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HOMÉLIES SUR SAINTE PÉLAGIE.
PREMIÈRE HOMÉLIE.
AVERTISSEMENT
A ANALYSE.
Nous avons deux homélies sur
sainte Pélagie, mais de la seconde nous ne possédons qu'une traduction latine
conservée par surins. La première fut sans aucun doute prononcée à Antioche où
fut aussi martyrisée sainte Pélagie.
1-3° Ce fut par le conseil de
Jésus-Christ que sainte Pélagie prévint le jugement du tyran, et se précipita.
— 4° Exhortation à la décence et au recueillement.
1. Béni soit le Seigneur l voici
maintenant que des femmes, à leur tour, se jouent de la mort; des jeunes filles
se rient d'en finir avec la vie; des vierges, de toutes jeunes filles,
étrangères au mariage , se jettent au milieu même des démons armés, sans
recevoir leurs blessures. Tous ces biens, nous les devons au Christ, sorti
d'une vierge : car, après ce bienheureux enfantement, cette admirable
naissance, la mort a été paralysée; la puissance du démon, anéantie ; ce ne sont
plus désormais les hommes seulement, mais les femmes aussi qui le méprisent; et
non-seulement les femmes, mais les jeunes filles. Un berger intrépide prend le
lion, redoutable pour son troupeau ; il lui brise les dents ; il lui coupe les
ongles ; il fait tomber sa crinière sous les ciseaux; il en fait le jouet,
méprisable et ridicule , qu'il livre aux enfants des bergers, aux jeunes filles
pour servir à leur amusement : ainsi a fait le Christ, de cette mort,
formidable pour notre nature, terrible, épouvantable ; il l'a prise , il a
dissipé l'épouvante qu'elle inspirait; il nous l'a livrée pour amuser même des
jeunes filles. Voilà pourquoi la bienheureuse Péta gie a couru au-devant, avec
un si vif transport, qu'elle n'attendit pas les mains des bourreaux, qu'elle
n'entra pas au tribunal, que la grandeur de son âme la poussa à prévenir leur
cruauté. Douleurs, tortures, affreux supplices, elle était prête à tout
supporter, mais elle craignait de perdre la couronne de la virginité. Et ce qui
prouve combien elle redoutait le libertinage des impies, elle le prévient, elle
s'empresse de se soustraire au dérèglement de leur insolence. Jamais homme
n'entreprit rien de pareil; en effet, tous les hommes qui affrontèrent le
martyre, se présentèrent devant le tribunal, et là, ils montrèrent leur
courage. Mais les femmes, exposées par leur nature à certains outrages, se
préoccupèrent des circonstances qui pouvaient accompagner leur mort. Si Pélagie
avait pu conserver la virginité, en acquérant la couronne du martyre, elle n'aurait
pas refusé de se présenter au tribunal : mais, vu la nécessité de perdre l'une
ou l'autre, elle pensa que ce serait le comble de la démence, quand elle
pouvait remporter une double victoire, de ne se ménager qu'un demi-triomphe.
Donc, elle refusa d'entrer au tribunal, de s'exposer en spectacle à la licence
des regards; de permettre aux désirs impurs de jouir de son (498) aspect; elle
mit son corps sacré à l'abri des outrages; de la chambre virginale, du gynécée,
elle passa dans un autre asile de la chasteté, dans le ciel. Il est beau de
voir autour de soi, sans pâlir, les bourreaux qui déchirent vos flancs; Pélagie
n'a pas montré moins de grandeur. Pour les hommes qui souffrent le martyre, il
arrive un moment que la sensibilité s'éteint dans la variété des tortures ; que
la mort ne paraît plus redoutable; qu'elle semble bien plutôt la délivrance, la
fin des douleurs; mais notre vierge, sans avoir encore rien souffert, lorsque
son corps était intact, nullement déchiré, Pélagie eut besoin d'une âme grande
et généreuse, pour sortir de cette vie par une mort violente. Si vous admirez
le courage de ces hommes intrépides, admirez donc aussi la force virile de
cette vierge; si la constance de ces héros vous saisit par ce qu'elle a de
sublime, soyez également saisis de la générosité sublime de cette femme, qui
ose affronter une telle mort. Ne passez pas en courant, retenez ici vos
pensées. Voyez cette vierge délicate qui ne connaissait que sa chambre pudique;
tout à coup des soldats l'envahissent, des soldats sont à sa porte; ils
l'appellent au tribunal ; on la traîne dans la place publique pour répondre à
une accusation, de quelle nature, de quelle gravité ! Pas de père auprès
d'elle, pas de mère à ses côtés; ni nourrice, ni servante, ni femme du
voisinage; pas une amie; elle était seule au milieu des bourreaux. Qu'elle ait
pu sortir et répondre à ces soldats, à ces bourreaux, ouvrir la bouche, faire
entendre sa voix; qu'elle ait eu la force de les regarder, de conserver une
contenance, de respirer, quel prodige, quel courage admirable ! Cette vertu
n'appartenait pas à la nature humaine; il y avait là un surcroît qui venait de
Dieu. Cependant la vierge n'était pas d'elle-même inactive; tout ce qui
dépendait d'elle de faire, elle le fit; elle montra du zèle, de la prudence, de
la générosité, de la résolution, de l'empressement, de l'impatience même. Mais
le succès auquel aboutirent ces excellentes dispositions fut l'effet du secours
de Dieu et de la grâce d'en-haut ; en sorte que nous devons l'admirer et tout
ensemble la déclarer bienheureuse ; bienheureuse, parce Dieu a été son
compagnon d'armes; l'admirer, parce qu'elle ne manqua pas elle-même de courage.
