Pedro Garavito naît en 1499 à Alcantara,
petite ville de la province espagnole d'Estramadure, où son père était
gouverneur.
À quatorze ans, il perdit son père, sa mère se remaria et il partit
étudier les arts libéraux, la philosophie et le droit canon à l'université de
Salamanque où il décida d'entrer chez les Frères Mineurs dont il reçut
l'habit, en 1515, au couvent de Los Majaretes.
En 1519 il est choisi comme gardien du couvent de Badajoz ; ordonné
prêtre en 1524, il commença une si brillante carrière de prédicateur qu'on
l'appelât à la cour du Portugal. Élu provincial de son Ordre (province
Saint-Gabriel) en 1538, il instaure un régime très austère et, son mandat
terminé, il se retire dans un désert, à l'embouchure du Tage, où il fonde un
couvent d'ermites (1542).
Rappelé dans sa province (1544), il y fonde, près de Lisbonne, un
couvent qui sera le germe d'une province nouvelle (1550). Lors d'un voyage à
Rome, il reçoit l'approbation du pape Jules III (Giovanni Maria Ciocchi Dal Monte, 1550-1555) pour expérimenter une
réforme radicale, sous la juridiction des mineurs observants dont le
commissaire général le nomme commissaire général des mineurs réformés
d'Espagne (1556). En 1559 le pape Paul IV (Giovanni Pietro Carafa, 1555-1559) lui donne tous pouvoirs pour ériger de nouveaux
couvents.
Pierre d'Alcantara mourut au couvent d'Arenas (province d'Avila) le
18 octobre 1562. « Mes
fils, dit-il, ne pleurez pas. Le temps est venu pour le Seigneur d'avoir pitié de
moi. Il ne vous oubliera point. Pour moi, je ne suis plus nécessaire »
; au frère qui voulait remonter sa couverture, il dit : « Laisse-moi, mon fils, il y a
encore du danger. Si les cèdres du Liban tremblent, que fera le roseau ? »
Il se mit à genoux pour recevoir le viatique ; le lendemain, à quatre heures
du matin, il reçut l'extrême-onction, embrassa et bénit tous ses frères,
puis, immobile, se recueillit longuement. « Ne voyez-vous point, mes frères, la Très Sainte
Trinité, avec la sainte Vierge et le glorieux évangéliste ? »
Il expira doucement en murmurant des psaumes. Il fut inhumé près de l'autel
de l'église des franciscains d'Arénas.
Pierre d'Alcantara, calme et prudent, pauvre et généreux, obéissant
et humble, pénitent et accueillant, disponible et magnanime fut un des grands
orateurs sacrés du Siècle d'Or espagnol.
Grégoire XV (Alessandro
Ludovisi, 1621-1623), qui l'appelait docteur et maître éclairé en théologie mystique,
béatifia Pierre d'Alcantara par la bulle In sede Principis Apostolorum (18
avril 1622) ; le décret de canonisation fut rendu, le 28 avril 1669, sous Clément IX (Giulio Rospigliosi,
1667-1669) et Clément X (Emilio
Altieri, 1670-1676) donna la bulle de canonisation le 11 mai 1670 (Romanorum gesta pontificum).
Pour
un approfondissement :
>>> Pierre d'Alcantara : Œuvres spirituelles Source principale : missel.free.fr (« Rév. X gpm »). |
SAN PIETRO DALCANTARA / F
|
livres-mystiques.com
traduites en français par le P.
