J
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ean occupe une place de choix
et dans l'Évangile et au sein du collège apostolique.
Représentant
l'Amour, il marche à côté de Pierre, qui symbolise la Doctrine. Jésus semble
avoir réservé à cet apôtre les plus tendres effusions de son Cœur. Plus que
tout autre, en effet, Jean pouvait rendre amour pour amour au divin Maître.
Le
Sauveur prit plaisir à multiplier les occasions de témoigner envers son cher
disciple une prédilection singulière : il le fit témoin de la résurrection de
la fille de Jaïre ; il lui montra sa gloire sur le Thabor, au jour de sa
transfiguration. Mais surtout, la veille de sa Passion, à la dernière cène, il
lui permit de reposer doucement la tête sur son Cœur divin, où il puisa cette
charité et cette science des choses de Dieu, qu'il répandit dans ses écrits et
au sein des peuples auxquels il porta le flambeau de l'Évangile.
Une
des gloires de saint Jean fut d'être le seul, parmi les apôtres, fidèle à Jésus
dans ses souffrances ; il le suivit dans l'agonie du calvaire ; il accompagna,
dans ces douloureux instants, la Mère du Sauveur.
« Jésus, voyant sa mère, et près d'elle le
disciple qu'il aimait, dit à sa mère : “Femme, voici ton fils.” Puis il dit au disciple : “Voici ta mère.” Et à
partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. » (Jn 19,26-27)
L'Apôtre,
en cette circonstance, nous disent les saints docteurs, représentait l'humanité
tout entière ; en ce moment solennel Marie devenait la Mère de tous les hommes,
et les hommes recevaient le droit de s'appeler les enfants de Marie.
Il
était juste que saint Jean, ayant participé aux souffrances de la Passion,
goûtât, l'un des premiers, les joies pures de la Résurrection. Le jour où le
Sauveur apparut sur le rivage du lac de Génésareth, pendant que les disciples
étaient à la pêche, saint Jean fut le seul à Le reconnaître. C'est le Seigneur, dit-il à
Pierre. Jean était donc bien, comme tout l'Évangile le prouve, le disciple que
Jésus aimait.
Pour
approfondir, lire les Catéchèses du pape Benoît XVI :
BENOÎT
XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi
5 juillet 2006
Chers frères et soeurs,
Nous consacrons notre rencontre d'aujourd'hui au
souvenir d'un autre membre très important du collège apostolique: Jean, fils de
Zébédée et frère de Jacques. Son nom, typiquement juif, signifie "le
Seigneur a fait grâce". Il était en train de réparer les filets sur la
rive du lac de Tibériade, quand Jésus l'appela avec son frère (cf. Mt 4,
21; Mc 1, 19). Jean appartient lui aussi au petit groupe que Jésus emmène avec
lui en des occasions particulières. Il se trouve avec Pierre et Jacques quand
Jésus, à Capharnaüm, entre dans la maison de Pierre pour guérir sa belle-mère
(cf. Mc 1, 29); avec les deux autres, il suit le Maître dans la maison
du chef de la synagogue Jaïre, dont la fille sera rendue à la vie (cf. Mc
5, 37); il le suit lorsqu'il gravit la montagne pour être transfiguré (cf. Mc
9, 2); il est à ses côtés sur le Mont des Oliviers lorsque, devant l'aspect
imposant du Temple de Jérusalem, Jésus prononce le discours sur la fin de la
ville et du monde (cf. Mc 13, 3); et, enfin, il est proche de lui quand,
dans le jardin de Gethsémani, il s'isole pour prier le Père avant la Passion
(cf. Mc 14, 33). Peu avant Pâques, lorsque Jésus choisit deux disciples
pour les envoyer préparer la salle pour la Cène, c'est à lui et à Pierre qu'il
confie cette tâche (cf. 22, 8).