Car qui ne serait frappé d'admiration en apprenant, qu'en moins d'un instant,
elle conçut, résolut, accomplit ce qu'elle avait décidé? Il arrive souvent,
vous le savez tous, que des projets longtemps médités, nous les rejetons
lorsque le temps est venu de les accomplir; une légère crainte qui nous saisit
disperse tous nos desseins; une frayeur subite suffit pour nous détourner.
Notre vierge, au contraire, en un seul et même moment, conçoit, résout, exécute
un dessein si plein de terreur et d'épouvante; ni l'horreur du présent, ni la
rapidité des instants, ni son abandon au milieu des embûches, ni cette
circonstance qu'elle est toute seule chez elle, quand on la saisit, rien, non,
rien n'a troublé cette bienheureuse ; on eût dit que c'étaient des amis, des
personnes de connaissance qui lui rendaient visite, tant elle conserve la
liberté dans toutes ses actions ; cette tranquillité se comprend. En effet,
elle n'était pas seule, Jésus était avec elle, Jésus, son conseil il était là
auprès d'elle; c'était lui qui parlait à son coeur ; c'était lui qui fortifiait
son âme; c'était lui qui chassait la crainte. Et cette protection était
justice; la vierge martyre s'était d'avance montrée digne d'un pareil secours.
2. Elle sortit et demanda aux soldats la
permission de rentrer et de changer de vêtements : elle rentre et revêt
l'incorruptibilité, au lieu de ce qui est corruptible; l'immortalité au lieu de
la mort; la vie sans fin, au lieu de celle qui n'a qu'un temps. Pour moi,
j'admire, outre ce qui a déjà été dit, que les soldats lui aient accordé ce
qu'elle demandait, qu'une femme ait trompé des hommes, qu'ils n'aient, rien soupçonné
de ce qui allait arriver, qu'ils n'aient pas deviné la ruse. Ne dites pas que
personne aussi n'a jamais rien fait de pareil; en effet, nombre de femmes se
sont élancées dans des précipices, jetées dans les flots, ou poignardées, ou
pendues; ces tragédies se renouvelaient fréquemment alors. Non, ce fut Dieu qui
aveugla les satellites et ne leur permit pas de comprendre la ruse. Elle
s'envola donc du milieu des filets; comme une biche tombée entre les mains des
chasseurs et qui se sauve, arrive sur le sommet d'une montagne inaccessible, et
là, hors de leur portée, à l'abri de leurs traits, s'arrête, et, sans rien
craindre, regarde ceux qui la poursuivaient; ainsi fait notre vierge : elle
était tombée entre les mains des chasseurs qui la traquaient; sa chambre était
comme un filet où on l'avait prise, elle se sauve; non sur le sommet d'une
montagne; mais elle gravit les cimes du ciel même, et, de ces hauteurs, elle ne
redoutait plus leur (499) approche ; et les voyant ensuite s'en retourner les
mains vides, elle jouissait de la confusion des infidèles. Attachons-nous à la
bien comprendre le juge est sur son siège; les bourreaux se tiennent auprès de
lui, les tortures sont préparées, tout le peuple est rassemblé ; les soldats
attendent; c'est un trépignement universel, dans l'impatience du plaisir; on
espère que la proie va venir, et voici que ceux qui avaient été envoyés pour
s'en emparer, reviennent le front bas, les yeux regardant la terre, et
racontent ce qui s'est passé. Quelle honte, quelle affliction, quel sujet de
reproches pour ces infidèles ! Comme ils ont dû baisser la tête et rougir,
quand ils eurent compris qu'ils ne faisaient pas la guerre aux hommes, mais à
Dieu ! Joseph, harcelé par l'insidieuse maîtresse qui le poursuivait ,
abandonna le manteau qu'avaient souillé les mains de l'étrangère, et s'échappa
nu ; mais Pélagie déroba son corps aux atteintes des impudiques; elle dépouilla
son âme qui monta nue au ciel, abandonnant aux ennemis sa chair sacrée;
confondus, réduits à l'impuissance, ils ne savaient que faire de ces restes.
