Réflexion commencée d’être rédigée avant de
participer à une troisième rencontre à la paroisse cathédrale de
Vannes sur le rôle des laïcs dans l’Eglise
&
apprendre la publication d’ Evangelii gaudium et de la parcourir
Réflexion
pour une Eglise présente au monde et à elle-même
(
2 )
L’Eglise
en France est-elle missionnaire ?
C’est
une intuition d’adolescence, de demi-nuits devant le tabernacle à Notre-Dame de
Grâce de Passy, rue de l’Annonciation à Paris, quand, en « clan »
scout, nous terminions notre adoration-oraison-philosophie récapitulative et
amoureuse de ntre foi et de notre disponibilité – du don de nous-mêmes, je
crois, pour l’époque – par un petit déjeuner au café voisin en payant en
petites pièces à cinq ou six, au grand effroi du « garçon » nous
ayant vu partir sans avoir compté la monnaie…
Dès les années 1950, quand toute la hiérarchie
catholique dans les empires coloniaux est de naissance européenne et que la
christianisation a marché le plus souvent de pair avec une pénétration militaire
et une administration étrangère, tandis que « l’Eglise du silence »
si chère à Pie XII est broyée par les systèmes totalitaires contre lesquels il
y a sans doute le « réarmement moral », il m’est apparu que c’était
dans le milieu où je vivais, nominalement chrétien, dans les quartiers très
favorisés de l’ouest parisien que la Parole et surtout l’exemple devaient être
donnés. A l’initiative de ma mère, j’ai « fait » du patronage à
Bezons, où le tout à l’égoût – début des années 1960 – n’était pas encore arrivé.
Aujourd’hui, dans la classe de notre fille de neuf ans juste – CM 1 d’une école
diocésaine – sur trente élèves, près de la moitié de parents divorcés : à
chaque rentrée son lot de quatre ou cinq. Sur quelques six-cent enfants du
primaire dans mon village, pas dix aux messes dominicales. Entretemps, trois
vocations religieuses dans ma promotion 1960 de l’Ecole Saint-Louis-de-Gonzague
des Pères Jésuites à Paris, ont fait fiasco. La statistique vaut d’ailleurs
même pour le mariage civil. La moitié des naissances aujourd’hui se font hors
mariage en France. La société et l’Eglise se constituent donc autrement. Fonder
une pastorale sur une chalandise de la liturgie et des sacrements est une
illusion. Se réjouir du « réveil du bon peuple de France » parce qu’il
y a des centaines de milliers de gens pas âgés et pour beaucoup chrétiens, dans
la rue, à manifester contre la
loi Taubira, c’est se tromper de cause. L’avenir n’est pas à
la théocratie chez nous ni aux différentes phobies : passéisme et peurs
n’enfanteront pas la nécssaire réévangélisation.
De moins en moins nombreux, de plus en plus âgés, les
clergés diocésains ne sont plus dans la vie courante des personnes à qui faire
rencontrer – en eux-mêmes – le Sauveur. Les propositions de
« formations » diverses, après la profusion des années 1930 aux
années 1990 des « retraites » et autres récollections, au mieux
entretiennent des ferveurs anciennes peu contagieuses et pas exemplaires pour
aujourd’hui. La place publique et le porte-à-porte sont négligés. Les partis et
les entreprises ne savent d’ailleurs, pas plus que l’Eglise, placer leurs
produits, recruter des adhérents.
C’est l’implosion. Ce qui en économie et en
politique signifie la jungle, le chômage, l’extremisme et tous les simplismes
ou exploitations possibles, se manifeste dans l’Eglise de France par des
participations hésitantes à la vie collective et par la perte d’une
communication et d’une communion de foi entre chrétiens, sinon même entre
clercs.
Il y a des exceptions très heureuses. Quelques
évêques savent – comme toujours – dire l’homme et sa foi dans des circonstances
graves : ainsi ceux en charge de la pastorale des migrants face à des
pouvoirs publics, aux étiquettes successives mais également irrespectueux des
droits de l’homme. Des personnalités charismatiques ont maintenu ouverts le
plein air de la charité.
Mais les pastorales sectorielles (selon les âges, les sexes
et les professions) et celles de territoires : la paroisse, sont en
défaut. Soit routinières, soit crispées, soit même inexistantes hors liturgie
et déclinante administration des sacrements.
L’Eglise catholique, longtemps structure en
France de l’Etat, de l’instruction, de la santé, voire même de la fiscalité
nationales, doit s’inventer une tout autre forme de présence : elle ne
donne pas la sensation d’en avoir pris conscience. Elle croit bénéficier de
quelques événements de grand retentissement médiatique, telles les présences de
Jean XXIII et de Jean Paul II, ou la renonciation de Benoît XVI, mais elle
pâtit des combats ressassés jusqu’à des appels à la désobéissance civile en
matière bioéthique et de morale sexuelle. L’image est mauvaise pour le dehors,
elle n’aide pas au-dedans à discerner l’essentiel de la vie et de la mission
chrétiennes. Les fidèles ne le sont plus par convention sociale ou mimétisme.
Le clergé ne peut plus les attendre. Il doit aller à eux. En majorité, les
chrétiens de naissance ne persévèrent plus et les nouveaux : convertis ou
recommençants ont un enthousiasme fragile. D’ailleurs, nous ne savons plus entre
chrétiens apprendre de l’autre ni le monde ni chacun de nous. Alors comment
propager la foi ? qu’annoncer, de quoi témoigner ? que proposer au
partage ?
Bertrand Fessard de Foucault – mardi
26 Novembre 2013
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire