dimanche 18 octobre 2015

saint Pierre d’Alcantara . 1499 + 1562



Pedro Garavito naît en 1499 à Alcantara, petite ville de la province espagnole d'Estramadure, où son père était gouverneur.

À quatorze ans, il perdit son père, sa mère se remaria et il partit étudier les arts libéraux, la philosophie et le droit canon à l'université de Salamanque où il décida d'entrer chez les Frères Mineurs dont il reçut l'habit, en 1515, au couvent de Los Majaretes. 

En 1519 il est choisi comme gardien du couvent de Badajoz ; ordonné prêtre en 1524, il commença une si brillante carrière de prédicateur qu'on l'appelât à la cour du Portugal. Élu provincial de son Ordre (province Saint-Gabriel) en 1538, il instaure un régime très austère et, son mandat terminé, il se retire dans un désert, à l'embouchure du Tage, où il fonde un couvent d'ermites (1542). 

Rappelé dans sa province (1544), il y fonde, près de Lisbonne, un couvent qui sera le germe d'une province nouvelle (1550). Lors d'un voyage à Rome, il reçoit l'approbation du pape Jules III (Giovanni Maria Ciocchi Dal Monte, 1550-1555) pour expérimenter une réforme radicale, sous la juridiction des mineurs observants dont le commissaire général le nomme commissaire général des mineurs réformés d'Espagne (1556). En 1559 le pape Paul IV (Giovanni Pietro Carafa, 1555-1559) lui donne tous pouvoirs pour ériger de nouveaux couvents.

Pierre d'Alcantara mourut au couvent d'Arenas (province d'Avila) le 18 octobre 1562. « Mes fils, dit-il, ne pleurez pas. Le temps est venu pour le Seigneur d'avoir pitié de moi. Il ne vous oubliera point. Pour moi, je ne suis plus nécessaire » ; au frère qui voulait remonter sa couverture, il dit : « Laisse-moi, mon fils, il y a encore du danger. Si les cèdres du Liban tremblent, que fera le roseau ? » Il se mit à genoux pour recevoir le viatique ; le lendemain, à quatre heures du matin, il reçut l'extrême-onction, embrassa et bénit tous ses frères, puis, immobile, se recueillit longuement. « Ne voyez-vous point, mes frères, la Très Sainte Trinité, avec la sainte Vierge et le glorieux évangéliste ? » Il expira doucement en murmurant des psaumes. Il fut inhumé près de l'autel de l'église des franciscains d'Arénas.

Pierre d'Alcantara, calme et prudent, pauvre et généreux, obéissant et humble, pénitent et accueillant, disponible et magnanime fut un des grands orateurs sacrés du Siècle d'Or espagnol.

Grégoire XV (Alessandro Ludovisi, 1621-1623), qui l'appelait docteur et maître éclairé en théologie mystique, béatifia Pierre d'Alcantara par la bulle In sede Principis Apostolorum (18 avril 1622) ; le décret de canonisation fut rendu, le 28 avril 1669,  sous Clément IX (Giulio Rospigliosi, 1667-1669) et Clément X (Emilio Altieri, 1670-1676) donna la bulle de canonisation le 11 mai 1670 (Romanorum gesta pontificum).
Pour un approfondissement :
>>> Pierre d'Alcantara : Œuvres spirituelles 


Source principale : missel.free.fr (« Rév. X gpm »).  

SAN PIETRO DALCANTARA / F
 


livres-mystiques.com

traduites en français par le P. Marcel Bouix
  - Table des matières -
  Introduction
  Traité de l’oraison et de la méditation



Portrait historique du saint par sainte Thérèse d’Avila
  
Saint Pierre d’Alcantara, guide spirituel de sainte Thérèse
et principal promoteur de sa Réforme (1)


Il plut à Notre-Seigneur de remédier en partie à mes peines, et même de les faire cesser pendant quelque temps, en conduisant à Avila le bienheureux père Pierre d'Alcantara. Guiomar de Ulloa, grande servante de Dieu, et mon intime amie, ayant appris l'arrivée de ce grand personnage, voulut que je le visse. Pour faciliter mes rapports avec un homme aussi saint, elle obtint de mon provincial, sans m'en rien dire, la permission de m'avoir huit jours chez elle. Ce fut dans sa maison, et dans quelques églises, que j'eus plusieurs entretiens avec un si grand maître de la vie spirituelle. Depuis, il m'a encore été donné, à diverses époques, de communiquer de la manière la plus intime. Comme je n’ai jamais rien caché à mes guides des plus secrets replis de mon cœur, et que dans les choses douteuses, j'ai toujours dit ce qui pouvait m’être contraire, je lui rendis compte de toute ma vie et de ma manière d'oraison le plus clairement qu'il me fut possible. Je vis presque d'abord qu'il m'entendait par l'expérience qu'il avait de ces voies, et c'était ce dont j'avais besoin : car Dieu ne m'avait pas encore fait la grâce qu'il m'a accordée depuis, de savoir faire comprendre aux autres les faveurs dont il me comble ; ainsi, pour les connaître et pour en porter un jugement sûr, il fallait en avoir reçu de semblables.

Il me donna une grande lumière, et elle m'était très nécessaire ; car, jusqu'à ce moment, les visions intellectuelles, et même celles qui, sous des images, se voient des yeux intérieurs de l'âme, avaient été pour moi quelque chose d'incompréhensible. Ce saint homme m'éclaira sur tout, et me donna une parfaite intelligence de ces visions ; il me dit de ne plus craindre, mais de louer Dieu, m'assurant qu'il en était l'auteur, et qu'après les vérités de la foi, il n'y en avait point de plus certaine ni à laquelle je dusse donner une plus ferme créance. Il se consolait beaucoup avec moi, me témoignait une très grande affection, et il m'a toujours depuis fait part de ses pensées les plus intimes et de ses desseins. Heureux de voir que Notre-Seigneur m'inspirait une si ferme résolution, et tant de courage pour entreprendre les mêmes choses qu'il lui faisait la grâce d'exécuter, il goûtait un grand contentement  dans cette mutuelle communication de nos âmes. Car dans l'état auquel le divin Maître l'avait élevé, le plus grand plaisir, comme la plus pure consolation, est de rencontrer une âme en qui l'on croit découvrir le commencement des mêmes grâces. Je ne faisais alors, ce me semble, que d'entrer dans une si sainte voie. Dieu veuille que je sois maintenant plus avancée.

Il fut convenu entre ce saint religieux et moi, que je lui écrirais à l'avenir ce qui m'arriverait, et que nous prierions beaucoup Dieu l'un pour l'autre. Dans sa profonde humilité, il voulait bien attacher quelque prix aux prières d'une créature aussi misérable que moi, ce qui me couvrait d'une extrême confusion.
Il me laissa fort contente et fort consolée par l'assurance qu'il me donna que l'Esprit de Dieu agissait dans mon âme ; il ajouta que je pouvais sans crainte continuer à faire oraison ; et que, s'il me survenait des doutes, je n'avais qu'à les communiquer à mon confesseur, sans m'en inquiéter davantage.

Je ne pouvais me lasser de rendre grâces au Seigneur, et de bénir mon glorieux père saint Joseph, à qui j'attribuais l'arrivée de ce grand religieux qui était Commissaire général de la custodie ou province qui porte son nom. Je n'avais cessé de me recommander très instamment à ce glorieux patriarche, ainsi qu'à la très sainte Vierge.


Saint Pierre d'Alcantara éclaire la sainte à Tolède.
À Avila, il lui prête son concours,
et le monastère de saint Joseph,
berceau de la Réforme du Carmel, est fondé.

Avant la fondation du monastère de Saint-Joseph d'Avila, tandis que j'étais à Tolède chez Louise de la Cerda, sœur du duc de Medina-Cœli, cette dame désira voir le saint religieux, Pierre d'Alcantara, qu'elle n'avait jamais vu. Je lui écrivis pour le prier de venir passer quelques jours chez elle ; il voulut bien se rendre à ma prière. Cet homme de Dieu avait un grand amour pour la pauvreté ; il l'avait religieusement pratiquée durant plusieurs années, et il en comprenait les richesses : ainsi, non-seulement il approuva mon dessein de fonder le monastère de Saint-Joseph sans revenus, mais il m'ordonna de travailler de tout mon pouvoir à le faire réussir. Regardant comme le plus sûr le conseil d'un Saint instruit à l'école d'une si longue expérience, je résolus de le suivre, sans plus consulter personne.

