vieillard rencontré par le philosophe Justin au bord de
la mer: "Prie avant tout pour que les portes de la lumière te soient
ouvertes, parce que personne ne peut voir et comprendre, si Dieu et son Christ
ne lui accordent pas de comprendre" (Dial. 7, 3).
* * *
Je salue avec joie les
pèlerins francophones, en particulier les séminaristes d’Ars, accompagnés par
leur Évêque, Mgr Guy Bagnard, et tous les jeunes présents. À l’exemple de saint
Justin, soyez passionnés par la quête de la vérité et devenez des témoins
audacieux du Christ pour notre temps.
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AUDIENCE GÉNÉRALE
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21 mars 2007
Chers frères et sœurs,
Au cours de ces catéchèses,
nous réfléchissons sur les grandes figures de l'Eglise naissante. Aujourd'hui,
nous parlons de saint Justin, philosophe et martyr, le plus important des Pères
apologistes du II siècle. Le terme "apologiste" désigne les antiques
écrivains chrétiens qui se proposaient de défendre la nouvelle religion des lourdes
accusations des païens et des Juifs, et de diffuser la doctrine chrétienne dans
des termes adaptés à la culture de leur époque. Ainsi, chez les apologistes est
présente une double sollicitude: celle, plus proprement apologétique, de
défendre le christianisme naissant (apologhía en grec
signifie précisément "défense"), et celle qui propose une sollicitude
"missionnaire" qui a pour but d'exposer les contenus de la foi à
travers un langage et des catégories de pensée compréhensibles
par leurs contemporains.
Justin était né aux environs
de l'an 100 près de l'antique Sichem, en Samarie, en Terre Sainte; il chercha
longuement la vérité, se rendant en pèlerinage dans les diverses écoles de la
tradition philosophique grecque. Finalement, - comme lui-même le raconte dans
les premiers chapitres de son Dialogue avec Tryphon - un mystérieux personnage,
un vieillard rencontré sur la plage de la mer, provoqua d'abord en lui une
crise, en lui démontrant l'incapacité de l'homme à satisfaire par ses seules forces
l'aspiration au divin. Puis il lui indiqua dans les anciens prophètes les
personnes vers lesquelles se tourner pour trouver la voie de Dieu et la
"véritable philosophie". En le quittant, le vieillard l'exhorta à la
prière, afin que lui soient ouvertes les portes de la lumière. Le récit reflète
l'épisode crucial de la vie de Justin: au terme d'un long itinéraire
philosophique de recherche de la vérité, il parvint à la foi chrétienne. Il
fonda une école à Rome, où il initiait gratuitement les élèves à la nouvelle
religion, considérée comme la véritable philosophie. En celle-ci, en effet, il
avait trouvé la vérité et donc l'art de vivre de façon droite. Il fut dénoncé
pour cette raison et fut décapité vers 165, sous le règne de Marc Aurèle,
l'empereur philosophe auquel Justin lui-même avait adressé l'une de ses
Apologies.
Ces deux œuvres - les deux
Apologies et le Dialogue avec le Juif Tryphon - sont les seules qui nous
restent de lui. Dans celles-ci, Justin entend illustrer avant tout le projet
divin de la création et du salut qui s'accomplit en Jésus Christ, le Logos,
c'est-à-dire le Verbe éternel, la raison éternelle, la Raison créatrice. Chaque
homme, en tant que créature rationnelle, participe au Logos, porte en lui le
"germe" et peut accueillir les lumières de la vérité. Ainsi, le même
Logos, qui s'est révélé comme dans une figure prophétique aux juifs dans la Loi
antique, s'est manifesté partiellement, comme dans des "germes de
vérité", également dans la philosophie grecque. A présent, conclut Justin,
étant donné que le christianisme est la manifestation historique et personnelle
du Logos dans sa totalité, il en découle que "tout ce qui a été exprimé de
beau par quiconque, nous appartient à nous chrétiens" (2 Apol. 13, 4). De
cette façon, Justin, tout en contestant les contradictions de la philosophie
grecque, oriente de façon décidée vers le Logos toute vérité philosophique, en
justifiant d'un point de vue rationnel la "prétention" de vérité et
d'universalité de la religion chrétienne. Si l'Ancien Testament tend au Christ
comme la figure oriente vers la réalité signifiée, la philosophie
grecque vise elle aussi au Christ et à l'Evangile, comme la partie tend à
s'unir au tout. Et il dit que ces deux réalités, l'Ancien Testament et la philosophie
grecque, sont comme les deux voies qui mènent au Christ, au Logos. Voilà
pourquoi la philosophie grecque ne peut s'opposer à la vérité évangélique, et
les chrétiens peuvent y puiser avec confiance, comme à
un bien propre. C'est pourquoi mon vénéré prédécesseur, le Pape Jean-Paul II,
définit Justin comme "pionnier d'une rencontre fructueuse avec la pensée
philosophique, même marquée par un discernement prudent", car Justin,
"tout en conservant même après sa conversion, une grande estime pour la
philosophie grecque, [...] affirmait avec force et clarté qu'il avait trouvé
dans le christianisme "la seule philosophie sûre et profitable"
(Dialogue, 8, 1)" (Fides et ratio,
n. 38).
Dans l'ensemble, la figure et
l'œuvre de Justin marquent le choix décidé de l'Eglise antique pour la
philosophie, la raison, plutôt que pour la religion des païens. Avec la
religion païenne en effet, les premiers chrétiens refusèrent absolument tout
compromis. Ils estimaient qu'elle était une idolâtrie, au risque d'être taxés
d'"impiété" et d'"athéisme". Justin en particulier,
notamment dans sa première Apologie, conduisit une critique implacable à
l'égard de la religion païenne et de ses mythes, qu'il considérait comme des
"fausses routes" diaboliques sur le chemin de la vérité. La
philosophie représenta en revanche le domaine privilégié de la rencontre entre
paganisme, judaïsme et christianisme précisément sur le plan de la critique
contre la religion païenne et ses faux mythes. "Notre
philosophie...": c'est ainsi, de la manière la plus explicite, qu'un
autre apologiste contemporain de Justin, l'Evêque Méliton de Sardes en vint à
définir la nouvelle religion (ap. Hist. Eccl. 4, 26, 7).