Marcel Bouix
- Table des matières -
Introduction
Traité de l’oraison et de la
méditation
|
Traité de la dévotion
|
Portrait historique du saint par sainte Thérèse
d’Avila
Saint Pierre d’Alcantara, guide
spirituel de sainte Thérèse
et principal promoteur de sa Réforme (1)
Il plut à Notre-Seigneur de remédier en
partie à mes peines, et même de les faire cesser pendant quelque temps, en
conduisant à Avila le bienheureux père Pierre d'Alcantara. Guiomar de Ulloa,
grande servante de Dieu, et mon intime amie, ayant appris l'arrivée de ce grand
personnage, voulut que je le visse. Pour faciliter mes rapports avec un homme
aussi saint, elle obtint de mon provincial, sans m'en rien dire, la permission
de m'avoir huit jours chez elle. Ce fut dans sa maison, et dans quelques
églises, que j'eus plusieurs entretiens avec un si grand maître de la vie
spirituelle. Depuis, il m'a encore été donné, à diverses époques, de
communiquer de la manière la plus intime. Comme je n’ai jamais rien caché à mes
guides des plus secrets replis de mon cœur, et que dans les choses douteuses,
j'ai toujours dit ce qui pouvait m’être contraire, je lui rendis compte de
toute ma vie et de ma manière d'oraison le plus clairement qu'il me fut
possible. Je vis presque d'abord qu'il m'entendait par l'expérience qu'il avait de ces voies, et c'était ce dont j'avais besoin : car Dieu ne m'avait pas encore fait la grâce
qu'il m'a accordée depuis, de savoir faire comprendre aux autres les faveurs
dont il me comble ; ainsi, pour les connaître et pour en porter un
jugement sûr, il fallait en avoir reçu de semblables.
Il me donna une grande lumière, et elle
m'était très nécessaire ; car, jusqu'à ce moment, les visions
intellectuelles, et même celles qui, sous des images, se voient des yeux
intérieurs de l'âme, avaient été pour moi quelque chose d'incompréhensible. Ce
saint homme m'éclaira sur tout, et me donna une parfaite intelligence de ces
visions ; il me dit de ne plus craindre, mais de louer Dieu, m'assurant
qu'il en était l'auteur, et qu'après les vérités de la foi, il n'y en avait
point de plus certaine ni à laquelle je dusse donner une plus ferme créance. Il
se consolait beaucoup avec moi, me témoignait une très grande affection, et il
m'a toujours depuis fait part de ses pensées les plus intimes et de ses
desseins. Heureux de voir que Notre-Seigneur m'inspirait une si ferme
résolution, et tant de courage pour entreprendre les mêmes choses qu'il lui
faisait la grâce d'exécuter, il goûtait un grand contentement dans cette mutuelle communication de nos
âmes. Car dans l'état auquel le divin Maître l'avait élevé, le plus grand
plaisir, comme la plus pure consolation, est de rencontrer une âme en qui l'on
croit découvrir le commencement des mêmes grâces. Je ne faisais alors, ce me semble,
que d'entrer dans une si sainte voie. Dieu veuille que je sois maintenant plus
avancée.
Il
fut convenu entre ce saint religieux et moi, que je lui écrirais
à l'avenir ce qui m'arriverait, et que nous prierions beaucoup Dieu l'un pour
l'autre. Dans sa profonde humilité, il voulait bien attacher quelque prix aux
prières d'une créature aussi misérable que moi, ce qui me couvrait d'une
extrême confusion.
Il
me laissa fort contente et fort consolée par l'assurance qu'il me donna que
l'Esprit de Dieu agissait dans mon âme ; il ajouta que je pouvais sans
crainte continuer à faire oraison ; et que, s'il me survenait des doutes,
je n'avais qu'à les communiquer à mon confesseur, sans m'en inquiéter
davantage.
Je
ne pouvais me lasser de rendre grâces au Seigneur, et de bénir mon glorieux
père saint Joseph, à qui j'attribuais l'arrivée de ce grand religieux qui était
Commissaire général de la custodie ou province qui porte son nom. Je n'avais
cessé de me recommander très instamment à ce glorieux patriarche, ainsi qu'à la
très sainte Vierge.
Saint Pierre d'Alcantara éclaire la sainte à Tolède.
À Avila, il
lui prête son concours,
et le
monastère de saint Joseph,
berceau de la Réforme du Carmel, est fondé.
Avant
la fondation du monastère de Saint-Joseph d'Avila, tandis que j'étais à Tolède
chez Louise de la Cerda, sœur du duc de Medina-Cœli,
cette dame désira voir le saint religieux, Pierre d'Alcantara, qu'elle n'avait
jamais vu. Je lui écrivis pour le prier de venir passer quelques jours chez
elle ; il voulut bien se rendre à ma prière. Cet homme de Dieu avait un
grand amour pour la pauvreté ; il l'avait religieusement pratiquée durant
plusieurs années, et il en comprenait les richesses : ainsi, non-seulement
il approuva mon dessein de fonder le monastère de Saint-Joseph sans revenus,
mais il m'ordonna de travailler de tout mon pouvoir à le faire réussir.