Quelques temps après, je quittai Tolède pour me rendre à Avila. Le soir même de mon arrivée à Avila, nous reçumes les dépêches de Rome et le bref pour l'établissement de notre monastère. Ma surprise fut grande, et ceux qui savaient de quelle manière Notre-Seigneur m'avait pressée de revenir, ne furent pas moins étonnés, quand ils virent combien ma présence était nécessaire, et dans quelle favorable conjoncture le divin Maître me ramenait. Je trouvai dans la ville l'évêque, le vénérable Pierre d'Alcantara, et le vertueux gentilhomme qui le logeait chez lui ; les serviteurs de Dieu trouvant toujours dans sa maison asile et bon accueil. Ils s'employèrent tous deux auprès de l'évêque, pour l'engager à prendre sous sa juridiction le nouveau monastère. Comme il devait être fondé sans revenus, la faveur demandée au prélat n'était pas petite ; mais il était si affectionné aux personnes en qui il voyait une ferme résolution de servir Dieu, qu'il accorda la demande, et nous protégea dès lors avec tout le dévouement et l'amour d'un père. Ce fut, je dois le dire, le bienheureux Pierre d'Alcantara qui fit véritablement tout, soit en approuvant notre entreprise, soit en nous ménageant la faveur de plusieurs personnes. Si, comme je l'ai dit, je n'étais pas arrivée dans un moment si favorable, je ne vois pas comment notre dessein eût pu réussir. En effet, le saint vieillard ne passa ici que huit jours tout au plus, durant lesquels il fut fort malade, et Dieu l'appela à lui très peu de temps après. Il semble que sa divine Majesté n'avait prolongé sa vie que pour conduire à terme cette entreprise ; car, depuis plus de deux ans, si mon souvenir est fidèle, ses forces étaient entièrement épuisées.


Portrait historique de saint Pierre d'Alcantara par sainte Thérèse.