De fait, la religion païenne
ne parcourait pas les voies du Logos mais s'obstinait sur celles du mythe, même
si celui-ci était reconnu par la philosophie grecque comme privé de consistance
dans la vérité. C'est pourquoi le crépuscule de la religion païenne était
inéluctable: il découlait comme une conséquence logique du détachement de
la religion - réduite à un ensemble artificiel de cérémonies, de conventions et
de coutumes - de la vérité de l'être. Justin, et avec lui les autres
apologistes, marquèrent la prise de position nette de la foi chrétienne pour le
Dieu des philosophes contre les faux dieux de la religion païenne. C'était le
choix pour la vérité de l'être, contre le mythe de la coutume. Quelques
décennies après Justin, Tertullien définit le même choix des chrétiens avec la
sentence lapidaire et toujours valable: "Dominus noster Christus
veritatem se, non con-suetudinem, cognominavit - le Christ a affirmé être
la vérité, non la coutume" (De virgin. vle. 1, 1). On notera à ce propos
que le terme consuetudo, ici employé par Tertullien en référence à la religion
païenne, peut être traduit dans les langues modernes par les expressions
"habitude culturelle", "mode du temps".
A une époque comme la nôtre,
marquée par le relativisme dans le débat sur les valeurs et sur la religion -
tout comme dans le dialogue interreligieux -, il s'agit là d'une leçon à ne pas
oublier. Dans ce but, je vous repropose - et je conclus ainsi - les dernières
paroles du mystérieux vieillard rencontré par le philosophe Justin au bord de
la mer: "Prie avant tout pour que les portes de la lumière te soient
ouvertes, parce que personne ne peut voir et comprendre, si Dieu et son Christ
ne lui accordent pas de comprendre" (Dial. 7, 3).
* * *
Je salue avec joie les
pèlerins francophones, en particulier les séminaristes d’Ars, accompagnés par
leur Évêque, Mgr Guy Bagnard, et tous les jeunes présents. À l’exemple de saint
Justin, soyez passionnés par la quête de la vérité et devenez des témoins
audacieux du Christ pour notre temps.
© Copyright 2007 - Libreria Editrice Vaticana
©
Copyright - Libreria Editrice Vaticana
BENOÎT
XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi
21 mars 2007
Chers frères et sœurs,
Au cours de ces catéchèses,
nous réfléchissons sur les grandes figures de l'Eglise naissante. Aujourd'hui,
nous parlons de saint Justin, philosophe et martyr, le plus important des Pères
apologistes du II siècle. Le terme "apologiste" désigne les antiques
écrivains chrétiens qui se proposaient de défendre la nouvelle religion des
lourdes accusations des païens et des Juifs, et de diffuser la doctrine
chrétienne dans des termes adaptés à la culture de leur époque. Ainsi, chez les
apologistes est présente une double sollicitude: celle, plus proprement
apologétique, de défendre le christianisme naissant (apologhía en
grec signifie précisément "défense"), et celle qui propose une
sollicitude "missionnaire" qui a pour but d'exposer les contenus de
la foi à travers un langage et des catégories de pensée
compréhensibles par leurs contemporains.
Justin était né aux environs
de l'an 100 près de l'antique Sichem, en Samarie, en Terre Sainte; il chercha
longuement la vérité, se rendant en pèlerinage dans les diverses écoles de la
tradition philosophique grecque. Finalement, - comme lui-même le raconte dans
les premiers chapitres de son Dialogue avec Tryphon - un mystérieux personnage,
un vieillard rencontré sur la plage de la mer, provoqua d'abord en lui une
crise, en lui démontrant l'incapacité de l'homme à satisfaire par ses seules
forces l'aspiration au divin. Puis il lui indiqua dans les anciens prophètes
les personnes vers lesquelles se tourner pour trouver la voie de Dieu et la
"véritable philosophie". En le quittant, le vieillard l'exhorta à la
prière, afin que lui soient ouvertes les portes de la lumière. Le récit reflète
l'épisode crucial de la vie de Justin: au terme d'un long itinéraire
philosophique de recherche de la vérité, il parvint à la foi chrétienne. Il
fonda une école à Rome, où il initiait gratuitement les élèves à la nouvelle
religion, considérée comme la véritable philosophie. En celle-ci, en effet, il
avait trouvé la vérité et donc l'art de vivre de façon droite. Il fut dénoncé
pour cette raison et fut décapité vers 165, sous le règne de Marc Aurèle,
l'empereur philosophe auquel Justin lui-même avait adressé l'une de ses
Apologies.
Ces deux œuvres - les deux
Apologies et le Dialogue avec le Juif Tryphon - sont les seules qui nous
restent de lui. Dans celles-ci, Justin entend illustrer avant tout le projet
divin de la création et du salut qui s'accomplit en Jésus Christ, le Logos,
c'est-à-dire le Verbe éternel, la raison éternelle, la Raison créatrice. Chaque
homme, en tant que créature rationnelle, participe au Logos, porte en lui le
"germe" et peut accueillir les lumières de la vérité. Ainsi, le même
Logos, qui s'est révélé comme dans une figure prophétique aux juifs dans la Loi
antique, s'est manifesté partiellement, comme dans des "germes de
vérité", également dans la philosophie grecque. A présent, conclut Justin,
étant donné que le christianisme est la manifestation historique et personnelle
du Logos dans sa totalité, il en découle que "tout ce qui a été exprimé de
beau par quiconque, nous appartient à nous chrétiens" (2 Apol. 13, 4). De
cette façon, Justin, tout en contestant les contradictions de la philosophie
grecque, oriente de façon décidée vers le Logos toute vérité philosophique, en
justifiant d'un point de vue rationnel la "prétention" de vérité et
d'universalité de la religion chrétienne. Si l'Ancien Testament tend au Christ
comme la figure oriente vers la réalité signifiée, la philosophie
grecque vise elle aussi au Christ et à l'Evangile, comme la partie tend à
s'unir au tout. Et il dit que ces deux réalités, l'Ancien Testament et la
philosophie grecque, sont comme les deux voies qui mènent au Christ, au Logos.
Voilà pourquoi la philosophie grecque ne peut s'opposer à la vérité
évangélique, et les chrétiens peuvent y puiser avec
confiance, comme à un bien propre. C'est pourquoi mon vénéré
prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, définit Justin comme "pionnier d'une
rencontre fructueuse avec la pensée philosophique, même marquée par un
discernement prudent", car Justin, "tout en conservant même après sa
conversion, une grande estime pour la philosophie grecque, [...] affirmait avec
force et clarté qu'il avait trouvé dans le christianisme "la seule
philosophie sûre et profitable" (Dialogue, 8, 1)" (Fides et ratio,
n. 38).
Dans l'ensemble, la figure et
l'œuvre de Justin marquent le choix décidé de l'Eglise antique pour la
philosophie, la raison, plutôt que pour la religion des païens. Avec la
religion païenne en effet, les premiers chrétiens refusèrent absolument tout
compromis. Ils estimaient qu'elle était une idolâtrie, au risque d'être taxés
d'"impiété" et d'"athéisme". Justin en particulier,
notamment dans sa première Apologie, conduisit une critique implacable à
l'égard de la religion païenne et de ses mythes, qu'il considérait comme des
"fausses routes" diaboliques sur le chemin de la vérité. La
philosophie représenta en revanche le domaine privilégié de la rencontre entre
paganisme, judaïsme et christianisme précisément sur le plan de la critique
contre la religion païenne et ses faux mythes. "Notre philosophie...":
c'est ainsi, de la manière la plus explicite, qu'un autre apologiste
contemporain de Justin, l'Evêque Méliton de Sardes en vint à définir la
nouvelle religion (ap. Hist. Eccl. 4, 26, 7).
