Conserveries mémorielles – revue
transdisciplinaire
Saintetés croisées
Edith Stein, a
controversial saint
Yael Hisch
Résumés
La béatification (1987) et la canonisation (1998) d’Edith
Stein, philosophe et carmélite d’origine juive, morte déportée à Auschwitz, ont
choqué de nombreux juifs comme une entreprise de l’Eglise pour remettre en
cause la spécificité de la Shoah. L’objet de cet essai est de montrer que la
sainteté d’Edith Stein se tient au cœur d’une controverse religieuse au moment
stratégique où Catholiques et Juifs tentent de progresser dans le
« dialogue fraternel » ouvert par la déclaration Nosta
Aetate du Concile de Vatican II.
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Texte intégral
1Dans la « lettre à une
amie » qui conclut son ouvrage célébrant le centenaire de la naissance
d’Edith Stein, le prêtre du diocèse de Metz, Bernard Molter exprime en ces
termes l’influence de cette figure spirituelle catholique sur sa foi :
- 1 Molter, Bernard, Regards sur Edith Stein, Metz : Editions Eglise de Metz, 1992, p. 119.
« Je n’ai pas attendu la béatification pour qu’Edith
Stein devienne une lumière dans ma vie […] Quand je dis qu’Edith Stein est une
Sainte, je ne l’entends pas au sens où elle nous édifierait. Je laisse
volontiers cela aux livres pieux de mon enfance. Je n’ai pas non plus perçu en
elle le moindre désir d’endoctrinement ni le moindre relent de moralisme.
Non ; mais chaque fois que je la regarde, je me sens attiré vers le haut
et comme grandi. Elle a d’une certaine façon ennobli l’humanité dont elle est
comme une fleur. Une fleur d’Israël. »1
- 2 Boehmer, George, « Pope’s Plan to beatify Jewish-born Nun Stirs Controversy », The Associated Press (...)
2Comme en témoigne la ferveur de
Bernard Molter, la vie et l’oeuvre d’Edith Stein sont source d’inspiration pour
de nombreux chrétiens. Née à Breslau (Silésie) le 12 octobre 1891, le jour de
Kippour, elle est la benjamine d’une famille juive orthodoxe de sept enfants
élevés par leur seule mère. A 14 ans, Edith Stein perd la foi. Elle se tourne
vers la raison et fait des études de philologie, d’histoire et de psychologie
expérimentale, à l’Université de Breslau. Elle rédige à Göttingen sa thèse de
phénoménologie sur l’empathie auprès du philosophe juif converti au
luthéranisme, Edmund Husserl. Pendant la Grande Guerre, l’étudiante s’engage
comme infirmière auprès de la Croix Rouge sur le front Morave. A vingt-cinq
ans, elle obtient son doctorat en philosophie, avec mention summa cum laude.
Edith Stein suit Husserl à Freiburg, où elle devient son assistante de 1916 à
1918. La lecture de Sainte Thérèse d’Avila bouleverse sa vie. Elle se convertit
au catholicisme, le 1er janvier 1922, sous le nom de Theresa,
Edwige. Elle enseigne ensuite pendant onze ans au lycée de filles et à l'école
Sainte Madeleine de Spire. Puis elle enseigne à l’institut d’études pédagogique
de Münster. Interdite d’enseignement en tant que juive, Edith Stein entre au
carmel de Cologne le 14 octobre 1933. Elle prend l’habit sous le nom de Thérèse
Bénédicte de la Croix. Après la mort de leur mère, en 1936, sa sœur Rosa se
convertit également. Les deux sœurs quittent l’Allemagne en 1938 et vont
résider au carmel d’Echt, en Hollande. En mai 1940, les Pays-Bas sont occupés
et Edith Stein, qui n’est pas parvenue à obtenir de visa pour l’Espagne ou la
Suisse, se retrouve prise au piège. En juillet 1942, les églises s’élèvent
contre les mesures discriminatoires imposées par l’occupant nazi contre les
juifs. Un télégramme de protestation est lu dans les églises et dans les
temples. Par mesure de répression, tous les catholiques d’origine juive de
Hollande (1 200 personnes) sont déportés au camp néerlandais de Westerborck.
Edith et Rosa sont arrêtées par la Gestapo le 2 août. Elles quittent
Westerborck pour la Pologne la nuit du 6 au 7 août et sont gazées à Auschwitz
le 9. Morte à 50 ans, Edith Stein a été béatifiée (1987) puis canonisée (1998)
par le Pape Jean-Paul II. Elle est donc la première juive convertie à avoir
acquis le statut de sainte. Mais cette distinction par l’Eglise d’Edith Stein a
engendré de nombreuses controverses entre juifs et catholiques. Certains, comme
la politicienne de gauche (et future ministre israélienne de l’Education)
Shulamit Aloni, ont estimé que « la béatification d’Edith Stein était une
insulte faite aux juifs. »2
3Qu’Edith Stein ait eu une vie
exceptionnelle est un fait avéré. Tous les témoignages des derniers moments de
sa vie concordent pour donner le portrait d’une « pieta sans
christ ». Mais sa béatification et sa canonisation ont choqué de nombreux
juifs, comme une entreprise de l’Eglise pour remettre en cause la spécificité
juive de la Shoah. Alors que 8 000 autres membres du clergé ont trouvé la
mort dans les camps nazis, pourquoi l’Eglise a-elle décidé d’élever au rang de
sainte une femme d’origine juive ? En quoi la canonisation d’une femme
exceptionnelle morte à Auschwitz est-elle problématique et quelles tensions
cette sainteté fait-elle peser sur les relations entre Juifs et Chrétiens à la
fin du 20e siècle ? L’objet de cet essai est de montrer que la
sainteté d’Edith Stein se tient au cœur d’une controverse religieuse au moment
stratégique où catholiques et juifs tentent de progresser dans le
« dialogue fraternel » ouvert par la déclaration Nosta Aetate
du Concile de Vatican II. Nous verrons d’abord pourquoi l’Eglise a décidé de
canoniser Edith Stein, et quelles difficultés elle a rencontré, avant de
déterminer pourquoi cette sainteté demeure très problématique pour de nombreux
juifs.
Une sainte catholique
- 3 Stein, Edith, La Science de la Croix, Passion d’amour de Saint-Jean de la croix, Louvain : Nauwalae (...)
- 4 « C’est dans le cataclysme de ce temps qu’Edith Stein lutta pour son authenticité intérieure : elle (...)
4Dans son dernier ouvrage La
Science de la Croix, Passion d’amour de Saint-Jean de la Croix3, Edith Stein
écrit : « L’exemple des saints [leur] montre en effet ce qui devrait
être en réalité : là où la foi est vivante, la doctrine et les merveilles
de Dieu constituent le fond de la vie. Tout le reste passe au second plan et
doit en être pénétré. C’est cela le réalisme des saints. » La manière dont elle
a accepté sa mort qu’elle a vécue par et pour le peuple dont elle était issue
semble tout à fait dans la lignée de ce qu’elle a appelé « le réalisme des
saints ». Si son œuvre est aujourd’hui encore, très influente, c’est parce
qu’elle reflète sa vie. Or cette vie a été à la fois extrêmement pieuse et complexe,
puisque Edith Stein a concilié de très nombreux engagements : juive, allemande,
intellectuelle et religieuse4.
C’est par tous ces aspects de sa personne que la sainte interpelle.