Quel parfait imitateur de Jésus-Christ Dieu vient de nous ravir, en appelant à la gloire ce religieux béni, Pierre d'Alcantara ! Il l'avait gardé dans toute sa rigueur la règle primitive de Saint et pratiqué cette pénitence dont je ne pourrai rapporter que quelques traits. Le monde, dit-on, n'est plus capable d'une perfection si haute ; les santés sont plus faibles, et, nous ne sommes plus aux temps passés. Ce Saint était de ce siècle, et sa mâle ferveur égalait cependant celle des temps anciens ; aussi tenait-il le monde sous ses pieds. Mais sans porter le dépouillement aussi loin que lui, sans faire une aussi âpre pénitence, il est plusieurs choses dans lesquelles, comme je l'ai souvent dit, nous pouvons pratiquer le mépris du monde, et que Notre-Seigneur nous fait connaître dès qu'il voit en nous du courage. Qu'il dut être grand celui que reçut de Dieu le Saint dont je parle, pour soutenir pendant quarante-sept ans cette pénitence si austère que tous connaissent aujourd'hui ! En voici quelques détails que je me plais à rapporter, et dont la vérité m'est parfaitement connue ; c'est de sa propre bouche que je les ai entendus avec une autre personne dont il se cachait peu. Quant à moi, je dus cette ouverture à l'affection qu'il me portait ; Notre-Seigneur la lui avait donnée, afin qu'il prît ma défense et m'encourageât dans un temps où son appui m'était si nécessaire, comme on l'a vu et comme on le verra encore par mon récit. Entre autres austérités, il avait porté pendant vingt années un cilice de lames de fer-blanc, sans jamais le quitter. Il avait passé quarante ans sans jamais dormir plus d'une heure et demie par jour ; de toutes ses mortifications, celle qui lui avait le plus coûté dans les commencements, c'était de vaincre le sommeil ; dans ce dessein, il se tenait toujours ou à genoux ou debout. Le peu de repos qu’il accordait à la nature, il le prenait assis, la tête appuyée contre un morceau de bois fixé dans le mur ; eût-il voulu se coucher, il ne l'aurait pu, parce que sa cellule, comme on le sait, n’avait que quatre pieds et demi de long. Durant le cours de toutes ces années, jamais il ne se couvrit de son capuce, quelque ardent que fût le soleil, quelque forte que fût la pluie. Jamais il ne se servit d'aucune chaussure. Il ne portait qu’un habit de grosse bure, sans autre chose sur la chair ; encore cet habit était-il aussi étroit que possible ; et par-dessus il mettait un petit manteau de même étoffe. Dans les grands froids il le quittait, et laissait quelque temps ouverte la porte et la petite fenêtre de sa cellule ; il les fermait ensuite, il reprenait son mantelet, et c'était là, nous disait-il, sa manière de se chauffer, et de donner à son corps un peu de soulagement. Il lui était fort ordinaire de ne manger que de trois en trois jours ; et comme j'en paraissais surprise, il me dit que c'était très facile à quiconque en avait pris la coutume. Un de ses compagnons m'assura qu'il passait quelquefois huit jours sans prendre aucune nourriture. Cela devait arriver, je pense, dans l'oraison et dans ces grands ravissements où le jetaient les brûlants transports de son amour pour Dieu ; je l'ai vu moi-même une fois entrer en extase. Sa pauvreté était extrême, et il était si mortifié, même dès sa jeunesse, qu'il m'a avoué confidemment qu'il avait passé trois ans dans une maison de son Ordre sans connaître aucun des religieux, si ce n'est au son de la voix, parce qu'il ne levait jamais les yeux ; de sorte qu'il n'aurait pu se rendre aux endroits où l'appelait là règle, s'il n'avait suivi les autres. Il gardait cette même modestie par les chemins. Il passa plusieurs années sans jamais regarder de femmes ; mais il me confessa qu'à l'âge où il était parvenu, c'était pour lui la même chose de les voir ou de ne pas les voir ; à la vérité, il était déjà très vieux quand je vins à le connaître, et son corps était tellement exténué, qu'il semblait n'être formé que de racines d'arbre. Avec toute cette sainteté, il était très affable ; il ne parlait guère que lorsqu'il était interrogé ; mais la justesse et les grâces de son esprit donnaient à ses paroles je ne sais quel charme irrésistible. Je raconterais volontiers beaucoup d'autres particularités, si je n'appréhendais, mon père, qu'une plus longue digression ne m'attirât un reproche de votre part. Je n'étais pas même exempte de cette crainte, en écrivant ce que je viens de dire. J'ajouterai donc seulement que ce saint homme est mort comme il avait vécu, en instruisant et en exhortant ses frères. Quand il vit que son terme approchait, il récita le psaume Laetatus sum in his quœ dicta sunt mihi, et s'étant mis à genoux, il expira (2).
Le Seigneur a voulu dans sa bonté, qu'à partir de ce jour il m'ait encore plus assistée que mérité durant sa vie : j'en ai reçu des conseils en diverses circonstances. Je l'ai vu plusieurs fois tout éclatant de gloire. Il me dit dans la première de ces apparitions : « Ô bienheureuse pénitence qui m'a une si grande récompense ! » Ces paroles furent suivies de plusieurs autres. Un an avant sa mort, il m'apparut, malgré l'éloignement qui nous séparait, et je sus qu'il devait bientôt nous être enlevé. Je l'en avertis, en lui écrivant dans l'endroit où il était, à quelques lieues d'ici. Au moment où il rendit le dernier soupir, il se montra à moi, et me dit qu'il allait se reposer. Huit jours après cette vision, nous vint la nouvelle qu'il était mort, ou plutôt qu'il avait commencé à vivre pour toujours. Le voilà donc le terme de cette vie si austère, une éternité de gloire ! Depuis qu'il est au ciel, il me console beaucoup plus, ce me semble, que quand il était sur la terre.
Notre-Seigneur me dit un jour qu'on ne lui demanderait rien au nom de son serviteur, qu'il ne l'accordât. Je l'ai très souvent prié de présenter au Seigneur mes demandes, et je les ai vues toujours exaucées. Louange, et louange sans fin, à ce Dieu de bonté ! Ainsi soit il.

