lundi 15 août 2016

il élève les humbles, il comble de biens les affamés - textes du jour


Lundi 15 Août 2016

Ces jours-ci, des lectures fortes, ainsi la découverte sur la table de chevet de ma chère femme, d’un livre au titre et à l’auteur étonnants, mais quelques pages au hasard convainquent qu’il s’agit bien d’un bon écrivain [1] – ma chère femme, ses lectures, nos affinités, des goûts communs, des assonances confondantes avec ma chère mère… car Romain GARY, toute son œuvre, m’est venu de ma mère.. ;  Le livre de PLANTU sur la présidentielle de 2007, sans doute des dessins, mais une anthologie de la politique française sur quinze ans, depuis le début des années 1990 [2]. Des moments forts, le dire de ma femme dimanche après-midi, les prises de conscience, et le côté amour cet après-midi et ce soir tandis que nous avions accompagné notre fille à quatre jours d’école de prière dans l’ancien et magnifique collège des " apprentis et orphelins d’Auteuil ", près de l’abbaye de Langonnet, puis que nous sommes allés au cimetière, la tombe de ma mère. Enfin, cette fête-mémoire-espérance exceptionnelle dans notre liturgie chrétienne : l’Assomption. Leçon pratique de ce qu’est un dogme dans notre Eglise, l’autonomie de fait des Orientaux dès l’empereur byzantin et ce qu’il se passe en Occident, mais surtout nos sensibilités et spiritualités. Et pour celles et ceux soucieux d’un énoncé des racines chrétiennes de l’Europe, comment faire et rappeler mieux que le vœu de Louis XIII consacrant la France, son royaume, et pour l’époque contemporaine que l’origine du drapeau européen, initialement drapeau du seul Conseil de l’Europe : les douze étoiles en couronne pour la Vierge de l’Apocalypse que SCHUMAN fait remarquer au transept sud de la cathédrale de Strasbourg à ses homologues DE GASPERI et ADENAUER ? La manière dont Pie XII proclame par enquête puis consentements universels, très consensuels et délibérés le dernier en date de nos « articles de foi». Ce que dit pour aujourd’hui et sans doute demain, le pape actuel, dès la première année de son pontificat, confiant aux revues de la Compagnie dont il est fils, ce qu’est selon lui en meilleure image, l’Eglise, le peuple dans l’Eglise et le dogme en tant que foi priée, le sens commun de l’Eglise qu’est l’énoncé de la foi [3]. Cette fête mariale est das doute la synthèse en intelligence du divin qui en a fait la matière et de l‘humain qui l’a discerné et le prie. En revanche, les apocryphes n’ajoutent rien en voulant préciser. Ils se distinguent immanquablement des écrits canoniques par l’embarras de le leur style et l’absence de respiration (le temps de la prière, de la contemplation) d’une assertion à l’autre. L’imagination que peut accepter la prière pour aller plus avant est empêchée par les apocryphes qui veulent tout dire et ne nous font pas cheminer par nous-mêmes et découvrir le fond par l’Esprit-Saint.
Marie, signe par elle-même. Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la terre une couronne de douze étoile. Et la mise au monde de cet enfant aussitôt enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son Trône est, par elle-même, le début d’une ère nouvelle, du retour à la réalité totalement dévoilée : maintenant voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ [4]. L’Assomption et la Visitation :la mort et la naissance. Naissance dans l’Apocalypse, l’enfant in utero dans le récit de Luc, la mort vaincue que prêche l’Apôtre des gentils. C’est l’ensemble qui fait la Résurrection. Seule, la Mère de Dieu n’est pas ressuscitée, seule elle a été dispensée de ce passage, auquel s’est soumis même et surtout son Fils, parce que sans la mort de Jésus, il n‘y aura pas « matière » à résurrection. Et il fallait évidemment que cette mort soit liée au péché des hommes, soit le fait de ce péché. Logique, non seulement du dogme fêté aujourd’hui en action de grâce : les paroles-mêmes du Magnificat, mais plus encore, s’il est possible, logique de la mort et de la résurrection qui sont la dialectique de la vie éternelle. Elisabeth dont la salutation continue celle de Gabriel, l’archange, pour nous enseigner l’Ave.
Confusions d’aujourd’hui, nos médias : Lourdes est le pèlerinage des malades, son sanctuaire marial n’est pas d’abord un lieu de culte, c’est un lieu de dialogue, de demande, de grâce, non lié à une fête quelconque. Les mesures de sécurité puis l’énoncé d’une prière pour la France à laquelle s’adonnerait une des composantes, sinon ethniques du moins religieuses, de la  forme contemporaine de notre pays, présentent très mal et les pélerins et Lourdes. – Maladresse peut-être dangereuse, JPC inaugure sa mission en recommandant aux musulmans la discrétion, en écho à l’affaire des burkini ? à l’arrêté municipal de Sisco en Corse. Ce soir, coincidence heureuse, Roger HANIN et Coup de sirocco à la TV, en même temps qu’une émission sur le visage du Christ… Notre fille, ce soir… nous… le pays… Puisse l’entretien – en tête-à-tête, il le faudrait – du pape et du président français n’est ni protocolaire ni condoléances. L’Eglise en France et le pape pour l’Europe sont trop timides : les migrants, le terrorisme, la misère-même, oui. Mais le reproche, précis, percutant n’est pas fait aux peuples nantis, plus encore qu’à leurs dirigeants, vous ne savez plus vous gouverner, vous faire gouverner, donc décider, donc être généreux habiles, vous-mêmes. Tels que vous devez et pourriez être. L’enjeu démocratique n’est pas une affiche, celle qu’ont justement discernée les gouvernants actuels mais dont ils n’ont aucune envie, ni même aucun sens que ce soit pratiqué, et sincèrement, et tout de suite. – Le discernement [5]selon le pape actuel. Sans doute les Exercices spirituels et Ignace de LOYOLA, mais une pratique contemporaine. Le discernement de Marie : il disperse les superbes, il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de biens les affamés, il se souvient de son amour, de la promessse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. Marie, à qui une annonce est faite et sans qu’il soit explicitement demandé si elle y consent, si elle consent à l’avenir, ou à ce rôle cardinal qui lui est dévolu, donne son consentement. Deux fois librement, degrés suprêmes de la liberté. Elle est d’accord, elle participe pleinement au dessein de Dieu pas du tout en réponse à des questions de l’ange, à des questions de l’homme à Dieu. Au contraire, c’est elle qui pose la question, assurant notre propre foi : celle du modus opérandi. Et l’ange, Dieu se plient aux demandes de la jeune fille et répondent. La Vierge conclut, c’est elle qui conclut, par sa disponibilité, alors que selon les échanges précédents, tout semble « plié » aux questions. Second degré de la liberté, insérer ce à quoi l’on consent dans une lecture globale de la vie, la vie personnelle, le destin de cette jeune fille, et la vie de tout un peuple, une descendance, une race, nous à terme. C’est ce que comprend très bien la cousine Elisabth. Les Béatitudes ne sont pas seulement le Nouveau Décalogue, donné lui aussi sur une montagne, elles sont énoncées tout au long du ministère public du Christ, mais c’est la mère du Précurseur et selon le mouvement de celui-ci en son sein, qui dit la première de toutes : heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur.