Cette position importante dans le groupe des
Douze rend d'une certaine façon compréhensible l'initiative prise un jour par
sa mère: elle s'approcha de Jésus pour lui demander que ses deux fils, Jean
précisément et Jacques, puissent s'asseoir l'un à sa droite et l'autre à sa
gauche dans le Royaume (cf. Mt 20, 20-21). Comme nous le savons, Jésus
répondit en posant à son tour une question: il demanda s'ils étaient disposés à
boire la coupe qu'il allait lui-même boire (cf. Mt 20, 22). L'intention
qui se trouvait derrière ces paroles était d'ouvrir les yeux des deux
disciples, de les introduire à la connaissance du mystère de sa personne et de
leur laisser entrevoir l'appel futur à être ses témoins jusqu'à l'épreuve
suprême du sang. Peu après, en effet, Jésus précisa qu'il n'était pas venu pour
être servi, mais pour servir et donner sa propre vie en rançon pour une
multitude (cf. Mt 20, 28). Les jours qui suivent la résurrection, nous
retrouvons "les fils de Zébédée" travaillant avec Pierre et plusieurs
autres disciples au cours d'une nuit infructueuse, à laquelle suit, grâce à
l'intervention du Ressuscité, la pêche miraculeuse: ce sera "le disciple
que Jésus aimait" qui reconnaîtra en premier "le Seigneur" et
l'indiquera à Pierre (cf. Jn 21, 1-13).
Au sein de l'Eglise de Jérusalem, Jean occupa une
place importante dans la direction du premier regroupement de chrétiens. En
effet, Paul le compte au nombre de ceux qu'il appelle les "colonnes"
de cette communauté (cf. Ga 2, 9). En réalité, Luc le présente avec
Pierre dans les Actes, alors qu'ils vont prier dans le Temple (cf. Ac 3,
1-4.11) ou bien apparaissent devant le Sanhédrin pour témoigner de leur foi en
Jésus Christ (cf. Ac 4, 13.19). Avec Pierre, il est envoyé par l'Eglise
de Jérusalem pour confirmer ceux qui ont accueilli l'Evangile en Samarie, en
priant pour eux afin qu'ils reçoivent l'Esprit Saint (cf. Ac 8, 14-15).
Il faut en particulier rappeler ce qu'il affirme, avec Pierre, devant le
Sanhédrin qui fait leur procès: "Quant à nous, il nous est impossible de
ne pas dire ce que nous avons vu et entendu" (Ac 4, 20). Cette
franchise à confesser sa propre foi est précisément un exemple et une
invitation pour nous tous à être toujours prêts à déclarer de manière décidée
notre adhésion inébranlable au Christ, en plaçant la foi avant tout calcul ou
intérêt humain.
Selon la tradition, Jean est "le disciple
bien-aimé" qui, dans le Quatrième Evangile, pose sa tête sur la poitrine
du Maître au cours de la Dernière Cène (cf. Jn 13, 21), qui se trouve au
pied de la Croix avec la Mère de Jésus (cf. Jn 19, 25) et, enfin, qui
est le témoin de la Tombe vide, ainsi que de la présence même du Ressuscité
(cf. Jn 20, 2; 21, 7). Nous savons que cette identification est
aujourd'hui débattue par les chercheurs, certains d'entre eux voyant simplement
en lui le prototype du disciple de Jésus. En laissant les exégètes résoudre la
question, nous nous contentons ici de tirer une leçon importante pour notre
vie: le Seigneur désire faire de chacun de nous un disciple qui vit une amitié
personnelle avec Lui. Pour y parvenir, il ne suffit pas de le suivre et de
l'écouter extérieurement; il faut aussi vivre avec Lui et comme Lui. Cela n'est
possible que dans le contexte d'une relation de grande familiarité, imprégnée
par la chaleur d'une confiance totale. C'est ce qui se passe entre des amis;
c'est pourquoi Jésus dit un jour: "Il n'y a pas de plus grand amour que de
donner sa vie pour ses amis... Je ne vous appelle plus serviteurs, car le
serviteur ignore ce que veut faire son maître; maintenant je vous appelle mes
amis, car tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait
connaître" (Jn 15, 13, 15).
Dans les Actes de Jean apocryphes, l'Apôtre est
présenté non pas comme le fondateur d'Eglises, ni même à la tête de communautés
déjà constituées, mais dans un pèlerinage permanent en tant que communicateur
de la foi dans la rencontre avec des "âmes capables d'espérer et d'être
sauvées" (18, 10; 23, 8). Tout cela est animé par l'intention paradoxale
de faire voir l'invisible. Et, en effet, il est simplement appelé "le
Théologien" par l'Eglise orientale, c'est-à-dire celui qui est capable de
parler en termes accessibles des choses divines, en révélant un accès
mystérieux à Dieu à travers l'adhésion à Jésus.