(1) Tout ce qu'on va lire est textuellement extrait de la Vie de sainte Térèse écrite par elle-même.
(2) Ce fut le 18 octobre 1562 ; le Saint était âgé de 63 ans.




CHAPITRE VI

De la préparation qui est requise avant de commencer l’oraison

Il sera utile que nous traitions maintenant en particulier de chacune des choses dont nous venons de parler, et que nous commencions par la préparation, qui est la première.
Étant dans l'endroit où vous devez prier, et vous tenant à genoux, ou debout, ou les bras en croix, ou prosterné, ou assis, si vous ne pouvez vous tenir autrement, vous commencerez d'abord par faire le signe de la croix ; cela fait, vous recueillerez votre imagination, vous la séparerez de toutes les choses de cette vie, et vous élèverez votre esprit en haut, considérant que Notre-Seigneur regarde ce que vous allez faire ; et vous vous tiendrez là avec autant d'attention et de respect que si vous le voyiez réellement présent devant vos yeux. Puis, si c'est l'oraison du matin, vous ferez un acte de contrition de tous vos péchés et vous direz le Confiteor ; si c'est celle du soir, vous examinerez votre conscience sur tout ce que vous aurez pensé, dit, fait, entendu en ce jour ; sur l'oubli où vous avez été de Notre-Seigneur, et vous repentant des fautes de ce jour comme de toutes celles de la vie passée, vous humiliant devant la divine Majesté en présence de qui vous êtes, vous direz ces paroles du saint patriarche : « Je parlerai à mon Seigneur, quoique je ne sois que poussière et que cendre (1). » Vous direz ensuite avec le Psalmiste :

Je lève mes yeux vers vous, ô vous qui habitez dans les cieux ;
Comme les yeux des serviteurs sont attentifs à tous les gestes de leurs maîtres ;
Comme les yeux d'une servante sont fixés sur tous les signes que fait sa maîtresse ; ainsi nos yeux se portent sans cesse vers le Seigneur notre Dieu, en attendant qu'il ait compassion de nous.
Ayez pitié de nous, Seigneur, ayez pitié de nous ; car nous sommes couverts de confusion
Oui, notre âme en est remplie : nous sommes l'opprobre des riches et l'objet du mépris des orgueilleux.
Gloire soit au Père, au Fils, et au Saint-Esprit, comme dans le principe, maintenant et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. (Ps. CXXII)

Et comme nous ne sommes pas capables d'avoir de nous-mêmes une seule bonne pensée, et que toute notre suffisance vient de Dieu ; comme nul ne peut invoquer comme il faut le saint nom de Jésus, s'il n'est assisté de la faveur du Saint-Esprit, pour cette raison, dites avec l'Église :

Venez, Esprit-Saint, et envoyez-nous du ciel un rayon de votre lumière ;
Venez, père des pauvres, venez distributeur des dons, venez, lumière des cœurs ;
Venez, doux consolateur, venez, hôte divin de nos âmes, venez, vous qui seul êtes leur suave rafraîchissement.
Vous êtes notre repos dans le travail, notre rafraîchissement dans les ardeurs du jour, notre consolation dans les pleurs.
Ô lumière infiniment heureuse, remplissez le fond du cœur de vos fidèles.
V. Envoyez-nous votre Esprit, et nos cœurs seront comme créés de nouveau ;
R. Et vous renouvellerez la face de la terre.


ORAISON

Ô Dieu, qui avez instruit vos fidèles en remplissant leurs cœurs des lumières du Saint-Esprit, faites que cet Esprit nous fasse aimer et goûter la justice et la sainteté, et qu'il soit toujours lui-même notre consolation et notre joie. Par Jésus-Christ Notre-Seigneur qui vit et règne dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il.

