Jeudi 18 Août 2016
Hier
soir, presque par hasard, en « quittant » les JO : le basket
France-Espagne, la boxe française à l’honneur et surtout ce sport étonnant et
extrêmement gracieux tant par le décor obligé (ce parcours genre
golf-miniature) que par la course dansée du cycliste (le BMX ?), nous
venons à l’Algérie, notre histoire.
Puissance de ce Jean-Michel MEURICE que ma chère femme connaissait pour sa
peinture, et sobriété de Benjamin STORA que j’ai un peu lu. Documentaire
saisissant. Les images d’Alger (d’alors) sont saisissantes tant elles sont
d’une grande et belle ville française, très peu de « musulmans » dans
les images, ce ne sont que les « Européens » (bizarrerie
rétrospective des appellations selon cette Algérie française). La beauté du
site, la mer. Je connais bien mal Marseille, mais c’est certainement – Alger –
la plus belle ville sur le rivage méditerranéen. Ou c’était. Evidemment, le
cadrage très Algérie française. Cette famille juive de Constantine. Ces gens
n’ayant aucune idée ni perception de la « métropole ». Pas
d’introspection sur les responsabilités des pieds-noirs, pas de récit, au point
où nous prenons le film, sur l’enchainement des événements, des évolutions, sur
l’impasse politique depuis les années 1920. Pas de réflexion ou de rêverie sur
une tout autre histoire nationale et européenne possible, celle d’une nation
multi-ethnique et multi-confessionnelle d’un seul tenant de Dunkerque à
Tamanrasset, bi-continentale… Mais des documents poignants, inédits, ne
révélant rien que la profondeur inouïe du drame. La bande son et quelques
images pour le putsch du 20 au 25 Avril 1961, le témoignage – acmée du film –
du général CHALLE, donné en 1972 alors que celui-ci est atteint d’un cancer de
la gorge. Texte simple, on me demandait de faire quelque chose, conscience de
l’illégalité, il aurait fallu que dès les premières heures j’ordonne quelques
exécutions, je me suis rendu parce qu’il n’y avait aucune chance et que
j’espérais que si je n’étais pas fusillé aussitôt, il y aurait un procès et que
je pourrai y dire quelque chose. Je n’ai pas été compris. J’avais donné par
parole parce qu’on m’avait demandé de la donner. J’apprends que la disgrâce de
DESGRAUPES, deux mois après la prise (ou la diffusion ? fut-il
diffusé alors ?) de ce témoignage,
aurait été causée par cela. Le film disparut mais ne fut pas détruit.
Réapparu
plusieurs décennies ensuite. Deux autres images-sons saisissants et
poignants : la rue d’Isly, les appels « au nom de la France, halte au
feu !). Je n’ai pas, quand j’étais à Blois, cherché à recueillir dans
l’ambiance très familière où nous étions, le récit de Vitalis CROS,
auprès de
qui j’étais en stage ENA : il était le préfet de police à Alger. Et puis
les cadavres, « œuvres » de l’OAS laissés sur les trottoirs tels
quels, de peur que les enlever, les honorer déclenchent aussitôt un
nouvel
assassinat, les assassinats restant à proximité. Selon ce documentaire,
le
putsch n’avait aucune chance puisque le contingent, avide de la
« quille »,
ne suivait pas, ne pouvait suivre. – J’ai la sténographie des procès de
CHALLE
et de SALAN, je vais les relire. Regardant les différents sites proposés
par
Google, je m’aperçois d’un trait de caractère que je n’ai jamais eu ou
plutôt
qui n’a jamais bénéficié de circonstances ou su saisir des circonstances
me
faisant intégrer une équipe, faire équipe. MEURICE a su faire équipe et
développé ainsi plusieurs métiers et plusieurs parcours à la fois. C’est
le
grand manque de ma vie. Mon cher JCC, avec acuité et sans indulgence, ce
qui
rend son amitié aussi âpre que belle, me l’a vivement fait remarquer.
Leçon. –
La parole donnée, énième apport de ces jours-ci à mon projet de livre.
Parenté
évidente, une de plus, entre la question de Vichy et celle de l’Algérie
française.
Reste que l’on n’échappe pas à son destin, que la personne soit
individuelle ou
collective, une nation, car cette intégration pour un pays
multiculturel,
multiracial, multiconfessionnel est bien notre question actuelle. Nous
n’avons
que deux questions fondamentales, et qui ne sont pas l’économie dont le
chômage
est l’un des marqueurs les plus sensibles et voyants : notre intégration
nationale, notre mutuelle acceptation entre origines diverses et parfois
complexes, d’un destin formant un avenir pas du tout en rupture avec nos
passés
respectifs, mais bien évidemment assez différent, nouveau : notre
manière
de nous réfléchir et nous voir nous-même il y a cent ou même cinquante
ans doit
changer, puisque la matière a changé. L’autre question est d’ordre
institutionnel : l’entreprise européenne qui n’est et ne sera viable
qu’en
forme démocratique, et la démocratie est d’abord ou en même temps à
établir ou
rétablir ou inventer chez nous.