- 5 Si la philosophe Simone Veil est souvent (et à tort) donnée en exemple comme juive pratiquant la « (...)
- 6 In De Miribel, Op. Cit., p198
- 7 Stein, Edith, Vie d’une famille juive, 1891-1942, Paris : Cerf, collection « Ad Solem », 2001, p. 4 (...)
5Très consciente de ses origines
juives, Edith Stein ne les a jamais reniées. Si elle a quitté le cocon
orthodoxe de sa famille pour aller vers la philosophie à l’adolescence, Edith
Stein est toujours restée très proche des siens. Comme nombre d’autres
convertis du judaïsme à l’époque5,
Edith Stein ne voit pas sa conversion comme une abolition de ses origines mais
comme leur accomplissement. Dans son roman Vie d’une famille juive,
qu’elle commence à rédiger en 1933, juste après la prise de pouvoir par les
nazis en Allemagne, Edith Stein qui se prépare à entrer au couvent, se remémore
son enfance juive, et dépeint la vie quotidienne d’une famille vivant selon la
loi israélite. Elle raconte la fête de Yom Kippour, l’attrait que le
jeûne de cette journée avait pour elle ; elle dépeint des mariages
juifs ; elle explique qu’il était difficile pour un grand intellectuel
d’origine juive comme Edmund Husserl d’obtenir un poste à l’Université en
Allemagne ; et elle souligne aussi combien elle était soucieuse de ne pas
heurter sa mère par ses choix spirituels, mais comment par amour, sa famille a
fini par accepter ses choix. Edith Stein est une figure complexe : si
d’une part, elle proteste vigoureusement contre les mesures discriminatoires
prises à l’encontre des juifs par le gouvernement nazi, elle voit d’autre part
dans cette injustice une possibilité de Salut pour l’ensemble de l’humanité. En
entrant dans les bureaux de la Gestapo, après son arrestation, Edith Stein ces
serait écriée : « Loué soit Jésus-Christ »6. Voyant une cohérence entre son
identité juive et son martyre de catholique, cette juive convertie a toujours
continué d’affirmer son appartenance au peuple d’Israël : « A ce
moment-là, je perçus en un éclair que Dieu avait encore une fois posé
lourdement sa main sur son peuple et que le destin de ce peuple était aussi le
mien »7. Dans ses mémoires,
Edith Stein se rappelle précisément de son « dialogue » avec le
Christ au sujet de sa vocation de « juive » :
- 8 Ibid., p. 492. Et ce sont presque les mêmes mots qu’Edith Stein utilise pour décrire cette scène fo (...)
« Je parlais avec le Sauveur et lui dis que je savais
que c’était sa croix dont maintenant était chargé le peuple juif. […] Ceux qui
le comprendraient devaient la prendre sur eux de plein gré au nom de tous. Je
voulais le faire, il devait seulement me montrer comment. »8
- 9 Stein, Edith, Vie d’une famille juive, Op. Cit., p.223.
- 10 « L’association prussienne pour le droit de vote des femmes, à laquelle j’adhérai avec mes amies pa (...)
- 11 “The basic problem to be the question of empathy as the perceiving (Erfahrung) of foreign subjects (...)
- 12 In Gaboriau, Florent, Lorsque Edith Stein se convertit, Paris : Ad Solem,, 1997, p. 22.
6Assumant jusqu’à sa mort sa
condition de juive, Edith Stein est également une femme d’exception.
Inspirée par ce qu’elle appelle les « idées libérales »9 de son époque, elle se lance dans
une carrière normalement fermée au sexe féminin lorsqu’elle entreprend des
études de philosophie. Assistante de Husserl de 1916 à 1918, elle ne parvient
pas à trouver de poste à l’université mais est engagée dans des écoles
catholiques privées où elle enseigne l’allemand, exclusivement à des
jeunes-femmes. Militante pour l’égalité de l’homme et de la femme, elle demande
que les femmes soient admises à passer l’habilitation au professorat et
soutient les suffragettes10.
Femme de pensée, Edith Stein continue à réfléchir en philosophe à la condition
féminine après sa conversion et écrit à la fin des années 1920 une série
d’essais pédagogiques sur les femmes. Dans « Die Frau, Ihre Aufgabe nach
Natur und Gnade » (« La Femme, sa mission selon les lois de la nature
et de la grâce »), elle reste fidèle à sa thèse sur l’empathie11 et écrit que « l’âme de la
femme doit être large, rien de l’humain ne doit lui être étranger. »12
- 13 « A l’époque de ma conversion, juste avant qu’elle ne se produisit et même longtemps après, je pens (...)
- 14 « L’attente avait fini par me devenir très pénible. J’étais devenue une étrangère dans le monde. », (...)
- 15 « Depuis que j’enseignais, je me devais d’être impeccablement habillée. Car je me trouvais en class (...)
- 16 « Ce fut pendant l’été 1916 une longue période de manque total d’appétit qui se reproduisit presque (...)
- 17 Stein, Edith, Chemins vers le silence intérieur, Paris : Parole et silence, 2006, p. 51
7Croyante fervente, Edith Stein a
véritablement été touchée par la grâce mais en parle peu, sauf dans son récit
autobiographique et le mémoire qu’elle a laissé à Cologne. La foi est pour elle
quelque chose de très personnel, qui exige paradoxalement que l’on participe au
monde13. Pour Edith Stein, l’entrée
au Carmel est un acte qui lui permet de trouver sa place, mais en attendant de
répondre à sa vocation, elle dit se sentir « étrangère au monde. »14 Ainsi, si la sainte explique
qu’elle ne s’est jamais préoccupée intérieurement de problèmes matériels ou de
son apparence, elle constate aussi que par respect pour ses étudiantes, elle a
appris à se vêtir avec soin pour enseigner15. De même, si elle-même a connu
une grave crise d’anorexie dans sa jeunesse, elle a refusé de se complaire dans
cette souffrance du corps16 :
de manière générale, elle déconseille à chacun de maltraiter son corps puisqu’« un
corps en bonne santé ne trouble pas l’âme. »17 Selon Edith Stein, demeurer
présente au monde est un impératif pour tout croyant. Et la sainte a théorisé
cette intuition sous le nom de « la science de la croix » dans son
dernier ouvrage :
- 18 Stein, Edith, La Science de la Croix, Passion d’amour de Saint-Jean de la croix, Louvain : Nauwalae (...)
« Même dans la vie la plus contemplative le lien avec
le monde ne doit pas être rompu. Je vais jusqu’à croire que plus on est
‘attiré’ en Dieu, plus on doit en ce sens ‘sortir de soi’ c’est-à-dire s’offrir
au monde, pour y porter la vie divine. »18
8Cet ancrage mondain permet de
mieux comprendre pourquoi Edith Stein a entrepris toutes les démarches
nécessaires pour quitter la Carmel d’Echt et échapper à la mort, jusqu’à ce
qu’elle se sache condamnée. C’est alors avec un fatalisme nourri par la foi qu’elle
est allée à Westerbrock puis vers Auschwitz avec la conviction d’accomplir sa
mission. Edith Stein est donc un modèle aussi complexe que cohérent, qui allie
une spiritualité forte à un engagement dans le monde, en tant que catholique,
que juive et que femme. C’est ce portrait aux composantes multiples que reflète
fidèlement l’homélie de béatification prononcée en 1987 par Jean-Paul II :
- 19 Op. cit., p. 203.