Cela étant dit, vous supplierez aussitôt Notre-Seigneur qu'il vous fasse la grâce de vous tenir là, avec l'attention, la dévotion, le recueillement intérieur, la crainte, le respect dus à la présence d'une si haute Majesté, et de passer de telle sorte ce temps de l'oraison, que vous en sortiez avec de nouvelles forces et une nouvelle ardeur, pour vous employer à son divin service ; car l'oraison qui ne produit pas immédiatement ce fruit, est fort imparfaite et de peu de valeur.

(1) Gen., XVIII, 27

CHAPITRE VII

De la lecture

À la préparation, succède la lecture du sujet qu'on doit méditer. Elle ne doit point être faite à la hâte ni à la légère, mais elle doit être attentive et calme ; il faut que l'entendement s'applique à saisir ce qu'il lit, et que la volonté, beaucoup plus encore, s'applique à le goûter. Quand on arrive à un mystère, à une circonstance, enfin à un endroit de la lecture qui donne de la dévotion, qu'on s'y arrête un peu plus, afin de s'en pénétrer plus profondément. Que la lecture ne soit pas très longue, afin de donner plus de temps à la méditation ; car le profit que l'âme en retire est d'autant plus grand, qu'elle scrute et pèse davantage les choses, et que sa volonté s'y attache avec plus d'ardeur. Néanmoins, lorsque le cœur sera distrait, et qu'on ne pourra entrer dans la méditation, qu'on donne alors un peu plus de temps à la lecture, ou plutôt que des deux exercices on n'en fasse qu'un, en lisant un point et en le méditant, puis un autre, en le méditant de la même manière, et ainsi successivement. Les paroles de la lecture enchaînent l'entendement, et il lui est moins facile de se dissiper que s'il était libre et dégagé de tout lien. Le mieux pourtant serait de combattre pour mettre en fuite ces pensées importunes, de persévérer et de lutter, comme un autre Jacob, toute la nuit, dans le labeur de l'oraison ; car, à la fin, la victoire couronne ce noble combat, et Notre-Seigneur accorde pour prix la dévotion, ou une autre grâce plus grande encore, sans jamais la refuser à ceux qui combattent fidèlement.
CHAPITRE VIII

De la méditation

Après la lecture, vient la méditation du mystère qu'on vient de lire. Parmi les sujets que l'on médite, il en est que l'on peut se représenter à l'aide de l'imagination, comme, par exemple, tous les mystères de la vie et de la passion de Notre-Seigneur, le jugement dernier, l'enfer, le paradis ; il en est d'autres qui appartiennent plus à l'entendement qu'à l'imagination, comme, par exemple, la considération des bienfaits de Dieu, de sa bonté, de sa miséricorde ou de quelque autre de ses perfections. Dans le premier cas, méditer c'est considérer des yeux intérieurs de l'âme un mystère, et dans le second, c'est approfondir une vérité à l'aide du raisonnement. Nous avons coutume, dans ces exercices, de nous servir de ces deux manières de méditer, suivant la nature des sujets.

Quand nous méditons sur un mystère, nous devons nous représenter chaque chose de la manière dont elle est, ou de la manière dont elle doit se passer, et nous figurer aussi que tout se passe dans l'endroit même où nous sommes, et en notre présence. Cette représentation des choses fera que la considération sera plus vive, et le sentiment plus profond. Il faut même nous imaginer que ces choses se passent au dedans de notre cœur, ce qui vaut encore mieux. Puisque des cités et des royaumes tiennent à l'aise dans ce cœur, il lui sera bien plus facile de contenir la représentation de ces mystères. Cette méthode aidera beaucoup l'âme à se tenir recueillie, ou à s'occuper au dedans d'elle-même, semblable à l'abeille qui, renfermée dans sa ruche, fait son rayon de miel ; car, de s'en aller par la pensée à Jérusalem, pour méditer ces mystères, et aux lieux mêmes où ils s'accomplirent, c'est une chose qui d'ordinaire fatigue les têtes, et leur est nuisible. C'est pourquoi l'homme ne doit pas attacher excessivement l'imagination à ce qu'il médite, pour ne pas fatiguer la nature par cette violente manière de saisir les choses.

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