Voilà les oeuvres glorieuses de notre Dieu, quand il lui plaît de tirer ses
serviteurs de leurs angoisses, pour les conduire à la sérénité, et de confondre
les ennemis, en apparence triomphants, et de leur enlever toutes les ressources
de la pensée. Quelle position plus cruelle, que celle où s'était trouvée cette
jeune vierge? quoi de plus facile que ce que méditaient ces soldats? Elle était
seule dans sa chambre; ils l'y tenaient entre leurs mains, elle y était enfermée
comme dans une prison, et cependant ils revinrent après avoir perdu leur proie.
Encore une fois, la vierge était seule; aucun secours, aucune ressource; aucune
issue possible pour échapper de quelque côté que ce fût à ces affreux malheurs;
si près de la gueule des bêtes féroces, elle se dérobe néanmoins aux dents qui
allaient la dévorer, elle échappe aux piéges, aux soldats , aux juges, aux
princes. Elle vivante, tous croyaient facile de triompher. d'elle ; mais la
voilà morte, et alors les pensées des bourreaux sont confondues ; il fallait
leur apprendre que la mort des martyrs, c'est la victoire des martyrs. Ce qui
arriva, c'est comme si un navire chargé d'une énorme provision de marchandises,
de pierres précieuses, assailli, à l'entrée même du port, par des flots qui
menacent de l'engloutir, échappait à leur fureur, qui ne ferait que le pousser
dans le port avec plus de célérité. Ainsi en arriva-t-il à la bienheureuse
Pélagie. Les soldats se précipitant dans sa demeure,. la crainte des tortures
qu'elle attendait, les menaces du juge, toute cette tempête, plus. violente que
les flots soulevés, ne fit que précipiter son vol dans le ciel ; les vagues qui
allaient l'engloutir, la portèrent plus rapidement au refuge où sont les ondes
tranquilles; et puis son corps, plus brillant que la foudre,.tomba,. frappant
d'un éclat terrible les yeux du démon.. Car la foudre qui se précipite du ciel,
nous cause moins d'épouvante, que n'en ressentirent les, phalanges du démon,
quand elles virent tomber ce corps de la vierge martyre, plus redoutable que
tous les tonnerres.
3. Et maintenant voulez-vous être sûrs
que rien n'est arrivé que par la volonté de Dieu? Ce qui le prouve surtout,
c'est la promptitude du zèle qui a transporté la jeune vierge, c'est que les
soldats m'ont pas soupçonné la ruse, c'est qu'ils ont consenti à sa demande,
c'est que le fait s'est accompli. Une autre preuve, aussi forte, peut se tirer
du genre même de la mort. En effet, beaucoup de personnes sont tombées du haut
d'un toit, sans se faire aucun mal; il en est d'autres qui se sont mutilé le
corps, et ont vécu longtemps après leur chute; mais Dieu n'a pas voulu que rien
de pareil arrivât à la vierge bienheureuse; il voulut que son âme sortît
aussitôt de son corps, et il la reçut parce qu'elle avait assez lutté, parce
qu'elle avait accompli sa tâche. Ce n'est pas la chute, c'est l'ordre de Dieu
qui a déterminé la mort. Le corps était étendu non sur un lit, mais sur le sol
; il n'était pas sans honneur, quoique gisant sur le sol; le sol même devenait
un objet de vénération, pour avoir reçu ce corps si glorieux. Ce corps n'était
que plus vénérable, d'être ainsi étendu sur le sol; les outrages qu'on subit au
nom du Christ, nous sont un surcroît d'honneur. Il était donc étendu sur le
sol, dans ce lieu vénérable, ce corps virginal, plus précieux que l'or; les
anges se tenaient à l'entour, tous les archanges le contemplaient avec un
respect insigne; le Christ lui-même se tenait là. Car, si les maîtres assistent
aux funérailles des domestiques honorables, s'ils y vont sans rougir, à plus
forte raison, le Christ n'a pas pu rougir d'honorer de sa présence, celle qui,
pour lui, avait exhalé son âme, et affronté un si grand danger. Elle était donc
là, étendue, dans la (500) pompe magnifique qui convient aux funérailles des