De fait, la religion païenne
ne parcourait pas les voies du Logos mais s'obstinait sur celles du mythe, même
si celui-ci était reconnu par la philosophie grecque comme privé de consistance
dans la vérité. C'est pourquoi le crépuscule de la religion païenne était
inéluctable: il découlait comme une conséquence logique du détachement de
la religion - réduite à un ensemble artificiel de cérémonies, de conventions et
de coutumes - de la vérité de l'être. Justin, et avec lui les autres
apologistes, marquèrent la prise de position nette de la foi chrétienne pour le
Dieu des philosophes contre les faux dieux de la religion païenne. C'était le
choix pour la vérité de l'être, contre le mythe de la coutume. Quelques
décennies après Justin, Tertullien définit le même choix des chrétiens avec la
sentence lapidaire et toujours valable: "Dominus noster Christus
veritatem se, non con-suetudinem, cognominavit - le Christ a affirmé être
la vérité, non la coutume" (De virgin. vle. 1, 1). On notera à ce propos
que le terme consuetudo, ici employé par Tertullien en référence à la religion
païenne, peut être traduit dans les langues modernes par les expressions
"habitude culturelle", "mode du temps".
A une époque comme la nôtre,
marquée par le relativisme dans le débat sur les valeurs et sur la religion -
tout comme dans le dialogue interreligieux -, il s'agit là d'une leçon à ne pas
oublier. Dans ce but, je vous repropose - et je conclus ainsi - les dernières
paroles du mystérieux vieillard rencontré par le philosophe Justin au bord de
la mer: "Prie avant tout pour que les portes de la lumière te soient
ouvertes, parce que personne ne peut voir et comprendre, si Dieu et son Christ
ne lui accordent pas de comprendre" (Dial. 7, 3).
* * *
Je salue avec joie les
pèlerins francophones, en particulier les séminaristes d’Ars, accompagnés par
leur Évêque, Mgr Guy Bagnard, et tous les jeunes présents. À l’exemple de saint
Justin, soyez passionnés par la quête de la vérité et devenez des témoins
audacieux du Christ pour notre temps.
© Copyright 2007 - Libreria Editrice Vaticana
©
Copyright - Libreria Editrice Vaticana
BENOÎT
XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi
21 mars 2007
Chers frères et sœurs,
Au cours de ces catéchèses,
nous réfléchissons sur les grandes figures de l'Eglise naissante. Aujourd'hui,
nous parlons de saint Justin, philosophe et martyr, le plus important des Pères
apologistes du II siècle. Le terme "apologiste" désigne les antiques
écrivains chrétiens qui se proposaient de défendre la nouvelle religion des
lourdes accusations des païens et des Juifs, et de diffuser la doctrine
chrétienne dans des termes adaptés à la culture de leur époque. Ainsi, chez les
apologistes est présente une double sollicitude: celle, plus proprement
apologétique, de défendre le christianisme naissant (apologhía
en grec signifie précisément "défense"), et celle qui
propose une sollicitude "missionnaire" qui a pour but d'exposer les
contenus de la foi à travers un langage et des
catégories de pensée compréhensibles par leurs contemporains.
Justin était né aux environs
de l'an 100 près de l'antique Sichem, en Samarie, en Terre Sainte; il chercha
longuement la vérité, se rendant en pèlerinage dans les diverses écoles de la
tradition philosophique grecque. Finalement, - comme lui-même le raconte dans
les premiers chapitres de son Dialogue avec Tryphon - un mystérieux personnage,
un vieillard rencontré sur la plage de la mer, provoqua d'abord en lui une
crise, en lui démontrant l'incapacité de l'homme à satisfaire par ses seules
forces l'aspiration au divin. Puis il lui indiqua dans les anciens prophètes
les personnes vers lesquelles se tourner pour trouver la voie de Dieu et la
"véritable philosophie". En le quittant, le vieillard l'exhorta à la
prière, afin que lui soient ouvertes les portes de la lumière. Le récit reflète
l'épisode crucial de la vie de Justin: au terme d'un long itinéraire
philosophique de recherche de la vérité, il parvint à la foi chrétienne. Il
fonda une école à Rome, où il initiait gratuitement les élèves à la nouvelle
religion, considérée comme la véritable philosophie. En celle-ci, en effet, il
avait trouvé la vérité et donc l'art de vivre de façon droite. Il fut dénoncé
pour cette raison et fut décapité vers 165, sous le règne de Marc Aurèle,
l'empereur philosophe auquel Justin lui-même avait adressé l'une de ses
Apologies.
Ces deux œuvres - les deux
Apologies et le Dialogue avec le Juif Tryphon - sont les seules qui nous
restent de lui. Dans celles-ci, Justin entend illustrer avant tout le projet
divin de la création et du salut qui s'accomplit en Jésus Christ, le Logos, c'est-à-dire
le Verbe éternel, la raison éternelle, la Raison créatrice. Chaque homme, en
tant que créature rationnelle, participe au Logos, porte en lui le
"germe" et peut accueillir les lumières de la vérité. Ainsi, le même
Logos, qui s'est révélé comme dans une figure prophétique aux juifs dans la Loi
antique, s'est manifesté partiellement, comme dans des "germes de
vérité", également dans la philosophie grecque. A présent, conclut Justin,
étant donné que le christianisme est la manifestation historique et personnelle
du Logos dans sa totalité, il en découle que "tout ce qui a été exprimé de
beau par quiconque, nous appartient à nous chrétiens" (2 Apol. 13, 4). De
cette façon, Justin, tout en contestant les contradictions de la philosophie
grecque, oriente de façon décidée vers le Logos toute vérité philosophique, en
justifiant d'un point de vue rationnel la "prétention" de vérité et
d'universalité de la religion chrétienne. Si l'Ancien Testament tend au Christ
comme la figure oriente vers la réalité signifiée, la philosophie
grecque vise elle aussi au Christ et à l'Evangile, comme la partie tend à
s'unir au tout. Et il dit que ces deux réalités, l'Ancien Testament et la
philosophie grecque, sont comme les deux voies qui mènent au Christ, au Logos.