Regardant comme le plus sûr le conseil d'un Saint instruit à l'école d'une si longue expérience, je résolus de le suivre, sans
plus consulter personne.
Quelques
temps après, je quittai Tolède pour me rendre à Avila. Le soir même de mon
arrivée à Avila, nous reçumes les dépêches de Rome et le bref pour
l'établissement de notre monastère. Ma surprise fut grande, et ceux qui
savaient de quelle manière Notre-Seigneur m'avait pressée de revenir, ne furent
pas moins étonnés, quand ils virent combien ma présence était nécessaire, et
dans quelle favorable conjoncture le divin Maître me ramenait. Je trouvai dans
la ville l'évêque, le vénérable Pierre d'Alcantara, et le vertueux gentilhomme
qui le logeait chez lui ; les serviteurs de Dieu trouvant toujours dans sa
maison asile et bon accueil. Ils s'employèrent tous deux auprès de l'évêque,
pour l'engager à prendre sous sa juridiction le nouveau monastère. Comme il
devait être fondé sans revenus, la faveur demandée au prélat n'était pas
petite ; mais il était si affectionné aux personnes en qui il voyait une
ferme résolution de servir Dieu, qu'il accorda la demande, et nous protégea dès
lors avec tout le dévouement et l'amour d'un père. Ce fut, je dois le dire, le
bienheureux Pierre d'Alcantara qui fit véritablement tout, soit en approuvant
notre entreprise, soit en nous ménageant la faveur de plusieurs personnes. Si,
comme je l'ai dit, je n'étais pas arrivée dans un moment si favorable, je ne
vois pas comment notre dessein eût pu réussir. En effet, le saint vieillard ne
passa ici que huit jours tout au plus, durant lesquels il fut fort malade, et
Dieu l'appela à lui très peu de temps après. Il semble que sa divine Majesté
n'avait prolongé sa vie que pour conduire à terme cette entreprise ; car,
depuis plus de deux ans, si mon souvenir est fidèle, ses forces étaient
entièrement épuisées.
Portrait historique de saint Pierre d'Alcantara par sainte
Thérèse.
Quel
parfait imitateur de Jésus-Christ Dieu vient de nous ravir, en appelant à la
gloire ce religieux béni, Pierre d'Alcantara ! Il l'avait gardé dans toute
sa rigueur la règle primitive de Saint et pratiqué cette pénitence dont je ne
pourrai rapporter que quelques traits. Le monde, dit-on, n'est plus capable
d'une perfection si haute ; les santés sont plus faibles, et, nous ne
sommes plus aux temps passés. Ce Saint était de ce siècle, et sa mâle ferveur
égalait cependant celle des temps anciens ; aussi tenait-il le monde sous
ses pieds. Mais sans porter le dépouillement aussi loin que lui,
sans faire une aussi âpre pénitence, il est plusieurs
choses dans lesquelles, comme je l'ai souvent dit, nous pouvons pratiquer le
mépris du monde, et que Notre-Seigneur nous fait connaître
dès qu'il voit en nous du courage. Qu'il dut être grand celui que reçut de Dieu
le Saint dont je parle, pour soutenir pendant quarante-sept ans cette pénitence
si austère que tous connaissent aujourd'hui ! En voici quelques détails
que je me plais à rapporter, et dont la vérité m'est parfaitement connue ;
c'est de sa propre bouche que je les ai entendus avec une autre personne dont
il se cachait peu. Quant à moi, je dus cette ouverture à l'affection qu'il me
portait ; Notre-Seigneur la lui avait donnée, afin qu'il prît ma défense
et m'encourageât dans un temps où son appui m'était si nécessaire, comme on l'a
vu et comme on le verra encore par mon récit. Entre autres austérités, il avait
porté pendant vingt années un cilice de lames de fer-blanc, sans jamais le
quitter. Il avait passé quarante ans sans jamais dormir plus d'une heure et
demie par jour ; de toutes ses mortifications, celle qui lui avait le plus
coûté dans les commencements, c'était de vaincre le sommeil ; dans ce
dessein, il se tenait toujours ou à genoux ou debout. Le peu de repos qu’il
accordait à la nature, il le prenait assis, la tête appuyée contre un morceau
de bois fixé dans le mur ; eût-il voulu se coucher, il ne l'aurait pu,
parce que sa cellule, comme on le sait, n’avait que quatre pieds et demi de
long. Durant le cours de toutes ces années, jamais il ne se couvrit de son
capuce, quelque ardent que fût le soleil, quelque forte que fût la pluie.