« Aujourd’hui, l’Eglise nous présente Sœur Thérèse
Bénédicte de la Croix comme une martyre bienheureuse, comme un exemple de
marche héroïque à la suite du Christ, pour que nous la vénérions et l’imitions.
Ouvrons nos cœurs au message de cette femme à laquelle s’allient l’esprit et la
science, et qui reconnut dans la science de la Croix le sommet de la sagesse,
en grande fille du peuple juif et en chrétienne croyante, au milieu des
millions d’innocents martyrs. »19
Une canonisation complexe
- 20 Voir Fabre, Jean-Michel, La sainteté canonisée, Paris : Pierre Téqui, 2003, 163 p.
- 21 « En 1890, la Congrégation des Rites, alors en charge des béatifications et canonisations, traitait (...)
9Si le parcours d’Edith Stein a
lieu à un moment où la procédure de canonisation est simplifiée par Paul VI et
Jean-Paul II (plus qu’un seul procès diocésain depuis 1983 au lieu de trois
auparavant20) et où cette
simplification correspond à un désir grandissant de l’Eglise d’ériger en
exemple certains croyants vertueux21,
celle-ci n’allait pas de soi en l’absence de miracle. Il était donc nécessaire
pour l’Eglise de la déclarer martyre au nom de sa foi pour faire d’elle une
Sainte.
- 22 « Il faut que l’héroïcité des vertus du candidat soit attestée, qu’on lui rende un culte local et q (...)
10La béatification, qui est la
première étape avant la canonisation nécessite en effet deux choses : une
déclaration d’héroïcité des vertus et soit la réalisation d’un miracle, soit
une mort de martyre22. Etablir
l’héroïcité des vertus d’Edith Stein a été complexe dans la mesure où l’enquête
a normalement lieu dans le diocèse dont dépend la candidate à la béatification.
Or Edith Stein n’a appartenu à aucun diocèse. Mais comme elle est entrée dans
les ordres au Carmel de Cologne, c’est dans ce diocèse que l’enquête a été
réalisée. Celle-ci, réunissant plusieurs dizaines de témoignages, a alors été
envoyée au Vatican auprès de la Congrégation pour la cause des Saints. Une fois
l’héroïcité des vertus reconnue par les conclusions de cette congrégation, et
approuvée par le Pape, Rome a lancé une deuxième enquête. Edith Stein n’ayant
pas accompli de miracle reconnu par l’Eglise, c’est pour sa mort en tant que
martyre au nom de la foi catholique que cette deuxième enquête a été menée. Et
les conclusions positives de l’enquête ont été approuvées par le Pape qui a
donc déclaré Edith Stein « bienheureuse ».
11La canonisation proprement dite,
a eu lieu assez rapidement, soit moins de onze ans après la béatification.
Cette fois-ci, un miracle post-mortem a été reconnu dans le sauvetage de la
petite Teresa Benedicta McCarthy. Il s’agit d’un nourrisson américain de deux
ans et demi, que les médecins déclaraient condamnée, en 1985, alors que son
foie avait été endommagé par l’ingestion d’une forte dose de Tylenol (un
médicament mélangeant paracétamol et caféine). Contre toute attente, la petite
fille a retrouvé la santé. Le personnel soignant du General Hospital du
Massachussetts a déclaré sa guérison miraculeuse. Et pour la famille de la
petite-fille c’est son prénom qui l’a protégée et sauvée. Née le jour de la
mort d’Edith Stein, la miraculée avait été baptisée « Teresa
Benedicta » en l’honneur de la bienheureuse… Sur la base de ce miracle
reconnu par l’Eglise et eu égard à l’héroïcité des vertus d’Edith Stein,
celle-ci a donc été canonisée le 11 octobre 1998 et l’homélie a été prononcée à
Rome.
Le contexte de la canonisation
- 23 Voir Tincq, Henri, « Edith Stein, première juive devenue sainte », Le Monde, 16 avril 1997.
- 24 “The canonization of a saint is an event that belongs to the Catholic Church and the Catholic peopl (...)
- 25 “Paying homage to Christian suffering would be understandable if it were not at the expense of the (...)
12Si pour l’Eglise et
particulièrement pour Jean-Paul II, il était important d’honorer Edith Stein en
tant que « symbole de la résistance spirituelle »23, et si, du point de vue de la
sainte elle-même, la mort en en tant que juive pour sa foi chrétienne était un
phénomène cohérent, pour la plupart des représentants juifs, considérer Edith
Stein comme une martyre catholique pose un problème majeur. Pourquoi distinguer
la figure convertie d’Edith Stein tandis que des millions d’autres juifs ont
été assassinés dans les camps nazis ? Comme le notent Abraham H. Foxman et
Rabbi Leon Klenicki de l’Anti-Defamation League dans leur manifeste
d’octobre 1998, si “la canonisation d’un saint est un évènement qui appartient
à l’Eglise catholique et aux croyants catholiques”24, dans le cas d’Edith Stein, l’opinion
juive a réagi parce que, disent-ils « rendre hommage à la souffrance
chrétienne serait compréhensible, si ce n’était pas aux dépens de la
réalité : que la Shoah était essentiellement un programme d’extermination
du peuple juif. »25 Certes,
avec le Concile de Vatican II (1965), l’Eglise s’est engagé dans un
« dialogue fraternel » avec les juifs, et pris toute une série de
mesures pour enrayer l’antijudaïsme chrétien. Et Jean-Paul II a montré en maintes
occasions sa sensibilité à la destruction des juifs d’Europe. Il est le premier
pape à s’être rendu dans un lieu de culte juif, lors de sa visite de la
synagogue de Rome le 13 avril 1986. Il est à l’origine de la reconnaissance de
l’Etat d’Israël par le Vatican, en 1993. Après dix ans d’attente, le 16 mars
1996, il revient, comme promis, sur les conséquences néfastes de l’antijudaïsme
catholique avec le texte « Nous nous souvenons : une réflexion
sur la Shoah » revient. Enfin, en mars 2000, le pape a effectué un voyage
au mémorial de Yad Vachem, à Jérusalem, particulièrement suivi par les
médias du monde entier.
- 26 Voir Dussert, Delphine, « Jean-Paul II et la question de la Shoah, à temps et contretemps », Revue (...)
- 27 Document retranscrit dans Delmaire, Danielle, « Béatification et canonisation d’Edith Stein, entret (...)
13Mais la béatification, puis la
canonisation d’Edith Stein arrivent à un moment délicat dans les relations
judéo-chrétiennes. D’une part sa béatification a lieu très peu après celle
d’une autre figure de la résistance spirituelle chrétienne : le frère
franciscain Maximilian Kolbe, déporté à Auschwitz pour avoir aidé avec son ordre
des réfugiés polonais, et qui s’est désigné pour mourir de faim et de soif à la
place d’un père de famille polonais. Maximilian Kolbe a été béatifié en 1971 et
canonisé en 1982 par Jean-Paul II comme martyr. Or, Maximilian Kolbe était
éditeur d’un journal très antisémite dans la Pologne des années 1920, Le
chevalier de l’immaculé. Jean-Paul II a beaucoup insisté pour qu’il soit
canonisé, allant même à l’encontre de la Congrégation pour la cause des saints,
et c’est devant son portrait qu’il a célébré une grande messe à Auschwitz
devant 500 000 fidèles, le 7 juin 197926. Que les mémoires d’Edith Stein
et Maximilian Kolbe puissent se mélanger dans le symbole de leur sainteté a
beaucoup gêné les associations juives. Aussi, avant la béatification, le père
Dujardin a-t-il fait passer une note au pape par le biais du cardinal Lustiger
dans laquelle on trouve « éviter de faire le lien entre E. Stein et M.
