Abdon et Sennen, nobles persans, avaient été comblés de
biens et d'honneurs par les rois de Perse, qui les avaient investis des
premières dignités de l'État. Cependant, leur piété et leur zèle pour la foi
catholique surpassaient leurs immenses richesses et la noblesse de leur sang.
L'empereur Dèce, grand ennemi du christianisme, remporta une victoire
décisive contre les rois persans, devenant par le fait même, maître absolu de
plusieurs pays. Ce prince inique résolut d'exterminer les chrétiens dans tout
son empire. Abdon et Sennen ressentirent une profonde affliction en voyant
les cruelles injustices dont l'indigne empereur accablait les fidèles qui
étaient chaque jour victimes d'odieux procédés. D'un commun accord, ils
s'appliquèrent de tout leur pouvoir à fortifier et encourager leurs frères
chrétiens. Ils ensevelissaient les martyrs, sous peine d'encourir eux-mêmes
la terrible colère de leur nouveau souverain.
Dèce, instruit de leurs actions, commanda de les
arrêter et de les conduire devant son tribunal. Usant d'abord de douceur à
leur égard, il essaya de les persuader qu'il était redevable de sa victoire
aux dieux de l'empire, et qu'il était de toute justice qu'ils les adorassent.
Les deux frères répondirent à Dèce que les vaincus
avaient adoré les mêmes faux dieux que lui, et n'en avaient cependant pas
moins perdu la bataille. Que pour eux, ils n'adoreraient jamais que le seul
vrai Dieu, créateur du ciel et de la terre, et son Fils Jésus-Christ qui
donnait la victoire aux uns et permettait que les autres fussent vaincus à
cause des desseins cachés de sa Providence.
Dèce leur déclara qu'il tenait à tout prix et sous
peine de mort, qu'ils adorassent les mêmes dieux que lui. « La seule raison nous démontre,
grand Prince, qu'il ne peut pas y avoir plusieurs dieux : deux maîtres
souverains ne sauraient subsister dans l'empire. Ce que vous appelez des
dieux ne sont que des démons, les singes de la Divinité dont les hommes sont
dupes. Il n'y a qu'un seul Dieu, et c'est ce seul Dieu, notre souverain
Maître et le vôtre, que nous adorons. “Je saurai bien venger nos dieux de vos
blasphèmes, et vous faire repentir de votre impiété !” »
répliqua l'empereur.
Ne pouvant supporter plus longtemps les propos que Abdon et Sennen
lui tenaient, Dèce ordonna de charger de chaînes les martyrs et de les
enfermer dans une obscure prison; et quand il s'en retourna pour triompher,
il les amena avec lui afin qu'ils servissent d'ornements à son triomphe. Il
les fit ensuite comparaître devant les membres du sénat leur disant qu'il ne
tenait qu'à eux de recouvrer leurs richesses et leurs dignités, et d'arriver
aux premières charges de l'empire ; que pour cela, il leur fallait seulement
sacrifier aux dieux. Abdon et Sennen répondirent à l'empereur qu'ils ne
reconnaissaient qu'un Dieu, Jésus-Christ, et n'adoreraient jamais des idoles
qui n'étaient que des démons.
Ils furent renvoyés en prison, et le lendemain, traînés dans
l'amphithéâtre où l'on devait, par force, leur faire fléchir le genou devant
la statue du soleil. Les martyrs, ayant insulté cette statue, furent fouettés
cruellement, et on lâcha contre eux deux lions et quatre ours. Ces animaux se
couchèrent à leurs pieds et devinrent leurs gardiens de telle façon, que
personne n'osait s'approcher d'eux ; enfin, des gladiateurs vinrent mettre
fin aux jours des martyrs.
Une fois décapités, les bourreaux attachèrent les pieds des martyrs
et traînèrent leurs corps en présence de l'idole du soleil. On les laissa là
pendant trois jours, sans sépulture, dans l'intention d'inspirer de la
frayeur aux chrétiens. Au bout de ce temps, le sous-diacre Quirin enleva les
précieuses dépouilles et les ensevelit dans sa maison.
Tiré de l'Abbé Jouve, 1886, deux. éd. tome 3, p. 163-167 |
SANTI ABDON E SENNEN MARTIRI / Snnn A
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