Voilà pourquoi la philosophie grecque ne peut s'opposer à la vérité
évangélique, et les chrétiens peuvent y puiser avec
confiance, comme à un bien propre. C'est pourquoi mon vénéré
prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, définit Justin comme "pionnier d'une
rencontre fructueuse avec la pensée philosophique, même marquée par un
discernement prudent", car Justin, "tout en conservant même après sa
conversion, une grande estime pour la philosophie grecque, [...] affirmait avec
force et clarté qu'il avait trouvé dans le christianisme "la seule
philosophie sûre et profitable" (Dialogue, 8, 1)" (Fides et ratio,
n. 38).
Dans l'ensemble, la figure et
l'œuvre de Justin marquent le choix décidé de l'Eglise antique pour la
philosophie, la raison, plutôt que pour la religion des païens. Avec la
religion païenne en effet, les premiers chrétiens refusèrent absolument tout
compromis. Ils estimaient qu'elle était une idolâtrie, au risque d'être taxés
d'"impiété" et d'"athéisme". Justin en particulier,
notamment dans sa première Apologie, conduisit une critique implacable à
l'égard de la religion païenne et de ses mythes, qu'il considérait comme des
"fausses routes" diaboliques sur le chemin de la vérité. La
philosophie représenta en revanche le domaine privilégié de la rencontre entre
paganisme, judaïsme et christianisme précisément sur le plan de la critique
contre la religion païenne et ses faux mythes. "Notre
philosophie...": c'est ainsi, de la manière la plus explicite, qu'un
autre apologiste contemporain de Justin, l'Evêque Méliton de Sardes en vint à
définir la nouvelle religion (ap. Hist. Eccl. 4, 26, 7).
De fait, la religion païenne
ne parcourait pas les voies du Logos mais s'obstinait sur celles du mythe, même
si celui-ci était reconnu par la philosophie grecque comme privé de consistance
dans la vérité. C'est pourquoi le crépuscule de la religion païenne était
inéluctable: il découlait comme une conséquence logique du détachement de
la religion - réduite à un ensemble artificiel de cérémonies, de conventions et
de coutumes - de la vérité de l'être. Justin, et avec lui les autres
apologistes, marquèrent la prise de position nette de la foi chrétienne pour le
Dieu des philosophes contre les faux dieux de la religion païenne. C'était le
choix pour la vérité de l'être, contre le mythe de la coutume. Quelques
décennies après Justin, Tertullien définit le même choix des chrétiens avec la
sentence lapidaire et toujours valable: "Dominus noster Christus
veritatem se, non con-suetudinem, cognominavit - le Christ a affirmé être
la vérité, non la coutume" (De virgin. vle. 1, 1). On notera à ce propos
que le terme consuetudo, ici employé par Tertullien en référence à la religion
païenne, peut être traduit dans les langues modernes par les expressions
"habitude culturelle", "mode du temps".
A une époque comme la nôtre,
marquée par le relativisme dans le débat sur les valeurs et sur la religion -
tout comme dans le dialogue interreligieux -, il s'agit là d'une leçon à ne pas
oublier. Dans ce but, je vous repropose - et je conclus ainsi - les dernières
paroles du mystérieux vieillard rencontré par le philosophe Justin au bord de
la mer: "Prie avant tout pour que les portes de la lumière te soient
ouvertes, parce que personne ne peut voir et comprendre, si Dieu et son Christ
ne lui accordent pas de comprendre" (Dial. 7, 3).
* * *
Je salue avec joie les
pèlerins francophones, en particulier les séminaristes d’Ars, accompagnés par
leur Évêque, Mgr Guy Bagnard, et tous les jeunes présents. À l’exemple de saint
Justin, soyez passionnés par la quête de la vérité et devenez des témoins
audacieux du Christ pour notre temps.
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XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi
21 mars 2007
Chers frères et sœurs,
Au cours de ces catéchèses,
nous réfléchissons sur les grandes figures de l'Eglise naissante. Aujourd'hui,
nous parlons de saint Justin, philosophe et martyr, le plus important des Pères
apologistes du II siècle. Le terme "apologiste" désigne les antiques
écrivains chrétiens qui se proposaient de défendre la nouvelle religion des
lourdes accusations des païens et des Juifs, et de diffuser la doctrine
chrétienne dans des termes adaptés à la culture de leur époque. Ainsi, chez les
apologistes est présente une double sollicitude: celle, plus proprement
apologétique, de défendre le christianisme naissant (apologhía
en grec signifie précisément "défense"), et celle qui
propose une sollicitude "missionnaire" qui a pour but d'exposer les
contenus de la foi à travers un langage et des
catégories de pensée compréhensibles par leurs contemporains.
Justin était né aux environs
de l'an 100 près de l'antique Sichem, en Samarie, en Terre Sainte; il chercha
longuement la vérité, se rendant en pèlerinage dans les diverses écoles de la
tradition philosophique grecque. Finalement, - comme lui-même le raconte dans
les premiers chapitres de son Dialogue avec Tryphon - un mystérieux personnage,
un vieillard rencontré sur la plage de la mer, provoqua d'abord en lui une
crise, en lui démontrant l'incapacité de l'homme à satisfaire par ses seules
forces l'aspiration au divin. Puis il lui indiqua dans les anciens prophètes
les personnes vers lesquelles se tourner pour trouver la voie de Dieu et la
"véritable philosophie". En le quittant, le vieillard l'exhorta à la
prière, afin que lui soient ouvertes les portes de la lumière. Le récit reflète
l'épisode crucial de la vie de Justin: au terme d'un long itinéraire
philosophique de recherche de la vérité, il parvint à la foi chrétienne. Il
fonda une école à Rome, où il initiait gratuitement les élèves à la nouvelle
religion, considérée comme la véritable philosophie. En celle-ci, en effet, il
avait trouvé la vérité et donc l'art de vivre de façon droite. Il fut dénoncé
pour cette raison et fut décapité vers 165, sous le règne de Marc Aurèle,
l'empereur philosophe auquel Justin lui-même avait adressé l'une de ses
Apologies.
Ces deux œuvres - les deux
Apologies et le Dialogue avec le Juif Tryphon - sont les seules qui nous
restent de lui. Dans celles-ci, Justin entend illustrer avant tout le projet
divin de la création et du salut qui s'accomplit en Jésus Christ, le Logos,
c'est-à-dire le Verbe éternel, la raison éternelle, la Raison créatrice. Chaque
homme, en tant que créature rationnelle, participe au Logos, porte en lui le
"germe" et peut accueillir les lumières de la vérité. Ainsi, le même
Logos, qui s'est révélé comme dans une figure prophétique aux juifs dans la Loi
antique, s'est manifesté partiellement, comme dans des "germes de
vérité", également dans la philosophie grecque. A présent, conclut Justin,
étant donné que le christianisme est la manifestation historique et personnelle
du Logos dans sa totalité, il en découle que "tout ce qui a été exprimé de
beau par quiconque, nous appartient à nous chrétiens" (2 Apol. 13, 4). De
cette façon, Justin, tout en contestant les contradictions de la philosophie
grecque, oriente de façon décidée vers le Logos toute vérité philosophique, en
justifiant d'un point de vue rationnel la "prétention" de vérité et
d'universalité de la religion chrétienne. Si l'Ancien Testament tend au Christ
comme la figure oriente vers la réalité signifiée, la philosophie
grecque vise elle aussi au Christ et à l'Evangile, comme la partie tend à
s'unir au tout. Et il dit que ces deux réalités, l'Ancien Testament et la
philosophie grecque, sont comme les deux voies qui mènent au Christ, au Logos.