Kolbe. »27 Recommandation
que le Saint-Père a suivie dans son homélie de Cologne en 1987.
- 28 « Jour et nuit, elles ont devant les yeux des millions de morts, elles prient et font pénitence pou (...)
- 29 Ibid., p. 137.
14D’autre part, la béatification
et la canonisation d’Edith Stein ont lieu en pleine controverse du Carmel
d’Auschwitz. Depuis 1983, des carmélites de Poznan ont en effet instauré un
lieu de prière dans l’ancien « théâtre » d’Auschwitz I où était
stocké le zyklon B pendant l’activité du camp d’extermination. Le Carmel ne
choque pas la petite communauté juive polonaise, et ce n’est qu’en novembre
1985 que l’Ouest apprend l’existence du Carmel. A l’occasion de la visite du
Pape Jean Paul II en Belgique, l'association Aide à l'Église en détresse lance
une collecte de fonds pour le carmel d’Auschwitz dans un tract qui porte le
titre « Un couvent pour le Pape ». Celui-ci rappelle qu’Auschwitz est
le lieu de grands martyrs catholiques (parmi lesquels Edith Stein et Maximilian
Kolbe), vante la prière rédemptrice des carmélites28, mais il ne mentionne pas une
fois la Shoah. Ce Carmel choque l’opinion juive avec une telle force que de
véritables négociations sont ouvertes à Genève auxquelles participent des
représentants juifs et catholiques. Le 22 juillet 1986, la première rencontre
de Genève donne lieu à une déclaration commune, qui porte le titre hébreu de
« Zakhor » (« Rappelle-toi »), et affirme qu’Auschwitz est
un lieu symbolique capital pour les juifs, les polonais, les tsiganes et les
russes. La deuxième rencontre a lieu le 22 février 1987 et souligne
qu’Auschwitz est essentiellement un « lieu symbolique de la Shoah ».
Les accords signés à cette occasion prévoient pour le 22 février 1989 le
déménagement des carmélites dans un nouveau centre à bâtir hors du camp, qui ne
serait plus un carmel, mais un « centre d’information, de rencontre et de
prière », où les membres de plusieurs religions pourraient se rencontrer.
Or, ce déménagement n’aura effectivement lieu que… le 6 juillet 1993. Les
revirements de hauts responsables de l’Eglise comme l’archevêque de Varsovie le
Cardinal Macharski et surtout le Cardinal Glemp, archevêque de Varsovie et de Gniezno
(qui accuse les juifs d’êtres hautains, de détenir les médias de nombreux pays
et de monter l’opinion internationale contre l’honneur polonais bafoué devant
150 000 personnes, dans son homélie du 2 août 198929) font traîner le déménagement et
enveniment la querelle entre chrétiens, polonais et juifs autour de cette
question du Carmel.
- 30 Document retranscrit dans Delmaire, Danielle, « Béatification et canonisation d’Edith Stein, entret (...)
15Dans ce contexte de tension
entre Juifs et Chrétiens, il était primordial pour les communautés juives que
l’Eglise reconnaisse en Edith Stein une juive, morte parce qu’elle était juive.
Dans la note écrite par le père Dujardin et transmise par le Cardinal Lustiger
à Jean-Paul II, c’est cette interprétation de la mort d’Edith Stein qui est
suggérée : « Il résulte donc que l’arrestation d’Edith Stein, si elle
trouve son motif immédiat dans le conflit entre les Eglises
chrétiennes et les nazis, a sa cause profonde et véritable dans son
appartenance juive. »30 Et
le Saint-Père s’est bien conformé à cette suggestion, puisque dans son homélie
de 1987, il rappelle par 26 fois les origines juives d’Edith Stein qu’il nomme
tour à tour une « fille du peuple juif », une « fille
d’Israël », et une « juive ». Une fois ces origines dûment
remémorées, ainsi que leurs conséquences sur la mort d’Edith Stein, la
controverse aurait pu se clore, mais l’étape suivante de la canonisation a
prouvé que tel n’a pas été le cas, en relançant les polémiques sur l’idée d’une
sainte juive morte à Auschwitz.
Edith Stein au cœur des ambigüités des relations judéo-chrétiennes après la Shoah
16Afin de saisir les enjeux de
cette contestation symbolique, nous proposons d’analyser les arguments
principaux des représentants juifs s’opposant à la canonisation d’Edith Stein.
Trois grands motifs se distinguent. Tout d’abord la question de savoir s’il est
possible pour la tradition juive qu’une femme devienne une sainte. Le culte des
saints est en effet l’une des spécificités du catholicisme et la notion même de
sainteté diffère dans les deux religions abrahamiques. Ensuite, que le Vatican
ait justement choisi une juive convertie au catholicisme pour célébrer la
résistance spirituelle du christianisme au nazisme prête à confusion et semble
aller contre le tournant apostolique entériné par le concile de Vatican II. A
travers le texte Nostra Aetate, celui-ci déclare formellement que
l’Église « attend le jour » de la réconciliation messianique et ne
hâte plus les missionnaires catholiques à le précipiter en convertissant les
juifs. Enfin, tout comme le Carmel d’Auschwitz, la canonisation d’Edith Stein
est le sujet d’une controverse religieuse, car il semble à de nombreux juifs
que c’est une manière pour le Saint-Siège de « christianiser » la
Shoah.
Deux conceptions de la sainteté
- 31 Rastoin, Cécile, Edith Stein et le mystère d’Israël, Paris : Ad Solem, 1998, 167 p.
- 32 Voir Brenner, Frédéric, Marranes, Paris : La Différence, 1992, pp. 4-18.
17Lorsqu’il rappelle l’ancrage
juif d’Edith Stein dans son homélie à Cologne, Jean-Paul II insiste beaucoup
sur la figure biblique de la reine Esther. S’appuyant sur un extrait de la
correspondance d’Edith Stein, il établit un parallèle entre la reine juive
célébrée pour son courage et son action qui a sauvé le peuple juif du massacre
programmé par le conseiller du roi, Aman, et la destinée d’Edith Stein,
persuadée qu’elle allait à la mort avec son peuple et pour son peuple. Cette
référence biblique est reprise par certains biographes de la sainte, comme par
exemple Cécile Rastoin31 qui
intitule le deuxième chapitre de son ouvrage « Edith Stein, une Esther à
la cour d’Assuerus ». Mais dans la tradition juive, si la reine Esther est
célébrée chaque année lors de la fête de Pourim, c’est d’abord pour avoir
effectivement sauvé son peuple de la mort et non pour sa mort de
« martyre ». Par ailleurs, si le courage et la foi d’Esther sont mis
en avant, jamais il n’est question de sainteté. Seuls les marranes, juifs
forcés de se convertir au catholicisme pour échapper aux expulsions de 1492
(Espagne) et de 1497 (Portugal) et qui ont continué de transmettre la tradition
juive par oral, célèbrent la reine Esther comme une sainte catholique32.
- 33 Lévitique II, 19.
