À Rome, dans une église bâtie sur l’Aventin,
au VIème siècle, on célèbre sous le nom de saint Alexis, un homme de Dieu
qui, selon la tradition, quitta sa maison pour se faire pauvre et, inconnu
de tous, mendia l’aumône.
Sa vie ne nous est connue que par la légende qui raconte qu'il fut
un rare modèle de mépris du monde. Fils unique d'un des plus illustres
sénateurs de Rome nommé Euphémien, il reçut une éducation brillante et
soignée.
L'exemple de ses parents apprit au jeune Alexis que le meilleur
usage des richesses consistait à les partager avec les pauvres. Cédant aux
désirs de sa famille, le jeune Alexis dut choisir une épouse. Mais le jour
même de ses noces, se sentant pénétré du désir d'être uniquement à Dieu et
de l'aimer sans partage, il résolut de s'enfuir secrètement, s'embarqua sur
un vaisseau qui se dirigeait vers Laodicée, et gagna la ville d'Édesse.
Là, distribuant aux indigents tout ce qui lui restait d'argent, il
se mit à mendier son pain. Il passait la plus grande partie de son temps à
prier sous le portail du sanctuaire de Notre-Dame d'Édesse, devant une
image de la Vierge. Après dix-sept années passées dans l'abjection et
l'oubli le plus total, il plut à Marie de glorifier son serviteur par un éclatant
miracle. Un jour, comme le trésorier de l'église passait sous le porche,
l'image de Notre-Dame s'illumina d'une clarté soudaine. Frappé de ce
merveilleux spectacle, le trésorier se prosterna devant la Madone. La Très
Sainte Vierge lui montra Alexis et lui dit : « Allez préparer à ce pauvre un
logement convenable. Je ne puis souffrir qu'un de mes serviteurs aussi
dévoué soit délaissé de la sorte. »
La nouvelle de cette révélation se répandit aussitôt dans la ville.
L'humilité du Saint s'alarma devant les témoignages de vénération dont il
était devenu subitement l'objet. Il quitta donc la ville d'Édesse pour se
rendre à Tarse, mais une tempête poussa l'embarcation sur les rivages
d'Italie. L'Esprit-Saint lui inspira l'idée de retourner à Rome, sa ville
natale, et de mendier une petite place dans la maison paternelle. À la
requête de l'humble pèlerin, le sénateur Euphémien consentit à le laisser
habiter sous l'escalier d'entrée de son palais, lui demandant, en
reconnaissance de ce bienfait, de prier pour le retour de son fils disparu.
Alexis vécut inconnu, pauvre et méprisé, à l'endroit même où il
avait été entouré de tant d'estime et d'honneurs. Tous les jours, il voyait
couler les larmes du vieux patricien, il entendait les soupirs d'une mère
inconsolable et entrevoyait cette noble fiancée dont la beauté s'était
empreinte d'une indicible tristesse. Malgré ce déchirant spectacle, saint
Alexis eut le courage surhumain de garder son secret et de renouveler
perpétuellement son sacrifice à Dieu.
Ce Saint, plus qu'admirable, demeura dix-sept nouvelles années dans
le plus complet oubli, vivant caché sous les marches de cet escalier que
tous gravissaient pour entrer dans une maison qui était la sienne, en sorte
qu'il semblait foulé aux pieds de tous. Avec une humilité consommée, il
subit sans jamais se plaindre, les odieux procédés et les persécutions des
valets qui l'avaient servi autrefois avec tant de respect et d'égards.
Saint Alexis passa donc trente-quatre ans dans une âpre et héroïque lutte
contre lui-même. Ce temps écoulé, Dieu ordonna à son serviteur d'écrire son
nom et de rédiger l'histoire de sa vie. Alexis comprit qu'il allait mourir
bientôt, et obéit promptement.
Le dimanche suivant, au moment où le pape Innocent Ier célébrait la
messe dans la basilique St-Pierre de Rome, en présence de l'empereur
Honorius, tout le peuple entendit une voix mystérieuse qui partait du
sanctuaire : « Cherchez l'homme de Dieu, dit la voix, il priera pour Rome, et le
Seigneur lui sera propice. Du reste, il doit mourir vendredi prochain. »
Durant cinq jours, tous les habitants de la ville s'épuisèrent en
vaines recherches. Le vendredi suivant, dans la même basilique, la même
voix se fit entendre de nouveau au peuple assemblé : « Le Saint est dans la maison
du sénateur Euphémien. » On y courut, et on trouva le
pauvre pèlerin, qui venait de mourir. Quand le Pape eut fait donner lecture
du parchemin que le mort tenait en sa main, ce ne fut de toutes parts, dans
Rome, qu'un cri d'admiration. Innocent Ier ordonna d'exposer le corps
d’Alexis à la basilique St-Pierre, pendant sept jours. Ses funérailles
eurent lieu au milieu d'un immense concours de peuple.
Abbé L. Jaud, Vie des Saints pour tous les jours de
l'année, Tours, Mame, 1950.
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