[1] - Alexandre Diego GARY, S. ou l’espérance de vie (Gallimard . Avril 2009 . 170 pages)
Ne te berce pas d’illusions. Et puis tu peux me croire, tu aurais fini par le livrer de toi-même, ce prénom, comme tous les autres d’ailleurs. Tu aurais fini par mettre çà sur le compte du devoir de mémoire, mais tu l’aurais lâché, crois-moi. Maintenant que tu es lancé, c’est plus fort que toi. Plus rien ne t’arrêtera, prétendus scrupules ou pas. p. 35
Lui, j’ai le sentiment que c’était différent. Qu’il n’yavait pas cette haine, cette peine de soi, soi à supporter, soi à endurer. Il avait – du moins le croyait-il – accompli son chemin. Etait allé au bout d’une vie riche, abondante, multiple. Océanique à certains égards, par comparaison avec nos petites marées, cloptis d’eau douce. Il s’était pleinement exprimé, c’est ce qu’il a affirmé, même si j’ai la conviction qu’il aurait encore pu tant dire, tant inventer. Si nous avions su l’aimer. Si nous avions su le soutenir dans sa détresse, sa mélancolie, profonde mais masquée.
Le savoir-vivre jusqu’au bout des ongles – le savoir-vivre à en mourir. L’aimer malgré sa gueule qui ne lui ressemblait pas, ses manières qui donnaient le change, sa force qui semblait le rendre indestructible, surhumainement invulnérable.
Autant la vie de ma mère était la chronique d’un suicide annoncé, autant il ne m’était jamais arrivé d’imaginer que lui puisse accomplir un tel geste ; le choc n’en fut que plus rude. Et dévastateur. Un océan, justement de désespoir, de culpabilité et de honte de n’avoir su l‘empêcher, mais en quoi cela était-il en mon pouvoir, entre mes mains ?
Je ne savais même pas qu’il avait une arme, qu’il avait conservé son arme d’officier.
p. 106-107