Le culte de Jean apôtre s'affirma à partir de la
ville d'Ephèse, où, selon une antique tradition, il oeuvra long-temps, y mourant
à la fin à un âge extraordinairement avancé, sous l'empereur Trajan. A Ephèse,
l'empereur Justinien, au VI siècle, fit construire en son honneur une grande
basilique, dont il reste aujourd'hui encore des ruines imposantes. Précisément
en Orient, il a joui et jouit encore d'une grande vénération. Dans
l'iconographie byzantine, il est souvent représenté très âgé - selon la
tradition il mourut sous l'empereur Trajan - et dans l'acte d'une intense
contemplation, presque dans l'attitude de quelqu'un qui invite au silence.
En effet, sans un recueillement approprié, il
n'est pas possible de s'approcher du mystère suprême de Dieu et de sa
révélation. Cela explique pourquoi, il y a des années, le Patriarche
oecuménique de Constantinople, Athénagoras, celui que le Pape Paul VI embrassa
lors d'une mémorable rencontre, affirma: "Jean est à l'origine de notre
plus haute spiritualité. Comme lui, les "silencieux" connaissent ce
mystérieux échange de coeurs, invoquent la présence de Jean et leur coeur
s'enflamme" (O. Clément, Dialogues avec Athénagoras, Turin 1972, p.
159). Que le Seigneur nous aide à nous mettre à l'école de Jean pour apprendre
la grande leçon de l'amour de manière à nous sentir aimés par le Christ
"jusqu'au bout" (Jn 13, 1) et donner notre vie pour lui.
* * *
J’accueille avec joie les pèlerins de langue
française, en particulier les séminaristes du diocèse d’Avignon et leur
Archevêque, Mgr Jean-Pierre Cattenoz, ainsi que le groupe de jeunes du diocèse
de Blois et leur Évêque, Mgr Maurice de Germiny. Que le temps des vacances vous
permette de revenir à l’essentiel et de vous mettre à l’écoute du Christ qui
est la source de tout amour !
© Copyright 2006 - Libreria Editrice Vaticana
BENOÎT
XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi
9 août 2006
Jean, le théologien
Chers frères et soeurs,
Avant
les vacances, j'avais commencé de brefs portraits des douze Apôtres. Les
Apôtres étaient les compagnons de route de Jésus, les amis de Jésus et leur
chemin avec Jésus n'était pas seulement un chemin extérieur, de la Galilée à
Jérusalem, mais un chemin intérieur, dans lequel ils ont appris la foi en Jésus
Christ, non sans difficulté, car ils étaient des hommes comme nous. Mais c'est
précisément pour cela, parce qu'ils étaient compagnons de route de Jésus, des
amis de Jésus qui ont appris la foi sur un chemin difficile, qu'ils sont aussi
des guides pour nous, qui nous aident à connaître Jésus Christ, à l'aimer et
avoir foi en Lui. J'ai déjà parlé de quatre des douze Apôtres: Simon
Pierre, son frère André, Jacques, le frère de saint Jean, et l'autre Jacques,
dit "le Mineur", qui a écrit une Lettre que nous trouvons dans le
Nouveau Testament. Et j'avais commencé à parler de Jean l'évangéliste, en
recueillant dans la dernière catéchèse avant les vacances les informations essentielles
qui définissent la physionomie de cet Apôtre. Je voudrais à présent concentrer
l'attention sur le contenu de son enseignement. Les écrits qui feront l'objet
de notre intérêt aujourd'hui sont donc l'Evangile et les Lettres qui portent
son nom.
S'il
est un thème caractéristique qui ressort des écrits de Jean, c'est l'amour. Ce
n'est pas par hasard que j'ai voulu commencer ma première Lettre encyclique par
les paroles de cet Apôtre: "Dieu est amour (Deus
caritas est); celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu
demeure en lui" (1 Jn 4, 16). Il est très difficile de trouver des textes
de ce genre dans d'autres religions. Et ces expressions nous placent donc face
à un concept très particulier du christianisme. Assurément, Jean n'est pas
l'unique auteur des origines chrétiennes à parler de l'amour. Etant donné qu'il
s'agit d'un élément constitutif essentiel du christianisme, tous les écrivains
du Nouveau Testament en parlent, bien qu'avec des accents divers. Si nous nous
arrêtons à présent pour réfléchir sur ce thème chez Jean, c'est parce qu'il
nous en a tracé avec insistance et de façon incisive les lignes principales.