Jamais il ne se servit d'aucune chaussure. Il ne portait qu’un habit de grosse
bure, sans autre chose sur la chair ; encore cet habit était-il aussi
étroit que possible ; et par-dessus il mettait un petit manteau de même
étoffe. Dans les grands froids il le quittait, et laissait quelque temps
ouverte la porte et la petite fenêtre de sa cellule ; il les fermait
ensuite, il reprenait son mantelet, et c'était là, nous disait-il, sa manière
de se chauffer, et de donner à son corps un peu de soulagement. Il lui était
fort ordinaire de ne manger que de trois en trois jours ; et comme j'en
paraissais surprise, il me dit que c'était très facile à quiconque en avait
pris la coutume. Un de ses compagnons m'assura qu'il passait quelquefois huit
jours sans prendre aucune nourriture. Cela devait arriver, je pense, dans
l'oraison et dans ces grands ravissements où le jetaient les brûlants
transports de son amour pour Dieu ; je l'ai vu moi-même une fois entrer en
extase. Sa pauvreté était extrême, et il était si mortifié, même dès sa
jeunesse, qu'il m'a avoué confidemment qu'il avait passé trois ans dans une maison
de son Ordre sans connaître aucun des religieux, si ce n'est au son de la voix,
parce qu'il ne levait jamais les yeux ; de sorte qu'il n'aurait pu se
rendre aux endroits où l'appelait là règle, s'il n'avait suivi les autres. Il
gardait cette même modestie par les chemins. Il passa plusieurs années sans
jamais regarder de femmes ; mais il me confessa qu'à l'âge où il était
parvenu, c'était pour lui la même chose de les voir ou de ne pas les
voir ; à la vérité, il était déjà très vieux quand je vins à le connaître,
et son corps était tellement exténué, qu'il semblait n'être formé que de
racines d'arbre. Avec toute cette sainteté, il était très affable ; il ne
parlait guère que lorsqu'il était interrogé ; mais la justesse et les
grâces de son esprit donnaient à ses paroles je ne sais quel charme
irrésistible. Je raconterais volontiers beaucoup d'autres particularités, si je
n'appréhendais, mon père, qu'une plus longue digression ne m'attirât un
reproche de votre part. Je n'étais pas même exempte de cette crainte, en
écrivant ce que je viens de dire. J'ajouterai donc seulement que ce saint homme
est mort comme il avait vécu, en instruisant et en exhortant ses frères. Quand
il vit que son terme approchait, il récita le psaume Laetatus
sum in his quœ dicta sunt mihi, et s'étant mis à genoux, il expira (2).
Le
Seigneur a voulu dans sa bonté, qu'à partir de ce jour il m'ait encore plus
assistée que mérité durant sa vie : j'en ai reçu des conseils en diverses
circonstances. Je l'ai vu plusieurs fois tout éclatant de gloire. Il me dit
dans la première de ces apparitions : « Ô bienheureuse pénitence qui
m'a une si grande récompense ! » Ces paroles furent suivies de plusieurs
autres. Un an avant sa mort, il m'apparut, malgré l'éloignement qui nous
séparait, et je sus qu'il devait bientôt nous être enlevé. Je l'en avertis, en
lui écrivant dans l'endroit où il était, à quelques lieues d'ici. Au moment où
il rendit le dernier soupir, il se montra à moi, et me dit qu'il allait se
reposer. Huit jours après cette vision, nous vint la nouvelle qu'il était mort,
ou plutôt qu'il avait commencé à vivre pour toujours. Le voilà donc le terme de
cette vie si austère, une éternité de gloire ! Depuis qu'il est au ciel,
il me console beaucoup plus, ce me semble, que quand il était sur la terre.