Voilà pourquoi la philosophie grecque ne peut s'opposer à la vérité
évangélique, et les chrétiens peuvent y puiser avec
confiance, comme à un bien propre. C'est pourquoi mon vénéré
prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, définit Justin comme "pionnier d'une
rencontre fructueuse avec la pensée philosophique, même marquée par un
discernement prudent", car Justin, "tout en conservant même après sa
conversion, une grande estime pour la philosophie grecque, [...] affirmait avec
force et clarté qu'il avait trouvé dans le christianisme "la seule
philosophie sûre et profitable" (Dialogue, 8, 1)" (Fides et ratio,
n. 38).
Dans l'ensemble, la figure et
l'œuvre de Justin marquent le choix décidé de l'Eglise antique pour la
philosophie, la raison, plutôt que pour la religion des païens. Avec la
religion païenne en effet, les premiers chrétiens refusèrent absolument tout
compromis. Ils estimaient qu'elle était une idolâtrie, au risque d'être taxés
d'"impiété" et d'"athéisme". Justin en particulier, notamment
dans sa première Apologie, conduisit une critique implacable à l'égard de la
religion païenne et de ses mythes, qu'il considérait comme des "fausses
routes" diaboliques sur le chemin de la vérité. La philosophie représenta
en revanche le domaine privilégié de la rencontre entre paganisme, judaïsme et
christianisme précisément sur le plan de la critique contre la religion païenne
et ses faux mythes. "Notre philosophie...": c'est ainsi, de la
manière la plus explicite, qu'un autre apologiste contemporain de Justin,
l'Evêque Méliton de Sardes en vint à définir la nouvelle religion (ap. Hist.
Eccl. 4, 26, 7).
De fait, la religion païenne
ne parcourait pas les voies du Logos mais s'obstinait sur celles du mythe, même
si celui-ci était reconnu par la philosophie grecque comme privé de consistance
dans la vérité. C'est pourquoi le crépuscule de la religion païenne était
inéluctable: il découlait comme une conséquence logique du détachement de
la religion - réduite à un ensemble artificiel de cérémonies, de conventions et
de coutumes - de la vérité de l'être. Justin, et avec lui les autres
apologistes, marquèrent la prise de position nette de la foi chrétienne pour le
Dieu des philosophes contre les faux dieux de la religion païenne. C'était le
choix pour la vérité de l'être, contre le mythe de la coutume. Quelques
décennies après Justin, Tertullien définit le même choix des chrétiens avec la
sentence lapidaire et toujours valable: "Dominus noster Christus
veritatem se, non con-suetudinem, cognominavit - le Christ a affirmé être
la vérité, non la coutume" (De virgin. vle. 1, 1). On notera à ce propos
que le terme consuetudo, ici employé par Tertullien en référence à la religion
païenne, peut être traduit dans les langues modernes par les expressions "habitude
culturelle", "mode du temps".
A une époque comme la nôtre,
marquée par le relativisme dans le débat sur les valeurs et sur la religion -
tout comme dans le dialogue interreligieux -, il s'agit là d'une leçon à ne pas
oublier. Dans ce but, je vous repropose - et je conclus ainsi - les dernières
paroles du mystérieux vieillard rencontré par le philosophe Justin au bord de
la mer: "Prie avant tout pour que les portes de la lumière te soient
ouvertes, parce que personne ne peut voir et comprendre, si Dieu et son Christ
ne lui accordent pas de comprendre" (Dial. 7, 3).
* * *
Je salue avec joie les
pèlerins francophones, en particulier les séminaristes d’Ars, accompagnés par
leur Évêque, Mgr Guy Bagnard, et tous les jeunes présents. À l’exemple de saint
Justin, soyez passionnés par la quête de la vérité et devenez des témoins
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SAN GIUSTINO MARTIRE
/ C
wikipédia . en ligne le mercredi 1er Juin 2016
Justin de Naplouse
Pour
les articles homonymes, voir Saint
Justin.
Justin de Naplouse
ou Justin Martyr |
|
Naissance
|
|
Décès
|
|
Fête
|
|
Condamné pour avoir refusé de participer au culte d'idoles il est exécuté par décapitation vers 165. Il est ainsi également connu comme Justin Martyr, ou encore Justin le Philosophe (premier philosophe chrétien), et est vénéré comme saint et martyr par les chrétiens, il est fêté le 1er juin2.
Sommaire
Biographie
Formation classique
La biographie de Justin est mal connue, basée sur une documentation fragmentaire qui « [laisse] subsister bien des zones d'ombre autour de sa personne et de ses activités »3. Il est né à Flavia Neapolis, actuelle Naplouse, dans la province de Syrie-Palestine3, dans la dernière décennie du Ier ou la première du IIe siècle4. Il descend probablement de colons d'origine grecque et latine, installés dans la « ville nouvelle » que Vespasien a fondée au lendemain de la Grande révolte juive (66-70)3.De naissance libre, il est vraisemblablement citoyen romain5 et sa famille est de religion polythéiste. Non circoncis3, il déclare appartenir à « la race »6 (en grec ancien γένος, genos)7 des samaritainsN 1, mais il semble n'avoir pratiqué ni l'hébreu, ni l'araméen et ne témoigne d'aucune connaissance particulière de la religion samaritaine3. En revanche, il est informé de certaines interprétations rabbiniques, d'une partie des croyances juives3 et connaît l'existence de « chrétiens d'origine juive8 » qu'il appelle « juifs croyants »N 2. Par ailleurs, sans qu'il le mentionne jamais explicitement, il s'assimile à la culture hellénique dont il a étudié la philosophie et a cru aux divinités7. Après avoir reçu une formation à dominante littéraire, classique à l'époque, il suit un enseignement philosophique de niveau supérieur9 qui lui permet « de dialoguer efficacement avec l'élite intellectuelle de son temps »4.