Nous nous en remettons donc à ses paroles. Une chose est certaine: il ne
traite pas de façon abstraite, philosophique ou même théologique de ce qu'est
l'amour. Non, ce n'est pas un théoricien. En effet, de par sa nature, le
véritable amour n'est jamais purement spéculatif, mais exprime une référence
directe, concrète et vérifiable à des personnes réelles. Et Jean, en tant
qu'apôtre et ami de Jésus, nous fait voir quels sont les éléments, ou mieux,
les étapes de l'amour chrétien, un mouvement caractérisé par trois moments.
Le
premier concerne la Source même de l'amour, que l'Apôtre situe en Dieu, en
allant jusqu'à affirmer, comme nous l'avons entendu, que "Dieu est
Amour" (1 Jn 4, 8.16). Jean est l'unique auteur de Nouveau Testament à
nous donner une sorte de définition de Dieu. Il dit par exemple que "Dieu
est esprit" (Jn 4, 24) ou que "Dieu est Lumière" (1 Jn 1, 5).
Ici, il proclame avec une intuition fulgurante que "Dieu est amour".
Que l'on remarque bien: il n'est pas affirmé simplement que "Dieu aime"
ou encore moins que "l'amour est Dieu"! En d'autres termes:
Jean ne se limite pas à décrire l'action divine, mais va jusqu'à ses racines.
En outre, il ne veut pas attribuer une qualité divine à un amour générique ou
même impersonnel; il ne remonte pas de l'amour vers Dieu, mais se tourne
directement vers Dieu pour définir sa nature à travers la dimension infinie de
l'amour. Par cela, Jean veut dire que l'élément constitutif essentiel de Dieu
est l'amour et donc toute l'activité de Dieu naît de l'amour et elle est
marquée par l'amour: tout ce que Dieu fait, il le fait par amour et avec
amour, même si nous ne pouvons pas immédiatement comprendre que cela est amour,
le véritable amour.
Mais,
à ce point, il est indispensable de faire un pas en avant et de préciser que
Dieu a démontré de façon concrète son amour en entrant dans l'histoire humaine
à travers la personne de Jésus Christ incarné, mort et ressuscité pour nous.
Cela est le second moment constitutif de l'amour de Dieu. Il ne s'est pas
limité à des déclarations verbales, mais, pouvons-nous dire, il s'est
véritablement engagé et il a "payé" en personne. Comme l'écrit
précisément Jean, "Dieu a tant aimé le monde (c'est-à-dire nous tous),
qu'il a donné son Fils unique" (Jn 3, 16). Désormais, l'amour de Dieu pour
les hommes se concrétise et se manifeste dans l'amour de Jésus lui-même. Jean
écrit encore: Jésus "ayant aimé les siens qui étaient dans le monde,
les aima jusqu'à la fin" (Jn 13, 1). En vertu de cet amour oblatif et
total, nous sommes radicalement rachetés du péché, comme l'écrit encore saint
Jean: "Petits enfants [...] si quelqu'un vient à pécher, nous avons
comme avocat auprès du Père Jésus Christ, le Juste. C'est lui qui est victime
de propitiation pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi pour
ceux du monde entier" (1 Jn 2, 1-2; cf. 1 Jn 1, 7). Voilà jusqu'où est
arrivé l'amour de Jésus pour nous: jusqu'à l'effusion de son sang pour
notre salut! Le chrétien, en s'arrêtant en contemplation devant cet "excès"
d'amour, ne peut pas ne pas se demander quelle est la réponse juste. Et je
pense que chacun de nous doit toujours et à nouveau se le demander.
Cette
question nous introduit au troisième moment du mouvement de l'amour: de
destinataires qui recevons un amour qui nous précède et nous dépasse, nous
sommes appelés à l'engagement d'une réponse active qui, pour être adéquate, ne
peut être qu'une réponse d'amour. Jean parle d'un "commandement". Il
rapporte en effet ces paroles de Jésus: "Je vous donne un
commandement nouveau: vous aimer les uns les autres; comme je vous
ai aimés, aimez-vous les uns les autres" (Jn 13, 34). Où se trouve la
nouveauté dont parle Jésus? Elle réside dans le fait qu'il ne se contente pas
de répéter ce qui était déjà exigé dans l'Ancien Testament, et que nous lisons
également dans les autres Evangiles: "Tu aimeras ton prochain comme
toi-même" (Lv 19, 18; cf. Mt 22, 37-39; Mc 12, 29-31; Lc 10 27). Dans
l'ancien précepte, le critère normatif était tiré de l'homme ("comme
toi-même"), tandis que dans le précepte rapporté par Jean, Jésus présente
comme motif et norme de notre amour sa personne même: "Comme je vous
ai aimés". C'est ainsi que l'amour devient véritablement chrétien, en
portant en lui la nouveauté du christianisme: à la fois dans le sens où
il doit s'adresser à tous, sans distinc-tion, et surtout dans le sens où il
doit parvenir jusqu'aux conséquences extrêmes, n'ayant d'autre mesure que
d'être sans mesure. Ces paroles de Jésus, "comme je vous ai aimés",
nous interpellent et nous préoccupent à la fois; elles représentent un objectif
christologique qui peut apparaître impossible à atteindre, mais dans le même
temps, elles représentent un encouragement qui ne nous permet pas de nous
reposer sur ce que nous avons pu réaliser. Il ne nous permet pas d'être
contents de ce que nous sommes, mais nous pousse à demeurer en chemin vers cet
objectif.