- 34 Mishnah, Kelim, I, 6-9.
- 35 Ashkenazi, Léon, « La notion de sainteté dans la pensée du Rav Kook », La Parole et l’Ecrit, vol. 1 (...)
- 36 Mc Partland, Paul, « Sainteté », Op. Cit., p. 1047
- 37 In De miribel, Comme l’or purifié par le feu, Op. Cit., p. 201.
18La sainteté dans le judaïsme est
une notion centrale et spécifique. Elle est très différente, de la conception
catholique de la sainteté. En Hébreu, la quedouchah vient du mot qadosh,
qui veut dire « séparé ». Elle se rapproche de la notion de
« pureté » et désigne Dieu lui-même, séparé des hommes par sa
sainteté. Mais un pont est jeté entre Dieu et les hommes dans le Lévitique.
Dieu y livre les principes de séparation qui permettent la pureté, puis
déclare : « Soyez saints, car moi, Yahvé, votre Dieu, je suis saint.
»33 C’est en respectant les lois
de Dieu que certains juifs peuvent se rendre saints. Ainsi, le mot quadosh
apparaît pour la première fois dans la Genèse pour désigner le septième jour de
la création, le Shabbat, qui est un des plus importants commandements divins.
Dans le judaïsme, la sainteté est un processus qui connaît dix niveaux34. Et, à l’échelle collective, la
tradition veut que tous les juifs soient devenus des « saints »35 au moment de la rédemption. S’il
y a bien des « saints » juifs, qu’on appelle en hébreu des « tsadikim »
c’est-à-dire littéralement des « justes », ce ne sont donc pas des
hommes directement inspirés par Dieu ou proches de lui, mais des purs et des
sages qui respectent ses lois. Dans le catholicisme, si selon la phrase de
Saint Augustin « Tout cœur a un élan naturel vers Dieu, autant dire une
vocation à la Sainteté », les saints sont des hommes et des femmes
exceptionnels qui réalisent selon la description qu’en donne Vatican II une
« union parfaite avec le Christ »36. La sainteté catholique abolit
l’idée de séparation. Ce que l’on retrouve dans la pensée d’Edith Stein
lorsqu’elle écrit dans son essai sur Saint Jean de la Croix: « Ainsi, le
mariage spirituel de l’âme avec Dieu, but pour lequel elle a été créée, est-il
acheté par la Croix, consommé sur la Croix et scellé pour toute éternité du
sceau de la Croix »37.
- 38 Ben-Ami, Issachar, Culte des Saints et pèlerinages judéo-musulmans au Maroc, Paris : Maisonneuve-La (...)
19Deuxième point de divergence
important, la Congrégation pour la cause des saints centralise les
canonisations de l’Eglise catholique, alors que les saints juifs sont désignés
par des communautés spécifiques et leur culte demeure souvent local. Ainsi, par
exemple, l’historien Issachar Ben-Ami compte 652 sanctuaires dédiés chacun à un
tsadik rien qu’au Maroc38.
- 39 « Celui qui est tué pour la sanctification du nom. [… ] Il a part au monde à venir, même s’il n’éta (...)
- 40 Benbassa, Esther, La souffrance comme identité, Paris : Fayard, collection « Pluriels », 2007, p. 1 (...)
20Enfin, dans le judaïsme, la
sainteté ne dépend pas de l’accomplissement de miracles et très rarement du
martyr. Certes, il existe dans la tradition juive ce que l’on appelle la
« sanctification du nom »39
à laquelle Jean-Paul II fait référence dans son homélie de 1987. Selon les
sages juifs, ceux qui préfèrent mourir plutôt que se dédire de leur foi ou
commettre un crime sont considérés comme des justes qui « sanctifient le
nom » de Dieu. Mais comme l’explique la sociologue Esther Benbassa dans
son essai La souffrance comme identité « dans le Talmud, on
s’entend en général pour considérer qu’il n’y a sanctification du Nom de Dieu
que dans le cas où le Juif a effectivement le choix. »40 Les juifs tués dans les camps de
la mort ont-ils eu le choix ? Si certains rabbins estiment que la
sanctification du nom est une des interprétations possibles de la Shoah,
Benbassa montre à quel point cette idée est douloureuse et controversée. Dans
le cas d’Edith Stein, il est évident qu’elle a accepté avec courage sa mort,
mais « à double titre » : à la fois en tant que juive et aussi
dans le Christ, à l’ombre de la croix. Parce qu’elle se situe à cheval sur son
identité juive et sa foi catholique, la sainteté d’Edith Stein peut prêter à
des confusions délicates. La majorité des voix juives qui se sont élevées contre
la canonisation de la carmélite soulignent les ambiguïtés de ces confusions.
Un encouragement à la conversion ?
- 41 “There are some Catholics who still would like to convert Jews, and they often have used Edith Stei (...)
21La canonisation d’une juive qui
a volontairement choisi de se convertir au catholicisme est un geste symbolique
qui est au cœur d’une ambigüité cruciale dans les relations judéo-chrétiennes
du second 20e siècle. Malgré les avancées de la déclaration Nostra
Aetate, qui encourage les catholiques à renoncer au prosélytisme auprès
des juifs pour mieux les connaître dans leur altérité, le rabbin A James Rudin,
responsable des affaires interreligieuses de l’American Jewish Comittee de 1968
à 2000 note qu’ « il y a encore des catholiques qui voudraient encore
convertir les juifs, et ils ont souvent utilisé Edith Stein comme une sorte de
modèle […] Certains catholiques font comme si elle était la juive modèle.41 » La moniale et biographe
d’Edith Stein, Cécile Rastoin, tente de clarifier la signification de cette
canonisation pour les catholiques et en conteste le caractère prosélyte :
- 42 Rastoin, Cécile, Edith Stein et le mystère d’Israël, Op. cit., pp. 24-25.
« Sa canonisation n’est certainement pas motivée par le
désir de baptiser de force toutes les autres victimes de la Shoah, ni non plus
de relativiser leur témoignage ou d’oublier leur présence […]En canonisant
telle personne elle [l’Eglise] appelle d’abord ses fidèles à la conversion et
cherche à leur apporter une aide sur ce chemin. Canoniser Edith Stein est donc
un appel à la conversion des catholiques et non des juifs. »42
22Mais élever Edith Stein au rang
de sainte et l’ériger ainsi en modèle convoque les vieux fantômes de l’histoire
des conversions de masses des juifs par l’Eglise. Et cet acte pointe vers une
ambiguïté fondamentale caractéristique des relations judéo-chrétiennes
post-Vatican II. En effet, si Nostra Aetate déclare formellement que
l’Église repousse l’espoir de la conversion des juifs au jour choisi par Dieu,
et ne hâte plus les missionnaires catholiques à le précipiter en les
convertissant, le « tournant apostolique » ne clôt néanmoins pas la
controverse entre juifs et catholiques puisqu’aux yeux de l’Eglise, « le
mystère d’Israël » demeure, ainsi que l’affirmation que « L'Eglise
croit, en effet, que le Christ, notre paix, a réconcilié les Juifs et les
Gentils par sa croix et en lui-même des deux a fait un seul ». Sainte,
Edith Stein donnerait donc un avant-goût de temps messianique, où la
réconciliation ne peut se penser autrement que comme amalgame.
- 43 Levinas, Emmanuel, « Fraterniser sans convertir (à propos d’un livre récent ) » [1936], Cahiers de (...)