Il étudie notamment la philosophie auprès de plusieurs professeurs. Dans le Dialogue avec Tryphon, il évoque, les méandres de son cheminement10 et « les faiblesses de ses professeurs : la suffisance du stoïcien, l'âpreté au gain du péripatéticien, les prétentions encyclopédiques du pythagoricien »10. Il rencontre enfin un platonicien des plus éminents auprès duquel il pense « immédiatement accéder à la vision de Dieu, car tel est le but de la philosophie de Platon11 ». C'est au terme de ce parcours éclectique — assez habituel à l'époque — et impressionné par le courage des chrétiens devant la mort12 qu'il en arrive au christianisme13. Cette conversion semble se situer avant ou à l'époque de la révolte de Bar Kokhba (132-135), en Palestine ou dans la province romaine d'Asie4. Il ne renonce pas pour autant à la philosophie mais cherche, au contraire, à prouver que les philosophes grecs l'ont conduit au Christ.
Chrétien à Rome
« Prêchant la parole de Dieu et combattant dans ses ouvrages pour la défense de la foi »14, Justin voyage beaucoup15 avant de s'installer à Rome lors de son second passage dans cette ville, peut-être à l'époque d'Antonin le Pieux16, où il ouvre une école de philosophie et y enseigne la doctrine des chrétiens17, insistant toujours sur les fondements rationnels de celle-ci. Cette approche assez neuve suscite de nombreuses controverses avec ses confrères comme avec des philosophes, notamment Crescence le Cynique (en) avec lequel Justin entretient des controverses publiques et qui l'aurait dénoncé auprès des autorités pour la propagation de doctrines déviantesN 3. Il est également possible que Justin ait contrevenu aux « ordonnances impies sur l’idolâtrie » qui prescrivaient aux sujets de l'empire de sacrifier aux dieuxN 4. En tout état de cause, il est mis en accusation devant les autorités.
En réfléchissant sur la vie de
cet apologiste, on se rend compte que ce philosophe a été la
proie de maîtres qui revendiquaient le même titre. Il a été en butte aux
attaques du cynique Crescens, interrogé froidement par le stoïcien Junius
Rusticus (préfet de la Ville de 162 à 168) sous le règne de
l’empereur-philosophe Marc-Aurèle. La solidarité philosophique faisait presque
un devoir au préfet et à son impérial disciple de condamner l’adversaire de
leur collègue (Crescens). Il est intéressant d’approfondir les rapports
“amoureux” de ce chrétien avec la philosophie: il l’aima, mais elle finit par
le tromper en l’éliminant18.
À Rome, c'est le préfet de la Ville qui a en charge tant
l'application de la loi que le maintien de l'ordre et c'est à l'époqueN 5
le philosophe stoïcien Junius
Rusticus, maître et ami de l'empereur Marc
Aurèle, qui exerce cette fonction16.
Suivant la tradition, Justin subit le martyre — fouet et
décapitation — avec six de ses compagnonsN 6
vers 16519.
Son disciple Tatien le Syrien, originaire de l'Adiabène,
est ultérieurement l'auteur d'un Diatessaron,
une harmonisation des quatre évangiles qui sera diffusée dans les Églises de
langue syriaque jusqu'au Ve siècle20.- La messe à Rome au IIesiècle
Le jour qu'on appelle « jour
du Soleil » a lieu le rassemblement en un même endroit de tous ceux qui
habitent la ville ou la campagne.
On lit les mémoires des Apôtres et
les écrits des prophètes, autant que le temps le
permet. Quand le lecteur a fini, celui qui préside prend la parole pour inciter
et exhorter à l'imitation de ces belles choses. Ensuite, nous nous levons tous
ensemble et nous faisons des prières.
Puis on apporte à celui qui
préside du pain, du vin, et de l'eau. Pareillement, celui qui préside fait
monter au ciel prières et action de grâce, tant qu'il peut. Et le peuple
pousse l'acclamation : « Amen ». Puis ont lieu la distribution et le partage des
choses « eucharistiées » à chacun et, aux absents, on envoie
leur part par les diacres. Cette nourriture, nous l'appelons eucharistie
et personne ne peut y prendre part s'il ne croit à la vérité de ce qu'on
enseigne chez nous, s'il n'a reçu le bain pour
la rémission des péchés et la nouvelle naissance, et s'il ne vit selon les
préceptes du Christ21.
Doctrine
Justin ne s'est pas contenté de clamer l'innocence des chrétiens et de plaider la cause de ces « hommes de toute race, injustement haïs et persécutés »22. Dans l'introduction de son Dialogue, Justin ancre sa foi chrétienne dans une perspective platonicienne de la vérité, où le christianisme constitue l'aboutissement de la connaissance de l'être divin. Mais cette connaissance ne peut pas tenir d'une contemplation passive : elle se découvre dans la pratique de la « justice ». Dans son Apologie, Justin éclaire cette pratique liée à la foi en soulignant particulièrement cinq vertus propres au christianisme : l'amour des ennemis, la patience, la chasteté, le respect de la vérité, et le courage face à la mort. Le caractère indissoluble qui rattache l'expérience vécue de la Charité à la connaissance du divin constitue pour Justin la « marque » essentielle de sa religion. Selon lui, la morale et l'amour dont témoignent les chrétiens dans leur mode de vie est la preuve que ceux-ci détiennent la « vérité ». Leur doctrine serait l'accomplissement de la destinée philosophique, qui consiste pour Justin dans la « quête de Dieu ».Pour Justin, Platon représente le « pont spirituel » par lequel l'intelligence peut accéder à la vérité des prophètes de l'Ancien Testament. Il s'agit donc de voir en Dieu la plénitude de l'Être unique et suprême que la philosophie recherchait en termes de Logos. Toute l'histoire de l'esprit, toute l'entreprise de sa quête trouverait ainsi sa finalité dans le Christ, logos incarné définitivement pour éclairer la conscience de l'homme (cf. prologue de l'évangile johannique). Le Christ est lui-même la Raison divine, dont la création jaillit, et qui s'incarne pour enseigner la vérité aux hommes. Après l'avoir défini comme le « législateur nouveau », voilà comment Justin explique sa crucifixion : les vrais philosophes sont toujours persécutés.
On voit donc dans quel étroit rapport à la vérité Justin insère la philosophie. Dans sa perspective, l'objet de quête du philosophe est la vérité une et suprême, et la mission du philosophe est de servir cette vérité. Ce service n'est pas sans impliquer une lutte avec le « monde » (au sens chrétien), puisque selon lui, le gouvernement romain persécute les chrétiens pour leur foi. Voilà comment Justin exhorte les Romains dans sa « mission » :
« Ne vous laissez pas
intimider par la force brutale des préjugés et de la superstition, ne cédez pas
à la pression de la foule ignorante, ne rendez pas votre sentence poussée par
une précipitation irraisonnable et influencée par de vieilles et méchantes
calomnies ! Vous pouvez nous tuer, vous ne pouvez pas nous porter dommage23. »
Justin consacre une grande partie de ses Apologies à réfuter les
accusations portées contre les chrétiens22.