Le
précieux texte de spiritualité qu'est le petit livre datant de la fin du
Moyen-Age intitulé Imitation du Christ, écrit à ce sujet: "Le noble
amour de Jésus nous pousse à faire de grandes choses et nous incite à désirer
des choses toujours plus parfaites. L'amour veut demeurer élevé et n'être
retenu par aucune bassesse. L'amour veut être libre et détaché de tout
sentiment terrestre... En effet, l'amour est né de Dieu et ne peut reposer
qu'en Dieu, par-delà toutes les choses créées. Celui qui aime vole, court, et
se réjouit, il est libre, rien ne le retient. Il donne tout à tous et a tout en
toute chose, car il trouve son repos dans l'Unique puissant qui s'élève
par-dessus toutes les choses, dont jaillit et découle tout bien" (Livre
III, chap. 5). Quel meilleur commentaire du "commandement nouveau"
énoncé par Jean? Prions le Père de pouvoir le vivre, même de façon imparfaite,
si intensément, au point de contaminer tous ceux que nous rencontrons sur notre
chemin.
***
J’accueille
avec joie les pèlerins de langue française. Chers amis, puisse votre pèlerinage
à Rome faire grandir votre foi; que ce temps de vacances soit pour chacun
l’occasion d’un vrai repos et le moment favorable pour refaire vos forces
physiques et spirituelles!
Chers frères et soeurs,
ma
pensée implorante se tourne une fois de plus vers la bien-aimée région du
Moyen-Orient. En me référant au tragique conflit en cours, je repropose les
paroles de Paul VI à l'ONU, en octobre 1965. Il dit à cette occasion:
"Jamais plus les uns contre les autres, jamais, plus jamais!... Si vous
voulez être frères, laissez tomber les armes de vos mains". Face aux efforts
en cours pour parvenir enfin au cessez-le-feu et à une solution juste et
durable du conflit, je répète, avec mon prédécesseur immédiat, le grand Pape
Jean-Paul II, qu'il est possible de changer le cours des événements dès lors
que prévalent la raison, la bonne volonté, la confiance en l'autre, la mise en
oeuvre des engagements pris et la coopération entre partenaires responsables
(cf. Discours
au Corps diplomatique, 13 janvier 2003). Telles sont les paroles de
Jean-Paul II et ce qui a été dit alors est encore valable aujourd'hui, pour
tous. Je renouvelle à chacun l'exhortation à intensifier sa prière pour obtenir
le don tant désiré de la paix.
© Copyright 2006 - Libreria Editrice Vaticana
BENOÎT
XVI
AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi
23 août 2006
Chers frères et soeurs,
Dans la dernière catéchèse, nous étions arrivés à
la méditation sur la figure de l'Apôtre Jean. Nous avions tout d'abord cherché
à voir ce que l'on peut savoir de sa vie. Puis,
dans une deuxième catéchèse, nous avions médité le contenu central
de son Evangile, de ses Lettres: la charité, l'amour. Et aujourd'hui, nous
revenons encore une fois sur la figure de l'Apôtre Jean, en prenant cette fois
en considération le Voyant de l'Apocalypse. Et nous faisons immédiatement une
observation: alors que ni le Quatrième Evangile, ni les Lettres
attribuées à l'Apôtre ne portent jamais son nom, l'Apocalypse fait référence au
nom de Jean, à quatre reprises (cf. 1, 1.4.9; 22, 8). Il est évident que
l'Auteur, d'une part, n'avait aucun motif pour taire son propre nom et, de
l'autre, savait que ses premiers lecteurs pouvaient l'identifier avec
précision. Nous savons par ailleurs que, déjà au III siècle, les chercheurs
discutaient sur la véritable identité anagraphique du Jean de l'Apocalypse.