- 44 Ashkenazi, Léon, « Les Chrétiens et nous », La Parole et l’écrit, vol. 1, Paris : Albin Michel, 199 (...)
- 45 Ibid., p. 427.
- 46 Ibid., p. 435.
23Or, tout au long du 20e
siècle, les intellectuels juifs engagés dans le dialogue avec les chrétiens ont
dénoncé cette tentation catholique de l’amalgame. Si la plupart d’entre eux
saluent le « fraterniser sans convertir » vers lequel appelait
Emmanuel Levinas dans son essai de 1936 cela doit être selon les mots du
philosophe « sans renoncer en rien à ce qui les sépare », que « judaïsme
et christianisme [doivent chercher] à mieux se comprendre. »43 Mais cette tache est bien
difficile à accomplir, pour des raisons théologiques essentielles que relève le
philosophe français Léon Ashkénazi. Dans « Les Chrétiens et nous »
(1957), ce dernier affirme que Judaïsme et Christianisme sont « deux
croyances qui ne peuvent exister théologiquement dans un même monde, sous le
regard d’un même Dieu. »44
Et il ajoute qu’« il y a jusqu’à la fin des temps un des deux témoignages
qui est un faux témoignage. »45
Si pour un croyant catholique, les juifs n’ont pas su reconnaître le Messie
dans le Christ, pour un juif pieux comme Léon Ashkénazi, les catholiques sont
sortis de la maison d’Israël pour choisir Esaü plutôt que Jacob : un
chrétien demeure « païen, malgré tous les catéchismes. »46
- 47 Homélie de Jean-Paul II lors de la béatification d’Edith Stein le1ier mai 1987, Op . cit., p. 204.
24Sur la conversion des juifs,
l’attitude du pape Jean-Paul II est également ambigüe. Dans son homélie de 1971
pour la béatification de Maximilian Kolbe, le Saint Père mettait en avant
l’action pour la conversion de ce martyr. Et si, comme nous l’avons vu, son
homélie de 1987 est bien loin d’omettre les origines juives d’Edith Stein, elle
se clôt par un extrait de l’Evangile de Jean : « Le salut vient des Juifs.
/ Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les véritables adorateurs
adoreront le Père en esprit et en vérité. »47 Or, à la fin du 19e
siècle, après que Léon Bloy l’ait repris et commenté dans son essai Le
Salut par les juifs (1892), ce verset a inspiré toute une série de grands
intellectuels prosélytes dont Jacques Maritain, Raïssa Maritain et Max Jacob,
qui l’avaient interprété comme un encouragement à convertir les juifs, car la
Rédemption adviendrait le jour où tous les juifs auraient reconnu le Christ
pour Messie.
Universel et « christianisation » de la Shoah
- 48 Ibid., p. 203
- 49 “In her spiritual will, Edith Stein wrote: ‘I pray God to accept my life and my death for His honou (...)
- 50 "There's no sense in Judaism that anyone who died in the Holocaust died for anyone's sins.", in Ben (...)
25S’appuyant sur les paroles même
d’Edith Stein, l’homélie de 1987 prononcée par Jean-Paul II met en lumière un
deuxième point délicat pour les relations entre juifs et chrétiens dans la
distinction de la juive convertie morte à Auschwitz : « Avec et ‘pour’
son peuple, sœur Thérèse Bénédicte de la Croix accompagna sa propre sœur Rosa
sur le calvaire de l’extermination. Elle ne se contenta pas d’accepter les
souffrances et la mort passivement, elle les unit consciemment avec l’acte
sacrificatoire et expiatoire de notre rédempteur, le Christ Jésus. »48 Dans son article au titre
évocateur, « The Kidnapping of the Holocaust », le journaliste Sergio
Minerbi rappelle qu’Edith Stein a écrit dans ses volontés spirituelles « Je
prie Dieu d’accepter ma vie et ma mort pour son honneur et sa gloire, pour
l’expiation du manque de religiosité du peuple Juif ». Puis il interprète
ainsi l’extrait de l’homélie de 1987 : « Selon la ligne de pensée du
pape, en Edith Stein, il y a un accomplissement du ‘vrai judaïsme’ :
l’expiation dans la mort de la faute des juifs. »49 Même si l’on laisse de côté
l’idée que la sainte est morte pour expier l’endurcissement des seuls juifs
pour voir dans son sacrifice un acte de rédemption pour l’ensemble de
l’humanité, il n’en demeure pas moins que ce type de sacrifice, n’a pas de sens
théologique dans la tradition juive. Comme l’explique le professeur et rabbin
Alan Avery-Peck, « Il n’y a pas dans le judaïsme, l’idée que quiconque est
mort dans la Shoah, est mort pour les péchés d’une autre personne. »50 Pour paraphraser Sœur Constance
dans le troisième tableau du « Dialogue des Carmélites » de Bernanos
et Poulenc, la Passion du Christ permet aux catholiques d’imaginer qu’« on
ne meurt pas chacun pour soi, mais les uns pour les autres, ou même les uns à
la place des autres ». D’un point de vue catholique, il est donc possible
de croire que la souffrance et la mort des victimes de la Shoah est un
sacrifice rédempteur pour le reste de l’humanité. D’un point de vue juif, cela
n’est pas pensable. D’où l’insistance, en France d’utiliser le terme hébraïque
et spécifique de Shoah, plutôt que celui d’Holocauste, qui a une dimension
sacrificielle, pour désigner la destruction des juifs d’Europe.
- 51 Suchecky, Bernard, « Carmel d’Auschwitz : La Nature et l’ampleur d’un échec », Les Temps Modernes, (...)
26Cette question du sacrifice pour
l’humanité est profondément différente de celle de la conversion, dans la
mesure où il ne s’agit plus pour l’Eglise de donner comme exemple aux croyants
catholiques une juive convertie, mais d’élaborer un message théologique universel
sur la Shoah qui vaudrait pour tous. Dans cette volonté d’universalisation, les
juifs voient ce que l’historien Bernard Suchecky appelle un
« indifférencié catholique »51.
Célébrer en termes chrétiens Edith Stein, et l’ériger en modèle unique face à
des millions de morts anonymes est aux antipodes de la manière juive de
conserver une spécificité à chacun des morts, en redonnant un nom, une
biographie, et parfois un visage à chacun d’entre eux, et en lisant ces noms
lors des commémorations. Que des juifs aient été assassinés simplement parce
qu’ils étaient juifs, sans engagement de croyance ou politique constitue la
spécificité de la Shoah ; une spécificité que la rédemption chrétienne
dans l’amour nie.
Conclusion
- 52 “We as Jews feel that we have lost Edith Stein twice. The first time was at her conversion to Catho (...)
27Première catholique d’origine
juive à avoir été canonisée, la figure d’Edith Stein a suscité de grands débats
interconfessionnels. Dans sa vie, cette femme d’exception est parvenue à rendre
cohérentes sa fidélité à ses origines juives et sa foi inébranlable dans le Christ.