Sa défense se place sur le plan doctrinal. « D'une part il souligne les
points communs qui font de la philosophie et du christianisme des alliés dans
la lutte de la raison et de la vérité contre le polythéisme traditionnel ;
d'autre part il s'attache à prouver que la doctrine chrétienne est supérieure à
toutes les philosophies profanes22. »La succession apostolique
Daniel Boyarin lui attribue la théorie de la succession apostolique 24. La constitution des Douze n’est pas théorie mais naît avec les évangiles, puis celle d’une succession aux Apôtres avec les lettres de Paul et les autres lettres apostoliques (Timothée, Tite). La pratique épiscopale hiérarchique mise en place assez précocement et attestée déjà sous Ignace d’Antioche († entre 110 et 113), deuxième évêque d’Antioche en cette ville où les chrétiens reçurent leur nom (cf. Ac 11, 26), trouve l’apogée de son institutionalisation lorsque Paul de Samosate (15e évêque d’Antioche) est condamné en 268 par le concile d’Antioche de 269 comme monarchianiste (pré-arien), et qu’il se voit déposé. Mais, soutenu par la reine de Palmyre Zénobie, il fallut attendre 272 et l’intervention peu ordinaire de l’empereur romain Aurélien, un païen qui s’appuie sur la primauté pétrinienne – ce qui est légitime à Rome doit l’être aussi à Antioche –, pour qu’il soit réellement déposé et remplacé par l’évêque légitime Timée, 17e évêque d’Antioche, après Domnus. Le rôle de Justin († vers 165), simple philosophe, peut-être un prêtre catholique, n’entre guère dans ces données encore que celui-ci appuie par son témoignage l’adhésion précoce des chrétiens du IIe siècle à l’institution appelée plus tard la succession apostolique ce qui sera l’apanage d’Irénée de Lyon († vers 202).Justin et les Juifs
Dans son Dialogue avec Tryphon le Juif (133, 3), Justin révèle sa pensée sur les Juifs à Tryphon :« mais maintenant encore, en vérité, votre main est levée pour le mal ; car, après avoir tué le Christ, vous n’en avez pas même le repentir ; vous nous haïssez, nous qui par lui croyons au Dieu et Père de l’univers, vous nous mettez à mort chaque fois que vous en obtenez le pouvoir ; sans cesse vous blasphémez contre lui et ses disciplesN 7. »
Cette citation permet de voir la vision de Justin sur les Juifs. Cette vision a quelque chose d'historique, car les premiers chrétiens furent souvent martyrisés ou maltraités dans la société romaine ; dans la société juive, en revanche, l'accusation de persécutions anti-chrétiennes semble gravement exagérée par la polémique antijuive25.
Œuvre
Outre son martyre, dont le compte rendu du procès-verbal officiel de l'interrogatoire a été conservé, l'essentiel de ce qui est connu sur sa vie provient de ses propres écrits (Clavis Patrum Græcorum 1073-1089).Auteur fécond, on lui attribue une dizaine d'ouvrages (apologies, controverses). Justin est ainsi le premier dont il nous reste un exposé dans son ensemble de sa vision de la doctrine chrétienne et le rapport de la foi à la raison. Son style confus, ses digressions et certaines incohérences en font un auteur difficile à suivre ; quoi qu'il en soit, son œuvre est majoritairement perdue ou connue par fragments ou citations. On lui a aussi prêté l'écriture de livres apologétiques du même genre mais qui lui sont postérieurs.
Alain Le Boulluec lui attribue d'avoir inventé la notion d'« hérésie »26,27
- Œuvres conservées :
- Grande apologie adressée à Antonin le Pieux et à ses fils adoptifs, au Sénat et au peuple romain (fourchette entre 153 et 16128) ;
- requête au Sénat dite « deuxième apologie » (composée après la Grande apologie et avant 16129) ;
- dialogue avec Tryphon (rédigé en Syro-Palestine, entre 150 et 155) ;
- les fragments d'un traité « De la Résurrection », conservés par les Sacra parallela de Jean Damascène, lui sont attribués30.
- Mention de ses œuvres et courtes citations :
- Irénée parle de son martyre et de Tatien en tant que son disciple (Haer. I., xxviii. 1). Il le cite à deux reprises (IV.,6,2, V.,26, 2), et est marqué par son influence ;
- Tertullien en fait mention dans Adversus Valentinianos ;
- tout comme Hippolyte de Rome et Méthode de Patare dans leurs écrits.
- Eusèbe de Césarée dans son Histoire de l'Église en parle abondamment, cite en abrégé 2 Apologie, 3 (Histoire ecclésiastique, IV, 16,3-6) et mentionne les ouvrages suivants :
- la Première Apologie des Chrétiens, adressée vers 150 à l'empereur Antonin le Pieux ;
- une suite Seconde Apologie adressée au Sénat ou peut-être à Marc Aurèle et Lucius Verus vers 155, beaucoup plus courte ;
- Livres contre toutes les hérésies (perdu) ;
- le Discours aux Grecs (perdu), une discussion avec les philosophes sur la nature des dieux ;
- Exhortation aux Grecs (perdu) ;
- le traité Sur la Monarchie de Dieu où sont mêlées les références aux autorités païennes et chrétiennes ;
- Le Psalmiste (perdu) ;
- le traité Sur l'âme (perdu) ;
- le Dialogue avec Tryphon, écrit vers 160, longue discussion avec un juif instruit ;
- De la résurrection (Histoire ecclésiastique IV,18), des fragments dans Sacra parallela en proviendraient.
- Enfin, Méliton en cite un court fragment.
- Explication sur l'Apocalypse ;
- Contre Europhorias le Sophiste.
Notes et références
Notes
- Donc pas dans la dimension religieuse, l'usage du terme à l'époque ne différenciant pas les deux aspects dans une distinction qui apparaitra plusieurs siècles plus tard ; cf. (en) Ted Kaizer, The Variety of Local Religious Life in the Near East In the Hellenistic and Roman Periods, éd. Brill, 2008, p. 161-162.
- « Littéralement les juifs qui croient au Christ » ; cf. Simon Claude Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'Antiquité, Paris, Albin Michel, 2004, p. 35-36.
- Si l'on en croit Eusèbe de Césarée qui se réfère à Tatien, cf. Marie-Françoise Baslez, op. cit., p. 90.
- Si l'on suit les Actes de Justin, cf. Marie-Françoise Baslez, op. cit., p. 90.
- Entre environ162 et 168.
- Parmi les six autres condamnés, cinq ont des noms grecs : Chariton et sa sœur Charito, Euelpistos (originaire de Cappadoce, un esclave de la maison impériale), Hiérax (Phrygien) et Péon ; cf. Charles Munier, op. cit., p. 15.