martyrs, parée de la confession de la foi, vêtement plus riche que toute la
pourpre des rois; robe plus précieuse que tous les tissus les plus précieux ;
superbe à double titre, par la virginité, par le martyre; c'est avec ces
ornements de ses funérailles, qu'elle paraîtra au tribunal du Christ. Et nous
aussi, envions pour nous de pareils vêtements, et pour les jours de notre vie
et pour notre mort: nous savons bien que celui qui se pare de vêtements d'or,
n'en recueille aucune utilité; au contraire, il s'expose à de nombreux
reproches
il semble même, dans le sein de la mort,
ne pas renoncer à une gloire qui n'est que vanité; s'il est revêtu de bonnes
oeuvres il aura, même après sa mort, beaucoup de bouches pour célébrer ses
louanges. Sachons-le bien : la splendeur même de nos cours impériales paraîtra
aux yeux de tous moins brillante que le sépulcre où sera couché ce corps qui a
vécu dans la vertu, dans la piété. Vous êtes les témoins de ce que je déclare,
ô vous qui, dédaignant les sépultures des riches malgré l'or et les étoffes
magnifiques qui les décorent, vous en détournez comme on s'écarte des cavernes,
et courez avec amour auprès de cette sainte, qui a choisi le martyre, la
confession de la foi, la virginité, et non des vêtements d'or pour ses ornements,
et qui est morte dans le martyre.
Imitons-la de toutes nos forces. Elle a
méprisé la vie; de notre côté, méprisons les délices, raillons la somptuosité;
loin de nous l'ivresse, l'intempérance. Ce n'est pas sans dessein que je
prononce ces paroles, mais c'est que j'en vois beaucoup qui, au sortir de ce
spectacle tout spirituel, vont courir aux lieux où l'on s'enivre, où l'on
mange, aux tables d'hôte, dans d'autres endroits encore où l'infamie réside.
C'est pourquoi, je vous en prie, je vous en donne l'exhortation et le conseil,
ayez toujours présente à votre mémoire, à votre pensée, cette vierge sainte, ne
déshonorez pas cette assemblée, ne ruinez pas la confiance que cette fête nous
inspire. Nous n'avons pas tort dans nos entretiens avec les Gentils, de parler
avec orgueil de la foule qu'attire cette solennité; nous les voyons rougir
devant nous, quand nous leur disons que la ville entière, qu'un si grand
peuple, parce qu'une simple fille est morte, s'attroupe ainsi en son honneur,
et cela chaque année, après tant d'années, que le temps écoulé depuis n'a
jamais pu interrompre ni refroidir les hommages fidèles à sa mémoire. Mais si
les Gentils soupçonnaient ce qui se passe dans cette assemblée, combien ne
perdrions-nous pas de leur respect ! Quand cette foule, ici réunie, conserve
l'ordre et la décence, c'est pour nous la plus belle gloire; mais son
indolence, son mépris des, devoirs, c'est notre honte, et cette honte nous
accuse.
4. Si donc vous voulez que nous
puissions nous glorifier de ce grand rassemblement de votre charité ,
retirez-vous dans nos demeures avec l'ordre parfait qui convient à ceux qui se
sont réunis auprès de cette bienheureuse martyre. Celui qui ne s'en
retournerait pas dans ces dispositions, non-seulement n'aurait rien gagné, mais
il s'exposerait au plus grand danger. Je sais que vous êtes exempts des
maladies qui souillent l'âme, mais cette excuse ne doit pas vous suffire; vous
devez encore, quand vos frères oublient la décence, les ramener à la modestie
parfaite, les rétablir dans la pureté, dans l'honnêteté convenable. Vous avez,
par votre présence, honoré la martyre; honorez-la encore en redressant ceux qui
sont proprement ses membres. Si vous voyez un rire désordonné, une course
indécente, une démarche indigne, une allure inconvenante, montrez-vous, et
fixez des regards sévères, des regards qu'on redoute. Mais on vous méprise, on
ne fait que rire plus fort à vos dépens? Prenez avec vous, deux frères, ou
trois, ou un plus grand nombre, afin que ce plus grand nombre vous assuré le respect.