Du point de vue de l’Eglise, la vie exemplaire, la qualité des écrits et la
mort fervente de sainte Thérèse Bénédicte de la Croix sont des symboles forts
de la résistance spirituelle catholique au nazisme. Jean-Paul II a donc voulu
honorer cette carmélite morte à Auschwitz en la béatifiant (1987), puis en la
canonisant (1998). Mais du point de vue juif, ces distinctions ont été vécues
comme des confiscations : « En tant que juifs, nous avons le
sentiment d’avoir perdu Edith Stein deux fois. La première fois lors de sa
conversion au catholicisme. La seconde fois, lors de sa canonisation, par
laquelle certains groupes se la sont appropriée comme une martyre catholique,
même si sa mort est liée à la spécificité juive de la Shoah », disent les
représentants de l’Anti Defamation League.52 Alors qu’au même
moment, la construction d’un carmel à Auschwitz met en cause les fondements des
relations judéo-chrétiennes, telles qu’elles ont évolué depuis la Seconde Guerre,
la polémique autour de la canonisation d’Edith Stein est extrêmement
importante : elle concentre les points majeurs sur lesquels la volonté des
chrétiens et des juifs de mieux se comprendre achoppe. La première question est
celle de la conversion. Alors que Vatican II avait mis fin au prosélytisme
catholique envers les juifs, canoniser une juive convertie semble un retour sur
cet acquis. Les deux autres divergences portent sur le rapport à la Shoah. Si
les plus grands responsables catholiques de la seconde moitié du 20e
siècle (au premier rang desquels Jean-Paul II) se montrent particulièrement
sensibles à la destruction des juifs d’Europe et désirent se rapprocher
d’Israël, le sens qu’ils tentent de donner à la Shoah choque de nombreux juifs.
Edith Stein est au cœur de cette divergence théologique qui sépare juifs et
catholiques sur l’interprétation de la Shoah. En l’absence de croyance en un
Dieu s’étant fait chair, le judaïsme ne peut pas admettre le pouvoir rédempteur
d’une « martyre » à Auschwitz. Alors que la sainteté juive est très
différente de la sainteté catholique, pour de nombreux juifs, canoniser une des
victimes des camps d’exterminations nazis et la distinguer des autres victimes
du nazisme, semble une manière pour l’Eglise de christianiser la Shoah et de
nier sa spécificité juive. Même si la canonisation d’Edith Stein témoigne de la
volonté de l’Eglise d’honorer une « fille d’Israël » et de l’ériger
en modèle, l’universalisme de l’amour chrétien est inacceptable pour la tradition
juive. Etant donné ses enjeux théologiques, la canonisation d’Edith est donc
une controverse, au sens le plus noble et le plus ancien du terme, et qui
éclaire les limites du dialogue entre Chrétiens et Juifs.
Bibliographie
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Notes
1 Molter, Bernard, Regards sur Edith
Stein, Metz : Editions Eglise de Metz, 1992, p. 119.
2 Boehmer, George, « Pope’s Plan to
beatify Jewish-born Nun Stirs Controversy », The Associated Press, 26
avril 1987.
3 Stein, Edith, La Science de la
Croix, Passion d’amour de Saint-Jean de la croix, Louvain :
Nauwalaerts, 1957, p. 5.
4
« C’est dans le cataclysme de ce temps qu’Edith Stein lutta pour son
authenticité intérieure : elle lutta comme femme consciente de sa propre
dignité, comme Juive de Silésie, comme Prussienne, comme intelectuelle et
enseignante, comme essayiste et journaliste, et enfin comme religieuse »,
in Mûller, Andreas Uwe et Neyer, Maria Amata, Edith Stein, Une
femme dans le siècle, trad. Toraille,
Françoise, Paris : JC Lattès, 2002, p. 8.
5 Si la
philosophe Simone Veil est souvent (et à tort) donnée en exemple comme juive
pratiquant la « haine de soi » au nom de sa foi chrétienne, de
nombreux convertis pensaient leur baptême comme un accomplissement de leur judaïsme,
créant un lien fort de solidarité entre leur foi chrétienne et leur identité
juive (Raïssa Maritain, Mgr Oestrreicher, le Cardinal Lustiger… ) voir Hirsch, Yaël, Réflexions sur la
conversion juive, thèse de science politique, dir. Von Busekist, Astrid, IEP de Paris, 2009.
6 In De Miribel, Op. Cit., p198
7 Stein, Edith, Vie d’une famille
juive, 1891-1942, Paris : Cerf, collection « Ad Solem »,
2001, p. 491
8 Ibid.,
p. 492. Et ce sont presque les mêmes mots qu’Edith Stein utilise pour décrire
cette scène fondatrice dans les mémoires qu’elle rédige avant de quitter le
Carmel de Cologne en 1938 et qui constituent son testament spirituel, in De Miribel, Op. Cit., p. 132.
9 Stein, Edith, Vie d’une famille
juive, Op. Cit., p.223.
10
« L’association prussienne pour le droit de vote des femmes, à laquelle
j’adhérai avec mes amies parce quelle avait pour objectif l’égalité politique
pleine et entière pour les femmes, regroupait majoritairement des
socialistes », Stein, Edith, Vie
d’une famille juive, Op. Cit., p. 224
11
“The basic problem to be the question of empathy as the perceiving (Erfahrung)
of foreign subjects and their experience (Erleben)” Stein, Edith, On the problem of empathy, trad., Stein, Waltraut, The Hague : Martinus
Nijhoff, 1964 [1917], p.4.
12 In Gaboriau, Florent, Lorsque Edith
Stein se convertit, Paris : Ad Solem,, 1997, p. 22.
13
« A l’époque de ma conversion, juste avant qu’elle ne se produisit et même
longtemps après, je pensais que mener une vie religieuse signifiait renoncer à
tout ce qui est terrestre pour ne vivre qu’en pensant aux choses divines. Mais
peu à peu, j’ai appris et compris qu’en ce monde c’est bien autre chose qui est
exigé de nous et que même dans la vie la plus contemplative le lien avec le
monde ne doit pas être rompu. Je vais jusqu’à croire que plus on est ‘attiré’ en
Dieu, plus on doit en ce sens ‘sortir de soi’ c’est-à-dire s’offrir au monde,
pour y porter la vie divine », Stein,
Edith, Dans la puissance de la croix, Paris : Nouvelle Cité,
1982, p. 47.
14
« L’attente avait fini par me devenir très pénible. J’étais devenue une
étrangère dans le monde. », Stein,
Edith, Vie d’une famille juive, Op. cit., p. 495.
15
« Depuis que j’enseignais, je me devais d’être impeccablement habillée.
Car je me trouvais en classe sur mon estrade devant de grandes jeunes-filles
appartenant aux meilleures familles et je savais quels yeux inquisiteurs elles
avaient pour l’apparence extérieure. Je ne voulais éveiller leur attention ni
par la négligence ni par une élégance excessive, mais je souhaitais ne pas me
faire remarquer, pour que ma propre personne les distraie du cours le moins
possible », Ibid., p. 477.
16
« Ce fut pendant l’été 1916 une longue période de manque total d’appétit
qui se reproduisit presque chaque année. Je perdis presque dix kilos en peu de
temps. Je finis par me convaincre en mon fort intérieur que l’enseignement au
lycée et le travail philosophique intensif ne pouvaient être menés longtemps de
front […] Je devrais sans hésiter abandonner l’enseignement au lycée », Ibidem,
p. 465
17 Stein, Edith, Chemins vers le
silence intérieur, Paris : Parole et silence, 2006, p. 51
18 Stein, Edith, La Science de la Croix,
Passion d’amour de Saint-Jean de la croix, Louvain : Nauwalaerts, 1957, p.
5.