[2] - La situation s’est aggravée par rapport à l’immédiat après-guerre parce que désormais il n’y a plus d’espérance  (…)  Tous les fascismes sont nés de la négligence des démocraties de donner aux plus malheureux des réponses prioritaires. -  Abbé Pierre . 28 Mars 1992
PLANTU La présidentielle 2007 . Seuil. P. 56

[3] - «  L’image de l’Église qui me plaît est celle du peuple de Dieu, saint et fidèle. C’est la définition que j’utilise souvent, et c’est celle de [la constitution conciliaire] Lumen gentium au numéro 12. L’appartenance à un peuple a une forte valeur théologique : Dieu dans l’histoire du salut a sauvé un peuple. Il n’y a pas d’identité pleine et entière sans appartenance à un peuple. Personne ne se sauve tout seul, en individu isolé, mais Dieu nous attire en considérant la trame complexe des relations interpersonnelles qui se réalisent dans la communauté humaine. Dieu entre dans cette dynamique populaire.
Le peuple est sujet. Et l’Église est le peuple de Dieu cheminant dans l’histoire, avec joies et douleurs. Sentire cum Ecclesia (sentir avec l’Église), c’est, pour moi, être au milieu de ce peuple. L’ensemble des fidèles est infaillible dans le croire, et il manifeste son infallibilitas in credendo à travers le sens surnaturel de la foi de tout le peuple en marche. Voilà pour moi le sentir avec l’Église dont parle Saint Ignace. Quand le dialogue entre les personnes, les Évêques et le pape va dans cette direction et est loyal, alors il est assisté par l’Esprit Saint. Ce n’est donc pas un sentir faisant référence aux théologiens.
C’est comme avec Marie : si nous voulons savoir qui elle est, nous nous adressons aux théologiens ; si nous voulons savoir comment l’aimer, il faut le demander au peuple. Marie elle-même aima Jésus avec le coeur du peuple, comme nous le lisons dans le Magnificat. Il ne faut donc pas penser que la compréhension du sentir avec l’Église ne soit référée qu’à sa dimension hiérarchique. »
Après un moment de pause, le pape précise pour éviter tout malentendu : « Évidemment, il faut rester bien attentif et ne pas penser que cette infallibilitas de tous les fidèles, dont je suis en train de parler à la lumière du Concile, soit une forme de populisme. Non, c’est l’expérience de notre Sainte Mère l’Église hiérarchique, comme l’appelait Saint Ignace, de l’Église comme peuple de Dieu, pasteurs et peuple tous ensemble. L’Église est la totalité du peuple de Dieu. Je vois la sainteté du peuple de Dieu, sa sainteté quotidienne. … »
Les 19 et 23 et 29 août  2013, le pape François a accordé trois longs entretiens au P. Antonio Spadaro s.j., directeur de La Civiltà Cattolica. Le P. Spadaro représentait l’ensemble des revues culturelles jésuites européennes et américaines, dont les responsables avaient préparé un certain nombre de questions. Le texte de cet entretien a été traduit par François Euvé s.j. et Hervé Nicq s.j.

[4] - Apocalypse de saint Jean XI 19 & XII 1 à 10 ; psaume XLV ; 1ère lettre de Paul aux Corinthiens XV 20 à 27 ; évangile selon saint Luc I 39 à 56

[5] - Ce discernement requiert du temps. Nombreux sont ceux qui pensent que les changements et les réformes peuvent advenir dans un temps bref. Je crois au contraire qu’il y a toujours besoin de temps pour poser les bases d’un changement vrai et e!cace. Ce temps est celui du discernement. Parfois au contraire le discernement demande de faire tout de suite ce que l’on pensait faire plus tard. C’est ce qui m’est arrivé ces derniers mois. Le discernement se réalise toujours en présence du Seigneur, en regardant les signes, en étant attentif à ce qui arrive, au ressenti des personnes, spécialement des pauvres.
Mes choix, même ceux de la vie quotidienne, comme l’utilisation d’une voiture modeste, sont liés à un discernement spirituel répondant à une exigence qui naît de ce qui arrive, des personnes, de la lecture des signes des temps. Le discernement dans le Seigneur me guide dans ma manière de gouverner. Je me méfie en revanche des décisions prises de manière improvisée. Je me méfie toujours de la première décision, c’est-à-dire de la première chose qui me vient à l’esprit lorsque je dois prendre une décision. En général elle est erronée. Je dois attendre, évaluer intérieurement, en prenant le temps nécessaire. La sagesse du discernement compense la nécessaire ambiguïté de la vie et fait trouver les moyens les plus opportuns, qui ne s’identifient pas toujours avec ce qui semble grand ou fort.

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