Quoi qu'il en soit, nous pourrions également l'appeler "le Voyant de
Patmos", car sa figure est liée au nom de cette île de la Mer Egée, où,
selon son propre témoignage autobiographique, il se trouvait en déportation
"à cause de la Parole de Dieu et du témoignage pour Jésus" (Ap 1, 9).
C'est précisément à Patmos, "le jour du Seigneur... inspiré par
l'Esprit" (Ap 1, 10), que Jean eut des visions grandioses et entendit des
messages extraordinaires, qui influencèrent profondément l'histoire de
l'Eglise et la culture occidentale tout entière. C'est par exemple à
partir du titre de son livre - Apocalypse, Révélation - que furent introduites
dans notre langage les paroles "apocalypse, apocalyptique", qui
évoquent, bien que de manière inappropriée, l'idée d'une catastrophe imminente.
Le livre doit être compris dans le cadre de
l'expérience dramatique des sept Eglises d'Asie (Ephèse, Smyrne, Pergame,
Thyatire, Sardes, Philadelphie, Laodicée), qui vers la fin du I siècle durent
affronter des difficultés importantes - des persécutions et également des
tensions internes - dans leur témoignage au Christ. Jean
s'adresse à elles en faisant preuve d'une vive sensibilité pastorale à
l'égard des chrétiens persécutés, qu'il exhorte à rester solides dans la foi et
à ne pas s'identifier au monde païen si fort. Son objet est constitué en
définitive par la révélation, à partir de la mort et de la résurrection du
Christ, du sens de l'histoire humaine. La première vision fondamentale de Jean,
en effet, concerne la figure de l'Agneau, qui est égorgé et pourtant se tient
debout (cf. Ap 5, 6), placé au milieu du trône où Dieu lui-même est déjà assis.
A travers cela, Jean veut tout d'abord nous dire deux choses: la première
est que Jésus, bien que tué par un acte de violence, au lieu de s'effondrer au
sol, se tient paradoxalement bien fermement sur ses pieds, car à travers la
résurrection, il a définitivement vaincu la mort; l'autre est que Jésus,
précisément en tant que mort et ressuscité, participe désormais pleinement au
pouvoir royal et salvifique du Père. Telle est la vision fondamentale.
Jésus, le Fils de Dieu, est sur cette terre un agneau sans défense, blessé,
mort. Toutefois, il se tient droit, il est debout, il se tient devant le trône
de Dieu et participe du pouvoir divin. Il a entre ses mains l'histoire du
monde. Et ainsi, le Voyant veut nous dire: Ayez confiance en Jésus,
n'ayez pas peur des pouvoirs opposés, de la persécution! L'Agneau blessé et
mort vainc! Suivez l'Agneau Jésus, confiez-vous à Jésus, prenez sa route! Même
si dans ce monde, ce n'est qu'un Agneau qui apparaît faible, c'est Lui le
vainqueur!
L'une des principales visions de l'Apocalypse a
pour objet cet Agneau en train d'ouvrir un livre, auparavant fermé par sept
sceaux que personne n'était en mesure de rompre. Jean est même présenté alors
qu'il pleure, car l'on ne trouvait personne digne d'ouvrir le livre et de le
lire (cf. Ap 5, 4). L'histoire reste indéchiffrable, incompréhensible. Personne
ne peut la lire. Ces pleurs de Jean devant le mystère de l'histoire si obscur
expriment peut-être le sentiment des Eglises asiatiques déconcertées par le silence
de Dieu face aux persécutions auxquelles elles étaient exposées à cette époque.
C'est un trouble dans lequel peut bien se refléter notre effroi face aux graves
difficultés, incompréhensions et hostilités dont souffre également l'Eglise
aujourd'hui dans diverses parties du monde. Ce sont des souffrances que
l'Eglise ne mérite certainement pas, de même que Jésus ne mérita pas son
supplice. Celles-ci révèlent cependant la méchanceté de l'homme, lorsqu'il
s'abandonne à l'influence du mal, ainsi que le gouvernement supérieur des
événements de la part de Dieu. Eh bien, seul l'Agneau immolé est en mesure
d'ouvrir le livre scellé et d'en révéler le contenu, de donner un sens à cette
histoire apparemment si souvent absurde. Lui seul peut en tirer les indications
et les enseignements pour la vie des chrétiens, auxquels sa victoire sur la
mort apporte l'annonce et la garantie de la victoire qu'ils obtiendront eux
aussi sans aucun doute. Tout le langage fortement imagé que Jean utilise vise à
offrir ce réconfort.