- Selon certains auteurs, c'est une possible référence à la prière juive de la « Birkat ha-minim » (malédiction contre les hérétiques) de la liturgie juive, mais la réalité de cette allusion « implicite » — par exemple selon Dan Jaffé — est débattue, puisqu'aucune mention de prière n'est faite qui autorise ce rapprochement ; cf. à ce sujet Liliane Vana, « La birkat ha-minim est-elle une prière contre les Judéo-chrétiens ? », dans Nicole Belayche (dir.), Les communautés religieuses dans le monde gréco-romain, éd. Brepols, 2003, p. 207.
Références
- Pierre Maraval et Simon Claude Mimouni, Le christianisme ancien des origines à Constantin, éd. P.u.f./Nouvelle Clio, 2007, p. 272, 395.
- « Saint Justin » [archive], sur Nominis (consulté le 16 juillet 2012).
- Charles Munier, « Introduction », dans Justin, Apologie pour les chrétiens, éd. Cerf, Paris, 2006 (ISBN 9782204082549), p. 12.
- Charles Munier, op. cit., p. 14.
- Gabriella Aragione, Les chrétiens et la loi : Allégeance et émancipation aux IIe et IIIe siècles, éd. Labor et Fides, 2011, p. 147.
- Justin, Dialogue avec Tryphon, 1, 20:6 ; cf. Apologie, II, 15, 1, cité par Charles Munier, op. cit., p. 12.
- (en) Ted Kaizer, The Variety of Local Religious Life in the Near East In the Hellenistic and Roman Periods, éd. Brill, 2008, p. 161-162.
- Simon Claude Mimouni, Les chrétiens d'origine juive dans l'Antiquité, Paris, Albin Michel, 2004 (ISBN 9782226154415), p. 35-36.
- Charles Munier, op. cit., p. 13.
- Charles Munier, op. cit., p. 10.
- Justin, Dialogue avec Tryphon, 2, 6, cité par Charles Munier, op. cit., p. 10.
- « En entendant les accusations portées contre les chrétiens et en les voyant intrépides devant la mort, il se disait qu'il était impossible qu'ils vécussent dans le mal et dans l'amour des plaisirs », Apologie I, 12, 1, cité par Charles Munier, op. cit., p. 11
- Marie-Françoise Baslez, Les persécutions dans l'Antiquité : victimes, héros, martyrs, éd. Fayard, 2007, p. 90.
- Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, IV, 11, 8 ; 17, 1, cité par Charles Munier, op. cit., p. 11.
- Charles Munier, op. cit., p. 11.
- (en) David Rokeah, Justin Martyr and the Jews, éd. Brill, 2002, p. 1.
- À ce sujet, voir Henri Dominique Saffrey, « Les débuts de la théologie comme science », dans Le Néoplatonisme après Plotin, éd. Vrin, 2000, p. 224.
- Pour comprendre les influences culturelles qui ont marqué la personnalité de Justin et pour mieux cerner les rapports de culture et croyances, de raison et foi, cf. M. Figura, “Der göttliche Logos und die menschliche Vernunft beim Philosophen und Märtyrer Justin”, Intern. Kath. Zeitschrift Communio 22 (1993), p. 486-493
- Charles Munier, op. cit., p. 15.
- Pierre Maraval et Simon Claude Mimouni, op. cit., p. 376.
- 1erApologie adressée à l'empereur Antonin le Pieux, 66,3 , 67,3-6. Lectures chrétiennes pour notre temps, 1970, Abbaye Notre-Dame d'Orval, Belgique.
- Charles Munier, op. cit., p. 57.
- Justin, Apologie I, 2, 1.
- Daniel Boyarin.La partition du judaïsme et du christianisme, Coll. « Patrimoines : judaïsme », Paris, Cerf, 2011
- Marcel Simon, Verus Israel. Étude sur les relations entre chrétiens et Juifs dans l’Empire romain (135-425), Paris, 1964 (1re éd. 1948, 2e éd. avec post-scriptum 1983), p. 149-155, « Le témoignage de la littérature hagiographique : le rôle des Juifs dans les persécutions est modeste. »
- Alain Le Boulluec, La notion d'hérésie dans la littérature grecque, Études augustiniennes, 1985, cité par Daniel Boyarin, La partition du judaïsme et du christianisme, Cerf, 2012, p. 24-27.
- Avant les Apologies, Justin a composé Un livre contre toutes les hérésies (Suntagma) qui ne nous est jamais parvenu. P. Pringent, Justin et l’Ancien Testament [l’argumentation scripturaire du traité de Justin contre toutes les hérésies comme source principale du Dialogue avec Tryphon et de la première Apologie] (Ed. Gabalda, Paris, 1964), a essayé de reconstituer ce traité à partir des fragments qui auraient servi à composer le Dialogue avec Tryphon.
- Charles Munier, op. cit., p. 24-28.
- Charles Munier, op. cit., p. 21-28.
- O. Bardenhewer, F. Loofs, Pierre Prigent, André Wartelle l'attribuent à Justin, d'après la présentation des fragments de ce traité de la Résurrection dans Œuvres complètes de Justin martyr, Migne, 1994 (ISBN 2-908587-17-3), p. 341.
Saint Justin
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Saint Justin désigne plusieurs saints chrétiens :- Justin de Naplouse (IIe siècle), ou Justin le Martyr ou Justin le Philosophe, apologète et martyr ; fêté le 1er juin1.
- Justin de Rome († 258 ou 269), ou Justin le Confesseur ou Juste, avec Jacinthe ou Sachinte et Crescentien de Rome, martyrs à Rome sur la via Tiburtine ; célébrés le 4 août2,3.
- Justin de Chieti (IVe siècle), possible premier évêque de Chieti et Vasto, évangélisateur de la ville de Chieti ; fêté le 1er janvier4.
- Justin de Paris (Ve siècle), dont les reliques étaient vénérées à Notre-Dame de Paris5.
- Justin de Jacobis (°1800 - †1860), confesseur et missionnaire lazariste ; fêté le 31 juillet6.
- Justin Orona († 1928) avec Atila Cruz, prêtres et martyrs au Mexique, fusillés au village de Rancho de las Cruces sur le territoire de Guadalajara ; fêtés le 1er juillet7.
Références
- Nominis : Saint Justin [archive]
- nominis.cef.fr [archive]Nominis : Saints Justin et Crescentius.
- ://www.forum-orthodoxe.com [archive] Forum orthodoxe francophone : Saints pour le 4 août du calendrier ecclésiastique.
- Nominis : Saint Justin [archive]
- Sa véracité historique est contestée, il est possible que ce soit le même personnage qui est vénéré à Beauvais sous le nom de Saint Just
- Nominis : Saint Justin de Jacobis [archive]
- Nominis : Saints Justin Orona et Atila Cruz [archive]
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