Vous ne parvenez pas encore, même par ce moyen, à corriger leur démence,
dénoncez-les aux prêtres. Mais il est impossible que leur impudence aille
jusqu'à mépriser les reproches, les exhortations; je ne saurais croire qu'ils
ne finissent pas par s'amender, par renoncer à ces dérèglements, à ces
frivolités licencieuses. Supposez que vous en ayez reconquis une dizaine, ou
trois, ou deux, ne fût-ce qu'un seulement, vous retournerez chez vous, enrichi
d'un gain précieux. La route est longue: profitons de la longueur de la route,
pour recueillir dans notre mémoire les discours que nous aurons entendus ici :
voilà le moyen de parfumer le chemin des plus suaves odeurs. La route aurait
moins de charmes, quand l'air, dans tout le parcours, serait embaumé de senteurs
exquises, qu'elle ne serait charmante aujourd'hui, si tous les fidèles qui la
suivront, regagnaient leurs demeures, en se racontant l'héroïsme de notre
martyre, chacun se servant (501) de sa langue comme d'un encensoir pour
l'honorer. Quand l'empereur fait son entrée dans une ville , avec quel ordre
les files des soldats s'avancent, de droite et de gauche, s'exhortant
mutuellement à marcher sans confusion, avec les précautions que le respect
commande, à qui veut paraître digne des regards du peuple !
Faisons comme eux; car nous aussi nous
escortons un empereur; non un empereur visible, non un empereur qui ne commande
que sur la terre, mais le Maître et le Seigneur des anges. Marchons donc, nous
aussi, en bon ordre, nous exhortant, les uns les autres, à nous avancer comme
il convient, en gardant nos rangs, de telle sorte qu'on admire, non-seulement
notre grand nombre, mais encore la beauté de notre défilé. Parlons mieux
n'eussions-nous aucun témoin, fussions-nous seuls à faire ce trajet, même alors
il ne faudrait pas nous abandonner à des allures inconvenantes, parce qu'il y a
un oeil qui ne dort pas, présent partout, regardant tout. Considérez encore
qu'un grand nombre d'hérétiques sont mêlés avec nous; s'ils nous voient ainsi
dansant , riant, poussant des cris, en proie à l'ivresse, ils nous condamneront
en toute sévérité, ils s'éloigneront de nous. Si, pour un seul homme qu'on
scandalise, on s'attire un inévitable châtiment, nous qui aurons scandalisé un
si grand nombre d'hommes, quel châtiment n'encourrons-nous pas? Mais loin de
nous ce malheur, qu'après ces discours, qu'après cette exhortation , aucun de
nous s'expose à tomber dans de tels égarements ! Car si jusqu'à présent ces
fautes ne méritaient pas de pardon, après notre réunion d'aujourd'hui, et les
reproches que vous venez d'entendre, la peine sera bien plus inévitable encore,
tant pour ceux qui s'abandonnent à ces excès, que pour ceux qui les voient avec
indifférence. Donc, pour préserver vos frères des châtiments, et pour vous
assurer à vous-mêmes une plus belle récompense, prenez en main le soin du salut
de vos frères; engagez-les à recueillir, à se rapporter mutuellement les
discours que vous avez entendus, pour les méditer pendant tout le parcours de
la route, pour offrir, à ceux qui sont restés, qui ont été laissés dans leurs
maisons , les restes dé notre table, pour vous apprêter, même chez vous, un
brillant repas. C'est ainsi, en effet, que nous retirerons de cette fête tout
le sentiment qu'elle doit imprimer profondément dans nos âmes; que nous nous
assurerons la plus grande bienveillance de la sainte martyre, juste retour de
la sincérité de notre respect. Notre présence ici, notre tumultueux
empressement, lui sera bien moins agréable, que le plaisir de nous voir
emporter d'ici une abondante et lourde moisson de grâces spirituelles. Puisse
notre sainte nous mettre en possession de ces fruits, par ses prières, et, avec
elle, puissent tous ceux qui ont lutté comme elle, nous obtenir de conserver la
mémoire des discours de ce jour, et de tous les autres; de les reproduire dans
toutes nos actions, afin d'être, à toutes les heures de notre vie, agréables au
Dieu à qui appartient la gloire, la. puissance, dans tous les siècles des
siècles.
Ainsi soit-il.
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