19 Op.
cit., p. 203.
20
Voir Fabre, Jean-Michel, La
sainteté canonisée, Paris : Pierre Téqui, 2003, 163 p.
21
« En 1890, la Congrégation des Rites, alors en charge des béatifications
et canonisations, traitait 152 causes. En 1921, ce nombre était passé à 328,
puis 764 en 1941, 1200 en 1962, 2200 environ à la fin du siècle. », Bouflet, J., Peyrous, B., Pompignoli,
M.-A., Des Saints au XXe siècle : Pourquoi ?, Paris :
Editions de l’Emmanuel, 2005, p. 14.
22
« Il faut que l’héroïcité des vertus du candidat soit attestée, qu’on lui
rende un culte local et qu’on puisse apporter la preuve d’un premier miracle
pour la béatification et d’un second pour la canonisation proprement dire.
C’est le pape qui proclame le nouveau « bienheureux » ou le nouveau
« saint » au cours d’une eucharistie », Mc Partland, Paul, « Sainteté », in Lacoste, Jean-Yves (dir.), Dictionnaire
critique de théologie, Paris : Puf, 1998, p. 1047.
23
Voir Tincq, Henri, « Edith
Stein, première juive devenue sainte », Le Monde, 16 avril 1997.
24
“The canonization of a saint is an event that belongs to the Catholic Church
and the Catholic people”, in Foxman,
Abraham H. et Klenicki, Rabbi
Leon, “The Canonization of Edith Stein: An Unnecessary Problem”, ADL,
octobre 1998. http://www.adl.org/opinion/edith_stein.asp
(Traduction de l’auteure).
25
“Paying homage to Christian suffering would be understandable if it were not at
the expense of the reality that the Holocaust was essentially a program for the
extermination of the Jewish people”, Ibidem.
26
Voir Dussert, Delphine,
« Jean-Paul II et la question de la Shoah, à temps et contretemps », Revue
d’Histoire de la Shoah, n° 192, janvier-juin 2010, p. 133.
27
Document retranscrit dans Delmaire,
Danielle, « Béatification et canonisation d’Edith Stein, entretien avec le
Père Jean Dujardin », Revue d’Histoire de la Shoah, n° 192,
janvier-juin 2010, pp. 348-349.
28
« Jour et nuit, elles ont devant les yeux des millions de morts, elles
prient et font pénitence pour nous qui sommes encore envie, et elles
construisent de leurs mains le signe sacré de l’amour, de la paix et de la
réconciliation qui témoignera de la puissance victorieuse de la Croix de
Jésus », in Klein, Theo, L’Affaire
du Carmel d’Auschwitz, Paris : Jacques Bertoin, 1991, p. 208.
29 Ibid.,
p. 137.
30
Document retranscrit dans Delmaire,
Danielle, « Béatification et canonisation d’Edith Stein, entretien avec le
Père Jean Dujardin », Op. cit., p. 349.
31 Rastoin, Cécile, Edith Stein et le
mystère d’Israël, Paris : Ad Solem, 1998, 167 p.
32
Voir Brenner, Frédéric, Marranes,
Paris : La Différence, 1992, pp. 4-18.
33
Lévitique II, 19.
34
Mishnah, Kelim, I, 6-9.
35 Ashkenazi, Léon, « La notion de
sainteté dans la pensée du Rav Kook », La Parole et l’Ecrit, vol.
1, Paris : Albin Michel, 1999, pp. 107-125.
36 Mc Partland, Paul,
« Sainteté », Op. Cit., p. 1047
37 In De miribel, Comme l’or purifié par
le feu, Op. Cit., p. 201.
38 Ben-Ami, Issachar, Culte des Saints
et pèlerinages judéo-musulmans au Maroc, Paris : Maisonneuve-Larose,
1990, p. 141.
39
« Celui qui est tué pour la sanctification du nom. [… ] Il a part au monde
à venir, même s’il n’était pas un disciple des maîtres », Maimonide, Moïse, « Epître sur la
persécution », in Epîtres, Paris : Gallimard,
Collection « Tel », 1983 [1162-1163], p. 34.
40 Benbassa, Esther, La souffrance
comme identité, Paris : Fayard, collection « Pluriels »,
2007, p. 139.
41
“There are some Catholics who still would like to convert Jews, and they often
have used Edith Stein as a kind of a model […] There are some Catholics who do
that as if she were the model Jew.”, in Ben
David, Calev, “The Saint of Auschwitz”, The Jerusalem Post, 2
mai 1997. (Traduction de l’auteure)
42 Rastoin, Cécile, Edith Stein et le
mystère d’Israël, Op. cit., pp. 24-25.
43 Levinas, Emmanuel, « Fraterniser
sans convertir (à propos d’un livre récent ) » [1936], Cahiers de
l’Herne, dir. Abensour,
Miguel, Chalier, Catherine,
Paris : Editions de l’Herne, 1991, p. 148.
44 Ashkenazi, Léon, « Les Chrétiens et
nous », La Parole et l’écrit, vol. 1, Paris : Albin Michel,
1999 [1957], p. 426.
45 Ibid.,
p. 427.
46 Ibid.,
p. 435.
47
Homélie de Jean-Paul II lors de la béatification d’Edith Stein le1ier mai 1987,
Op . cit., p. 204.
48 Ibid.,
p. 203
49 “In
her spiritual will, Edith Stein wrote: ‘I pray God to accept my life and my
death for His honour and His glory for the expiation of the lack of religiosity
of the Jewish people.’ We now understand to which expiation the pope referred.
According to the pope's line of thought, in Edith Stein there is a fulfilment
of ‘true’ Judaism: the expiation in death of the guilt of the Jews.”, Minerbi, Sergio, “The Kidnapping of
the Holocaust », The Jerusalem Post, 25 août 1989.
50
"There's no sense in Judaism that anyone who died in the Holocaust died
for anyone's sins.", in Ben David,
Calev, “The Saint of Auschwitz”, Op. Cit. (Traduction de l’auteure).
51 Suchecky, Bernard, « Carmel
d’Auschwitz : La Nature et l’ampleur d’un échec », Les Temps
Modernes, n° 561, Avril 1993, p. 48.
52 “We
as Jews feel that we have lost Edith Stein twice. The first time was at her
conversion to Catholicism. The second time is with her canonization, by which
some groups appropriate her as a Christian martyr even though her death relates
to the Jewish focus of the Holocaust”, Foxman,
Abraham H. et Klenicki,
Rabbi Leon, “The Canonization of Edith Stein: An Unnecessary Problem”, Op.
Cit.
Pour citer cet article
Référence électronique
Yael Hisch, « Edith Stein, Une Sainte controversée », Conserveries mémorielles [En ligne], #14 | 2013, mis en ligne le 01 juillet 2013, consulté le 09 août 2016. URL : http://cm.revues.org/1591Auteur
Yael Hisch
est docteur en science politique, rattachée au GSRL
(Groupe Sociétés Religions, Laïcités) et enseigne à Science-po Paris. Ses
recherches portent sur la conversion religieuse, les relations entre juifs et
chrétiens, la question juive et les rapports entre littérature et politique. Sa
thèse, qui porte sur la conversion du judaïsme au christianisme en Europe
occidentale au 20ème siècle, paraîtra en 2014 aux éditions Perrin.
Droits d’auteur
Conserveries mémorielles est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas de Modification 4.0 International.
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