Au centre des visions que l'Apocalypse
présente, se trouvent également celles très
significatives de la Femme qui accouche d'un Fils, et la vision complémentaire
du Dragon désormais tombé des cieux, mais encore très puissant. Cette Femme
représente Marie, la Mère du Rédempteur, mais elle représente dans le même
temps toute l'Eglise, le Peuple de Dieu de tous les temps, l'Eglise qui, à
toutes les époques, avec une grande douleur, donne toujours à nouveau le jour
au Christ. Et elle est toujours menacée par le pouvoir du Dragon. Elle apparaît
sans défense, faible. Mais alors qu'elle est menacée, persécutée par le Dragon,
elle est également protégée par le réconfort de Dieu. Et à la fin, cette Femme
l'emporte. Ce n'est pas le Dragon qui gagne. Voilà la grande prophétie de ce
livre qui nous donne confiance. La Femme qui souffre dans l'histoire, l'Eglise
qui est persécutée, apparaît à la fin comme une Epouse splendide, figure de la
nouvelle Jérusalem, où il n'y a plus de larmes, ni de pleurs, image du monde transformé,
du nouveau monde, dont la lumière est Dieu lui-même, dont la lampe est
l'Agneau.
C'est pour cette raison que l'Apocalypse de Jean,
bien qu'imprégnée par des références continues aux souffrances, aux
tribulations et aux pleurs - la face obscure de l'histoire -, est tout autant
imprégnée par de fréquents chants de louange, qui représentent comme la face
lumineuse de l'histoire. C'est ainsi, par exemple, que l'on lit la description
d'une foule immense, qui chante presque en criant: "Alléluia! le Seigneur
notre Dieu a pris possession de sa royauté, lui, le Tout-Puissant. Soyons
dans la joie, exultons, rendons-lui gloire, car voici les noces de l'Agneau.
Son épouse a revêtu ses parures" (Ap 19, 6-7). Nous nous trouvons ici face
au paradoxe chrétien typique, selon lequel la souffrance n'est jamais perçue
comme le dernier mot, mais considérée comme un point de passage
vers le bonheur, étant déjà même mystérieusement imprégnée par la joie qui naît
de l'espérance. C'est précisément pour cela que Jean, le Voyant de Patmos, peut
terminer son livre par une ultime aspiration, vibrant d'une attente fervente.
Il invoque la venue définitive du Seigneur: "Viens, Seigneur
Jésus!" (Ap 22, 20). C'est l'une des prières centrales de la chrétienté naissante,
également traduite par saint Paul dans la langue araméenne: "Marana
tha". Et cette prière, "Notre Seigneur, viens!" (1 Co 16,
22), possède plusieurs dimensions. Naturellement, elle est tout d'abord
l'attente de la victoire définitive du Seigneur, de la nouvelle Jérusalem, du
Seigneur qui vient et qui transforme le monde. Mais, dans le même temps, elle
est également une prière eucharistique: "Viens Jésus,
maintenant!". Et Jésus vient, il anticipe son arrivée définitive. Ainsi,
nous disons avec joie au même moment: "Viens maintenant, et viens de
manière définitive!". Cette prière possède également une troisième
signification: "Tu es déjà venu, Seigneur! Nous sommes certains de
ta présence parmi nous. C'est pour nous une expérience joyeuse. Mais viens de
manière définitive!". Et ainsi, avec saint Paul, avec le Voyant de Patmos,
avec la chrétienté naissante, nous prions nous aussi: "Viens,
Jésus! Viens, et transforme le monde! Viens dès aujourd'hui et que la paix
l'emporte!". Amen!
* * *
Je salue cordialement les pèlerins francophones
présents ce matin, en particulier le groupe de jeunes pèlerins cyclistes. Que
le Christ, vainqueur du mal et de la mort, soutienne votre foi et ravive votre
espérance, afin que vous soyez des témoins joyeux de l’Évangile au milieu des
difficultés de ce monde!
© Copyright 2006 - Libreria Editrice Vaticana
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