Prier
d’action de grâces [1] … la parabole du
banquet, le pauvre type vidé alors qu’on que faute des invités en forme, les
serviteurs avaient reçu l’ordre : allez
donc aux croisées des chemins : tous ceux que vous trouverez, invitez-les
à la noce. Le tout-venant. Mon ami,
comment es-tu entré ici, sans avoir le vêtement de noce ? L’autre garda le
silence. Châtiment qui choque, peut-être,
trainant à ces croisées des chemins,
n’avait-il pas de rechange, et pas les moyens de s’ « endimancher » ?
Jetez-le, pieds et poings liés, dans les ténèbres du dehors ; là, il y
aura des pleurs et des grincements de dents. La leçon est donc celle des deux éligibilités : le repas de
noce est prêt, mais les invités n’en étaient pas dignes, et puis un homme qui ne portait pas le vêtement de noce. L’admission à Versailles en présence du roi
(Louis XIV) étant réservée aux nobles lesquels portent épée, on pouvait en
louer une pour entrer, n’importe qui… et tandis que les invités d’origine, es
qualités ou à titre personnel, s’en allèrent, l’un à son champ, l’autre à
son commerce ; les autres empoignèrent les serviteurs, les maltraitèrent
et les tuèrent … sont châtiés à mort, l’irrégulier
est seulement exclu. Le commentaire de mon fascicule Prions en Eglise voit l’invitation universelle de Dieu mais
la nécessité d’une réponse précise de l’homme. Il me semble qu’il y a plus car
la conclusion de Jésus est apparemment déterministe : beaucoup sont
appelés, mais peu sont élus. « Réussite »
contingente de chacune de nos vies ? nos chances initiales ou renouvelées,
nos incapacités et lacunes à les saisir ? Un début de réponse : la
transformation intérieure, qui n’est pas notre initiative, mais qui appelle
notre consentement, est le fait de Dieu. Je vous donnerai un coeur nouveau,
je mettrai en vous un esprit nouveau. J’ôterai de votre chair le cœur de
pierre, je vous donnerai un cœur de chair. La
fidélité, la disponibilité, l’obéissance et notre ponctualité, nous les devons
à Dieu, nous sommes à nous-mêmes le don de Dieu. Préalable, la grande toilette :
je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés ; de toutes
vos souillures, de toutes vos idoles, je vous purifierai. But de Dieu, précisément ce que nous fait prier, d’entrée, la prière
reçue du Sauveur : que votre nom soit sanctifié… je sanctifierai mon
grand nom, profané parmi les nations, mon nom que vous avez profané au milieu d’elles.
Alors les nations auront que Je suis le Seigneur, quand par vous je
manifesterai ma sainteté à leurs yeux. Et le fruit de cette œuvre de Dieu, de notre
rachat, c’est la mutuelle appartenance, c’est l’amour, la Création réconciliée
avec son Créateur : vous, vous serez mon peuple, et moi, je serai
votre Dieu.
Il
y a dans le documentaire d’hier soir, un dialogue très beau : MEURICE
rencontre un de ses maîtres ou accueillants à ses débuts, je n’en retiens pas
le nom. Mais l’échange, la chance n’existe pas, il y a la générosité de
certains. Et l’autre, à qui il dit sa dette de reconnaissance et
d’affection : le pied à l’étrier, l’interroge en réplique : je vous
ai donc… Les circonstances et les liens que nous contractons, nous dépassent,
en quoi ils sont magnifiques, et cela nous le ressentons aussi tandis qu’ils se
nouent.
Et
maintenant préparer la « conférence » que
le cher Jean-Eudes m’a demandé de donner, ce soir : diplomatie vaticane, chrétienté et
relations internationales. Je sais
à peu près ce que je veux dire, mais il me faut me documenter et je vais
certainement apprendre énormément soit directement sur mon sujet, soit
indirectement pour mon projet de livre ou sur le monde de notre actualité. Deux
spécificités : le Vatican, la chrétienté et leur insertion dans la vie
courante du monde selon une dimension qui n’a jamais changé depuis qu’il y a
des collectivités humaines organisées, ayant chacune leur dedans et leur dehors,
c’est-à-dire la dimension internationale des relations entre elles, aboutissant
plus ou moins heureusement ou difficilement à des objets communs et à une
organisation commune.
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