mercredi 7 septembre 2016

le temps est limité - textes du jour

Mercredi 7 Septembre 2016

Prier… [1]les saints dans notre vie, un compagnonnage multiple, changeant, émergeant, aussi divers que nos situations les plus intimes quand l’un des nôtres meurt, quand un proche nous annonce une étape cardinale dans sa vie, quand se multiplient des rencontres signifiées mais non épuisées par quelques phrases, toutes nos affinités entre nous et avec ce fait mystérieux d’exister personnellement et de découvrir l’attractivité du fait identique chez d’autres qui vivent, ou qui par leur mort nous apprennent le plus juste et précis de notre propre avenir, notre mort aussi. Ces heures et jours-ci, c’est de cela que je m’émerveille et c’est cela que j’apprends, la mère d’une de mes belles-sœurs, très chère… un religieux, devenu très proche, structurant dans mon existence parce qu’il a le don du partage, de la fraternité et de la confiance ce qui le rend aussi vulnérable à la joie, à l’envoi en mission qu’à la calomnie ou à l’indélicatesse, et ces échanges dans le train, dans le métro, sur le divan d’examen, dans une salle d’attente, dans un courriel inattendu mais révélateur. Voici Jésus, tranquillement, nous disant le vrai de nos situations et de nos revers : heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom… oui, mais notre fécondité, notre martyre-même, nos aventures minuscules ou grandioses ne sont pleinement notre existence qu’à cause du Fils de l’homme. Notre destin n’arrive à maturité, peut-être à quelque grandeur que si nous sommes dans le Christ. Le renversement de toutes les apparences et de toutes les hiérarchies tient à notre choix, sinon quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation ! Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant car vous aurez faim. Sans notre attachement au Christ, nous visons sans perspective, sans identité. Plus nous tendons à fusionner avec le Christ – que je le dis mal ! – plus nous demandons et souhaitons de répondre à Son appel, aux signes et appels de Sa providence même quand c’est immédiatement coûteux, plus nous entrons dans la paix, l’épanouissement et la tranquillité de tout nous-mêmes. Réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel. Jésus affirme la perspective, la vérité de nos situations. Si la foi que Dieu maintient en nous ou nous donne en nouvelle naissance, en cours de notre route, nous inspire ainsi : tout recevoir comme le signe de l’aboutissement possible, certain, lumineux, surtout quand sont là l’épreuve ou l’incompréhensible ou l’injustice, alors l’équilibre intérieur et une intimité nouvelle en toute relation à Dieu, aux autres, à l’existence, au patrimoine de l’humanité et de la création. La somme paulinienne dans laquelle a puisé Ignace de Loyola, puis ont puisé ses compagnons, ou bien plus simplement et sans référence ensuite à son expérience mais la répétition de celle-ci de génération spirituelle en génération de nouveaux saints : ceux qui pleurent (qu’ils soient) comme s’ils ne pleuraient pas, ceux qui ont de la joie comme s’ils n’en avaient pas, ceux qui font des achats, comme s’ils ne possédaient rien, ceux qui profitent de ce monde, comme s’ils n’en profitaient pas vraiment. Le renversement paulinien n’est pas une école d’insensibilité ou d’indifférence, il est une connaissance de la précarité du monde : le temps est limité.. car il passe, ce monde tel que nous le voyons. Précarité du monde, oui ! mais pas de nous-mêmes, malgré toutes les apparences de nos faiblesses, malgré notre mort, nos si faibles longévités, l’oubli qui nous ensevelira en si peu de générations sauf rarissimes exceptions. Paul sait notre immortalité et notre gloire dans le Christ : votre récompense est grande dans le ciel. Et à l’assurance qu’à la place de tes pères se lèveront tes fils, nous répondons : je ferai vivre ton nom pour les âges des âges. Dieu nous appelle à la vie éternelle, à notre entrée dans sa divinité, et nous Lui demandons de contribuer, par nos vies, notre foi, à la sanctification de Son nom, à l’arrivée de Son règne. Oui…

Regardée dans cette lumière et selon ces leçons, notre actualité est simplissime. De grands pays dits démocratiques sont en train de perdre le sens de la démocratie, du patrimoine, de l’honneur qui – seul – est la véritable identité d’un pays, d’un peuple (d’où le respect que nous devons continuer d’avoir pour tout mouvement d’indépendance, et l’horreur de tout mouvement de haine raciale et de fermeture des frontières de terre et d’âme). Etats-Unis et France s’acharnent en procédures de dévolution du pouvoir mais perdent complètement d’esprit et de réflexion l’exercice-même de ce pouvoir, les outils qui le permettent, et la participation de tous à cet exercice. L’alternance décennale, quinquennale, quadriennale au pouvoir n’a aucun sens, l’expérience est faite qu’elle change le titulaire mais pas le fond de ce qui est mené ou subi. Les dictatures, notamment les deux versions les plus manifestes et que nous ne savons pas, en la personne de nos propres dirigeants, condamner en tant que telles et selon ce qu’elles sont, la dictature russe, la dictature chinoise ne pratiquent que dans le secret la dévolution du pouvoir, on ne la sait ou comprend que plusieurs décennies plus tard, en revanche le refus de toute participation du grand nombre est clairement pratiqué, même si naguère c’est le prolétariat entier qui était censé exercer la dictature. Résultat comme antan, réarmement outre-Atlantique, collusion de nos extrême-gauches et extrême-droites avec ces dictatures. Résultat, selon l’UNICEF, près de cinquante millions d’enfants déportés ou migrants de force… elles n’ont pas la même application que dans les années 1930, mais nos lacunes, nos tolérances, nos haines minables, nos peurs sont du même tonneau. Nauséabond.

Densité de ces trois textes de notre liturgie d’aujourd’hui car ils nous convient à trois directions, apparemment antagonistes ou très différentes l’une de l’autre : réflexion sur le célibat et relativisation extrême par Paul de tout mariage, de toute possession, puis présentation par le psalmiste du bonheur nuptial et de la jouissance d’une descendance, d’une ascendance, enfin dialectique messianique du gagnant et du perdant. Je crois que Paul nous donne la clé pour le vivre et comprendre : le monde et ce qu’il nous donne ne vaut pas ce qu’apporte notre mise à la suite du Christ. L’appel de Celui-ci, fréquent dans tout l’évangile puisque notre rédemption ne se fait que par notre participation intense, consciente, choisie, n’est dans les « Béatitudes ». Celles-ci sont tout simplement la lecture au plus vrai et précis de ce que nous vivons, de ce que sont nos pleurs et nos rires. Paul en tire la conséquence de ne pas nous assimiler à un état de vie ou à une action ou encore un sentiment quelconques. Le Christ avait été plus crû. Ce que vous vivez comme le plus certain, l’acquis le plus sûr est en réalité le plus réversible et fragile. Combien cela se vérifie ! aussi bien dans ce que je vis ces mois-ci que dans ce qu’il nous apparaît de notre vie collective et de l’expression politique de celle-ci lorsque la parole publique n’est plus que campagne.

En marge, cette vénération, aussi vieille, sinon plus, que notre émergence nationale quand disparaît l’empire romain, celle d’une jeune fille martyrisée sur le site d’Alésia, juste trois siècles après notre désastre… coincidences de lieu, d’anniversaire. Et une jeune fille appelée Reine. D’autres traditions la croient apocryphe et importée d’outre-Rhin, c’est-à-dire d’une signification strictement contraire.



[1] - 1ère lettre de Paul aux Corinthiens VII 25 à 31 ; psaume XLV ; évangile selon saint Luc VI 20 à 26

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