Notre-Seigneur
me dit un jour qu'on ne lui demanderait rien au nom de son serviteur, qu'il ne
l'accordât. Je l'ai très souvent prié de présenter au Seigneur mes demandes, et
je les ai vues toujours exaucées. Louange, et louange sans fin, à ce Dieu de
bonté ! Ainsi soit il.
(1) Tout ce qu'on va lire est
textuellement extrait de la Vie de sainte Térèse écrite par elle-même.
(2) Ce fut le 18 octobre 1562 ; le
Saint était âgé de 63 ans.
CHAPITRE VI
De la préparation qui est requise
avant de commencer l’oraison
Il
sera utile que nous traitions maintenant en particulier de chacune des choses
dont nous venons de parler, et que nous commencions par la préparation, qui est
la première.
Étant
dans l'endroit où vous devez prier, et vous tenant à genoux, ou debout, ou les
bras en croix, ou prosterné, ou assis, si vous ne pouvez vous tenir autrement,
vous commencerez d'abord par faire le signe de la croix ; cela fait, vous
recueillerez votre imagination, vous la séparerez de toutes les choses de cette
vie, et vous élèverez votre esprit en haut, considérant que Notre-Seigneur
regarde ce que vous allez faire ; et vous vous tiendrez là avec autant
d'attention et de respect que si vous le voyiez réellement présent devant vos
yeux. Puis, si c'est l'oraison du matin, vous ferez un acte de contrition de
tous vos péchés et vous direz le Confiteor ; si c'est celle du soir, vous
examinerez votre conscience sur tout ce que vous aurez pensé, dit, fait,
entendu en ce jour ; sur l'oubli où vous avez été de Notre-Seigneur, et
vous repentant des fautes de ce jour comme de toutes celles de la vie passée,
vous humiliant devant la divine Majesté en présence de qui vous êtes, vous
direz ces paroles du saint patriarche : « Je parlerai à mon Seigneur,
quoique je ne sois que poussière et que cendre (1). »
Vous direz ensuite avec le Psalmiste :
Je
lève mes yeux vers vous, ô vous qui habitez dans les cieux ;
Comme
les yeux des serviteurs sont attentifs à tous les gestes de leurs
maîtres ;
Comme
les yeux d'une servante sont fixés sur tous les signes que fait sa
maîtresse ; ainsi nos yeux se portent sans cesse vers le Seigneur notre
Dieu, en attendant qu'il ait compassion de nous.
Ayez
pitié de nous, Seigneur, ayez pitié de nous ; car nous sommes couverts de
confusion
Oui,
notre âme en est remplie : nous sommes l'opprobre des riches et l'objet du
mépris des orgueilleux.
Gloire
soit au Père, au Fils, et au Saint-Esprit, comme dans le principe, maintenant
et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. (Ps. CXXII)
Et
comme nous ne sommes pas capables d'avoir de nous-mêmes une seule bonne pensée,
et que toute notre suffisance vient de Dieu ; comme nul ne peut invoquer
comme il faut le saint nom de Jésus, s'il n'est assisté de la faveur du
Saint-Esprit, pour cette raison, dites avec l'Église :
Venez,
Esprit-Saint, et envoyez-nous du ciel un rayon de votre lumière ;
Venez,
père des pauvres, venez distributeur des dons, venez, lumière des cœurs ;
Venez,
doux consolateur, venez, hôte divin de nos âmes, venez, vous qui seul êtes leur
suave rafraîchissement.
Vous
êtes notre repos dans le travail, notre rafraîchissement dans les ardeurs du
jour, notre consolation dans les pleurs.
Ô
lumière infiniment heureuse, remplissez le fond du cœur de vos fidèles.
V.
Envoyez-nous votre Esprit, et nos cœurs seront comme créés de nouveau ;
R.
Et vous renouvellerez la face de la terre.
ORAISON
Ô
Dieu, qui avez instruit vos fidèles en remplissant
leurs cœurs des lumières du Saint-Esprit, faites que cet Esprit nous fasse
aimer et goûter la justice et la sainteté, et qu'il soit toujours lui-même
notre consolation et notre joie. Par Jésus-Christ Notre-Seigneur qui vit et
règne dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
Cela
étant dit, vous supplierez aussitôt Notre-Seigneur qu'il vous fasse la grâce de
vous tenir là, avec l'attention, la dévotion, le recueillement intérieur, la
crainte, le respect dus à la présence d'une si haute Majesté, et de passer de
telle sorte ce temps de l'oraison, que vous en sortiez avec de nouvelles forces
et une nouvelle ardeur, pour vous employer à son divin service ; car
l'oraison qui ne produit pas immédiatement ce fruit, est fort imparfaite et de
peu de valeur.
(1) Gen., XVIII, 27
CHAPITRE VII
De la lecture
À
la préparation, succède la lecture du sujet qu'on doit méditer. Elle ne doit
point être faite à la hâte ni à la légère, mais elle doit être attentive et
calme ; il faut que l'entendement s'applique à saisir ce qu'il lit, et que
la volonté, beaucoup plus encore, s'applique à le goûter. Quand on arrive à un
mystère, à une circonstance, enfin à un endroit de la lecture qui donne de la
dévotion, qu'on s'y arrête un peu plus, afin de s'en pénétrer plus
profondément. Que la lecture ne soit pas très longue, afin de donner plus de
temps à la méditation ; car le profit que l'âme en retire est d'autant
plus grand, qu'elle scrute et pèse davantage les choses, et que sa volonté s'y
attache avec plus d'ardeur. Néanmoins, lorsque le cœur sera distrait, et qu'on
ne pourra entrer dans la méditation, qu'on donne alors un peu plus de temps à
la lecture, ou plutôt que des deux exercices on n'en fasse qu'un, en lisant un
point et en le méditant, puis un autre, en le méditant de la même manière, et
ainsi successivement. Les paroles de la lecture enchaînent l'entendement, et il
lui est moins facile de se dissiper que s'il était libre et dégagé de tout
lien. Le mieux pourtant serait de combattre pour mettre en fuite ces pensées
importunes, de persévérer et de lutter, comme un autre Jacob, toute la nuit,
dans le labeur de l'oraison ; car, à la fin, la victoire couronne ce noble
combat, et Notre-Seigneur accorde pour prix la dévotion, ou une autre grâce
plus grande encore, sans jamais la refuser à ceux qui combattent fidèlement.
CHAPITRE VIII
De la méditation
Après
la lecture, vient la méditation du mystère qu'on vient de lire. Parmi les
sujets que l'on médite, il en est que l'on peut se représenter à l'aide de
l'imagination, comme, par exemple, tous les mystères de la vie et de la passion
de Notre-Seigneur, le jugement dernier, l'enfer, le paradis ; il en est
d'autres qui appartiennent plus à l'entendement qu'à l'imagination, comme, par
exemple, la considération des bienfaits de Dieu, de sa bonté, de sa miséricorde
ou de quelque autre de ses perfections. Dans le premier cas, méditer c'est
considérer des yeux intérieurs de l'âme un mystère, et dans le second, c'est
approfondir une vérité à l'aide du raisonnement. Nous avons coutume, dans ces
exercices, de nous servir de ces deux manières de méditer, suivant la nature
des sujets.
Quand
nous méditons sur un mystère, nous devons nous représenter chaque chose de la
manière dont elle est, ou de la manière dont elle doit se passer, et nous
figurer aussi que tout se passe dans l'endroit même où nous sommes, et en notre
présence. Cette représentation des choses fera que la considération sera plus
vive, et le sentiment plus profond. Il faut même nous imaginer que ces choses
se passent au dedans de notre cœur, ce qui vaut encore mieux. Puisque des cités
et des royaumes tiennent à l'aise dans ce cœur, il lui sera bien plus facile de
contenir la représentation de ces mystères. Cette méthode aidera beaucoup l'âme
à se tenir recueillie, ou à s'occuper au dedans d'elle-même, semblable à
l'abeille qui, renfermée dans sa ruche, fait son rayon de miel ; car, de
s'en aller par la pensée à Jérusalem, pour méditer ces mystères, et aux lieux
mêmes où ils s'accomplirent, c'est une chose qui d'ordinaire fatigue les têtes,
et leur est nuisible. C'est pourquoi l'homme ne doit pas attacher excessivement
l'imagination à ce qu'il médite, pour ne pas fatiguer la nature par cette
violente manière de saisir les choses.
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